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Vinicius a toujours attribué la beauté de ce disque à Baden. Il écrivait ainsi : "ces antennes qui relient Baden à Bahia et, par extension, à l'Afrique, lui permettent de réaliser un nouveau syncrétisme : donner une couleur carioca, dans l'esprit du samba moderne, au candomblé afro-brésilien et, dans le même temps, lui donner une dimension plus universelle. Jamais auparavant les thèmes noirs du candomblé n'avaient été traités avec autant de beauté, profondeur et richesse rythmique". Bel éloge...
Il y a cependant quelque chose d'un double sacrilège dans le rapport de celui-ci aux Afro Sambas.
Premier sacrilège, il les ré-enregistra en 1990. En essayant d'y être fidèle à la virgule près. Mais même si on y retrouve aux chœurs, comme en 1966, le Quarteto Em Cy, c'est sans Vinicius bien sûr, qui était mort dix ans plus tôt, que Baden Powell se lança dans ce projet.
L'intention en était peut-être louable, comme il l'expliquait dans les notes de pochette de ce remake des Afro-Sambas.
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J'ai veillé à tout noter sur les partitions - surdo, tambourin, agogô, afoxé, atabaque, et d'autres effets comme les sons de cloche, grelots, les bruits de vagues. Et comme beaucoup connaissent déjà ces musiques, j'ai pris soin de ne pas changer une seule virgule, afin de ne décevoir personne. Ce disque a été refait avec la technologie moderne et il est bien exécuté et bien accordé. Bref, mon objectif est que cette œuvre traverse ce siècle avec dignité ! Il est nécessaire de maintenir un bon niveau de son. Les graves, les aigus, les médiums doivent être fidèles (...), les échos ou la réverbération : fidèles, aussi".
Fidèles... Mais l'esprit pourtant semble s'être évaporé en même temps que le progrès technologique amenait sa haute-fidélité... L'émotion de l'original a disparu. Ce qui était peut-être prévisible en l'absence de Vinicius !
Mais le second sacrilège que commit Baden Powell à l'égard des Afro-Sambas est intervenu quelques années plus tard quand il se convertit à la religion évangélique. Avec pour conséquence qu'en 1999, peu avant de mourir, Baden Powell déclare : " je ne peux plus dire saravá*. Je peux jouer la "Samba da Bênção" mais je ne dis pas saravá car c'est une louange de Satan" ("Não digo mais saravá. Posso tocar o Samba da Bênção, mas não falo saravá, porque é um louvor a Satanás"). Il faut savoir qu'au Brésil si le Catholicisme a longtemps combattu les religions afro-brésiliennes, il est devenu beaucoup plus tolérant. Par pragmatisme probablement, de nombreux fidèles fréquentant les terreiros une fois sortis de l'église. A l'inverse, les nombreuses églises évangélistes font preuve d'une impitoyable intolérance à l'égard des religions afro-brésiliennes, sommant leurs fidèles de ne pas fréquenter d'autres lieux de culte, caricature de monothéisme sectaire.
Dans une interview accordée alors à la Folha de São Paulo, il revenait sur cette conversion et ses conséquences... J'ai donc essayé d'en traduire quelques extraits...
D'où vient le côté afro des Afro-Sambas ?
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Quelle était votre religion à cette époque ?
Baden Powell : Non, non, cela n'a rien à voir. Ca pouvait être n'importe quoi. Vinicius était athée. Il n'y a pas besoin d'être dans la macumba pour jouer de la guitare. Il faut étudier, il ne faut pas croire que j'allais prendre deux bouteilles de bière et sortir jouer de la guitare. Ca ne mènerait nulle part. J'ai toujours eu une sympathie pour tous ces trucs de macumba, de candomblé. Comme tout catholique, non ? De là sont nés les chants que j'ai commencé à faire au berimbau.
J'ai fait un examen avec Guerra Peixe sur un chant grégorien. J'ai vu que cela ressemblait à un chant de sirène. De là vient "Canto de Iemanjá". C'est une image qui existe au Japon, en Chine, depuis plus de dix mille ans. L'Afro-Samba est un style de musique qui existe au Brésil, comme le samba lent, le samba-canção, le samba de carnaval, le samba-choro, le samba-lamento. Ce dernier est lié à l'afro-samba, qui possède ce côté sombre de l'afro, le lamento. Il reste ce stigmate mais nos afro-sambas n'ont rien inventé. Aujourd'hui, je suis en train de faire une nouvelle étude sur les chants grégoriens pour une série de musiques évangéliques.
La dimension afro y sera-t-elle présente d'une manière ou d'une autre ? Votre religion ne l'aime guère...
Baden Powell : Il faut qu'elle y soit. Je n'ai pas de religion.
Vous dîtes pourtant que vous êtes évangélique.
La dimension afro y sera-t-elle présente d'une manière ou d'une autre ? Votre religion ne l'aime guère...
Baden Powell : Il faut qu'elle y soit. Je n'ai pas de religion.
Vous dîtes pourtant que vous êtes évangélique.
Baden Powell : Je suis évangélique. Ma religion est le Christ. La bataille des évangéliques est avec la candomblé lui-même, pas avec la musique. Tu peux jouer tout ce que tu veux...
Pourquoi vous êtes vous converti ?
