Demain s'ouvre la Coupe du Monde. Les rasades de notre élixir risquent de se faire moins nombreuses durant la compétition. En attendant, s'il y en a un qui a déjà bien commencé son Mondial, c'est Carlinhos Brown.
Il fut choisi par Nike pour être, avec Robinho, le modèle officiel du nouveau maillot de la Seleção, le bleu. C'est ainsi qu'il défila même pendant le dernier Carnaval de Bahia avec sa troupe entière vêtue de la flambante tenue, un défilé d'autant plus fédérateur qu'il rassemblait Timbalada et Olodum : Timbaolodumlada.
Brown va par ailleurs participer officiellement à cette Coupe du Monde. Sur son site, il l'annonce fièrement. Sa version d' "Emôrio", enregistrée avec Sergio Mendès pour le récent Bom Tempo de celui-ci, serait en effet sélectionnée pour faire partie d'une compilation certifiée FIFA qui accompagne l'événement, business du foot quand tu nous tiens !
Certes, c'est grâce à Sergio Mendes que Brown obtenu son premier Grammy, pour sa participation à l'album Brasileiro, en 1992. Sergio Mendes pouvait alors adopter la pose du généreux découvreur de talent, Brown étant alors un inconnu en dehors du Brésil, voire même de Bahia. Pourtant, à y regarder de plus près, on décelait bien là l'attitude habituelle du Sieur Mendes. Car les morceaux de et avec Brown portaient son empreinte si caractéristique, au point qu'on se demandait alors quel avait bien pu être l'apport de Mendes dans cette histoire, si ce n'est qu'il signait l'album de son nom. Le reste de l'album, d'une nullité abyssale, complètement impersonnel, révélait bien sa vacuité.
Le seul mérite de Sergio Mendes est d'avoir fait connaître le répertoire brésilien aux Etats-Unis, notamment celui de Jorge Ben, en en proposant ses propres versions souvent médiocres. En 2006, Will.I.Am, qui lui, au moins, cite ses sources, avait convié toute une clique de rappeurs vedettes, un sacré casting, pour lui rendre hommage sur l'album Timeless. Et c'est bien sûr l'inusable "Mas que nada" de Jorge Ben qui servit de locomotive au projet.
Quand Maradona marqua un but de la main contre l'Angleterre, lors de la Coupe du Monde 1986, bien sûr qu'il n'allait pas avouer son geste à l'arbitre, trop heureux de l'aubaine. Interrogé par la suite, sans craindre le sacrilège, il dira avec audace et malice qu'il s'agissait de "la main de Dieu". Quelques mois après la sortie de Timeless, invité au 13H de France 2, où une Elise Lucet chaleureusement mémère l'invita à jouer un titre seul au piano, Sergio Mendes s'appropria une fois de plus le "Mas que nada" de Jorge Ben. Bien sûr, sans citer ses sources. Mais notre homme en piano solo ne pouvait tricher plus longtemps. Pendant qu'il exécutait une version pathétiquement plate de la chose, notre usurpateur ne pouvait ignorer en son for intérieur que sa main gauche ne possédait en rien l'incroyable explosivité rythmique de la main droite de Jorge Ben : démasqué.
Excusez le manque de nuance, mais j'ai juste envie de dire ceci : Sergio Mendes est le plus grand usurpateur de la musique brésilienne. Et ce n'est pas cette version d' "Emôrio" qui nous fera changer d'avis, malgré la présence de Brown sur ce titre. Où est passée toute la finesse de ce magnifique morceau de João Donato ? Où ont disparu la douceur et la légèreté si particulières de leur auteur dans cette interprétation au rouleau-compresseur ? Cela figure peut-être sur une compil' estampillée FIFA, cela condamne-t-il à ne proposer que pareille caricature ? Doit-on enfin y voir la patte de Sergio Mendes ? Sinon, il faut s'inquiéter pour le prochain album de Carlinhos Brown...
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