Appliquant sa devise "Fighting AIDS through Popular Culture", cela fait plus de vingt ans que l'association Red Hot entend financer la recherche sur le sida en sortant des compilations thématiques de bonne facture. Après un Red Hot + Rio, en 1996, consacré à la bossa nova à travers les compositions de Tom Jobim, cette fois-ci, pour ce deuxième opus consacré à la musique brésilienne, Rio Hot + Rio 2, ce sont les Tropicalistes qui sont à l'honneur. Pour cette sortie annoncée en juin, on retrouvera bien sûr parmi les participants, les Caetanophiles américains déclarés de longue date, Beck et Devendra Banhart. Alors qu'avec Liz Taylor, la lutte contre le sida vient de perdre une de ses ambassadrices les plus fidèles, le projet méritait bien cette annonce anticipée en nos colonnes.
J'ai un peu perdu le fil de toutes leurs initiatives mais j'avais acheté, au format double-LP, leurs deux premières compilations, Red Hot = Blue, consacrée au répertoire de Cole Porter, en 1990, puis Stolen Moments : Red Hot + Cool, en 1994, qui à la façon du projet Jazzmatazz de Guru, provoquait des rencontres entre jazzmen et rappeurs. De fait, ce genre d'initiatives est souvent inégale, quelques titres se détachant, les autres étant vite relégués dans l'oubli. Sur Red Hot + Cool, je garde le souvenir ému de "I've Got You Under my Skin" interprété par Neneh Cherry, alors qu'elle était au sommet de son charisme. J'aimais aussi la reprise de "I Love Paris" par les Négresses Vertes, sympa au-delà de mon indécrottable chauvinisme parigot. Pour Stolen Moments : Red Hot + Cool, c'est la collaboration entre Me’Shell NdegéOcello et Herbie Hancock sur un titre en forme d'oxymore, "Nocturnal Sunshine", qui cassait la baraque. Pour cette autre contribution française, au milieu d'un casting haut de gamme, notre MC Solaar national n'était pas ridicule, accompagné par Ron Carter, en interprétant "Un Ange en Danger", après avoir déjà participé brillamment au premier Jazzmatazz avec "Le Bien, Le Mal".
Quant à Red Hot + Rio, le premier volet, en 1996, il est dans mon souvenir très inégal. J'aurai la politesse de ne pas épiloguer sur les contributions internationales qu'il serait même charitable pour les intéressés d'oublier.
Par la suite, j'ai trouvé plutôt réussi l'exercice délicat consistant à reprendre Fela Kuti sur Red Hot + Riot, en 2002. On y retrouvait notamment quelques Soulquarians certainement ravis de réaliser leur fantasme de se confronter à l'afrobeat du maître mais plus réservés quant à la perspective d'aller s'y confronter sur le terrain, à Lagos, comme le regrettait à l'époque leur ami Femi.
Je ne m'attarderai pas sur Dark Was the Night*, essentiellement indie, que je n'ai pas écouté dans son intégralité, même si j'y avais apprécié les contributions d'Andrew Bird et My Brightest Diamond, évoquée ici même il y a quelques jours.
En 2008, un projet Red Hot + Rio II avait déjà vu le jour à New York. Il s'agissait d'un concert où l'on reprenait Jorge Ben et Tim Maia et où les participants s'appelaient Moreno Veloso, CéU, Otto, Curumin, Kassin, João Parahyba et autre Bebel Gilberto. Aucun disque ne vint cependant immortaliser ces interprétations.
