jeudi 31 décembre 2009

Minnie Riperton, une dernière note de douceur pour 2009

Et si nous quittions 2009 sur un plaisir simple, une chanson d'amour ? Un peu de pureté pour se faire pardonner le post scato-vulgaire de la veille.

Le "Lovin' You" de Minnie Riperton sera notre intermède bucolique dans ce monde de brutes.



La vidéo, dans sa simplicité, est aussi l'occasion de revoir cette artiste originale et d'être sous le charme. Car il faut une bonne dose de talent et de sincérité pour que ce genre de chanson ne tombe pas dans le mielleux insupportable.

Petit rappel pour ceux qui ne connaisse pas cette dame... Minnie Riperton n'est pas à proprement parler une chanteuse soul, sa voix est trop atypique. Formée au chant classique (sa voix couvrait cinq octaves), elle se destinait à l'opéra avant que son goût pour le rock et la soul ne l'en détourne. Avant d'entamer une carrière solo, elle fut membre du groupe de soul psyché Rotary Connection, produit par Charles Stepney ("I Am the Black Gold of the Sun" demeurant pour moi leur meilleure réalisation). La voix de Minnie introduit la note lyrique qui donne sa couleur si particulière à leur musique.

"Lovin' You", enregistré en 1974, fut le plus grand succès de Minnie Riperton. Il est vrai que sa carrière fut brève, Minnie ayant été emportée par un cancer du sein à 31 ans à peine. En 1979. Cette année fut donc le trentenaire de sa disparition, ce qui justifie amplement ce choix pour terminer 2009 sur cette touche émouvante.

Pour l'anecdote, la mélodie de ce morceau servait, paraît-il, pour endormir sa fille Maya, afin que Minnie et son mari puissent profiter d'un moment ensemble.

En France, la Pantalonnade se porte "brune"

Pantalonnades n°7 et n°8

Arrive la fin d'année, le moment est venu de décerner la Pantalonnade d'Or 2009. La lutte fut rude, les candidats au titre s'étant particulièrement surpassés ces dernières semaines. Autant évoquer les épisodes précédents sous la forme d'une brochette tant cela nous semble émettre sur une même longueur d'onde. On a ainsi constaté que, dans notre pays, la tendance est au brun. Après la vague de sinistre mémoire des "chemises brunes", voici l'heure des pantalonnades "brunes". D'un coup, les relents nauséabonds qui en émanent devraient nous inciter à ne pas en rire. Pourtant, pareille ridicule accumulation, pareille insistance à agiter le bâton merdeux nous font incliner vers le comique de répétition.

J'ai le souvenir d'une sale blague de Vuillemin où quelque capitaine de navire demande qu'on lui donne son pantalon brun, pour ne pas que ses troupes remarquent s'il se faisait dessus lors de l'abordage.

"Hardi, matelots ! Montrons à ces chiens d'Anglais ce que valent les corsaires du Roy ! La partie risque d'être rude ! Je ne veux pas que le combat s'arrête si vous me voyez blessé ! Qu'on m'apporte donc ma chemise rouge!"

Pantalonnade n°7
Avant cette tendance lourde, on pourrait aussi toucher un mot sur ces esprits bien-pensants qui se sont vautrés dans le blâme de l'équipe de France après son barrage contre l'Irlande et la fameuse main de Thierry Henry. Des donneurs de leçons qui s'estiment curieusement en position de jeter la première pierre. Jacques Attali en oubliait ses casseroles, plagiats divers pour ses ouvrages et dépenses somptuaires dans sa gestion de la BERD, pour exiger que le malfrat soit privé de Coupe du Monde. Christophe Dechavanne négligeait sa vaste entreprise de fond depuis plus de vingt ans, visant rien moins qu'à servir les foyers en âneries télévisuelles en tous genres, sa vaste entreprise d'abrutissement des esprits, et reprenait ses airs de bourgeois bordelais ne sachant plus quelles valeurs transmettre à son fils devant pareille tricherie, et lançait même une pétition ! Grandiose pantalonnade de l'inutile et du faux-derche...

Pour notre trophée du rire jaune, la Pantalonnade d'Or, Eric Besson est hors-catégorie et, pour le coup, fait plutôt froid dans le dos. Mais ses acolytes rivalisent...

Pantalonnade n°8
Brice Hortefeux et ses Auvergnats "petits et rablés", Nadine Morano et ses casquettes en verlan, Henri Guaino et son cynisme, capable de déclarer que ce débat sur l'identité nationale est là pour éviter que des catégories de personnes se dressent les unes contre les autres (Le Figaro, 23/12). Malgré ces interventions de haut vol, la Pantalonnade d'Or de l'année me semble tout droit filer vers le caporal bas de plafond, Eric Raoult...

Qu'un homme politique ait seulement pu penser un seul instant qu'un écrivain devrait se soumettre à un "devoir de réserve" dès lors qu'il reçoit le Prix Goncourt me semble incroyable, tant c'est confondant de bétise. Mais voilà, il y en a bel et bien un qui l'a pensé et qui l'a dit haut et fort. Eric Raoult est celui-là. L'écrivain visé est Marie N'Diaye qui avait, quelques mois plus tôt, déclaré que la France de Sarkozy lui semblait "monstrueuse". Des propos qu'Alain Finkielkraut a qualifié d' "ivrognerie verbale" mais c'est toi qui l'as dis, c'est toi qui l'est, mon gars. Raoult a fait très fort, d'une pierre deux coups : combiner à la fois racisme primaire et mépris de la liberté d'expression. A droite, on notera au moins la réaction de Jean-François Probst, qui dit à propos de cette sortie, "c'est comme si, au Siècle des Lumières, on disait 'Voltaire, ferme ta gueule'!"

samedi 19 décembre 2009

Lack of Afro, Automne et nostalgie Motown


Même si depuis quelques jours, les températures semblent polaires, c'est l'automne qui se termine. Petit retour sur ce qui fut la bande-son de la saison, un de ses albums les plus régulièrement écoutés. De l'automne, elle semble cultiver la nostalgie douce-amère, tout en étant intrinsèquement de son temps : il s'agit du tout nouvel album de Lack Of Afro, My Groove Your Move (Freestyle Records).

Sans que ce soit particulèrement une caractéristique nationale, les Anglais continuent de nous sortir quelques multi-instrumentistes inspirés par la palette du groove sous toutes ses nuances, après Will Holland, aka Quantic, voici maintenant Adam Gibbons, alias Lack Of Afro. En effet, s'il n'est pas le seul à jouer, comme la pochette pourrait à tort le laisser croire, Adam Gibbons touche assez brillamment un peu à tout (claviers, percus, saxos...).

Notre gaillard puise à la bonne source des sons funk et soul vintage, tout en étant les deux pieds dans son temps. Son premier album Press On, en 2007, avait été célébré par le magazine iDJ comme "one of the greatest albums of the modern funk era". Ce nouvel essai My Groove Your Move se situe sur le même terrain et s'approprie avec brio le territoire. Au rayon du funk, un titre imparable, "Mo' Filth". Littéralement "plus de crasse", un prolongement au "Pure Filth", présent sur le premier album. On est là dans l'esprit du funk, ses eaux troubles, cet ancrage est accentué par le méchant fuzz de la basse, et peu importe après que ce soit en partie des machines qui "jouent".

Lack Of Afro, "Mo' Filth", My Groove, Your Move (2009)

Pareil exercice est nécessairement œuvre de culture, il faut savoir manier les références avec bon goût. D'où, pour l'auditeur, la possibilité d'appréhender l'œuvre comme un quizz testant sa propre culture. Mais la réussite d'Adam Gibbons tient dans ce que la musique ainsi créée n'est pas sans âme ni émotion. Outre les sons, ici l'émotion passe par l'utilisation d'extraits d'entretiens avec des acteurs de l'âge d'or de ces musiques. Ces voix parlent du passé, se remémorent telle ou telle anecdote, avec la nostalgie de ce qui semble déjà loin. Ici, ce sont les Funk Brothers de la Motown qui se souviennent... Notamment sur le titre "Together at last". Il y est question du riff de guitare de "My Girl", le classique de Smokey Robinson, popularisé par les Temptations. C'est donc probablement Robert White, son auteur, qui glisse ce commentaire : "that's probably one of the more recognizible guitar licks and when I originally played it 27 years ago I didn't think much about it, only that it worked. In the small confine of studio A, myself and the rest of the musicians didn't realized the impact we had on the rest of the world". (Détail sans grand intérêt : la sortie de "My Girl" par les Temptations datant de 1964, on serait donc tenter de déduire que les paroles de Robert White furent enregistrées aux alentours de 1991...)

La vidéo ci-dessous ne joue pas sur la nostalgie, bien que ce soit des images d'archives vintage qui l'illustrent, extraites de la mythique émission Soul Train. Au contraire, c'est le côté festif qui ressort : ce festival de danseurs et danseuses en afro et pattes d'éph' qui nous régalent des pas les plus funkallègres et joyeux qui soient...


Mais on connaît l'histoire de Motown, son cinquantenaire nous aura donné quelques occasions de la revisiter. On sait que Berry Gordy, avant que l'industrie automobile ne le fasse à son tour, délocalisa son entreprise. Quelque temps après l'ouverture de locaux à Los Angeles, ce furent ceux de Détroit qui furent fermés. Aussi l'album de Lack of Afro se conclut-il sur ce dernier témoignage d'un des Funk Brothers racontant comment, un jour, ils se retrouvèrent devant une porte close, celle du fameux Studio A, au 2648 West Grand Boulevard : "So one day we walked to the studio and we were supposed to record. There was a big sign that was saying "there won't be no work today in here". Oh, what a break. I suppose they were just looking for a new sound, I suppose... So we just get back to what we were usually doin', that was playin' the clubs around the city, playing our blues, playing our jazz. That's the way it ended". On ressent encore aujourd'hui le dépit du type, même s'il essaie de faire bonne figure...