Baden Powell : Pourquoi ? Tu sais pourquoi je suis devenu évangélique ? Pour en savoir plus. C'est comme quand j'étais à la recherche des afros, je continue à chercher la sagesse. Et quand j'ai atteint un certain point de sagesse, j'ai vu que toutes ces histoires de candomblé étaient un grand mensonge. Et j'ai arrêté.
Baden Powell : Oui, je les enregistrerais. Il n'y en a que quelques uns que je ne peux pas graver. "Samba da Bênção", par exemple. Je ne peux plus dire 'saravá'. Je peux toujours jouer "Samba da Bênção" mais je ne dis pas 'saravá', parce que c'est une louange à Satan.
Est-ce que vous critiquez ceux qui le font ?
Baden Powell : Non, mon fils. Je ne critique pas, non. C'est seulement une question de sagesse. Je ne peux pas faire la louange mais je peux en parler, en discuter. "Berimbau" et "Consolação" sont des afro-sambas, je peux les interpréter. "Canto de Iemanjá", non, ce serait contribuer à une chose fausse. La musique, si elle existe, ce n'est pas un problème. Je peux jouer de la guitare, je peux en parler. Mais c'est juste que je ne peux plus faire des louanges.
Il faut cependant préciser que la conversion de Baden Powell fut tardive. Elle intervint à un moment où il était déjà malade et fragilisé... Il lui attribuait le fait d'avoir pu se débarrasser de sa très longue addiction à l'alcool.
L'ironie de la chose, c'est quand on relit le post-scriptum de la lettre qu'il envoya à l'ingénieur du son français, lors de l'enregistrement de 1990 des Afro-Sambas...
"P.S. : le technicien et moi avons remarqué, dans le dernier morceau, quelques bruits étranges. Ne fais pas attention, rien d'alarmant ! Il s'agit simplement des lamentations d'Exu !"
A vrai dire, je suis désolé en ce jour des dix ans de sa mort, d'avoir évoqué ce sujet qui jette un éclairage peu flatteur sur Baden Powell. Mais j'insiste : cette conversion est trop tardive pour qu'elle soit considérée comme importante au regard de son œuvre de musicien.
Et qu'importe cette conversion, après l'évocation malheureuse de ces sacrilèges, c'est bien Exu qui, aujourd'hui, nous sert d'intermédiaire pour toujours apprécier la musique de Baden Powell. Exu, maître des carrefours, intermédiaire entre les Dieux et les hommes, qui sous son incarnation YouTubesque, nous fait parvenir ces quelques images de la splendeur de Baden Powell. Images de jeunesse qui sont extraites, encore une fois, du film de Pierre Barouh, Saravah, tourné trois ans après la sortie des Afro-Sambas. Dans une ambiance décontractée, sous un nuage de fumée, où on le voit tirer goulûment sur sa cigarette en même temps qu'il joue, Baden Powell y interprète un thème extrait de l'album, le magnifique "Tempo de Amor". Avec lui, au chant, Marcia Souza, un peu en deçà, et quelques percussionnistes. Baden Powell y est intense. Ce sont ces images où il est rayonnant et fiévreux du plaisir de jouer que l'on gardera...
A vrai dire, je suis désolé en ce jour des dix ans de sa mort, d'avoir évoqué ce sujet qui jette un éclairage peu flatteur sur Baden Powell. Mais j'insiste : cette conversion est trop tardive pour qu'elle soit considérée comme importante au regard de son œuvre de musicien.
Et qu'importe cette conversion, après l'évocation malheureuse de ces sacrilèges, c'est bien Exu qui, aujourd'hui, nous sert d'intermédiaire pour toujours apprécier la musique de Baden Powell. Exu, maître des carrefours, intermédiaire entre les Dieux et les hommes, qui sous son incarnation YouTubesque, nous fait parvenir ces quelques images de la splendeur de Baden Powell. Images de jeunesse qui sont extraites, encore une fois, du film de Pierre Barouh, Saravah, tourné trois ans après la sortie des Afro-Sambas. Dans une ambiance décontractée, sous un nuage de fumée, où on le voit tirer goulûment sur sa cigarette en même temps qu'il joue, Baden Powell y interprète un thème extrait de l'album, le magnifique "Tempo de Amor". Avec lui, au chant, Marcia Souza, un peu en deçà, et quelques percussionnistes. Baden Powell y est intense. Ce sont ces images où il est rayonnant et fiévreux du plaisir de jouer que l'on gardera...
*Saravá signifie salut, bénédiction.
Bonjour, j’adore votre blog et votre façon de raconter tout ça. Bravo bonne continuation.
RépondreSupprimer<a href="http://www.aprrednre-guitare.org/>Apprendre la guitare</a>
Merci, c'est un bon encouragement pour continuer.
RépondreSupprimerDe mon côté, j'irai peut-être piocher quelques conseils pour améliorer mon très bof niveau de guitare...
Bonjour, Baden Powell est à mon avis largement sous-estimé par les propres brésiliens. Est-ce parce que il vécut tant d'années en Europe ? Pour moi, c'est un Génie(au sens Africain même)! un talent, une inspiration sans égal, un surdoué de la guitare, un extra-terrestre.A chaque fois que je réecoute parfois a 10 , 20 ans certaine de ses musiques, je reste enchanté: elle n'a pas pris une ride ! Saravah !
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