Il ne faut jamais se fier aux apparences. Surtout avec João Donato. La vie d'un grand artiste peut bien donner l'impression d'un quotidien morose. Pour son livre Saravá : Rencontres avec la Bossa-Nova (Naïve, 2005), François-Xavier Freland est allé le rencontrer et lui a tiré le portrait. Avec sensibilité et sans complaisance. Son ouvrage est à recommander chaleureusement. Son auteur a une belle plume, le sens de l'observation et du "détail stendhalien" (une qualité que recommandait Edgar Morin à tout sociologue). Et, surtout, comme l'annonce son titre, il s'appuie sur des rencontres avec des acteurs historiques de la bossa nova, ou à défaut des proches de ceux déjà disparus, ou de celui que même pas en rêve on pourrait approcher : João Gilberto. João Donato, lui, est disponible.
Je m'autorise à reproduire ici quelques extraits des pages qui lui sont consacrées...
"João Donato est un homme accessible et ouvert. Il est d'accord sur tout, il ne dit jamais non, Donato. Tudo bem. Toujours ouvert à la proposition. Vous voulez le voir, il dit oui. Vous voulez le quitter, il dit d'accord. Mais il ne se répète pas, João Donato. Quand il ouvre la porte, il ne sourit pas. Son petit appartement ressemble à tous ceux déjà vus : fonctionnel. Peut-être un peu plus mal rangé. Des instruments de musique jonchent le sol : guitare, trombone, accordéon. Des partitions tachetées de café sont posées négligemment sur le piano ouvert. João Donato habite à deux pas de chez Miucha, tout près de João Gilberto, dans ce petit triangle d'or bossa coincé entre Leblon, le lac de Freitas et Ipanema. La mer est là. Juste au bout de l'avenue Afrânio de Melo. Il sort parfois la regarder.
João Donato vit sans doute seul.Il tapote trois notes sur le clavier du piano, comme s'il venait de se découvrir un nouveau hobby. Il met un CD, s'assied dans un fauteuil. Donato, n'a ni complexes ni fausse prétention. Il est toujours prêt à rendre service. A la musique.
João Donato a l'air ailleurs. "Vous êtes nostalgique ? "Non, pourquoi, tudo bem, tudo bem !". Le sourire est un peu trop naturel. Il me regarde avec un air légèrement perdu, vide. Il est grand. Un "grand homme" comme on dit, costaud, lourd, et fragile en même temps, encore plus dans cet accoutrement d'évangéliste. Une chemise légère et transparente sur un pantalon ivoire, avec, au bout seulement, les orteils qui dépassent de ses tongs noires à la pointure introuvable. L'homme a l'air doux, calme, presque mou. Un vieux Blanc sans cheveux.
(...)Donato a le cafard dans son petit appartement tout laqué de Leblon. Il y a une terrasse qui donne sur le Corcovado, où on l'imagine assis la plus grande partie de la journée à regarder le ciel. Et en attendant le grand départ, il se fait la main au synthé sur des airs de Debussy".
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