Avec humilité, sans prétention mais avec émotion, Lack of Afro a su nous entraîner dans son groove, à nous maintenant, il faut qu'on s'move... Le Dr. Funkathus élit donc My Groove Your Movev Album de l'Automne 2009, à l'unanimité de sa seule voix. ...

Petit bonus à signaler : sa mixtape, de Sly aux Noisettes, mise en ligne (en téléchargement) sur le site de Vibrations.

Lu-Fuki ya Kongo, ou la Malédiction de l'Article 15

GdF #3.8 et #4.1
(mai et septembre 2009)
Goutte de Funk @Divergence-FM (Montpellier 93.9 et www.divergence-fm.org)

Enfin mis en ligne !!!

Play-List :
Docteur Nico & African Fiesta, "Kiboloso", Eternel Docteur Nico 1963-1965
Staff Benda Bilili, "Je T'aime", Très Très Fort (2009)
Papa Wemba Et Viva La Musica, "Zonga Zonga", Congo 70 - Rumba Rock
Isaac Pedro Et OK Jazz, "Si tu bois beaucoup", African Pearls 1 : Congo - Rumba on the River (1962)
Docteur Nico & Rochereau Et African Fiesta, "Paquita", African Pearls 1 : Congo - Rumba on the River (1965)
Docteur Nico & African Fiesta, "Me voy a cantar", Eternel Docteur Nico 1963-1965
Docteur Nico & African Fiesta, "Tu m'as déçu Chouchou", Congo 70 - Rumba Rock (1969)
Grand Kalle Et African Jazz, "Indépendance Cha Cha", African Pearls 1 : Congo - Rumba on the River (1960)
Depiano & Beguin Band, "Gouvernement Ya Kongo", Ngoma (Souvenir Ya L'Indépendance) (1961)
Franco Et OK Jazz, "Grupo OK Jazz", African Pearls 1 : Congo - Rumba on the River (1959)
Tabu Ley Rochereau & L'Orchestre Afrisa, "Sebene - 182" (1973)
Tabu Ley Rochereau, "Aon Aon", The Voice Of Lightness (1973)
Trio Madjesi, "8e Round Interview (Saak Saakul)", African 91.162 (Madjesi SOS28)
Trio Madjesi & Orchestre Sosoliso, "Sex Madjesi", Congo 70 - Rumba Rock
Bavon Marie Marie & Négros Succès, "Libangana Libumu", Congo 70 - Rumba Rock


Depuis que Goutte de Funk a vu le jour et a commencé à s'écouler sur les ondes depuis Divergence, il était inscrit que nous plongerions un jour vers cette source authentique du funk, le Congo. Mais si c'était effectivement planifié depuis l'origine du projet Goutte de Funk, cette célébration ne pouvait plus attendre : après tout, la plus authentique des sensations de cette année 2009 est la sortie de l'album du Staff Benda Bilili, lequel Staff, après avoir enflammé la Fiesta des Suds marseillaise, sera prochainement au Rockstore. Pour donner une idée de ce qui nous attend, signalons que, l'été dernier, l'organisateur des Eurockéennes de Belfort regrettait de ne pas les avoir programmés sur la scène principale tant ils ont cassé la baraque.

Avant l'accueil médiatique enthousiaste réservé à ce groupe étonnant, le terrain a été au préalable balisé par une série de compilations qui rendent à la rumba congolaise toute sa gloire et son éclat, citons celles de la série African Pearls, initiée par Ibrahim Sylla, ou celles de Stern's consacrées à Rochereau et Franco, exemplaires. Sans parler du son tradi-moderne remis au goût du jour par la série Congotronics de Vincent Kenis et ayant trouvé des adeptes, avec le projet CongopunQ de Cyril Atef, ou les Américains de Nomo, sans parler de Björk, qui invita Konono n°1 sur son album Volta. Mais du tradi-moderne, il sera question dans une autre émission. Ce soir, c'est rumba...


En guise d'introduction à notre périple du jour, "Kiboloso", un titre du Docteur Nico que j'ai cherché pendant des années. Un morceau qui sonne comme une démo, pas franchement abouti, mais dont justement la spontanéité le rend imparable. J'avais à l'époque (il y a une bonne vingtaine d'années) enregistré l'album sur une cassette, la dite cassette ayant tourné en boucle sur de multiples magnétos a fini par quasiment rendre l'âme... Et là, récemment, miracle de la serendipity du web, le soir même où je commençais à plancher sur ce projet d'émission, je tombe miraculeusement dessus via le blog Global Groovers. Il s'agit d'un album des années 1963-65, de la collection Merveilles du Passé, intitulé Eternel Docteur Nico (ici).



La Source du funk

A tous les amateurs de James, George, Sly, Michael, sachez donc que le Funk trouve sa source au Congo. Nous avons suffisamment expliqué que la vocation de la Goutte de Funk mensuelle de Divergence est de débusquer l'esprit plus que la lettre du funk. D'où la rumba et son sébène au menu de ce jour. Et question groove, vous n'allez pas faire le voyage musical pour rien, le Dr. Funkathus s'en porte caution. Pour la rumba, préparez la petite serviette pour éponger votre front de danseur endiablé, préparez une bonne bière en guise de rafraîchissement, même si elle est un peu tiède, et montez le son.

Pour nous accompagner dans cette première exploration des musiques congolaises, nous avons convié François Bensignor à nous donner quelques clés pour comprendre les subtilités de cet art contagieux afin d'en mieux goûter les vertus. S'il est une des plumes de référence des musiques du Monde en France, l'auteur du livre Sons d'Afrique et du Guide Totem des Musiques du Monde (ouvrage auquel votre humble serviteur a collaboré sous sa direction), ou encore le réalisateur du documentaire Papa Wemba Fula Ngenge, c'est avant tout au passionné de rumba que nous nous adresserons ce soir... (J'essaierai prochainement de mettre en ligne sa version audio.)

Lu-Fuki, sous l'aisselle des anciens
Le funk viendrait donc du Congo ? C'est ce que l'étymologie du terme semble, en effet, indiquer selon Robert Farris Thompson, le grand historien de l'Art africaniste. Dans son ouvrage célèbre Flash of the Spirit, il montre combien l'apport africain est présent dans ce qui caractérise l'essence de la culture noire américaine, et par extension l'ensemble de la culture populaire américaine : le cool vient du yoruba, le hip du wolof et le funk du ki-kongo, comme nous le verrons ce soir.


Selon Farris Thompson, le funk dériverait du terme lu-fuki, qui signifie littéralement forte odeur corporelle mais dont le sens n'est pas négatif. La notion de "choc des civilisations" est une erreur coupable qui nous a mis dans une belle merde ces dernières années. A l'inverse, il existe bel et bien un frottement des civilisations. Ainsi, insistons sur le fait que le développement du funk aux Etats-Unis révélait un rapport fondamentalement différent au corps que celui de mise dans les sociétés occidentales et anglo-saxonnes. Le funk, et sa sueur étymologique, témoigne d'une conception africaine plus simple et décomplexée, comme en témoigne le rapport aux odeurs corporelles. Aux Etats-Unis, elles doivent être purement et simplement effacées. Dans le funk, on est comme on est : l'important est d'être bien dans sa peau, même quand on sue, même quand on pue.

La notion de lu-fuki insiste également sur la notion très africaine du respect dû aux anciens. Il est considéré que l'odeur corporelle des anciens est plus forte, mais elle est aussi perçue comme une énergie positive émanant de leur personne. Les plus jeunes iront donc chercher comme une forme de "bénédiction" auprès d'eux, dans le creux de leur odeur. On dira donc (pour faire un jeu de mot facile mais qui fait sens) que les anciens ne les prennent pas seulement sous leur aile, mais littéralement sous leur aisselle. On rendra hommage aux aînés en déclarant : "yati, nkwa lu-fuki ! Ve miela miami ikwenda baki" (c'est-à-dire : voici une personne très funky, mon âme se tend vers elle pour qu'elle me bénisse) (p. 104). Comme le dit un proverbe lingala, "zóba libosó, mayélé na nsima" , qui se traduirait par notre classique : "la sagesse vient avec l'âge".

Le Très très fort chant d'amour des parias de Kinshasa
L'album Très Très Fort du Staff Benda Bilili est un bienfait musical inouïe, prodiguant émotion et réconfort. Il a été réalisé in situ, avec les moyens du bord. Le soir, dans le parc zoologique de Kinshasa, à la belle étoile. Vincent Kenis l'a enregistré avec son Mac et quelques vieux micros, dont un ayant servi à Brel ! Un son terrible qui a du grain, qui met du funk dans la rumba. Le son de la seule basse, à plat, quasi pas amplifiée, est déjà une leçon de groove. J'avais découvert le Staff Benda Bilili en voyant La Danse de Jupiter, le doc de Renaud Barret et Florent de La Tulaye. Tous polios, arpentant la ville dans leurs vélomoteur-tricycles customisés façon lowrider, ils crevaient déjà l'écran de leur présence. Des vieillards pour un pays où l'espérance de vie ne dépasse pas les 47 ans, alors que Ricky, le leader, en a déjà 57.

Plus tard, j'ai grave kiffé la vidéo de leur interprétation de "Je t'aime", leur "Sex Machine", quand je l'ai découverte sur internet :


On y retrouvait celui qui m'avait fasciné dans La Danse de Jupiter : un gamin qui grattait un instrument de fortune, bricolé par ses soins. Le regard dans le vague, d'une intense gravité, le môme tirait d'incroyables solos de sa seule corde.


