dimanche 28 novembre 2010

La "Fleurette Africaine" de Duke Ellington, la plus délicate qui soit

Il y a un défi à prétendre parler de Duke Ellington ici. Son œuvre a déjà été tellement étudiée, analysée, tant d'exégèses et tant de livres de spécialistes l'ont décortiquée, qu'il pourra sembler bien présomptueux d'avoir quelque chose d'original à en dire. Qu'importe, ces derniers jours, j'ai ré-écouté un titre particulier, sur un album à part de la discographie du Duke, et ce morceau, "Fleurette Africaine", possède un charme si délicat que j'aurais aimé partagé ces quelques instants de recueillement sublime, en faisant fi de toute dimension technico-historique, tout simplement en le proposant en écoute.

Money Jungle est un album de Duke Ellington en trio où il est accompagné de Max Roach et Charles Mingus. Une parenthèse dans les carrières remplies de leurs auteurs. Un album dont toutes les nouvelles compositions sont (bien sûr) signées par Duke Ellington. Si ensemble, ils reprennent des titres du répertoire de Duke Ellington déjà célèbres comme "Caravan" (qui n'est pas de lui, on le sait, mais de Juan Tizol) ou "Solitude", on y découvre surtout des morceaux inédits, dont cette délicate "Fleurette Africaine" où Mingus fait des merveilles.

Si Duke Ellington est avant tout reconnu comme compositeur, directeur d'orchestre, arrangeur, il a également enregistré des albums qui mettent en valeur son jeu de piano très dépouillé. En 1962, il enregistre coup sur coup deux disques magnifiques. Le premier Money Jungle, en trio avec Max Roach et Charlie Mingus, enregistré le 17 septembre. Suivi neuf jours plus tard, le 26, de son album avec John Coltrane. Si j'ai toujours été fasciné par le charisme et l'élégance de ce monsieur, ma découverte de l'œuvre d'Ellington s'est faite à rebrousse-poil, ou contre-courant, en commençant par ces disques des années soixante en petite formation. Ce n'est que le fruit du hasard, au gré des mes conquêtes dans les bacs à disques avec les contraintes d'un bien maigre budget. J'ai ainsi mis la main, il y a une vingtaine d'années, sur ces deux albums, Money Jungle et celui avec Coltrane, ainsi que sur son Afro-Eurasian Eclipse. Depuis, je suis bien sûr allé écouter certains de ses titres des années vingt, trente et quarante, pour comprendre son évolution, sans pour autant prétendre connaître précisément une œuvre aussi riche et essentielle. Je me dis régulièrement qu'un jour je partirai en immersion dans son impressionnante discographie, une paire de livres lui étant consacrée à portée de la main.

En attendant, c'est vers "Fleurette Africaine" que je reviens régulièrement. Après avoir inventé le style jungle dans les années 20, avec toute la luxuriance de son orchestre, le voici dans ce format intime... La jungle est devenue celle de l'argent et on vient y découvrir une clairière préservée, encore vierge où pousse cette "Fleurette Africaine"...

Voici ce qu'a dit le Duke à Roach et Mingus avant d'enregistrer...
"Nous sommes au centre d'une jungle où, à trois cents kilomètres à la ronde, aucun homme n'a jamais pénétré. Au centre de cette jungle dans la mousse épaisse et sur quelques kilomètres carrés poussent de petites fleurs : rien d'aussi fragile n'a jamais fleuri. Je commence à jouer et nous poursuivons sans interruption jusqu'à la fin".


Pour qui souhaiterait un commentaire sérieux sur l'album, ce beau texte de Paul Laurendeau me semble faire l'affaire...

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