dimanche 31 juillet 2011

"Euê Ô" : l'Incantation à Osain de Wilson das Neves et Os Ipanemas


"Tout le secret du candomblé réside dans ses feuilles"
(cf. Roger Bastide, Le Candomblé de Bahia*)

Pour ce dernier jour de juillet, voici un élixir de choix : un hommage à l'Orixa médecin, Osain. Une incantation envoûtante signée de Wilson das Neves. Quand les rythmes se conjuguent à la spiritualité, comme ici, on touche quelquefois à ce qu'il existe de plus beau dans les musiques brésiliennes.

Wilson das Neves a joué de la batterie sur un nombre incalculable de chefs d'œuvre et accompagné depuis cinquante ans les plus grands artistes brésiliens. Qui d'autre que lui pourrait s'enorgueillir d'avoir joué avec Elza Soares, Chico Buarque, Caetano Veloso, Candeia, João Donato, Jorge Ben, etc, etc... ? Excusez le raccourci mais on aurait plus vite fait de citer les noms de ceux avec qui il n'a pas joué ! Outre son apport d'inamovible batteur des grands disques brésiliens, Wilson das Neves mène sa propre carrière en parallèle. Outre quelques albums parus sous son nom, il est à la tête de son propre groupe Os Ipanemas fondé dès les années soixante avec Astor Silva et Neco.

Il fallut attendre 2001 pour que Os Ipanemas renaissent. A l'initiative de Joe Davis et Ivan "Mamão" Conti. Seuls subsistent alors de la formation originale Wilson das Neves et le guitariste Neco. Si on rappelle qu'Ivan Conti est le batteur d'Azymuth, on comprendra la force de frappe de cette nouvelle mouture. Signés sur le label anglais Far Out Recordings, Os Ipanemas devenus The Ipanemas enregistrèrent quelques albums dans les années qui suivirent. Après la mort de Neco en 2009, Wilson das Neves lui rendit un hommage sur l'album suivant Que Beleza!, sorti en 2010. Le dernier du groupe à ce jour.

C'est sur celui-ci que figure "Euê Ô", le morceau qui nous intéresse aujourd'hui. Enfin, aujourd'hui sur l'Elixir mais depuis sa sortie pour moi. Si je la partage maintenant, c'est parce qu'instantanément, c'est devenu un titre fétiche. Si Os Ipanemas pratiquent une forme irrésistible de samba-jazz où les morceaux sont souvent des instrumentaux, le groupe est également très attaché à la spiritualité afro-brésilienne. C'est dans ces moments-là que leur musique gagne une profondeur et une émotion inouïes.


"Euê Ô" est une incantation à Osain (ou Ossaim, ou Ossanha). Si cet orixa est moins célèbre que Xangô ou un Oxala, mais son rôle est réellement essentiel. Dans ce panthéon d'orixas qui structure le candomblé, Osain est le plus jeune fils de Iemanjá et d'Oxalá. C'est lui le "maître des feuilles", celui qui connaît les pouvoirs des plantes et sait les utiliser pour soigner. Comme le note Roger Bastide*, il agit à travers l'axé**, c'est-à-dire le mana des feuilles. On mesure donc l'importance d'Osain dans la vie d'un terreiro. Comprenez bien qu'aucune cérémonie ne peut se tenir sans lui. "Tout le secret du candomblé réside dans ses feuilles" ! Si Osain est représenté unijambiste, c'est parce qu'il perdit l'autre dans un combat avec Xangô, jaloux de ses pouvoirs.


Un autre jour, Xangô demanda à sa femme Yansã (ou Oyá), déesse des vents, de souffler afin que toutes les feuilles s'échappent d'Osain pour être partagées entre tous les orixas. Au cœur de cette tempête, Osain répéta en guise de prière "eu, eu assa !", ce qui signifie "oh, feuilles", pour les retenir à lui. Une prière que vous pourrez entendre ici dans les paroles du morceau. Ce qui est la salutation rituelle adressée à Osain, sa saudação : "euê, euê assa, euê, euê ô", que vous entendrez ici par la voix de Wilson das Neves. "Qui vient là ? Osaim avec ses racines et ses feuilles pour laver et soigner les douleurs du Monde dans la paix d'Oxala". Aucun prêchi-prêcha ici, n'allez pas croire, juste un beau chant d'une rare sérénité.

Os Ipanemas, "Euê Ô", Que Beleza (2010) mp3 320 kbps

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* Roger Bastide, Le Candomblé de Bahia (première édition 1958). La citation mise en exergue vient d'un de ses informateurs.
** C'est-à-dire la force magique et invisible de toute chose que l'on nomme axé dans la tradition yorouba et mana en Polynésie.

3 commentaires:

  1. Il me semble que l'ancien président FHC (désormais surnommé THC par certains plaisantins) ait récemment rejoint cette philosophie venue du coeur de la forêt. C'est plus facile quand on a quitté le pouvoir et qu'on peu abandonner la démagogie… Mais c'est un beau geste.
    Comme est beau ce récent album du grand Wilson, auquel j'ai consacré un modeste billeticule, à lire ici :
    http://bossanovabrasil.fr/la-samba-a-lhonneur-avec-wilson-das-neves-138316.html

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  2. Wilson das Neves est une légende vivante qui met, à 75 ans, les bouchées doubles. Entre cet album solo, celui d'Os Ipanemas et l'Orchestra Imperial, il est sur tous les fronts. Au sommet de son expression. Et, à propos, merci pour le lien sur ton article !

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