Je constatais ensuite que ce jeune, Roger Landu, un "shégué", un de ces innombrables enfants des rues, avait rejoint le groupe. Yann Plougastel, pour Le Monde 2 (11 avril 2009), avait consacré un reportage à ce Staff de Kinshasa. Il décrivait assez bien l'intégration de Roger dans le son du groupe : "lorsqu'il eut l'idée d'électrifier son satongué, ce fut comme si Jimi Hendrix débarquait au milieu de l'équivalent congolais du Buena Vista Social Club". Rencontré à cette occasion, Roger racontait au journaliste sa vie de misère : "j'en ai assez de vivre dans ce ghetto, de crever de faim. Le Congo est un pays où l'on souffre sans cesse. J'ai besoin d'une vie meilleure, vraiment meilleure. Je joue de la musique pour obtenir quelque chose plus tard. Je travaille la musique sans frontière, l'international blues. Musicien, c'est un métier, pas un jeu...". Pour autant, avoir été adopté par ces anciens fut pour lui une opportunité de rêve. Il a pu bénéficier de leur lu-fuki pour s'épanouir comme musicien et nul doute qu'il saura saisir sa chance tant est grand son talent. Il n'est qu'à voir comment il s'approprie l'espace qui lui est donné pour balancer des solos qui déchirent. Comme le dit Vincent Kenis, à propos de la boîte de conserve qui lui sert d'instrument, "pour faire une mélodie à partir de ça, il faut vraiment avoir une oreille". Nul doute que les pointures de la pop mondiale éclairée vont se l'arracher, Damon Albarn en tête...

Le Cœur de l'Afrique
Le Congo, c'est le cœur de l'Afrique, sous la plume de Joseph Conrad, son "cœur des ténèbres" , quand la carte du Monde était encore incomplète, avec ses enclaves de terra incognita que les explorations de Livingstone (et autres...) cherchaient à combler. Le Congo, c'est aussi une fascination particulière dans l'imaginaire collectif. Une part de l'Afrique la plus profonde et la plus fantasmée : quelque part entre la réalité ethnologique des Pygmées et le racisme fondamental de Tarzan. Quelque part entre les massacres de civils dans le Kivu et l'Ituri et la grâce d'une des plus belles musiques que nous ait laissé le vingtième siècle : la rumba congolaise, dont la douceur mélodique et l'aisance rythmique ne peuvent que rendre la vie plus belle.

Certaines provinces de la République Démocratique du Congo, l’Ituri et le Kivu, par exemple, sont encore le théâtre des pires actes qui puissent s'imaginer sur cette Terre. On lisait, il y a quelques années seulement, dans Le Monde, que, dans l'Ituri, des soldats du Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba s'étaient livrés à une véritable chasse à l'homme dans la grande forêt congolaise. Le témoignage d'une femme pygmée nous donnait des hauts-le-cœur : "Au retour de la chasse, mon mari a vu ces soldats qui découpaient sa mère, son frère, sa soeur et deux enfants. Ensuite, les soldats ont commencé à griller des morceaux. Il pouvait sentir l'odeur. Puis ils ont boucané le reste et l'ont emporté. Les soldats disent que manger de la viande de Pygmée ou boire du sang rend fort, très fort."

Pourtant, le Congo, c'est bien autre chose, une richesse culturelle qui vaut plus que celle de son sol et que la plume de Francis Dordor résumait avec sa finesse habituelle : "Ceux qui en connaissent sommairement l’histoire moderne ou l’actualité brûlante savent que le Congo n’est pas exactement une destination recherchée. D’y surprendre musique si onctueuse fait partie de ces petites choses qui, malgré tout, contribuent à nous faire croire encore en l’homme".

Outre sa réalité, le Congo s'est aussi implanté dans nos imaginaires par ses diasporas américaines, réelles ou mythiques. Nous en donnerons ici un seul exemple : Congo Square, cette place de la Nouvelle Orléans, qui était, aux temps de l'esclavage, le seul espace de liberté où les tam-tams étaient autorisés. D'ailleurs, nous ne devrions pas dire tam-tam (mot d'origine asiatique) mais ngoma. Le ngoma, c'est le tambour dans de nombreuses langues d'Afrique Centrale. Olivier Sangi Lutondo, de l'Institut des Arts de Kinshasa, souhaiterait même que le terme soit reconnu par l'Académie Française ("Vie, Sacralité et Valeur des Ngoma africains, cas des Cokwe : Piste pour de nouvelles conservations", in Itinéraires et Convergences des Musiques Traditionnelles et Modernes d'Afrique, p. 409). Sans être mauvaise langue, j'ai comme dans l'idée qu'il n'aurait pas fallu compter sur Maurice Druon pour encourager la requête...

Histoire et Politique : Mobutu et l'authenticité zaïroise...
Le Congo dont il est question ce soir est celui qui a pour capitale Kinshasa. Pour éviter la confusion, rappelons que sur l'autre rive du fleuve Congo, se trouve les voisins de la République du Congo, dont la capitale est Brazzaville. D'où la distinction faite parfois entre les deux pays par l'appelation Congo-Kinshasa et Congo-Brazzaville. Signalons encore la déplorable habitude française de nos préfectures d'accoler sur les cartes de séjour des citoyens congolais de l'ancien Zaïre la mention CB, pour Congo Belge. Comme quoi, le colonialisme est encore ancré dans nos mentalités. S'en étonnera-t-on en repensant au nauséabond discours de Dakar de notre président ?

Rien que pour cette raison, il ne faut surtout pas censurer Tintin au Congo. Au titre du devoir de mémoire, il importe de se rappeler comment étaient présentés les Africains au cœur du XXème siècle, dans notre civilisation du Progrès. Ce serait se donner bonne conscience à peu de frais que de retirer de la vente l'ouvrage d'Hergé.

Quand on parcourt les événements ayant marqué ce pays tout au long du XXème siècle, comment peut-on oser dire que l'homme africain n'est pas "assez rentré dans l'Histoire". Celle du Congo, fut-elle violente, est d'une réelle complexité politique. Ainsi, depuis l'indépendance de 1960, le pays a changé plusieurs fois de nom (et déjà cinq fois de drapeau) pour s'appeler successivement :
République du Congo-Léopoldville (1960-1963)
Congo-Kinshasa (1963-1971)
Zaïre (1971-1997)
République Démocratique du Congo (depuis 1997)

Ce grand pays, fier de sa culture, devrait être riche, à l'image de son sol, renfermant les plus incroyables réserves de minerai, lesquelles ne profitent malheureusement pas à la population. La corruption et les conflits l'ont mis dans un état de délabrement unique.


Si l'histoire de l'indépendance congolaise a son martyr, Patrice Lumumba, nul doute que la figure ayant le plus marqué la vie politique du pays est Mobutu. Alors que Joseph Kasavubu est le premier président à l'indépendance (malgré que le MNC, Mouvement National Congolais, parti fondé par Lumumba ait obtenu plus de voix aux élections), en 1960, Joseph-Désiré Mobutu qui accède au pouvoir par le biais d'un coup d'Etat le 24 novembre 1965, pour s'y maintenir trente ans durant.

Un des phénomènes les plus marquants de son règne est la campagne de "zaïrianisation" entreprise au début des années 70, avec la volonté d'un "recours à l'authenticité", une démarche assez semblable à celle initiée en Guinée par Sékou Touré.

Le 27 octobre 1971, le pays devient Zaïre. Symboliquement, on supprime les prénoms chrétiens, comme gage d'une nouvelle naissance, d'une nouvelle identité des Congolais. On accole donc un "post-nom". Le "souverain" montre la voie. Joseph-Désiré Mobutu devient ainsi Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Wa za Banga, ce qui signifie "le coq qui va de conquête en conquête sans avoir peur".

Ce n'est pas sans entraîner de grosses complications administratives : favorise la fraude car tous les noms n'apparaissent pas systématiquement dans tous les documents administratifs. Mais surtout, l'authenticité s'accompagne de problèmes identitaires.

Derrière la légitimité de la campagne, s'émanciper des temps coloniaux et leur endoctrinement, on a pourtant l'impression que le régime navigue à vue. Comme l'illustre la règle des "trois ni" : officiellement, le Zaïre de mobutu n'est "ni à gauche, ni à droite, ni même au centre". Après tout, pourquoi vouloir décalquer une vision politique qui corresponde à notre échiquier alors que la réalité est autre en Afrique. Il n'empêche, à cause de ces "trois ni", certains ironiseront sur "l'inexistence" du Zaïre sur la scène diplomatique (cf. Jean-Jacques Arthur Malu-Malu, Le Congo Kinshasa).

Il n'aura échappé à personne que mobutisme rime avec jusqu'au-boutisme et on ne s'étonnera pas que les trente ans de son règle aient finalement laissés le pays exsangue, ruiné par la corruption. A titre indicatif, à sa mort sa fortune personnelle est estimée entre 5 et 6 milliards de $, tandis que la dette qu'il laisse au pays est de 13 milliards !

Le grand pays est ruiné, il n'est plus, pour reprendre un proverbe lingala, que "mbwá ya makeléle míngi akoswáka té", c'est-à-dire "le chien qui aboie, ne mord pas" (oui, vous avez bien lu, en ligala, "makélélé" se traduirait par "bruit"). Autrement dit, il n'effraie plus ses petits voisins. Pour renverser Mobutu, en 1997, Laurent-Désiré Kabila s'appuie même sur une coalition ougando-rwandaise (c'est d'ailleurs depuis cet épisode que des factions rebelles massacrent des populations civiles dans les provinces de l'Est du pays).

C'est tout l'orgueil du pays qui en prend un coup, lui le grand, manipulé par ses petits voisins. C'est encore plus mal vécu par les Kinois. En effet, Kabila préfère utiliser le kiswahili, voire l'anglais, plutôt que le lingala, ou même que le français. Il place des "Congolais de la diaspora", des "américains", à des postes clés.

