lundi 17 octobre 2011

17 Octobre 1961, une amnésie française


Il y a exactement cinquante ans, le 17 octobre 1961, la police française réprimait avec une violence inouïe une manifestation du FLN de France contre l'instauration d'un couvre-feu auquel devait se soumettre les Maghrébins. La répression de cette manifestation a probablement fait plus de deux cents morts. L'histoire française a longtemps occulté les zones d'ombre de la Guerre d'Algérie. Ce massacre fait partie de ces événements.


Nous n'avons pas vocation à parler de l'Histoire ni de politique. Si, brièvement, nous souhaitions participer à la commémoration de cette nuit du 17 octobre qui reste une des plus grandes hontes nationales, c'est parce que pendant des années, quelqu'un en France s'est vu harcelé pour ses propos. Et que ce quelqu'un est un de nos musiciens les plus intègres. Il s'agit de Hamé, membre du groupe de rap La Rumeur. Il avait écrit, en 2002, entre les deux tours de l'élection présidentielle, un texte, "L'Insécurité sous la plume d'un barbare". Un texte pour lequel Hamé s'est vu poursuivi en diffamation. Quels avaient bien pu être ses propos pour justifier de telles attaques ? Une simple phrase :

"Les rapports du ministère de l’intérieur ne feront jamais état des centaines de nos frères abattus par les forces de police sans qu’aucun des assassins n’ait été inquiété".

Hamé avait probablement à l'esprit d'innombrables bavures policières quand il rédigeait son pamphlet mais j'ai toujours imaginé qu'il évoquait aussi cette répression sanglante du 17 octobre.

Qui le premier a porté plainte ? Le Ministre de l'Intérieur, c'est-à-dire Nicolas Sarkozy à l'époque. Pour diffamation envers la police, parce qu'on ne pourrait tolérer que ses agents soient assimilés à des "assassins". Le plus choquant, c'est l'acharnement, le harcèlement, du Ministère de l'Intérieur. Alors qu'Hamé avait été relaxé, il le poursuivait en appel, puis en cassation, puis à nouveau en appel, puis à nouveau en cassation, avant sa relaxe définitive en 2010.

Seulement en pensant à ce 17 octobre de sinistre mémoire, en pensant à tous ces manifestants noyés dans la Seine pour avoir été jetés par-dessus les ponts les membres attachés, qui peut oser poursuivre Hamé ?

"J’ai maintes fois souhaité que la honte d’avoir été le témoin impuissant d’une violence d’État haineuse et organisée puisse se transformer en honte collective. Je voudrais aujourd’hui que le souvenir des crimes monstrueux du 17 octobre 1961, sorte de concentré de toutes les horreurs de la guerre d’Algérie, soit inscrit sur une stèle, en un haut lieu de toutes les villes de France, et aussi, à côté du portrait du Président de la République, dans tous les édifices publics, Mairies, Commissariats, Palais de justice, Écoles, à titre de mise en garde solennelle contre toute rechute dans la barbarie raciste" (Pierre Bourdieu, 17 octobre 2001).

Didier Daeninckx a consacré un exemplaire roman à ces événements, Meurtres pour Mémoire (Gallimard, Série Noire, 1984). Un livre qui commence avec ces quelques mots en exergue :

"En oubliant le passé,
on se condamne à le revivre"


1 commentaire:

  1. Le 17 octobre 1981, j'ai assisté sur les quais de Seine à la pose par des camarades d'une plaque commémorative de ce sinistre massacre. Le lendemain, elle avait disparu...

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