samedi 19 février 2011

Le Charles Trénet de "Ménilmontant"


Ne trouvez vous pas qu'il y a quelque ironie à célébrer les dix ans de la mort de quelqu'un à qui on a refusé de devenir "immortel" ? Et qu'on peut trouver sinistre l'actualité qui le concerne, avec cette adaptation italienne de "Douce France" ? A l'ironie et au sinistre (cynisme ?), pour évoquer le "fou chantant", nous préférerons l'hommage très chauvin à l'auteur de "Ménilmontant".

Alors qu'aujourd'hui, l'Académie Française peine à recruter de nouveaux membres, Echenoz, Pennac, Quignard et Le Clézio, par exemple, ayant déjà refusé*, en 1983, Charles Trénet avait vu sa candidature refusée. Son apport à la langue française fut de la faire swinguer mais cela ne suffira pas à lui faire endosser l'habit vert. On ne vas pas présenter Charles Trénet, les papiers qui lui seront consacrés pour l'occasion seront là pour ça. Rappelons simplement que Charles Trénet a joué un rôle essentiel dans l'ouverture de la chanson française sur le jazz. Au même titre que Jean Sablon. C'est d'ailleurs ce dernier qui a créé la première version de "Vous qui passez sans me voir" que Trénet, encore inconnu, avait composé avec Johnny Hess, et qui deviendra le titre emblématique de son élégant interprète.

Quant à l'adaptation italienne de "Douce France" par notre première dame, elle tombe complètement à plat puisque, dans le même temps, a été exhumé un morceau inédit de 1988, intitulé "Vas-y Tonton", écrit pour soutenir la campagne de... Mitterand ! Et franchement, parmi les reprises de "Douce France", ne vaudrait-il pas mieux réécouter l'interprétation qu'en avait donné Carte de Séjour ? Toujours aussi pertinente aujourd'hui. Et quitte à adapter un auteur-compositeur français en italien, nous préférions quand Fabrizio de André s'attaquait à Brassens...

Trêve de toute autre considération, pour les dix ans de la disparition de Charles Trénet, je voudrais simplement lui dire merci, un grand merci du fond du cœur pour avoir un jour composé une chanson dédiée à mon quartier, celui où je suis né et ai passé la plus grande partie de ma vie : Ménilmontant.

"Ménilmontant, mais oui madame
C'est là que j'ai laissé mon cœur
C'est là que je viens retrouver mon âme
Toute ma flamme
Tout mon bonheur..."


Même si je ne l'écoute que très rarement, je suis content que cette chanson existe. Franchement, c'est plutôt rare les quartiers ayant la chance d'avoir une chanson à leur nom.

Si le quartier venait à faire sécession du reste du pays, voyez, il aurait déjà son hymne. Je sais, c'est peu probable. Souvenons-nous par contre qu'il y a une quinzaine ou une vingtaine d'années, entre deux tours d'une élection municipale, Didier Bariani, candidat local de la droite depuis des lustres, alors en ballottage défavorable, avait fait distribuer des tracts pour faire frémir la population sur la menace que serait le passage à gauche de l'arrondissement. Pour exprimer cette idée, une image représentait le XXe découpé de la carte de Paris et dérivant vers la banlieue, c'est-à-dire le 9-3 limitrophe. Et parce qu'on prend décidément les électeurs pour des cons, cette dérive de l'arrondissement était soulignée, flèche à l'appui. A cette démagogie sécuritaire, les électeurs du XXe qui ne sont justement pas des cons, ont répondu en n'élisant pas Bariani. Ironie de l'histoire, aujourd'hui, c'est plutôt Montreuil qui risquerait d'être annexé à Paris !

Ménilmontant a beaucoup changé depuis Trénet. Si on voit encore les rails de la "petite ceinture" à la hauteur de la rue Sorbier, depuis longtemps les trains n'y circulent plus. Les mots de Trénet ont perdu leur sens : "quand je revois ma petite gare : où chaque train passait joyeux / j'entends encore dans le tintamarre / des mots bizarres, des mots d'adieux". Et pris un coup de vieux.


Cela fait quelques années que j'ai quitté le quartier, le XXe et même Paris. Pas un seul jour je ne l'ai regretté mais je garde toujours un attachement particulier à Ménilmontant et Belleville. Et c'est la chanson de Trénet qui demeure la bande-son de mes rares accès de nostalgie. On dit parfois que c'est dans l'éloignement que l'on apprécie la valeur des choses. Ce n'est pas tout à fait vrai dans mon cas : chaque jour,  sans jamais de lassitude, je m'émerveillais de voir la Tour Eiffel quand, du haut de la rue, on avait cette vue plongeante sur tout Paris. C'est quoi les paroles, déjà ? "J'suis pas poète mais j'suis ému" ? Ca doit être ça... Décidément pas de quoi entrer à l'Académie Française !

Charles Trénet, "Ménilmontant" (1939) mp3 320kbps**

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* Pierre Assouline, "Académies cherchent candidats, vieillards s'abstenir", Le Monde (11/2/2011)
** Le morceau et son enregistrement ayant plus de soixante-dix, ils sont donc libres de droit, non ?

2 commentaires:

  1. Sympa cet hommage, et merci pour le morceau. Quant à Marie-Antoinette... Rendez-vous à Varennes.

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  2. The signals connect with concentrated nerve areas, which in turn spread the signal to the complete abdominal region.



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