En août 1997, il est décrété que la RDC pratique une "économie sociale de marché", ce qui à l'image des "trois ni" de Mobutu continue d'entretenir un certain flou sur la direction donnée au pays. Il n'empêche la situation est telle que, dans le préambule du "programme triennal minimum", un texte officiel donc, il est déclaré : "la RDC est un pays ruiné où tout est à reconstruire et même tout ce qui a été fait est à refaire".

Et quand la Constitution n'a plus court, ne demeure pour les Kinois et les Congolais que l'impératif Article 15, né des nécessités de la rue : en gros, "quand t'es dans la merde, débrouille-toi". L'Article 15 est souvent le guide de survie, la seule loi, de toute une population livrée à elle-même. Apparue dans les années cinquante, l'expression viendrait du scoutisme. Selon Crispin-Régis Ludoki, ancien louveteau et scout de l'unité Saint-Mathieu, à Mbanza-Ngungu (anciennement Thysville), "l'article 15 est juste le 15ème article des boy scouts qui invite les patrouilles perdues dans la jungle à se débrouiller (en cas de perte de communication avec les autres patrouilles, l'article 15 des scouts dit textuellement : "débrouillez-vous"). C'est là l'origine de cette expressions devenue courante au Congo".

Et si l'Article 15 est la description la plus fidèles qui soit de la réalité congolaise contemporaine, notre projet d'émission, je dois bien vous l'avouer, a lui aussi été placé sous le signe de l'Article 15, à une échelle moindre, celle privilégiée d'un pays développé. N'empêche. En mai dernier, le jour de la diffusion prévue, l'émetteur de Divergence tombait en panne. Nous condamnant à la seule diffusion via le net. Sans FM, plus d'auditeurs. Dans l'ambiance décontractée et spontanée de l'enregistrement d'autres soucis techniques vinrent se greffer, sans altérer cependant l'enthousiasme du Dr. Funkathus. Rendez-vous était néanmoins pris le mois suivant pour la refaire sur la FM, la musique congolaise méritant la plus large audience (du moins celle que peut offrir Divergence sur le bassin montpelliérain) et clore la saison sur un air de rumba. Las, la radio se lançait dans une inédite campagne de soutien afin de récolter des fonds et suspendait pour le mois sa grille des programmes. Retour en septembre. Cette fois-ci, c'est la voiture du technicien, au moteur noyé par les pluies torrentielles de saison, qui nous abandonne. Heureusement, Gilles, notre directeur qui mouille le maillot, assura l'interim au pied levé !

Les origines de la rumba et l'influence afro-cubaine
La rumba congolaise est une musique urbaine. Le début du XXe siècle a vu l'apparition d'une musique semi-moderne au Congo. La musique congolaise moderne voit sa gestation remonter aux années trente. Mais c'est aux débuts des années cinquante que les influences étrangères afro-cubaines vont donner naissance à la si particulière rumba congolaise. Son originalité, par rapport au modèle afro-cubain, réside notamment dans le fait que c'est la guitare qui tient la vedette. Laissons la parole à Dordor qui, dans Les Inrocks (23 février 2009), résume les faits :

"Tous les manuels scolaires vous le diront : la grande affaire de la musique moderne congolaise, c’est la rumba. Qui, contrairement aux apparences n’est pas une stricte adaptation d’un genre homonyme notoirement cubain, ni de ses variantes mambo et cha cha cha. Plutôt la résurgence d’une racine musicale sur sa terre d’origine, lorsque les premiers disques d’Orchestra Aragon et du Trio Matamoros se mirent à inonder les grandes villes ouest africaines.
Outre la langue, le plus souvent le lingala, l’élément qui distingue la Congolaise de sa cousine caribéenne, c’est la guitare. Celle-ci, d’abord désignée en tant que «guitare katangaise» puis «zaïroise», se mit à régner sur toute l’Afrique à partir des années 60. Tous les groupes fondés à l’époque l’auront été le plus souvent autour de virtuoses transposant sur des instruments acoustiques bricolés, puis sur des Gibson SG importées par les studios, la technique et les modes propres au likembé, le lamellophone des régions forestières.
L’essor de la guitare zaïroise fut considérable et fit de la rumba le genre panafricain par excellence. Tous les musiciens du continent voulaient s’en approprier les particularités esthétiques, cette fluidité phénoménale, cette maîtrise technique du finger picking renversante, ce parfait équilibre entre rythme et trame mélodique. Curieusement, elle mit aussi à contribution d’éminents musicologues, conscients d’avoir affaire à l’une de ces manifestations spontanées du génie humain dont l’Afrique a le secret. Comme John Low, qui compara le jeu de Mwenda Jean Bosco, premier de la lignée, à une chorégraphie. « Le morceau peut être regardé » disait-il. En effet, rarement instrument aura produit une telle sensation de voltige sonore, comme un ballet de libellules phosphorescentes au clair de lune."

Cette "voltige sonore", ce "roulis charnel des guitares", pour reprendre l'expression de Sylvain Bemba (Cinquante ans de musique du Congo-Zaïre, Ed. Présence Africaine, p. 93) trouve a s'exprimer en un point culminant, lors du sébène que nous présenterons un peu plus avant. Mais, même hormis ce moment clé, ce sont les grands guitaristes qui ont marqué le développement de la rumba. Il y eut Henri Bowane, qui accompagnait Wendo. Il y eut Zacharie Elenga, dit Jhymmy Hawaïen, qui comme son surnom l'indique a développé un style de jeu inspiré de la guitare hawaïenne : "Jhymmy a eu l'ingénieuse astuce de régler d'un demi-ton la mi-chanterelle, la cinquième et la sixième (mi-bourdon) cordes de sa guitare". Il en résultait, quand il jouait de sa guitare ainsi accordée, des sonorités extraordinaires et envoûtantes et, sur la piste véritablement en ébulition, des "contorsions des corps" proches de l'hystérie" (Itinéraires et Convergences, p. 75).
Il y eut Franco, "sorcier des guitares". Il y en eut bien d'autres, des Dino Vangu, des Papa Noël (côté Brazza, celui-là)...

Il y eut aussi le Docteur Nico, que nous écoutions en introduction. Sur cet album, une réédition de ses morceaux des années 63-65, si nous prenions le temps de lire les notes de pochette nous comprendrions bien l'importance incroyable qu'il a pu exercer sur la musique congolaise de son temps, que dis-je : sur la musique internationale d'hier, aujourd'hui et demain... Ecoutez-ça :
"Technicien remarquable de la guitare (il utilisait au moins les six cordes sinon tous les registres dans un morceau), mélodiste des plus inspirés et des plus délicats (il exécutait toujours différemment une même œuvre et pénétrait un studio d'enregistrement avec un son nouveau), sa carrière dans l'African-Jazz (1953-1960, 1962-1963), l'African-Jazz-Nico (1961), l'African Fiesta (1963-1965), l'African-Fiesta-Sukisa (1966-1973), ne fut que créativité : portamento, trémolo, vibrato, chromatismes de guitare dans la musique africaine moderne, c'est lui - les mordants (ces petits ornements mélodiques pendant ou après chaque passage de chant), c'est lui - les sons "Likembé" (appelé à tort "sanza"), balafon piano, reproduit à la guitare sans artifice ni accessoires, c'est toujours lui - la guitare hawaïenne, de laquelle sortit des sons inédits aujourd'hui assimilable à ceux de l'orgue-synthétiseur, c'est encore lui - la guitare d'accompagnement dite "Mi-composé", création originale de Mwamba Déchaud, le plus grand accompagnateur de l'histoire de notre musique, c'est avec lui. C'est lui qui découvrit en 1960 la meilleure sonorité de base des guitaristes de la planète.
Entré vivant dans la légende, les attaques et les résonances de la guitare n'avaient aucun secret pour lui. Il sut restituer à cet instrument son âme, lui rendre tout son caractère émotionnel. La guitare de Nico chante, pleure, rit. Elle remplit parfaitement toutes les fonctions de l'orchestre. Des basses aux riffs de cuivres elle embrasse tout le spectre sonore. Toucher raffiné, jeu limpide, les improvisations sont d'une parfaite logique harmonique et semblent bâties avec le consentement de l'éternité. Sonorité riche et bien timbrée, le verbe, tendre, percutant, musclé et lyrique balance joyeusement, simplement, sans problème, avec l'unique souci de faire de la bonne musique. Un style qui tend à toucher la sensibilité plus que les "tripes". Ainsi Docteur Nico offre-t-il ce paradoxe d'être à la fois le soliste le plus facile à jouer des débutants et le plus difficile à imiter des expérimentés. Près de 90% de solo-guitaristes africains sont de son Ecole, le son-cristal qui l'a tant caractérisé, leur idéal, si ce n'est leur pierre philosophale. (...)
Docteur Nico, le plus grand soliste africain de tous les temps. Une œuvre d'une grande sensibilité, d'une indéniable grandeur et d'une beauté formelle encore inégalée. Il est à déplorer que la "barrière culturelle" longtemps dressée par l'Occident contre la musique africaine moderne, maintienne des populations entières dans l'ignorance d'un GENIE ABSOLU de notre époque et des générations futures." Signé : Audifax-Bemba-Lounianga.

Je ne connais pas ce monsieur mais son dithyrambe au lyrisme enflammé me laisse sans voix de fascination. Docteur Nico, vous l'aurez compris, est donc une des légendes de la musique congolaise. Maintenant, si on laisse de côté les fondateurs comme Wendo Kolosoy, Bukasa Léon ou Paul Kamba, pour situer le Docteur Nico sur la carte de cette musique, il faut rappeler les deux grandes écoles de la rumba moderne. D'un côté, celle de l'OK Jazz, de l'autre celle de l'African Jazz. L'African Jazz est fondé par Joseph Kabasele, dit "Grand Kallé", et sera poursuivi par Tabu Ley Rochereau. De l'autre, l'OK Jazz est fondé par Franco. Celui-ci crée l'orchestre OK Jazz en juin 1956. En schématisant un peu, on considérera souvent que Rochereau est le moderniste quand Franco va cultiver la tradition. L'Ecole Franco sera parfois désignée par l'expression de "Makiadisme", ou d'école makiadiste. Le nom de Franco étant Luambo Makiadi, ("Makiadi" signifiant "orphelin", puisque son père était en prison à sa naissance). Pour une présentation de la musique congolaise en ligne, voir ce lien vers Congo on line.

