mercredi 6 juillet 2011

Konono n°1 : le truc le plus funky de ces dix dernières années


Budget serré oblige, malgré la richesse de la programmation des festivals locaux, je n'ai pris des billets que pour deux concerts cet été. Coïncidence, mes deux seules soirées seront toutes deux plongées dans une ambiance congolaise : avec Konono n°1 demain et Staff Benda Bilili, le 2 août. Si la véritable tête d'affiche de cette soirée du Worldwide Festival est Raphael Saadiq, que je me réjouis vraiment de voir et dont je ne doute pas que la prestation soit impeccable, je suis surtout particulièrement impatient d'aller découvrir Konono n°1 sur scène.


Konono n°1, c'est le truc le plus funky qui soit sorti ces dix dernières annés. Sans blague. Leur musique a des arguments pour convaincre aussi bien les amateurs de funk, pour leur groove d'enfer, que les fans de techno, pour mener à la transe, ou les rockers, pour la distorsion sur les likembés.

Le succès de Konono n°1 est une formidable aventure liée à la pugnacité de Vincent Kenis, le spécialiste des musiques congolaises au sein du label Crammed. Il avait le souvenir d'avoir entendu leur musique à la radio, il y a une trentaine d'années, et s'était mis en tête de retrouver le groupe à Kinshasa. Au terme d'une véritable enquête, après plusieurs séjours à Kinshasa et au Congo, il put enfin mettre la main sur eux, tout en réalisant que la formation actuelle était en grande partie composée d'enfants et petits-enfants des membres originaux. 


Konono n°1 est devenu aujourd'hui le fer de lance de la musique tradi-moderne congolaise. Le style s'est développé dans la période de zaïrianisation imposée par Mobutu, et illustrait ce recours à l'authenticité culturelle du pays. Les orchestres tradi-modernes étaient alors nombreux et la dimension moderne se manifestait notamment par l'amplification. On lisait lors de la sortie du premier album de Konono n°1 que ce recours était une forme d'adaptation au contexte urbain. Leur musique est traditionnelle parce qu'elle s'adresse aux ancêtres. Mais à Kinshasa, les bruits de la ville couvrent la musique. D'où la nécessité de jouer plus fort pour être entendu.

Outre leur virtuosité, notamment sur les likembés, et leurs rythmes déchaînés sur des charlestons à base d'enjoliveurs, une partie de l'attrait de la musique de Konono n°1 et des autres groupes tradi-modernes tient de l'accident. L'amplification de leur musique fut réalisée selon les préceptes de l'Article 15, à savoir le Système D, la débrouille, le recyclage. Ces bricolages produisent involontairement une terrible distorsion. Loin de la ligne claire de la rumba ! Mais c'est justement cet accident qui donne son grain au son de Konono n°1 et consorts. C'est ce son des likembés électriques qui a frappé les esprits et été une véritable source d'inspiration pour tous les musiciens qui s'en sont emparés : comme Cyril Ateef dans son side-project CongoPunQ, comme le groupe américain Nomo. Sans oublier que Konono n°1 a participé au dernier album de Herbie Hancock, The Imagine Project, et que Björk aussi a craqué sur leur son tradi-moderne puisqu'elle les a invités sur son album Volta, ainsi qu'à certaines dates de la tournée qui suivait. Interrogés sur cette collaboration, ils ont dit d'elle que c'était une "gentille fille".


Pour le magazine Vibrations (n°83, mai 2006), Vincent Kenis expliqua sa manière de travailler avec le groupe et comment, anecdote qui en dit long, son soliste était prêt à envoyer la distorsion au placard s'il avait la possibilité d'obtenir un son clair.

"Le soliste Mingiedi Mawangu, qui ne parle pas français, me fait dire qu'il veut un 'son clair' et insiste pour utiliser comme ampli le vieux Fender Twin que j'ai amené de Bruxelles. Je crains un profond malentendu culturel : ne comprend-il pas que c'est précisément la distorsion qui donne à son instrument et à son jeu leur caractère unique ? Après avoir pendant 25 ans adapté sa façon de jouer à une chaîne d'amplification bien spécifique, ne va-t-il pas être déstabilisé par ce changement soudain ? J'accède à sa demande avec réticence. Le premier morceau confirme mes craintes, le tempo ralentit, Mingiedi ne desserre pas les dents... Subrepticement, j'insère entre son likembé et l'ampli une pédale de distorsion pour guitare électrique. Dès les premières notes, il se fend de l'un de ces sourires dont il a le secret, et la musique prend enfin son essor.

Le lendemain, j'invite les musiciens dans ma chambre d'hôtel pour écouter la session. De l'avis général, le son du likembé basse n'est pas terrible. Je fais le tour des réglages possibles jusqu'à ce que tout le monde tombe d'accord sur un son énorme genre reggae... Rien à voir avec le son du groupe 'en vrai' ! Mais c'est ce son-là que veulent les musiciens sur le disque, et pas un autre. J'approuve cette transgression-innovation avec d'autant plus de vigueur que je n'ai pas à l'assumer : ce sont eux qui l'ont voulue" (in Vibrations n°83, mai 2006).

Une autre fois peut-être, nous essaierons d'appréhender la portée sociologique de ce décalage mais, là, à la veille de leur concert, je suis simplement impatient.

Comme certaines formations devenues des institutions et traversant les générations en rajeunissant son effectif, tel l'Orquesta Aragon, la Mangueira, etc..., Konono n°1 traverse les époques sans se départir de son mythe fondateur : le son distordu des likembés urbains qui doivent parler plus fort aux ancêtres. Si tout artiste doit évoluer et ne point se figer, cette distorsion demeure un élément essentiel pour définir l'identité du groupe. Même si la technologie n'est pas la même, même s'il faut ajouter une pédale de guitare ! Alors, allez-y, que demain ça grésille à Sète et que ça  balance du gros son crade qui déchire !!!


2 commentaires:

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