Nous l'annoncions hier, Criolo est le grand vainqueur des trophées VMB, l'équivalent brésilien des MTV Awards. Avec lui, c'est plus largement le rap brésilien qui était à l'honneur. Et tout particulièrement celui de São Paulo pour être encore plus précis. Ainsi, dans la catégorie du Meilleur Clip de l'Année, le vainqueur est Emicida pour "Então Toma". Sans oublier Lurdez da Luz qui figurait également dans la liste des nominés pour le clip de "Andei".
Emicida est un jeune rappeur de São Paulo. Ces dernières semaines, nous l'avons déjà croisé à deux reprises dans les papiers de l'Elixir, pour sa participation à l'album de Criolo, puis pour avoir composé avec Mariana Aydar le morceau "Cavaleiro Selvagem", qui figure sur le nouvel album de cette dernière.
On soulignera que ce trophée du meilleur clip occupe une place particulière au sein de ce palmarès puisque des clips, l'organisateur des VMB en diffuse lui-même sur sa propre chaîne de télévision : MTV Brasil ! On comprend donc leur importance pour les artistes. Emicida, par exemple, n'a pas encore sorti d'album, uniquement des mixtapes et des EPs mais il parviendra malgré tout à acquérir une visibilité significative en existant à travers ses vidéo-clips.
Pour cette catégorie, ce n'est pas tant Emicida qui est le lauréat mais plutôt Fred Ouro Preto, le réalisateur du clip. Lequel n'en était pas à sa première collaboration avec Emicida puisqu'il avait déjà dirigé un autre de ses clips, "Triunfo". Cette fois-ci, il l'a joué grand spectacle. "Então Toma" est la parodie d'une bande-annonce de film d'action imaginaire. Le genre de film où ça cavale, où ça se trimballe avec un flingue, où ça prend en otage... Non que le clip lui-même soit violent, au contraire, il est parodique et s'amuse des codes du genre. Malgré tout, si c'était un vrai film, je le dis tout de go, je n'irai pas le voir... Par contre, pour avoir pris la peine de regarder tous les clips en lice, il est assurément celui qui fait le plus "cinéma". Avec le "Subirusdoistiozin" de Criolo. Il est celui qui donne l'impression d'avoir bénéficié du plus gros budget. Celui qui s'offre quelques guest-stars passées faire un clin d'œil, comme Zeca Baleiro pour ne citer que le plus connu et qu'on n'aperçoit guère qu'une seconde.
On mesure combien, avec son cocktail de violence distanciée, Quentin Tarantino a marqué les esprits. Depuis Pulp Fiction, l'action ne se suffit pas à elle-même, les personnages se doivent d'exprimer tout haut des considérations supposément subtiles sur des sujets futiles. Tout en défouraillant à tout va.
On y retrouvera une fois de plus Criolo, ici comme acteur, dans le rôle du faire-valoir d'Emicida, celui qui écoute ses tirades. L'intérêt de "Então Toma" réside aussi dans ses dialogues. Ainsi, au tout début, Emicida prend à témoin son compère Criolo pour lui expliquer qu'avec les nouvelles technologies et les réseaux sociaux, il ne pouvait plus être lui-même. Il ne pouvait plus être Emicida parce que quelqu'un avait déjà pris ce nom, selon lui une fille qui avait contracté son prénom Emiliana-Apparecida en Emi-Cida.
Pour le reste, on est plus circonspect. Certes, l'exercice de style est brillamment réalisé mais on peut aussi être réticent face à la sempiternelle complaisance du rap face à la violence. Et que dire des mimiques et gestuelles... Emicida est assurément une figure d'avenir du rap de São Paulo, il lui reste cependant du chemin à parcourir avant de s'affranchir des clichés du genre...
Hélas…
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