Le sebene du guitar hero congolais
Dans une émission consacrée au funk, même au sens large, dans l'esprit plus qu'à la lettre, on ne peut que mettre l'accent sur le sébène, ce moment clé de la rumba congolaise. On l'a dit, la guitare y est l'instrument roi. Elle vole littéralement la vedette au reste de l'orchestre lors du sébène. Lequel serait à définir comme suit :

"Le Sebene est cette partie rapide dans la rumba congolaise. Sebene est une corruption du mot anglais seven signifiant dans le jargon musical congolais « accord de septième » et indique un changement de mouvement dans un rythme. Dans la Soukous, la partie lente de la rumba tend à se réduire à sa plus petite expression. Le changement de tempo indiquant le passage de la partie chant à la partie instrumentale disparaît. La mélodie et les textes sont relégués au second plan au profit du rythme ponctué par une animation désordonnée dans le Ndombolo. (...) Le Sebene congolais atteint des limites psychédéliques au sortir du refrain qui lui, repose généralement sur une mélodie tendre et romantique oscillant dans un joli passage majeur-mineur, avec le plus souvent les réponses des choristes. En quelques mesures, le tour est joué et l’orchestre mord d’emblée dans un Sebene effréné avec un riff décapant. D’où une ambiance sonore qui commande un enchevêtrement d’accords qui se multiplie à l’infini avec les mêmes sonorités comme dans un jeu de miroir. Tous les solistes ont appris à faire bouger les foules par un style de pincement rapide des cordes, en boucle, afin de provoquer une sorte d’extase immédiate" (extrait d'un article sur l'Amicale Lipopo du guitariste Dino Vangu).

Si l'on considère comme un critère esthétique déterminant le fait qu'un musique donne envie de se lever et danser, alors, bien sûr, le sébène en est un épitomé, au même titre qu'un bon break ou un groove hypnotique dans le funk... D'ailleurs, l'œuvre de James Brown est incontestablement un des plus grands manifestes artistiques du siècle passé.

Rumble in the Jungle et l'impact de James Brown
James Brown justement... Rochereau est un des premiers musiciens à s'avouer fasciné par James Brown. Au début des années 70, il entreprend une carrière internationale qui le conduira sur la scène de l'Olympia, à Paris, ou du Palladium, à Londres. Selon lui, "il faut absolument "browniser" la scène musicale congolaise (...). En clair, il faut définitivement renoncer, non pas tant à la rumba, matrice de la musique nationale, ou au soukous, version améliorée de cette rumba, mais à certains de ses mouvements lents, et introduire à la place des déhanchements inédits, comme ceux qui caractérisent le jerk, le twist, le rock ou la pop music" (Jean Mpisi, Tabu Ley Rochereau Innovateur de la musique africaine, p. 231-232). Il introduit ce que Sylvain Bemba une "nouvelle 'grammaire' dansante", inspiré de James Brown.


James Brown lui-même viendra plusieurs fois au Congo-Zaïre. Une première fois en 1970. Puis en 1972. Enfin, en 1974, lors du festival qui accompagne le Rumble in the Jungle, le championnat du Monde de boxe opposant Mohamed Ali-George Foreman, catégorie poids-lourd. Le public prendra fait et cause pour Ali, symbole du Black Power, et qui avait déclaré en conférence de presse avant le combat : "chaque fois que je frapperai Foreman, ce sont les Zaïrois qui frapperont les Belges". Et le public de chanter "Ali, boma ye" (Ali, achève-le), puis "Ali, abomi ye" (Ali l'a tué) lors de sa victoire au 8ème round.

James Brown se produit lui aussi au Stade du 20-Mai devant un public conquis. Son influence sera manifeste sur la jeunesse.

"Depuis qu'il avait découvert le Zaïre, alors Congo, en juin 1970, il s'en était épris. (...) Eh bien, ce "Mr Dynamite" a eu vent du "grand événement" de l'authenticité qui "secouait" le Zaïre à partir d'octobre 1971 et décide de venir dans ce pays pour encourager ses habitants - et surtout ses dirigeants - à persévérer sur cette voie !
Il arrive à Kinshasa le vendredi 2 juin 1972, juste avant minuit. Flattées les autorités politiques l'accueillent à bras ouverts, lui facilitent son séjour (le mot d'ordre est qu'il se sente à l'aise à la "patrie de ses ancêtres") et son travail. Le lendemain, l'heureux hôte du peuple zaïrois donne en matinée un show époustouflant au Théâtre de la Verdure du Mont Ngaliema (ex-Mont Stanley). Le soir du même jour et le mardi suivant, il explose au Stade du 20-Mai, avant de se rendre à Lubumbashi, seconde ville et capitale économique, pour égayer les mélomanes" (Jean Mpisi, ibid., p. 265). A signaler : le documentaire Soul Power, sorti cette année au cinéma, nous a donné l'occasion de revoir des images d'archives d'un James Brown moustachu au sommet de sa forme lors de ses prestations zaïroises...


Alors que la musique afro-cubaine était l'influence étrangère prédominante jusqu'alors, la jeunesse congolaise vibre sur le groove de James Brown. De nouveaux artistes, tels Lita Bembo et Bavon Marie-Marie, ou le Trio Madjesi, s'en inspirent. Les commentaires des auteurs chrétiens ne manquent pas d'épingler un certain relâchement des mœurs : "les traits caractéristiques de cette époque sont notamment la production scénique ou gestuelle, l'introduction des cris d'animation et le recours incontrôlé aux musiques traditionnelles, au libertinage et à la désinvolture dans la structure de la chanson. En d'autres termes, cette musique se caractérise par le non respect des canons ou de la structure classique, la prolifération des orchestres, l'obscénité et l'individualisme dans les danses..." (Martin Fortuné Mukendji Mbandakulu, "Itinéraires et Convergences des musiques chrétiennes et profanes en République Démocratique du Congo", Itinéraires ibid. p. 152).

(Siongo) Bavon Marie-Marie, chanteur et excellent guitariste de l'orchestre Negro-Succès, devient l'idole de cette jeunesse kinoise. "A l'époque, une seule vedette, dans le monde des "jeunes" , fait concurrence ou ombrage à BMM : Jean Kembo, le percutant buteur de football de Vita Club et de l'équipe nationale Les Léopards. Tous deux sont de beaux gars aux corps d'athlètes ; ils se distinguent par le port systématique des pantalons "patte d'éléphant", par des cheveux dressés et coiffés au "peigne chaud", par leurs visages d'anges éclaircis par le savon "Ambi". A pieds, ils ont une démarche dandinante ; mais le plus souvent ils roulent en vespa, la fameuse motocyclette italienne. Bref, ce sont des jeunes premiers au charme ravagueur et à la séduction évidente. Ils utilisent des baratins savoureux, et se disputent la faveur des jeunes et des filles. Aucune de celles-ci ne leur résiste" (Jean Mpisi, ibid., p 228).

Hélas, tragédie, Bavon Marie-Marie se tue au volant de sa R16, le 5 août 1970. Il aurait été saoûl et a percuté un véhicule à l'arrêt. Sa copine en sort amputée des deux jambes. Quelques mauvaises langues accusent Franco, le frère aîné de Bavon Marie-Marie. L'accident se serait en effet produit après une violente dispute entre les deux frères. Bavon, accusant son aîné d'avoir couché avec sa petite amie, aurait par la suite noyé sa colère dans l'alcool.

La "soul à la sauce moamba" du Trio Madjesi : Alright, cool
Cette idole trop vite disparue, le groupe emblématique du début de cette décennie est probablement le Trio Madjesi, composé de Mario, Djeskin et Sinatra. Ils font partie de ces jeunes gens qui décident de rompre avec I'ancienne musique, connue alors sous le nom de « Tango ya Ba Wendo » , Wendo, ce pionnier de la rumba. Mario, Djeskin et Sinatra et se font appeler le Trio Madjesi et leur nouvel ensemble est l'Orchestre Sosoliso. Ils introduisent de nouveaux pas de danses. Leur show est "vigoureux, nerveux et démonstratif. Les trois danseurs-vedettes sont des athlètes qui cherchent à fixer, à impressionner, à hypnotiser leur public. Ils exécutent des pas de danse qui concordent avec une instrumentation faite pour l'essentiel ds cuivres et des guitares. L'effet orchestral garantit un sebene plus fébrile, plus fougueux, plus dynamique" (Jean Mpisi, ibid. p. 251).


Le trio invente ce que la presse qualifie "de la soul à la moamba" (la moamba étant la sauce à l'huile de palme).

"Ils ont comme tenue vestimentaire un look copié de James Brown, et des "cheveux longs coiffés au peigne chaud : Ils font le show dans les bars et même dans les stades. Ils inaugurent un nouveau style d'habillement : on porte Jacket américain, Jeans, pantoufle ; les chaînettes et autres bijoux en or sont à la mode, puis, avec le retour des Léopards de la Coupe d'Afrique et de la Coupe du monde, ils concurrencent les footballeurs en se faisant brunir la peau, surtout au niveau du visage, avec les célèbres crèmes et antisepsies Ambi et Asepso".

En effet, les rêves de grandeur de Mobutu trouvaient une incarnation dans la sélection nationale, les "Léopards", qualifiés pour la Coupe du Monde 1974 de football, qui se déroulait en Allemagne (alors RFA). Le Zaïre rentrait ainsi dans l'Histoire en tant que première sélection d'Afrique Noire à participer à une phase finale de cette compétition. Le Trio Madjesi était sur la même vague. La vidéo ci-dessous en est un désopilant témoignage. Le groupe avait introduit des chorégraphies dans ses performances. Ici, en tenue de footballeur, chaque membre tente tant bien que mal de jongler avec son ballon. Maladresse touchante et joyeux bazar sur le plateau à la clé...