Changement de cible pour ce Red Hot + Rio 2, le disque, c'est cette fois l'œuvre des Tropicalistes qui est re-visitée, Caetano, Gil, Tom Zé, les Mutantes... J'ignore encore le répertoire définitif du projet et tous ses interprètes. Les seuls noms connus pour l'instant sont ceux d'Of Montreal, aperçu par ici il y a quelques jours, Dirty Projectors, José Gonzalez, John Legend ou... Madlib. Pour ce nouvel épisode, il apparaît comme une évidence que les plus "caetanophiles" des Américains soient également conviés, j'ai nommé Beck et Devendra Banhart. Le premier crie sur tous les toits son enthousiasme pour Caetano depuis plus d'une dizaine d'années, il avait même composé un morceau intitulé "Tropicalia" pour son album Mutations en 1998. Interrogé alors par Vibrations, il regrettait le manque d'ouverture sur le Monde de ses compatriotes. "Nous, Américains, avons besoin d’un emballage pratique et agréable à regarder. Personne ici n’achètera un album original de Caetano Veloso. Comment voulez-vous qu’un Américain débourse 15, 20$ pour un disque qui présentera sans doute sur sa pochette une photo plus ou moins floue de Caetano le torse nu et velu ? Impossible". Hormis le fait que le torse de Caetano n'est pas velu, Beck a probablement raison sur le fond du problème. D'où le rôle essentiel de David Byrne et ses compilations parues sur son propre label Luaka Bop. Mais c'est une chose de faire connaître la musique brésilienne à un public international, c'en est une autre de s'en inspirer pour produire une musique stimulante.
Là où le bât blesse, c'est que sur le site même de Red Hot, "O Leãzinho" soit présenté comme en morceau de 1977, exact, composé pour la compilation Beleza Tropical, Vol. 1 !!! J'ai moi-même découvert la chanson grâce à cette compilation sélectionnée par David Byrne mais, bon sang, faut-il encore répéter que "O Leãzinho" figure sur l'album Bicho ? Que Caetano enregistrait déjà depuis vingt ans quand David Byrne le fit découvrir à ses compatriotes ? Mon Dieu, ce que regrettait Beck il y a dix ans n'a pas bougé d'un iota ! Zach aura beau s'enthousiasmer à base de "je pense honnêtement que le portugais brésilien est la plus belle langue sur cette planète pour sa musicalité", sa version visiblement appréciée des critiques anglo-saxons, me laisse presque indifférent. Je vous laisse juge...
Je ne saurais pourtant conclure sur cette note sceptique la présentation d'une telle organisation œuvrant pour la bonne cause, aussi inviterai-je les amateurs de musique brésilienne et lusophone à découvrir un autre album, Onda Sonora : Red Hot + Lisbon où la fine fleur brésilienne, portugaise, cap-verdienne, angolaise, mozambicaine, multiplie les duos et collaborations pour nous offrir quelques réussites. La distribution laisse rêveur : Cesaria Evora, Bonga, Madredeus, Marisa Monte, Caetano Veloso, Arto Lindsay, Vinicius Cantuária, Funk 'n Lata, Djavan, Ketama, General D, Carlinhos Brown, Arnaldo Antunes, Banda Dida Femininá, Paulo Bragança, DJ Spooky, Lura, Simentera, etc... et même Durutti Column... Même à moitié réussies, je suis sûr que vous aurez la curiosité un jour d'écouter ces rencontres musicales, pourquoi pas en achetant l'album et soutenant une initiative caritative de si bon goût ?
* Il y en a eu aussi pas mal d'autres, voir leur catalogue...
Red Hot.org, le site.
J'ai un peu perdu le fil de toutes leurs initiatives mais j'avais acheté, au format double-LP, leurs deux premières compilations, Red Hot = Blue, consacrée au répertoire de Cole Porter, en 1990, puis Stolen Moments : Red Hot + Cool, en 1994, qui à la façon du projet Jazzmatazz de Guru, provoquait des rencontres entre jazzmen et rappeurs. De fait, ce genre d'initiatives est souvent inégale, quelques titres se détachant, les autres étant vite relégués dans l'oubli. Sur Red Hot + Cool, je garde le souvenir ému de "I've Got You Under my Skin" interprété par Neneh Cherry, alors qu'elle était au sommet de son charisme. J'aimais aussi la reprise de "I Love Paris" par les Négresses Vertes, sympa au-delà de mon indécrottable chauvinisme parigot. Pour Stolen Moments : Red Hot + Cool, c'est la collaboration entre Me’Shell NdegéOcello et Herbie Hancock sur un titre en forme d'oxymore, "Nocturnal Sunshine", qui cassait la baraque. Pour cette autre contribution française, au milieu d'un casting haut de gamme, notre MC Solaar national n'était pas ridicule, accompagné par Ron Carter, en interprétant "Un Ange en Danger", après avoir déjà participé brillamment au premier Jazzmatazz avec "Le Bien, Le Mal".
