lundi 15 novembre 2010

Push Up en Cosmic Groove Session

Si vous ne m'autorisez qu'un seul adjectif pour définir le funk, je vous dirai que la réponse est facile. Le funk est : généreux. Généreux ! Quels que soient les styles ou les époques, c'est son dénominateur commun. Et sa sueur étymologique n'en est qu'une métaphore. Push Up!, samedi soir, était profondément funk, foncièrement généreux.


Cette deuxième Cosmic Groove Session de la saison a donc honoré son cahier des charges en invitant à Montpellier ce super-groupe de la scène française. Chacun de ses membres mène sa carrière propre mais s'est jeté dans ce projet parallèle avec un bel enthousiasme et a reçu en retour encore plus d'enthousiasme, celui qui naît de l'élan collectif, de l'esprit d'équipe quand il n'est pas parasité par les egos. Un leitmotiv du groupe qui, durant le concert, répétait "1 + 1 + 1 + 1" : on est plus fort ensemble... 

Push Up! se présente à huit sur scène. En deux rangs : en frontline les chanteurs, derrière le groupe. Ca pourrait ressembler à un 4-4-2, sauf que c'est un 4-4-"1+1+1+1"... = 8... On est plus fort ensemble. Devant donc, Jî Drû, aussi flûtiste, Karl The Voice, en costume coloré Xuly Bët, Allonymous et Sandra Nkaké. Où la "diva" soul française se met au service du collectif, laissant la place au centre de la scène à Allonymous. Américain, œil pétillant, allure impeccable et faux airs d'un frère de Mos Def... Tous, ensemble ou à tour de rôle, racontent l'histoire de Quincy Brown qui sert de fil conducteur à leur album The Grand Day of Quincy Brown. Quincy Brown est un ancien chanteur de soul fictif, largué, en pleine crise existentielle, qui se dit qu'il doit bien faire quelque chose de sa vie...

Quincy Brown me rappelle Barrett Rude Jr., un autre chanteur soul fictif, un des personnages du très riche roman de Jonathan Lethem, Forteresse de Solitude. Sa carrière est derrière lui, il vit en reclus... "Barrett Rude Jr. s'habillait de plus en plus comme quelqu'un qui ne sort jamais de chez lui, tout son étage mué en une espèce d'auto-harem, territoire de pyjamas". Où des montagnes de coke achèvent de l'isoler dans son inactivité rêveuse (du coup, je reviendrai prochainement sur ce roman et Barrett Rude Jr., un fantastique roman où on assiste à la naissance du hip hop, à la gentrification de Brooklyn, à travers les yeux de deux jeunes garçons).

Quincy Brown pourrait être un personnage de film mais plutôt que d'un film blaxpoitation, comme le voudrait le cliché, ce serait un film d'auteur qui se concentrerait sur les introspections du héros, plus contemplatif que tourné vers l'action. D'auteur mais super funky ! Pour lui donner corps, Karl the Voice et Allonymous apportent une certaine crédibilité en se présentant en authentiques édentés de la frontline, comme s'ils portaient les stigmates du vécu, et des épreuves corollaires, de leur personnage.

Eux qui se définissent comme "une bande de quadragénaires teenagers" ont conservé l'enthousiasme et l'énergie. Leur présence est communicative. Ca bouge, ça danse et ça saute dans tous les coins ! A leurs côtés, Sandra Nkaké fait figure de jeunette. Elle est bien sûr sublime, incroyable chanteuse. Rayonnante, pimpante, farouche, souriante... Il faudrait songer à changer la silhouette-égérie des soirées Cosmic Groove, avec son afro de rigueur, et la remplacer par celle de Sandra Nkaké. Au moins. Sérieux. Comment se fait-il, bon sang, que des artistes pareils ne jouissent pas d'une plus grosse couverture médiatique ?

Push Up! a parfaitement incarné l'esprit du funk sur la scène du JAM. En un adjectif, leur prestation a été... généreuse. J'étais étonné de les voir déjà battre en retraite après une heure-et-quart de concert mais c'était mal les connaître : le rappel a duré plus d'une heure ! Le temps de fêter l'anniversaire de Karl the Voice ou de jouer des reprises de classiques comme "I Fought the Law" ou "Dance to the Music", histoire de communier plus encore avec le public en terrain connu, et où c'est le public qui a fini plié, lessivé...


Si vous y étiez ce bref compte-rendu ne vous apprendra rien de plus. Si vous n'y étiez pas, regardez la captation qu'a offert Arte ci-dessous, de leur passage au Festival de Jazz de la Villette. Et je suis persuadé que vous surveillerez leur éventuel prochain passage du côté de chez vous et que, le cas échéant, vous vous précipiterez illico acheter des billets pour leur concert.



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