Criolo était ces derniers jours à Salvador pour rencontrer Ilê Aiyê et tourner un nouveau clip haut en couleurs. Pour l'occasion, Criolo a participé à l'enregistrement d'une nouvelle version de l'hymne d'Ilê Aiyê, "Que Bloco É Esse". Un choix tout à fait de circonstance... En effet, cette rencontre entre le rappeur pauliste d'origine cearense et le plus ancien des blocos afros de Bahia était écrite ! Certes pas dans le "Grand Rouleau" mais, plus prosaïquement, dans les paroles originales du morceau :
Temos cabelo duro é só no black power"
Nous rappellerons que jusqu'alors Kleber Gomes était connu dans les cercles du hip hop de São Paulo sous le nom de Criolo Doido, "Créole Fou", et qu'il vient seulement d'abandonner le "doido" !
Fondé par Vovô en 1974, Ilê Aiyê n'est pas seulement le plus ancien des blocos afros de Salvador, c'est aussi le plus intransigeant. C'est dans le quartier de Liberdade, le plus grand quartier noir d'Amérique du Sud en nombre d'habitants, qu'Ilê Aiyê a vu le jour. Il présente la particularité d'exclure de ses rangs les Blancs et les Métis. Il fut donc accusé de racisme alors que personne ne s'était jusqu'alors offusqué que le club de tennis de Bahia soit resté si longtemps interdit aux Noirs.
A l'origine, la formation devait s'appeler Poder Negro mais la police l'aurait interprété comme une menace. Dans l'impossibilité d'adopter ce nom, Vovô se tourna vers les coquillages, les buzios, cette pratique divinatoire du candomblé, pour en choisir un nouveau. Ce fut donc Ilê Aiyê qui sortit, un nom qui signifie en yoruba maison de Noirs !
Dès l'origine, Ilê Aiyê ne s'est jamais éloigné du candomblé. Il faut dire que la figure vénérée du groupe, sa matriarche, était elle-même une très respectée mãe de santos : Mãe Hilda, mère du fondateur Vovô, à la tête du terreiro Ilê Axé Jitolu.
Ilê Aiyê a toujours eu vocation à réinventer son Afrique mythique, fantasmée, tribale. Et comme tous les blocos afros, il a ses propres couleurs : jaune, rouge et noir. Mais s'il a toujours incarné le combat pour la fierté des populations noires brésiliennes, il s'est fait connaître par la grâce de quelques morceaux popularisés par des vedettes nationales : Gilberto Gil a ainsi chanté "Que Bloco É Esse" et Daniela Mercury, "O Mais Belo dos Belos".
Ilê Aiyê, c'est aussi une armée de percussionnistes, comme on en voit tant à Salvador, et qui en fait une des formations emblématiques du genre. Au point d'en être son volcan ? C'est ce que suggère Criolo dans les paroles qu'il a ajouté au morceau : "o volcão da Bahia é o tambor d'Ilê Aiyê / Hoje a terra vai tremer". "Le volcan de Bahia est le tambour d'Ilê Aiyê, aujourd'hui, la terre va trembler" !
Le clip, réalisé par Ricardo Spencer, est construit autour de cette image. On découvre Criolo partir à la recherche d'Ilê Aiyê. Alors qu'il monte vers la ville haute à bord du funiculaire de Pilar, il remarque que l'alarme vibre. Effectivement comme si la terre tremblait. Il se lance ensuite à la poursuite du son des tambours dans les rues de Liberdade jusqu'à rencontrer le bloco et sa sculpturale chanteuse d'Ilê Aiyê, Iracema Killiane, pour y être accueilli et adopté.
Après vingt ans de carrière dans l'underground, Criolo était la plus belle révélation brésilienne de 2011, porté par son fantastique album Nó na Orelha. Il enchaîne la nouvelle année et d'emblée se trouve au bon endroit pour rendre ce bel hommage au bloco afro le plus radical de Bahia.
Le clip a été présenté samedi 28 janvier lors de la Noite da Beleza Negra, d'Ilê Aiyê, la Nuit de la Beauté Noire, où devait être élue la nouvelle Deusa do Ébano, la Déesse d'Ébène.
Quant à Criolo, il sera de retour à Salvador le 5 février pour donner un concert à la Concha Acústica.