Quant à Red Hot + Rio, le premier volet, en 1996, il est dans mon souvenir très inégal. J'aurai la politesse de ne pas épiloguer sur les contributions internationales qu'il serait même charitable pour les intéressés d'oublier.
Par la suite, j'ai trouvé plutôt réussi l'exercice délicat consistant à reprendre Fela Kuti sur Red Hot + Riot, en 2002. On y retrouvait notamment quelques Soulquarians certainement ravis de réaliser leur fantasme de se confronter à l'afrobeat du maître mais plus réservés quant à la perspective d'aller s'y confronter sur le terrain, à Lagos, comme le regrettait à l'époque leur ami Femi.
Je ne m'attarderai pas sur Dark Was the Night*, essentiellement indie, que je n'ai pas écouté dans son intégralité, même si j'y avais apprécié les contributions d'Andrew Bird et My Brightest Diamond, évoquée ici même il y a quelques jours.
En 2008, un projet Red Hot + Rio II avait déjà vu le jour à New York. Il s'agissait d'un concert où l'on reprenait Jorge Ben et Tim Maia et où les participants s'appelaient Moreno Veloso, CéU, Otto, Curumin, Kassin, João Parahyba et autre Bebel Gilberto. Aucun disque ne vint cependant immortaliser ces interprétations.
Changement de cible pour ce Red Hot + Rio 2, le disque, c'est cette fois l'œuvre des Tropicalistes qui est re-visitée, Caetano, Gil, Tom Zé, les Mutantes... J'ignore encore le répertoire définitif du projet et tous ses interprètes. Les seuls noms connus pour l'instant sont ceux d'Of Montreal, aperçu par ici il y a quelques jours, Dirty Projectors, José Gonzalez, John Legend ou... Madlib. Pour ce nouvel épisode, il apparaît comme une évidence que les plus "caetanophiles" des Américains soient également conviés, j'ai nommé Beck et Devendra Banhart. Le premier crie sur tous les toits son enthousiasme pour Caetano depuis plus d'une dizaine d'années, il avait même composé un morceau intitulé "Tropicalia" pour son album Mutations en 1998. Interrogé alors par Vibrations, il regrettait le manque d'ouverture sur le Monde de ses compatriotes. "Nous, Américains, avons besoin d’un emballage pratique et agréable à regarder. Personne ici n’achètera un album original de Caetano Veloso. Comment voulez-vous qu’un Américain débourse 15, 20$ pour un disque qui présentera sans doute sur sa pochette une photo plus ou moins floue de Caetano le torse nu et velu ? Impossible". Hormis le fait que le torse de Caetano n'est pas velu, Beck a probablement raison sur le fond du problème. D'où le rôle essentiel de David Byrne et ses compilations parues sur son propre label Luaka Bop. Mais c'est une chose de faire connaître la musique brésilienne à un public international, c'en est une autre de s'en inspirer pour produire une musique stimulante.
On sait bien qu'il ne suffit pas de se réclamer d'un artiste pour s'en approprier le talent. Il en va ainsi de l'inspiration de Caetano Veloso revendiquée par Devendra Banhart, alors que la dévotion de celui-ci s'est jusqu'à présent surtout signalée par des accoutrements hippies plutôt que par des enregistrements dignes de son mentor.