Le parcours des Léopards ne fut pas à la hauteur des espoirs qui s'étaient faits jour. Battu d'entrée par l'Ecosse, le Zaïre se faisait ensuite étriller 9-0 par la Yougoslavie. A l'issue de cette déroute, avant de devoir rencontrer le Brésil, Champion du Monde en titre, quelques représentants de la garde présidentielle vinrent mettre un sacré coup de pression aux joueurs : s'ils perdaient ne serait-ce que 4-0, ils pouvaient faire une croix sur la possibilité de rentrer au pays. Ouf, ils ne s'inclinèrent que 3-0...

L'extrait ci-dessous, pour hilarant qu'il soit sur l'art de prendre un carton jaune de la plus bête manière qui soit, n'est guère charitable. La sortie du défenseur Mwepu Ilunga en est même devenue "culte". A sa façon, elle est entrée à la postérité... Alors que si l'on revoit le début du premier match contre l'Ecosse de Bremner et Dalglish, on verra une équipe qui joue plutôt bien, à une touche de balle et semble avant tout manquer d'expérience et de réalisme dans ce type de compétition...


Depuis, jamais le Congo ne s'est qualifié pour une phase finale. Sans perdre espoir cependant. A en croire Jean-Jacques Arthur Malu-Malu, le Kinois aurait tendance à vivre "dans un monde onirique. C'est ainsi que certains footballeurs qui n'ont connu, pour toute compétition, que les matches de quartier, se surprennent, à 30 ans, à rêver d'une brillante carrière dans les grands clubs européens" (Le Congo Kinshasa, p. 54).

Concernant les Trio Madjesi, signalons que Loko-Masengo, dit Djeskain, est revenu sur le devant de la scène en participant au succès du groupe Kékélé qui propose, non plus de la soul à la sauce moamba, mais revisite tout simplement la rumba d'antan avec goût et talent ! Après tout, comme l'écrit Olivier Sangi Lutondo ("Vie, sacralité et valeur des Ngoma africains", in Itinéraires et convergences des musiques traditionnelles et modernes d'Afrique, p 409), à qui nous laisserons le mot de la fin :

"Le traditionnel est comme les fondations enfouies dans la saleté du sol, mais qui portent les beaux murs décorés qu'on admire ou critique tant, c'est-à-dire le moderne".

mardi 15 décembre 2009

Anthony Joseph & The Spasm Band au Jam

Un petite soirée de voodoo funk, n'est-ce pas le meilleur élixir pour réchauffer l'hiver brutalement survenu sous nos latitudes ? Le Docteur Funkathus opine du chef, voilà l'intermède-antidote idéal, à la fois brûlant et doux, comme le rhum arrangé combava siroté la veille.

Après l'annulation du Staff Benda Bilili, prévu au Rockstore une semaine plus tôt, c'est avec une réelle impatience que j'attendais le concert d'Anthony Joseph & The Spasm Band, le 12 décembre. Je suis en vrai manque de concert, après une belle série d'empêchements. Alors, cette une nouvelle Groove Session me sied optimum : le poète Anthony Joseph et son groupe The Spasm Band sont sur la scène du JAM. Nous annoncions le concert dans Goutte de Funk (malgré un problème d'émetteur que nous ne découvrions qu'a posteriori), nous y sommes...

L'attrait du public pour le groupe se lit par sa présence sur le terrain, dans ses tournées, ses programmations lors des festivals. Un succès qui se bâtit patiemment, par le bouche à oreille, en mouillant le maillot sur les planches. La personnalité forte de ce projet a beau être un authentique poète, le succès tient probablement à un évident penchant pour le groove. Il y a six musiciens sur scène dont la moitié sont percussionnistes. Et on balance dans une mixture qui aura des airs de funk caraïbe, avec parfois une touche de calypso ou d'afrobeat, de voodoo funk, comme le décrit lui-même le groupe sur son propre blog. Le tout servi généreusement par des musiciens dont la cohésion rend superflue la virtuosité.

Et il y a Anthony Joseph. L'homme de lettres sait faire le show, laisser libre cours à son énergie. Il est le premier danseur sur la musique du groupe. Arpente la scène, s'agite... Une présence. Une bonne allure : élégance du costume, lunettes noires, barbe et crâne luisant. On remarque aussi, à son entrée en scène, la bouteille de rhum Havana Club déjà au 2/3 vide, qu'il tient à la main. A-t-il partagé ce qui manque avec ses musiciens, l'a-t-il bu tout seul ? Le lendemain, j'aurai la confirmation de sa bonne descente par M. Cosmic Groove lui-même, l'organisateur des festivités, qui était impressionné par son aplomb. Car Monsieur Joseph avait déjà séché la même mixture la veille, alors qu'il partageait l'affiche avec Naomi Shelton & The Gospel Queens à la salle Victoire 2, ce qui ne l'empêchait pas d'être frais et se porter comme un charme au matin.

Une question que je me posais pendant le concert : est-il frustrant de se produire quand le public n'entrave pas un mot des textes, alors que ceux-ci sont la base sur laquelle se construisent les morceaux et leur donnent sens ? Anthony Joseph a-t-il l'impression d'un malentendu ? Est-ce une leçon d'humilité ? Je ne pense pas que la plupart des rappeurs US du mainstream se tracassent outre mesure de savoir que le public ignore de quoi ça cause, mais un auteur oui. J'avais été tellement enthousiaste lors de la sortie de Leggo de Lion, leur premier album, que j'avais lu son roman The African Origins of the UFOs. Le titre sonnait presque comme un manifeste et piquait ma curiosité. Notre poète originaire de Trinidad y brassait les formes et balançait vers la science-fiction. Le livre est, en effet, partagé en trois temporalités, passé, présent, futur, où ce dernier nous invite sur la planète Kunu Supia (à suivre dans la mise en ligne prochaine de la dernière Goutte de Funk de l'année)... La photo ci-contre a été prise avec mon modeste portable w595s, modeste mais doté d'une application secrète et mystique, bien entendu introuvable dans le commerce, qui permet de saisir les manifestations des esprits, le flou thermique de leur aura... Ici, cette application secrète nous révèle justement celle d'un Papa Legba/Exu, l'intermédiaire, le go-between, en ces trois temporalités du roman... Certes, deux de ses temporalités sont bien cachés derrière l'intensité de l'instant, ce kairos du groove partagé.

Hormis des bribes, dont celles sur Vero "la diablesse", qui "she gonna look real beautiful, but when you look she got one cow foot and one real human foot", je n'ai encore guère pris connaissance des textes du deuxième album, Bird Head Son, sorti début 2009. Mais, là encore, ils sont extraits du nouveau recueil de poèmes d'Anthony Joseph, l'éponyme Bird Head Son, paru à peu près en même temps que l'album avec le Spasm Band. Pendant le concert, Anthony Joseph nous explique que le titre "Robberman", un de mes préférés, a été écrit après que plusieurs agressions à l'arme blanche aient déchiré la jeunesse britannique. Son seul message à leur adresse est donc : "essayez de vous souvenir de la première fois où vous avez été amoureux, let's love".

Plus le temps passe, plus il se dépense, plus il prend le temps de glisser quelques mots, de tomber les lunettes et d'afficher un visage souriant, funky fresh. Son costume ? Bah, c'est pour cultiver ses airs d'urban intellectual, dit-il en blaguant, c'est le seul qu'il possède et il a déjà dix ans. Pour l'anecdote, il finira le concert en jeans/t-shirt.

Au bout du deuxième ou troisième rappel, alors que l'on approche des 2 heures trente de concert, il invite le public à venir danser sur scène... Au premier rang pendant tout le spectacle, il aurait été malpoli de ma part de ne pas accepter l'invitation de sa main tendue pour l'y rejoindre accompagné d'une foule ravie.

jeudi 10 décembre 2009

Mais où est donc passé Zeca Louro ?

Ola chers lecteurs,

Oui, je sais, cela fait quelques semaines que je ne trouve pas le temps de boucler un post conséquent... Mais il y a plus inquiétant. Cela fait plus de deux mois que Loronix n'a pas été mis à jour. Pour ceux qui seraient passés à côté de cette mine, Loronix est une véritable caverne d'Ali Baba de la musique brésilienne des décennies passées. J'ai commencé à visiter régulièrement ce blog il y environ trois ans et j'y ai découvert un nombre incroyable d'albums merveilleux disparus de la circulation, et pour la plupart même jamais sortis en cd.

Car Zeca Louro, le perroquet vert qui y fait office de bloggeur, respecte une éthique stricte sans jamais y faillir : il ne poste que des albums qui n'ont plus aucune disponibilité commerciale. A cette époque, l'activité de Loronix était frénétique. Il tournait à une cadence de deux nouveaux albums par jour. Souvent, il s'agissait de disques de danses de salon des années cinquante qui, je dois bien le dire, ne sont pas forcément ma tasse de thé, mais les plus grands artistes y étaient également très présents, qu'il s'agisse de Dorival Caymmi, Vinicius, Tom Jobim, João Gilberto, etc... C'est alors, en 2007, qu'il fut élu Meilleur Blog musical de l'année. Un titre qui ressemblait à une évidence. En effet, Loronix n'a eu de cesse de s'améliorer, de proposer de nouvelles applications, ou présentations, une ergonomie plus évidente, et des fichiers en version upgradée, en 320 ko ou FLAC. Ou comment un passionné va développer un projet d'une qualité professionnelle, en quête rien moins que d'excellence. Et malgré cela, l'essentiel est ailleurs : c'est véritablement le travail patrimonial qui est le plus remarquable. Aucun autre site n'a ainsi fait œuvre de passeur d'un trésor culturel, mis à disposition du plus grand nombre. Cela sans jamais perdre ni la convivialité, ni l'humilité. A qui veut se faire une discothèque de référence de la musique brésilienne du XXe siècle, la fréquentation de Loronix est indispensable.

