En ces heures sombres de la Côte d'Ivoire, on pourra me reprocher un certain mauvais goût en la circonstance. Evoquer l'Abidjan de la belle époque, cette capitale cosmopolite de l'Afrique qui "ressemble à Montréal", en ce jour où Laurent et Simone Gbabgo viennent d'être arrêtés et conduits à l'Hôtel du Golf, QG de son rival Alassane Ouattara, alors même que les affrontements entre partisans de Gbagbo et Ouattara ont laissé chaque jour des morts, alors même que la France y est en guerre*. Pourtant, si en ces heures sombres j'ai choisi Tabu Ley Rochereau chantant "Ô Bel Abidjan métropole, que tu ressembles à Montréal", avec cette comparaison entre Abidjan et Montréal que l'on jugera de prime abord des plus incongrues, je le fais sans ironie aucune mais plutôt parce qu'on pourrait trouver dans cette chanson les motifs d'espoir d'une prochaine réconciliation ivoirienne.
Pour moi, le nom d'Abidjan, ville où je n'ai jamais mis les pieds, s'associe donc à une mélodie composée par un Congolais. Mais que cette mélodie vienne me trotter presque systématiquement dans la tête quand j'entends parler d'Abidjan, m'invite à mesurer ce qui sépare la ville d'aujourd'hui de celle chantée par Rochereau.
Quelques jours après avoir lu le volume 6 et dernier en date d'Aya de Yopougon, cette irrésistible BD feuilletonesque, on mesure combien le quartier de Yopougon est aujourd'hui bien loin de cette ambiance chaleureuse décrite dans Aya. Yopougon était un des derniers fiefs de Laurent Gbagbo. Ces derniers jours, il s'était réfugié dans le bunker de sa résidence présidentielle, dans le quartier de Cocody. C'est là qu'il a été fait prisonnier. Les premières images montrent un captif presque méconnaissable. La question soulevée par ses partisans et avocats concerne le rôle de la France, qui par l'intermédiaire de sa "Force Licorne", serait sortie du cadre de la résolution 1975, qui lui accordait un rôle impartial.
Sans rentrer dans les détails car ce n'est pas le lieu, Laurent Gbagbo avait refusé de laisser son siège de président à son rival Alassane Ouattara, vainqueur des élections fin novembre. La situation semblait bloquée, Ouattara peu disposé à utiliser la force. Gbagbo se disait "élu de Dieu", à défaut de l'avoir été par son peuple. L'affrontement finit par avoir lieu, massacres à la clé.
Je me garderais bien d'avoir un avis à donner sur une situation trop complexe dont j'ignore tous les tenants et les aboutissants. Je doute que l'arrestation de Gbagbo mette un terme à la crise ivoirienne. J'ai quand même l'impression que si celui-ci a eu le mérite de vouloir s'émanciper de l'influence de la Françafrique, il a également plongé le pays dans des effluves nauséabondes. En agitant le thème de l'ivoireté, sorte de droit du sang, il a ouvert une boîte de Pandore, boîte qu'il n'avait d'ailleurs nulle intention de refermer. La notion d’ivoirité fondée sur des critères ethniques reprise par Laurent Gbagbo, pour citer Philippe Hugon dans Affaires Stratégiques, "visait à interdire à l’ancien Premier ministre Alassane Ouattara, originaire du Nord, de se présenter. La priorité était donnée aux Akans ou Bétés du Sud sur les originaires du Nord et les immigrés du Burkina Faso. La question des frontières, cicatrices de l’histoire coloniale, divise le Sud et le Nord de la Côte d’Ivoire qui a été durant une partie de l’époque coloniale rattachée à la Haute Volta". On sait que lors de la crise de 2002 où la Côte d'Ivoire s'était coupée en deux, Nord/Sud, la coupure étant également religieuse, Musulmans au Nord, Chrétiens au Sud. On sait que Laurent Gbagbo est un évangélique fervent et Alassane Ouattara, un musulman non-pratiquant et que certains Ivoiriens ne pourraient, paraît-il, supporter d'avoir un président musulman.