Jane Birkin pire que "Friday" ! Zach Condon, aka Beirut, incarne un autre cas de figure. Originaire de Santa Fé, au Nouveau Mexique, il démontre que la globalisation a du bon, lorsqu'elle se traduit par une ouverture facilitée sur le reste du Monde. Il s'est dédié avec talent à une relecture des musiques d'Europe de l'Est, quand il ne dévoilait pas son côté francophile ou ses immersions mexicaines. Sur Red Hot + Rio 2, c'est lui qui se colle au "O Leãozinho" de Caetano Veloso. Exercice délicat. Il n'aura aucun mal à faire mieux que Jane Birkin qui l'avait interprété en duo avec Caetano. En personne. Il n'a pas eu honte ? C'est même incompréhensible que personne dans l'entourage de Birkin ne l'ait dissuadée de laisser sortir pareil attentat. Si toute la Toile décerne actuellement la palme de la pire chanson à "Friday" de je ne sais plus quelle teenager américaine, je l'incite vivement relativiser son jugement à l'aune de ce massacre.
Là où le bât blesse, c'est que sur le site même de Red Hot, "O Leãzinho" soit présenté comme en morceau de 1977, exact, composé pour la compilation Beleza Tropical, Vol. 1 !!! J'ai moi-même découvert la chanson grâce à cette compilation sélectionnée par David Byrne mais, bon sang, faut-il encore répéter que "O Leãzinho" figure sur l'album Bicho ? Que Caetano enregistrait déjà depuis vingt ans quand David Byrne le fit découvrir à ses compatriotes ? Mon Dieu, ce que regrettait Beck il y a dix ans n'a pas bougé d'un iota ! Zach aura beau s'enthousiasmer à base de "je pense honnêtement que le portugais brésilien est la plus belle langue sur cette planète pour sa musicalité", sa version visiblement appréciée des critiques anglo-saxons, me laisse presque indifférent. Je vous laisse juge...
Je ne saurais pourtant conclure sur cette note sceptique la présentation d'une telle organisation œuvrant pour la bonne cause, aussi inviterai-je les amateurs de musique brésilienne et lusophone à découvrir un autre album, Onda Sonora : Red Hot + Lisbon où la fine fleur brésilienne, portugaise, cap-verdienne, angolaise, mozambicaine, multiplie les duos et collaborations pour nous offrir quelques réussites. La distribution laisse rêveur : Cesaria Evora, Bonga, Madredeus, Marisa Monte, Caetano Veloso, Arto Lindsay, Vinicius Cantuária, Funk 'n Lata, Djavan, Ketama, General D, Carlinhos Brown, Arnaldo Antunes, Banda Dida Femininá, Paulo Bragança, DJ Spooky, Lura, Simentera, etc... et même Durutti Column... Même à moitié réussies, je suis sûr que vous aurez la curiosité un jour d'écouter ces rencontres musicales, pourquoi pas en achetant l'album et soutenant une initiative caritative de si bon goût ?
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* Il y en a eu aussi pas mal d'autres, voir leur catalogue...
Red Hot.org, le site.
Le projet "Red Hot + Rio 2" est annoncé pour le 27 juin et sera distribué en France par Socadisc.
RépondreSupprimerDouble CD 34 titres dont 32 originaux avec John Legend, Os Mutantes, Devendra Banhart, Caetano Veloso, Dirty Projectors, Seu Jorge, Beck, Bebel Gilberto, José Gonzales, Beirut, Tom Zé, Of Montreal, Marisa Monte Gogol Bordello, DJ Dolores, Aloe Blacc, Angelique Kidjo, Rita Lee, Madlib, Money Mark, Céu, Apollo Nove, Mayra Andrade, Trio Mocotó, Tha Boogie, Alice Smith, Carlinhos Brown, Los Van Van, Brazilian Girls, Marcos Valle, St. Vincent, Neon Indian, Forró In The Dark, Mia Doi Todd...