La liste serait longue des perles d'albums découverts en fouinant dans ses archives. Juste deux noms d'artistes que j'ai appris à connaître par ce biais : Elizeth Cardoso et Olivia Byington. La première n'était pas surnommée la "Divine" pour rien par ses compatriotes. Si nombre de ses enregistrements peuvent sonner datés, sa voix toujours est splendide, y compris dans le pathos sentimental. Egalement, les orchestrations sont révélatrices des aspirations de cette forme de musique populaire. Par son recours systématique à des maestros en charge d'un orchestre, elle s'adresse à la classe moyenne et dominante. A l'exception des disques d'Eliseth que j'adorent, ce choix de répertoire pourrait être le reproche fait à Loronix. Privilégier ainsi les (mauvais) goûts d'une classe sociale embourgeoisée au détriment de l'authenticité de vieilles sambas, par exemple. Mais qu'on ne s'y trompe pas, sur Loronix, vous trouverez malgré tout quelques Cartola, Candeia, Paulinho da Viola, etc... Voire même les tueries de Jorge Ben quand elles ne sont plus distribuées dans le commerce.

Parce que l'industrie musicale a la mémoire courte dès lors que la rentabilité ne semble plus garantie, parce que la mémoire collective des cultures populaires au Brésil est parfois négligée, le travail de fond d'un fou furieux comme Zeca Louro est un bien précieux, inestimable.

Si cela fait maintenant plus d'un an que les posts sont beaucoup plus espacés sur son site, son absence prolongée inquiète. Dans le cadre réservé aux échanges et commentaires, même son ami Caetano Rodrigues, auteur d'un ouvrage sur la bossa nova et collectionneur de disques dont les contributions régulières ont participé à l'incroyable richesse du "catalogue" Loronix, ne parvient pas à le joindre, ni par e-mail, ni sur son portable... Le mystère qui plane sur cette disparition est réellement de mauvais augure. En espérant que ce ne soit pas le pire, je vous conseille simplement d'aller vous plonger à cette source abondante en chefs d'œuvre de la musique brésilienne...

samedi 5 décembre 2009

Si Obama faisait comme nous...

Pantalonnade n° 6

Les Français sont décidément d'insupportables donneurs de leçons. A l'approche du Sommet de Openhague, du 7 au 18 décembre prochains, nos dirigeants estiment leur bilan suffisamment vertueux pour venir faire la morale à Obama. Jean-Louis Borloo déclarait ainsi à L'Express (n°3048, décembre 2009) : "Copenhague doit montrer à Obama que la planète est passée dans une autre ambiance, le convaincre de nous emboîter le pas". Car, disait-il dans le même entretien, "nous avons eu, nous, la chance d'organiser le Grenelle, associant tous les acteurs de la société et adopté à la quasi-unanimité par le Parlement". On a beau être à la traîne des pays scandinaves, comment entretenir la confusion entre les paroles et les actes, avec l'éternelle complicité des médias, en se pavanant d'une bien piteuse arrogance.

Quant à notre président, c'est avec sa finesse habituelle qu'il déclarait : "si Obama ne vient pas à Copenhague, il est mort".

Sans se faire d'illusions sur l'impact d'une pétition, savoir que ce n'est qu'une goutte d'eau au regard des sécheresses qui nous menacent, un grain de sable devant les inondations qui s'annoncent, on peut déjà signer l'Appel de Copenhague...

jeudi 19 novembre 2009

La Main de Dieu était noire

Ce matin, je reçois un message de mon ami Jean-Serge : "je savais bien que la main de Dieu était noire" !!!

mardi 20 octobre 2009

Sly Stone, un mythe dans la dèche ?

Ces derniers jours avait lieu la première de Coming Back For More, le documentaire de Willem Alkema consacré à Sly Stone. Une nouvelle actu pour le plus grand reclus de l'histoire du funk... Déjà, il y a quelques semaines, on apprenait qu'il avait, paraît-il, écrit une chanson pour Michael Jackson en vue de son prochain album. Un scoop quand on sait qu'il n'a rien écrit depuis une éternité...

Alors qu'il n'y a pas si longtemps, Sly vivait dans une belle demeure de la Napa Valley et paradait en chopper trois-roues, ses droits d'auteur continuant à lui garantir un train de vie confortable. La photo ci-dessous, où l'on aperçoit sa maison au fond du jardin semble en témoigner.

Malheureusement, sa situation s'est depuis considérablement dégradée. En août, un article du Guardian annonçait que le film d'Alkema révélait la situation précaire de Sly, réduit à aller d'hôtels minables en mobil-homes, depuis que son manager Jerry Goldstein avait cessé abusivement de lui verser ses royalties.

L'annonce de sa tournée en 2007 avait été la plus grande surprise que l'on puisse imaginer. A l'époque, un autre grand revenant, qui n'avait pas foulé les scènes de France depuis 34 ans, s'apprêtait à lancer une tournée : Polnareff ! Quand un artiste se retire, encore faut-il en connaître la raison. Dans le cas de Polnareff, je m'étais à l'époque mépris sur le motif de son exil américain. Alors tout gamin, j'ai cru qu'il avait du quitter la France pour avoir montré ses fesses sur une affiche. Je me souviens que l'image m’avait frappé, la nudité n'était pas courante sur les affiches à cette époque préhistorico-pompidollienne.

Infiniment plus funky que le booty de Polnareff, Sly... Avant d’aller plus loin, rappelons que le funk a sa propre trinité : James Brown, Sly et George Clinton. Clinton lui-même reconnaît volontiers que ce sont les deux autres qui l’ont inspiré. De Sly, il dit : "He's my idol, forget all that peer stuff. I heard Stand!, and it was like: Man , forget it! That band was perfect. And Sly was like all the Beatles and all of Motown in one. He was the baddest thing around. What he don't realize is that him making music now would still be the baddest”. Rien que ça : tous les Beatles et tout Motown à lui tout seul (d'accord, Clinton n'est pas réputé pour son sens de l'euphémisme...)

On a déjà assisté à quelques retours étonnants ces dernières années, notamment celui d’Al Green, qui s'autorisa une escapade de son église du Full Gospel Tabernacle pour enregistrer de la musique profane, alors qu'il avait lâché la carrière depuis 1979, mais cela n'est rien en comparaison du retour de Sly, un come-back sur lequel personne n'était près à mettre le moindre kopek.

Il faut dire que cela faisait presque 30 ans qu'il ne s'était pas produit sur scène, après déjà quelques années où on ne retrouvait sa trace que sur quelques enregistrements erratiques, des apparitions fugaces, quelques concerts et une participation The Electric Spanking of War Babies, un album de Funkadelic, avec Clinton, l’occasion pour les deux hommes d’être arrêtés en possession de cocaïne... Sly est entrée dans la légende. Il a disparu. Mais la rumeur la plus fréquente le décrivait juste en zombie ravagé par la coke...

Pourtant, n'est-ce pas son retrait qui établit définitivement sa légende ? Pour avoir eu le courage de refuser un rôle factice qui aurait donné bonne conscience à son pays...

Rappelons un instant sa grandeur, avec les mots de Greil Marcus, auteur de Sly Stone : le mythe de Stagger Lee (Ed. Allia, 2000), quand, en 1967, il apparaît au grand jour à la face du Monde : "La musique noire dont les figures majeures étaient Aretha Franklin, Wilson Pickett et Sam & Dave, avait atteint un pic commercial et approchait de l’impasse artistique, alors que l’inspiration laissait place la formule. Otis Redding devint l’espoir blanc des nouveaux fans de rock’n roll (...). Mais six mois plus tard il était mort. Un vide musical s’ouvrait, et les contradictions raciales de la contre-culture sourdaient en surface. Aucune musique pour résoudre les contradictions, aucune musique pour remplir le vide. C’est ce moment que Sly & The Family Stone émergea des bars blancs démodés de Hayward et Redwood City - banlieues pour classes moyennes avec une musique que ses membres désignaient éffrontément comme “un truc complètement neuf" (pp. 16-17). Sly, "le plus sauvage des dandies que le rock’n’ roll ait jamais vu - ce qui n’est pas rien -, une bête de scène outrancière dont le style était celui d’un souteneur fou et défoncé du quartier de Filmore" (p. 18), est non seulement un grand musicien parvenant tirer la plus cohérente des synthèses de ses influences, tant James brown que les Beatles mais un artiste politique. "Ses gros succès auprès des gosses noirs et des gosses blancs (chariaient) tous les bons sentiments de la Marche sur Washington, avec en plus le cachet de la rue que cette marche n’avait jamais eu. Le vrai triomphe de Sly, c’est d’avoir les deux" (pp. 19-20).

Sylvester Stewart, alias Sly Stone, allait inventer le rêve fédérateur de ces années euphoriques. Sa "Famille" était mixte, hommes et femmes, Noirs et Blancs, et lui en leader charismatique, rayonnant. Le pays a vite fait de le surnommer The Great Reconciler !

Mais la “fin du rêve”, qui marqua la fin des 60’s, se retrouve dans la musique de Sly. Dès cette période, la pression des deux côtés, tant du côté noir que blanc, contribuèrent à le perturber profondément, les abus de cocaïne, et un soi-disant dédoublement de personnalité d’après son médecin de l’époque n’arrangeaient rien. L’album There's a Riot Goin' On, en 1971, en est le témoignage : l’élan enthousiaste cède la place au découragement, au pessimisme. Ce qu'il cède en espoir, il le gagne en profondeur et c’est probablement le plus beau disque de la carrière du groupe.

