L'été dernier, j'avais mis sur ma play-list de saison un titre de Maylee Tood, "Aerobics in Space", sorte de funk indie tout de guingois. Je l'écoutais donc quelques fois mais n'en parlais pas dans les colonnes de l'Elixir. Notamment parce que les seules vidéos que je trouvais alors de Maylee Todd la montraient jouant de la harpe et chantant dans un zoo. Pas franchement groovy. Difficile d'illustrer un morceau qui bouge avec ce genre de plan fixe. D'ailleurs "Aerobics in Space" est une anomalie justement tombée de l'espace, un funk un peu approximatif mais d'autant plus irrésistible qu'il figure sur un album dominée par cette harpe qui rendait douce la captivité des animaux du zoo. Quand elle ne les laissait pas complètement indifférents. Mais Gilberto Gil et Elvis, les deux références avec lesquelles a grandi cette jeune métisse philippino-canadienne, n'auraient probablement pas rencontré plus de succès en semblables circonstances.
En outre, je ne rencontrais pas la moindre critique française de son album. Mais comment donc ai-je découvert Maylee Todd puisque je n'avais lu aucune critique ? A votre avis ? Parce que j'avais trouvé un lien pour télécharger Choose Your Own Adventure, son album, sur un site dédié à cette pratique, pardi ! Parce que même si on ne connait pas l'artiste, une pochette peut être suffisante pour attirer l'attention. Je l'ai fait si souvent en achetant des disques, alors imaginez en les téléchargeant ! Vous-même, en voyant cette pochette, n'auriez-vous pas été intrigués ? Avouez qu'une fille qui pose dans pareil accoutrement assume certainement beaucoup de choses. Alors si la musique parvient à retranscrire le grain de folie de l'image, ça promet quelque bonne surprise.
J'ai donc découvert Maylee Todd l'été dernier. Puis plus rien, je ne l'avais même pas réécouté depuis mais, il y a quelques semaines, je découvre un article de Stéphane Deschamps dans Les Inrocks présentant Maylee Todd et son album Choose Your Own Adventure. Une critique très positive pour vanter la fraîcheur de l'œuvre et de son auteur : "Choose Your Own Adventure : sous les atours d’une douce escapade au pays du tropicalisme brésilien (voire paraguayen, car sa harpe vient de là), l’album est aussi une odyssée de l’espace, avec une bombinette funk (Aerobics in Space), une ambiance de cour de récré chez les CE2 (Dead Things) et, à la fin (The Alphabet Song, en morceau caché), la maman de Maylee qui vous chante une chanson. Facétie inspirée sur le fond, vraie richesse mélodique et orchestrale dans la forme : Choose Your Own Adventure est le disque le plus drôle, féerique et élégant du moment".
Si vous êtes familier de la prose inrockuptible, vous n'êtes pas sans ignorer que de nombreux articles nécessitent d'être "traduits", les journalistes de cette respectable maison étant fréquemment atteints d'hyperbolomania scribouillabilis. Ainsi "le disque le plus drôle, féerique et élégant du moment" pourrait se traduire par "un disque amusant et sympa malgré le manque de moyens". Ou quelque chose d'approchant.
Indépendamment du charme éventuel des chansons de Maylee Todd, cet article des Inrocks soulève en fait une autre question : le décalage temporel entre les flux de la Toile et l'actualité relayée par la presse. Il y a quelques années, on lisait les critiques d'albums dans ses magazines favoris parfois avant leur sortie commerciale. Ces lectures décryptées nous indiquaient ceux qu'il faudrait essayer de se procurer. Aujourd'hui, le processus s'est inversé, on écoute ce qu'on trouve sur la Toile avant, parfois même quelques mois plus tard, de voir ces albums chroniqués dans la presse.
Pour avoir été pigiste, je sais que grâce aux services de presse, on peut recevoir un album plusieurs semaines, voire quelques mois, avant sa sortie. Il était donc logique que le lecteur le trouve chroniqué avant qu'il ne puisse l'acheter.
Aujourd'hui, les choses ont changé. Pour commencer, on sait bien qu'aujourd'hui tout se trouve sur la Toile... Que le parcours d'un album entre son enregistrement et sa mise en rayon dans les magasins est un itinéraire semé d'embûches, un parcours où chaque étape présente la menace d'une fuite. Ca leaks de partout.
La presse spécialisée est dans l'embarras. Doit-elle anticiper ses critiques ou rester dans le timing imposé par les enjeux commerciaux ? Il semblerait qu'elle soit tenue de se plier à ces derniers impératifs. Logique ! A quoi bon parler d'un disque trois mois à sa sortie sinon pour inciter les internautes à se transformer en pirates pour les télécharger ?
Dans le cas de Maylee Todd, les choses sont plus prosaïques qui expliquent ce hiatus de plus de six mois : un problème de distribution. Une jeune Canadienne, signée chez sur tout petit label indépendant, Do Right! Music, est loin d'être assurée de voir son album distribué en Europe. Précisons donc que c'est La Baleine qui le distribue en France.
Si la harpe paraguayenne vous en dit... D'ailleurs, n'est-ce pas encore une drôle d'idée de choisir un tel instrument ? Maylee Todd explique son choix : "quand j’ai commencé le piano après avoir joué de la guitare classique, je me suis intéressée à Regina Spektor parce que je comprenais ce qu’elle jouait, j’arrivais à l’imiter. Après, j’ai voulu combiner la guitare classique et le piano alors je me suis mise à la harpe, qui ressemble à l’intérieur d’un piano mais se joue avec les doigts comme une guitare".
Plutôt que sur ce raisonnement logico-foldingue, j'ai choisi de conclure avec l'objet du délit, le clip très "Série Z" du seul morceau funky de tout l'album, "Aerobics in Space". Comme elle dit, "I think the idea of doing any sort of physical activity in space is pretty funny". Funny. C'est le moins qu'on puisse dire. Et c'est aussi parce que le clip est super que j'ai eu envie de le partager ici et parler de Maylee Todd. C'est autre chose que les vidéos de harpe solo devant des animaux en cage et neurasthéniques !
L'article de Stéphane Deschamps dans Les Inrocks...
Deux titres qu'elle offre en téléchargement gratuit, par ici...
Un truc que Janelle Monae aurait pu faire en quelque sorte.
RépondreSupprimerOui, en quelque sorte... Si Janelle était moins control freak et perfectionniste...
RépondreSupprimerEt si Maylee Todd savait mieux danser !
Waow ! Excellent le clip !!! Et quel morceau ! ça a piqué ma curiosité. J'ai vraiment envie d'écouter le reste !
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