"Il n'est pas donné à tous les hommes d'apprécier ce qui les entoure.
La plupart s'imaginent qu'ils trouveront ailleurs ce qu'ils cherchent
et qui pourtant s'étale sous leurs yeux"
Albert Cossery, Un Complot de Saltimbanques
On a tous appris ce que Voltaire faisait dire à Candide, en conclusion de ce conte fameux : "il faut cultiver notre jardin". La morale de cette histoire est qu'il faut travailler et qu'ensuite seulement, nous pourrons récolter les fruits de ce labeur. Mais, bon, il faut travailler. Nous allons citer deux chansons qui insistent sur la première partie de cette morale... Point n'est besoin d'aller chercher ailleurs notre bonheur, il est déjà là. Comme dans ce petit problème zen où le maître demande à ses élèves : "comment fait-on pour mettre un canard dans une bouteille ?". Au terme d'un intense triturage de méninges où personne ne trouve la solution, le maître donne cette réponse : "il est déjà dans la bouteille". Les élèves ont alors le choix entre poursuivre leur triturage de méninges pour comprendre la réponse ou, simplement, se dire : ben oui, il est déjà là...
Pour ce deuxième volet de notre série sur les chansons modestes dont le message nous enseigne à "nous satisfaire du nécessaire", nous avons choisi des morceaux qui ont agi comme des "prises de conscience". Il faut bien un déclic, un éveil à cette problématique de l'hédonisme ici-bas. Pour le Dr. Funkathus, c'est Baloo dans Le Livre de la Jungle qui fit office de guide spirituel. Bien sûr, l'histoire en fait un type, pardon un ours, complètement immature. Ce n'est qu'en s'arrachant à ses griffes que Mowgli franchit un stade dans son développement. Devenir adulte, c'est ne pas céder à ses impulsions du moment, être capable de se projeter, vous voyez le genre de propos. Sans être féru de psychologie ou du développement de l'enfant, on l'aura compris tant c'est ici esquissé à gros traits : Baloo est une étape à dépasser. Chez Walt Disney, on est moraliste, c'est comme ça. C'est pourtant notre gros Baloo* qui, avec sa chanson, a planté la petite graine qui allait devenir une devise pour les années à venir, jusqu'à l'âge adulte. Tout ça uniquement pour ces quelques paroles :
"Il y en a qui cherchent des mondes inouïs
Oui mais moi je n'aime que celui-ci"
Selon votre âge, vous reconnaîtrez ou non les paroles. En effet, quand j'étais enfant, la chanson s'appelait "Avec un minimum" ("avec un mini-minimum, on oublie un ours et un homme") alors que, par la suite, les paroles en ont été changées et que le morceau est désormais intitulé "Il en faut peu pour être heureux". Mais quelle que soit la version, le sens général reste le même. Et, même si nous sommes supposés dépasser Baloo dans notre développement, avouons que sa philosophie a du bon.
Sorti de l'enfance, un autre morceau allait enfoncer le clou de cette sagesse : le bien-être est ici, à l'endroit précis où l'on se trouve, l'herbe n'est pas plus verte dans le pré d'en face. Il s'agit de la célèbre chanson "Quand on s'promène au bord de l'eau", interprétée par Jean Gabin dans La Belle Equipe, le film de Julien Duvivier, sorti en 1936.
Et ce coup-ci, franchement, c'est pas Baloo ! N'allez pas me dire que Gabin est une stade à dépasser, un genre de gars immature. Que non ! Gabin, notre Gabin, c'est un bonhomme. Je me souviens avoir entendu Claude-Jean Philippe identifier le point commun entre tous ses rôles : son personnage est toujours un type compétent.
Pendant longtemps, "Quand on s'promène au bord de l'eau" fut la seule chanson dont je connaissais par cœur les paroles et que j'aurais pu vous interpréter au débotté. Vrai, c'est le genre de truc qui se suffit d'un a cappella. Osons aussi dire que c'était même comme un slam avant l'heure. Rappelez-vous, quand on s'promène au bord de l'eau, comme tout est beau !
"J'connais des gens cafardeux
Qui tout l'temps s'font des ch'veux
Et rêv'nt de filer ailleurs
Dans un monde meilleur.
Ils dépensent des tas d'oseille
Pour découvrir des merveilles.
Ben moi, ça m'fait mal au cœur ...
Car y a pas besoin
Pour trouver un coin
Où l'on se trouv' bien,
De chercher si loin"...
Ceci posé, relativisons : "voir le bon côté des choses" ne préserve pas des coups durs. Ce n'est d'ailleurs pas le personnage de Gabin dans La Belle Equipe qui dira le contraire, empêtré dans la noirceur foncière de Duvivier. Mais si, au moins, en temps normal ça aide à ne pas "s'faire des cheveux", ma foi, c'est déjà pas mal...
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Hé hé ! Je vois que nous partageons la lecture d'Albert Cossery ;o)
RépondreSupprimerMys35
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