Après, c'est encore Fresh (1973), pas mal, puis la dégringolade avec encore une paire d'albums sans conviction... Mais dont les titres laissent à penser qu'il aimerait bien qu'on le rappelle : Heard Ya Missed Me, Well I'm Back, ou Back on the Right Track. Disparu de la circulation depuis le début des années 80, les rumeurs abondent. Marcus cite John Dakks, un fan lui ayant consacré un site, qui raconte avoir été contacté par Sly en 98 pour lui jouer une oeuvre inédite à vous arracher des larmes : "rien n’avait changé - tout le talent était intact. Je crois que s’il n’a pas fait de come-back, c’est qu’il n’en avait pas envie. Il peut faire une réapparition fracassante quand il veut" (p. 91).

Pour Greil Marcus, le recul de Sly s’explique par un changement de vision. Dès 73, il raconte l’avoir vu sur scène sans qu’il joue un seul titre de Riot. “Chanter sur disque, en privé, est une chose. C’en est une autre de regarder tous ces gens en face et de leur dire que le bon vieux temps est révolu”.

Pour son frère Freddie, c'est tout simplement que “Sly ne veut plus être sur le devant de la scène. Le glamour ne veut plus rien dire pour lui. Il veut juste être normal”, déclara-t-il au magazine Spin, au début des années 80.

Avec des rentes confortables en droits d’auteur, Sly peut rester ailleurs. Pour Rickey Vincent, l’auteur de Funk: The Music, the People, and the Rhythm of the One : "I don’t think Sly has been hurting from his underground status - I think he likes the mystique".

Car c’est bien là l’essentiel, pour revenir, encore faut-il n’avoir pas été oublié... Jouir du statut de légende, bénéficier d’un culte. Cela a beau être le cas de Sly, “the only thing harder than leaving show business is coming back” disait Dave Chappelle, quand la présence de Sly était évoquée à l’occasion d’un hommage qui lui était rendu lors de la cérémonie des Grammy Awards, début 2006, et qu’il avait la charge d’introduire. La veille, les organisateurs ne savaient toujours pas si Sly serait sur scène alors que les membres de la Family Stone reconstituée avait répété. Il fut bien là : il monta sur scène dans le plus incroyable, improbable, flamboyant des looks : un manteau d’argent et un iroquois platine de 20 centimètre dressé sur un crâne rasé. Avec la Family Stone, déjà sur scène, ils interprétèrent “I Wanna take you higher”. Absent depuis si longtemps, il ne fallait pas non plus trop lui en demander : il quitta la scène au bout d’une paire de couplets, sans finir le morceau, laissant tout le monde en plan, avec la nette impression d’avoir été victime d’une sorte d’hallucination collective. Une chose était confirmée : : Sly semblait bel et bien passé dans une autre dimension. Peut-être pas non plus exempte de roublardise. Comme le disait Adam Levine, du groupe Maroon 5 qui participait à l’hommage (ainsi que Will.I.Am des Black Eyed Peas, Van Hunt, John Legend ou Steve Tyler d’Aerosmith), à propos de la performance de Sly : “Can you really argue with an unbelievable looking mohawk and a silver jacket?”. Il aurait simplement pu dire : “qu’est-ce que vous pouvez dire à Sly ?”


Cette apparition était cependant un signe qui validait l’idée d'un come-back. Se montrer était le premier pas. L'entourage familial semblait l'encourager. En effet, rarement groupe aura été si bien nommé car la Famille Stone en est une vraie de vraie. L’aventure commena dès 1952, avec les Stewart Four (Sly, Freddie, Rose et Vaetta) et un 78 tours : “On the battlefield of the lord” / “Walking in Jesus name”. On les retrouvera dans la Family Stone, avec Larry Graham, un cousin, et une future femme de Sly, Cynthia Robinson.

Puis, Larry Graham a viré témoin de Jéhovah et Freddie est devenu le pasteur Frederick Stewart. Mais, malgré tout, après toutes ces années, la famille continuait d'entretenir l’héritage avec un groupe Tribute, jouant régulièrement tous les classiques de Sly, sous le nom de Phunk Phamily Affair. Sly qui, paraît-il, les dirigeait de l’ombre, a renommé le groupe Family Stone, fin 2005. Avec aujourd’hui, leur fille qui les rejoint sur scène, la nièce Lisa, fille de Rose, etc... Même Greg Errico, le batteur, est resté attaché à cette notion familiale, puisqu’après avoir quitté Sly, il a nommé son groupe Family Without Stone !

Ceux qui ont assisté aux concerts de 2007 ont constaté que le groupe tenait bien la route. Quant à Sly, ma foi, pouvait-on espérer plus que des prestations fantômatiques d'un quart d'heure les bons soirs ? Il semblerait que l'état dans lequel se trouve Sly aujourd'hui ne lui permette plus de tenir son rang, au moins son apparition doit-elle se suffire à elle-même, comme ce fut le cas un an plus tôt, lors de la cérémonie des Grammy Awards...

Outre le film d'Alkema, Brady Spencer lui a également consacré un documentaire : Higher, The Story of Sly Stone, où il apparaît dans des looks toujours aussi flamboyants, tel ce tartan écossais du plus bel effet, répond aux questions et bichonne son chopper-tricycle. En voici un extrait...



Peut-être parce qu'il est une légende, le mérite de Sly est de conserver son mystère alors même qu'il se montre, marqué par les excès. Le journaliste David Kamp, a réussi à l'interroger pour Vanity Fair, en 2007. Cela faisait des années qu'il le "traquait". Quand il put enfin le rencontrer, en chair et en os, qu'il confrontait le mythe à sa réalité d'aujourd'hui, il se demandait forcément à quoi pouvait bien ressembler la vie quotidienne de Sly. Il lui posa donc la question : Do you have a normal life or more of a Sly Stone life?
La réponse de Sly démontra alors que, chez lui, même ce qui peut ressembler à un halo brumeux est, en réalité, une aura fabuleuse : "I do regular things a lot. But it's probably more of a Sly Stone life. It's probably … it's probably not very normal."

lundi 12 octobre 2009

Maradona, Cinglé In The Rain

Il est un lieu où, plus que nulle part ailleurs dans le Monde, la passion l'emporte sur la raison : un terrain de football en Argentine. Il est un Génie chez qui la passion l'emporte également sur la raison : Maradona. Pour le reste, comment dire, ça me laisse sans voix...


Pour le détail des faits, allez voir sur L'Equipe, France Football, So Foot ou autre. C'est juste que l'Argentine, sous un déluge, remporte dans les arrêts de jeu, grâce à un but du revenant Palermo, un match déterminant pour la qualification à la prochaine Coupe du Monde... Habituellement, elle se qualifie sans trop forcer, cette fois-ci, elle est en difficulté, à la limite de l'élimination. Avoir été un génie de joueur, ne fait pas de vous le meilleur sélectionneur. On lui reproche de ne pas avoir de "projet de jeu", c'est-à-dire de ne pas assez rationaliser, planifier, anticiper. Le déroulement de ce match le prouve, tout ici n'est plus que tripes, pétoches, couilles, nerfs à fleur de peau, état-limite, franchement border-line... La joie et la folie de Maradona éclatent lors de ce but libérateur. Comme il a désormais coutume de dire, le "Barbu" leur a fait un signe (pas de la main, cette fois-ci). Alors plutôt que de se mettre à genoux, il s'abandonne ! Car un Génie ne chute pas, il glisse. Un Génie ne tombe pas, il plonge. Depuis la victoire, hier soir à Montevideo, contre l'Uruguay, l'Argentine est qualifiée directement pour la phase finale en Afrique du Sud. Merci qui ?

vendredi 9 octobre 2009

Mayra Andrade, Baume de l'été

L'automne est là. Dernier regard nostalgique dans le rétro sur la bande-son de notre été. Je vous vois venir, oubliez votre dédain, genre il est un peu tard, en octobre, pour encore parler de ça... C'est juste qu'ici, hormis le bref mais corsé "épisode cévenol" de saison, il fait encore très beau ! La bande-son de l'été donc... Celle-ci a été marquée par deux bornes, une en juillet, l'autre en août, deux nouveautés. Le premier coup de cœur était l'album de Lucas Santtana, Sem Nostalgia, que nous avions assez largement abordé ici, l'autre est Stória, stória, le deuxième album de Mayra Andrade...

Ce nouvel album de la plus belle représentante de la nouvelle génération de la diaspora cap-verdienne a suivi, en douceur, le chemin du premier, Navega, et s'est durablement incrusté chez moi pour tourner en boucle sur la platine. Quand la répétition appelle la répétition, quand on en a un air dans la tête dès que l'on fredonne dans la journée. La musique a ce côté addictif mais il n'y a que quelques élus dans l'océan de notre discothèque personnelle pour connaître le sort de la familiarité, née de si nombreuses écoutes successives. Mayra Andrade possède donc cette évidence, cette présence dans l'interprétation.

Ayant eu la bonne idée de confier la réalisation de Stória, stória au producteur brésilien Alê Siqueira (entre autres brillant artisan de la renaissance d'Elza Moraes, grâce à son album Do Cóccix até o Pescoço), Mayra Andrade se voit offrir plus qu'un bel écrin pour sa voix, carrément un petit bijou, enregistré entre Paris, le Brésil et Cuba. Toute une pléiade de musiciens prestigieux, de Jaques Morelenbaum à Roberto Fonseca, qui varient les couleurs et amènent un vrai supplément d'âme.

Mondomix a réalisé ce documentaire assez complet sur les coulisses de cet enregistrement :



Si la patte brésilienne est ici en majeur, de réminiscences bossa en percus bahianaises, Mayra Andrade garde de ses origines cap-verdiennes, outre le créole, quelque chose dans la voix qui en fait sonner toute la saudade. Elle incarne ses chansons jusqu'à en faire notre baume de l'été, un elixir en quelque sorte...