lundi 14 février 2011

Iron & Wine : de l'eau dans son wine, du funk dans son folk...

"La barbe honore l'homme, les moustaches le chat"
(Proverbe russe)

Peut-être la vie n'est-elle pas autre chose qu'une âpre et incessante lutte contre ses propres préjugés. A moins, bien sûr, que vous n'y cédiez sans résistance et, là, excusez-moi de vous le dire : vous êtes un con ! Un de mes préjugés, je le confesse, concerne les barbus à guitare ! N'essayez pas de me faire écouter Will Oldham aka Bonnie "Prince" Billie, ou les défunts Grandaddy… De ces derniers, j'ai un CD à la maison que je n'ai même jamais sorti de son emballage, c'est dire ! Alors il était fort vraisemblable que je ne me précipite pas pour écouter Kiss Each Other Clean, le dernier album d'Iron & Wine. Et pourtant...


Bon, des barbus dont j'aime la musique, ça ne manque pourtant pas, ce n'est même pas un critère, je n'y prête pas la moindre attention : George Clinton, les Beatles à une période, Martinho da Vila, João Bosco, Robert Wyatt, ou plus près de nous, quoiqu'il soit déjà loin loin, bien loin dans sa tête, Gonjasufi, ou encore Shafiq Husayn évoqué ici il y a quelques jours... Non, mon préjugé s'applique exclusivement aux barbus à guitare, à la voix nasillarde et plaintive, adeptes du folk lo-fi ou de l'indie torturée. Voyez le genre ?

Tout à fait le profil de Sam Beame, aka Iron & Wine, un bien beau spécimen d'homo barbudo sapiens. La sortie de son dernier album, Kiss Each Other Clean, a pourtant aiguisé ma curiosité. J'avais lu dans une critique de l'album : "qui aurait imaginé que ce délicat barde se lancerait un jour dans l'électro pop cérébrale ou une variante de progressif un peu funk, un peu jazz ?" (Hugo Cassaveti, Télérama). Un peu funk ? Voyons voir ça... Test d'écoute effectué, le verdict est sans appel : si vous n'écoutez guère que du folk minimaliste et neurasthénique, certes "Big Burned Hands" pourrait vaguement ressembler du funk. Par contre, si le funk est une de vos nourritures musicales favorites, passez votre chemin : vous n'en décèlerez guère ici la moindre trace, ou sinon au prix d'un bel effort d'imagination ! Mais ce serait une mauvaise raison d'écouter Iron & Wine pour y chercher le funk, vous seriez déçu. C'est pas du funk, point barre. Et si on veut du funk, on saura vers qui se tourner.

Quoi qu'il en soit, Kiss Each Other Clean est, paraît-il, une évolution assez radicale de l'œuvre enregistrée de Sam Beame. Au minimalisme guitare et banjo de ses albums précédents, il préfère ici étoffer l'accompagnement et le son, avec l'aide du producteur Brian Deck. Comme l'écrit Francis Dordor à propos de l'album dans Les Inrocks, "Beam ne chuchote plus. Il chante comme s’il apercevait au loin les premiers reliefs de la terre promise". "La terre promise", tout de même, monsieur Dordor, vous y allez un peu fort dans l'hyperbole ! Ce doit être la barbe. Tout de suite, pareil attribut confèrerait des airs de prophète au premier type venu pour peu qu'il soit en panne de double-lames et qu'il ait l'air hébété. Coïncidence, je suis justement en train de lire Trichologiques : Une Anthropologie des Cheveux et des Poils, le livre de Christian Bromberger consacré à la dimension culturelle de nos pilosités. J'y note cette distinction qui semblerait s'appliquer à notre bonhomme : souvent, les trichophiles (du grec τριχός, ou trichos, c'est-à-dire cheveu) seraient plutôt naturophiles, les trichophobes, naturophobes. Ainsi, les peuples qui se rasaient et s'épilaient marquaient ainsi une coupure nette entre eux et la Nature. Concernant les barbes hirsutes, pour en revenir au cas précis de Sam Beame, on lira : "faut-il rappeler que la chevelure et la barbe en friche de l'ermite connotent le renoncement sexuel". Certes, même sans le recours à une littérature aussi savante, on parviendrait aisément à une semblable conclusion. D'ailleurs c'est justement de là que provient mon préjugé sur ces barbus folk.  Mais puisque je lutte contre mes préjugés, j'écoute Kiss Each Other Clean. Et j'apprécie même un ou deux titres :  "Me and Lazarus", voire ce soi-disant funk "Big Burned Hand"... Par acquis de conscience, j'ai même écouté The Sea & The Rhythm (2003) et là, très franchement, c'est au-delà de mes forces. Qu'on choisisse le dépouillement absolu, guitare sèche et voix, soit, mais là ! Iron & Wine est du genre radical, sans concessions : il se serait enregistré sur un vieux répondeur téléphonique à mini-cassette, ça ne sonnerait pas plus pourri ! Politiquement parlant, je serais plutôt du genre à défendre son approche plutôt que celle, dominante, consistant à formater le son. De là à l'écouter ! Ce genre de choses, voyez-vous... me hérisse le poil.

Les Parisiens pourront retrouver Iron & Wine cette semaine à l'Alhambra, les 17 et 18 février.


2 commentaires:

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