Le contexte n'était pas le même que celui de la société française actuelle mais, imaginons un instant ce qu'on dirait si ce type de théorie voulait être appliquée en France. Oui, je sais, on est déjà sur la pente. Et la planche est bien savonnée. Mais cette distinction sur des critères ethniques est bel et bien nauséabonde. J'ai déjà assisté à de vives discussions entre Ivoiriens de Paname sur le sujet et l'unité du pays est un argument qui revenait dans la bouche de ses opposants**. Maintenant, j'entends aussi les critiques visant Ouattara. Notamment dans Libé où le dessinateur Mathieu Sapin rend compte d'une conférence de rédaction du quotidien où le journaliste du service Etranger disait : "c'est un drôle de type ce Ouattara. C'est un type qui a mis des dizaines de milliers de fonctionnaires au chômage, c'est un adepte du néo-libéralisme, il a mis et fait torturé Gbagbo en prison. C'est pas le gentil gars qu'on veut bien nous montrer". Ses détracteurs voient se profiler avec lui l'ombre de la Françafrique dont Gbagbo aurait tenté de s'émanciper.
J'aurais pu évoquer cette crise en citant le "Cocody Rock" d'Alpha Blondy, pro-Gbagbo repenti, j'aurais pu avoir le mauvais goût de me contenter d'une référence au coupé-décalé. J'ai préféré rendre hommage à Abidjan et au peuple ivoirien avec cette comparaison qui peut sembler incongrue entre Montréal et Abidjan. Elle trouve tout simplement sa source dans le parcours de Pascal Tabu Ley, dit Rochereau, voire même Seigneur Rochereau.
Rochereau eut l'occasion de se produire dans ces deux villes qui lui firent belle impression. Choisi pour représenter le Congo à l'Exposition Universelle de Montréal en 1967, Tabu Ley Rochereau est conquis par l'accueil du public canadien mais surtout par ce qu'il découvre. Il profite de son séjour pour aller voir des concerts, regarde les chanteurs à la télé, écoute la radio. Se nourrit de soul et de pop, et intègrera ces influences dans sa musique en véritable pionnier. Rochereau est de ces quelques musiciens congolais à avoir fait de James Brown un modèle. Ceux qui ont vu le documentaire Soul Power, auront probablement le souvenir de son passage sur scène, entre la Fania All Stars et James Brown, lors de ce concert géant à Kinshasa, en 1974, en parallèle du combat Ali-Foreman. Un grand orchestre comme on en trouvait alors, des danseuses, les "Rocherettes" qui l'encadrent dans ses pas audacieux. A la hauteur de ses collègues étrangers, ce qui vu leur excellence en dit long sur la qualité de ses prestations.
Le contexte n'était pas le même que celui de la société française actuelle mais, imaginons un instant ce qu'on dirait si ce type de théorie voulait être appliquée en France. Oui, je sais, on est déjà sur la pente. Et la planche est bien savonnée. Mais cette distinction sur des critères ethniques est bel et bien nauséabonde. J'ai déjà assisté à de vives discussions entre Ivoiriens de Paname sur le sujet et l'unité du pays est un argument qui revenait dans la bouche de ses opposants**. Maintenant, j'entends aussi les critiques visant Ouattara. Notamment dans Libé où le dessinateur Mathieu Sapin rend compte d'une conférence de rédaction du quotidien où le journaliste du service Etranger disait : "c'est un drôle de type ce Ouattara. C'est un type qui a mis des dizaines de milliers de fonctionnaires au chômage, c'est un adepte du néo-libéralisme, il a mis et fait torturé Gbagbo en prison. C'est pas le gentil gars qu'on veut bien nous montrer". Ses détracteurs voient se profiler avec lui l'ombre de la Françafrique dont Gbagbo aurait tenté de s'émanciper.
J'aurais pu évoquer cette crise en citant le "Cocody Rock" d'Alpha Blondy, pro-Gbagbo repenti, j'aurais pu avoir le mauvais goût de me contenter d'une référence au coupé-décalé. J'ai préféré rendre hommage à Abidjan et au peuple ivoirien avec cette comparaison qui peut sembler incongrue entre Montréal et Abidjan. Elle trouve tout simplement sa source dans le parcours de Pascal Tabu Ley, dit Rochereau, voire même Seigneur Rochereau.
Rochereau eut l'occasion de se produire dans ces deux villes qui lui firent belle impression. Choisi pour représenter le Congo à l'Exposition Universelle de Montréal en 1967, Tabu Ley Rochereau est conquis par l'accueil du public canadien mais surtout par ce qu'il découvre. Il profite de son séjour pour aller voir des concerts, regarde les chanteurs à la télé, écoute la radio. Se nourrit de soul et de pop, et intègrera ces influences dans sa musique en véritable pionnier. Rochereau est de ces quelques musiciens congolais à avoir fait de James Brown un modèle. Ceux qui ont vu le documentaire Soul Power, auront probablement le souvenir de son passage sur scène, entre la Fania All Stars et James Brown, lors de ce concert géant à Kinshasa, en 1974, en parallèle du combat Ali-Foreman. Un grand orchestre comme on en trouvait alors, des danseuses, les "Rocherettes" qui l'encadrent dans ses pas audacieux. A la hauteur de ses collègues étrangers, ce qui vu leur excellence en dit long sur la qualité de ses prestations.
A Abidjan, Tabu Ley Rochereau enregistra une série d'albums, à une époque où la rumba zaïroise exerçait une domination presque hégémonique dans toute l'Afrique de l'Ouest. Kinshasa et Abidjan étaient alors des villes-phares. Kin la Belle n'était pas encore devenue Kin la Poubelle et Abidjan était déjà cosmopolite, peuplée d'Africains de tous pays. Sous la gouvernance d'Houphouët-Boigny, n'échappant pas à la domination d'un parti unique, la Côte d'Ivoire connaissait une certaine prospérité économique et une stabilité politique qui séduisaient ses voisins. De là, vient l'enthousiasme de Rochereau. Sa chanson "Bel Abidjan" est dépourvue de toute distance critique. La fascination de son auteur le conduit à composer un véritable hymne à la capitale ivoirienne, une hagiographie de ce bel Abidjan.
"Ô Bel Abidjan métropole,
Comme tu ressembles à Montréal
Abidjan, tu as le monopole
Comme ton peuple est si loyal"
On pourra ironiser quarante plus tard sur cette soi-disant loyauté du peuple ivoirien mais Rochereau chante une ville qui est la "fierté de l'Afrique". Pour cela, pour cet hymne, il laisse de côté le déchaînement du sébène et opte pour la la ballade, laquelle est supposée refléter la douceur de vie de cette capitale cosmopolite de l'Afrique.
Avec "Bel Abidjan", Rochereau adoucit quelques plaies... J'ignore si cette ville qu'il décrit est condamnée à n'être qu'un souvenir ou si, avec le temps, elle retrouvera son rayonnement. Je n'ai jamais éprouvé de fascination particulière pour Montréal mais je vous propose d'écouter cette chanson en espérant qu'Abidjan lui ressemble un jour, ce qui traduirait enfin le triomphe de la paix et la réunification en Côte d'Ivoire.
* The Telegraph souligne d'ailleurs avec un malin plaisir que même George W. Bush n'avait déployé ses troupes sur autant de fronts simultanément, que la France actuellement intervient dans six guerres à la fois (Côte d'Ivoire, Lybie, Afghanistan mais aussi Mali, Burkina Faso, Somalie). Six, c'est quand même un peu exagéré.
** Un beau témoignage d'un Ivoirien racontant combien la dimension cosmopolite et la douceur ivoiriennes faisaient sa fierté...
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