Aujourd'hui, Jenny Alpha, née le 22 avril 1910, fête son centenaire. La chose est suffisamment rare pour que l'on marque l'événement. Pendant longtemps, j'ignorais tout de cette dame. Mais, déjà, par la grâce d'une seule chanson, j'étais sous le charme.
Il y a une quinzaine d'années, époque où je pratiquais encore assidument le crate digging, j'avais trouvé un double album de vieilles biguines, calypsos, boléros et autres biguines wabap : Antillaisement Vôtre... "Biguines-Salsa" (Succès des Années 1950-1959). Une "bonne pioche" que cette compilation de haute tenue, malgré l'absence de livret (on était clairement aux antipodes de l'exemplaire travail patrimonial de Frémeaux & Associés en la matière). Tout de suite, quelques titres se détachaient d'un ensemble sans fausse note. Parmi eux, en premier lieu, la fameuse chanson de Jenny Alpha, "Douvan Pote Doudou".
Jenny Alpha et l'Orchestre Sylvio Siobud, "Douvan Pote Doudou" (1953)
Les années passaient, j'écoutais toujours régulièrement "Douvan Pote Doudou", surtout à la belle saison, mais j'ignorais toujours tout de son auteur. Curieux d'autres enregistrements de cette artiste, je googlais parfois Jenny Alpha. La moisson était alors bien maigre. Elle avait visiblement tourné avec un groupe appelé Les Pirates du Rythme, tandis que les morceaux figurant sur ma compil' avaient été enregistrés avec l'Orchestre de Sylvio Siobud. Puis, en 2005, je découvrais qu'elle venait d'être honorée du titre d'Officier des Arts et des Lettres par le Ministre de la Culture de l'époque, Bernard Donnedieu de Vabres. Depuis, en janvier 2009, elle a même été promue Chevalier de la Légion d'Honneur.
Jenny Alpha bénéficiait d'une reconnaissance tardive et j'apprenais qu'elle n'avait été qu'une chanteuse "occasionnelle", l'essentiel de sa carrière s'étant dédié au théâtre. En 2008, j'ai eu l'occasion de voir Un Siècle de Jenny, un documentaire lui étant consacré où on la découvrait pétillante d'esprit et pleine d'énergie. Elle méritait bien cet hommage car elle est un témoin passionnant de son époque, aux premières loges, pour en raconter certains temps forts et raconter ses rencontres avec certains de ses acteurs majeurs.
Les années passaient, j'écoutais toujours régulièrement "Douvan Pote Doudou", surtout à la belle saison, mais j'ignorais toujours tout de son auteur. Curieux d'autres enregistrements de cette artiste, je googlais parfois Jenny Alpha. La moisson était alors bien maigre. Elle avait visiblement tourné avec un groupe appelé Les Pirates du Rythme, tandis que les morceaux figurant sur ma compil' avaient été enregistrés avec l'Orchestre de Sylvio Siobud. Puis, en 2005, je découvrais qu'elle venait d'être honorée du titre d'Officier des Arts et des Lettres par le Ministre de la Culture de l'époque, Bernard Donnedieu de Vabres. Depuis, en janvier 2009, elle a même été promue Chevalier de la Légion d'Honneur.
Jenny Alpha bénéficiait d'une reconnaissance tardive et j'apprenais qu'elle n'avait été qu'une chanteuse "occasionnelle", l'essentiel de sa carrière s'étant dédié au théâtre. En 2008, j'ai eu l'occasion de voir Un Siècle de Jenny, un documentaire lui étant consacré où on la découvrait pétillante d'esprit et pleine d'énergie. Elle méritait bien cet hommage car elle est un témoin passionnant de son époque, aux premières loges, pour en raconter certains temps forts et raconter ses rencontres avec certains de ses acteurs majeurs.
Née dans une famille aisée et cultivée, Jenny Alpha est arrivée à Paris de sa Martinique natale à dix-neuf ans, pour faire ses études à la Sorbonne afin de devenir professeur de lettres. Elle aura vite fait de croiser tout le monde des arts et des lettres. Parmi eux, les fondateurs du mouvement de la Négritude, Aimé Césaire (qui était un copain d'enfance de ses frères), Léopold Sédar Senghor et Léon Gontran Damas. Comme elle le confiait à RFI, il y a quelques années : "Aimé Césaire était un ami d’enfance de mes frères. Ils allaient en classe ensemble. Je l’ai parfois croisé. Mais c’est à Paris que j’ai connu de près tous les trois chantres de la négritude. Césaire, bien sûr, mais aussi Senghor et Damas pour lequel j’éprouvais une très grande sympathie. Pour moi, c’est celui qui va demeurer. C’était un écorché vif, mais il était doué d’une sensibilité étonnante ! Ces trois garçons venaient souvent chez Mme Miton au boulevard du Temple où mes parents m’avaient laissée en pension. Ils évoquaient parfois leurs combats en faveur de la dignité du peuple noir. Je peux dire que j’ai connu la négritude à ses débuts".
Elle croise également Duke Ellington qui la prend dans ses bras et lui dit : "you look like my sister", comme le mentionnait le ministre dans son allocution (ah, si on m'avait dit que je citerais un jour Donnedieu de Vabres !). Francis Picabia lui tire le portrait. Pendant la guerre, elle entre dans la résistance, etc... En 1947, Paul Lemagny la choisit comme modèle pour le timbre qui représente la Martinique.
Puis, sur le tard, c'est une carrière au théâtre au service du grand répertoire qui lui vaut d'être aujourd'hui ainsi honorée. Elle, à qui on disait après-guerre, alors qu'elle voulait entrer au Conservatoire d'Art Dramatique, "qu’il n’y a pas de rôle pour les Noirs dans le répertoire classique".
Mais, ici, peu nous importe Sophocle, Shakespeare, Corneille, Brecht, Genet, ou Césaire : nous n'avons jamais vu Jenny Alpha sur scène. Par contre, "Douvan Pote Doudou" reste un de mes titres fétiche, titre qui a bénéficié d'une nouvelle jeunesse en 2008. Le pianiste David Fackeure lui proposa, en effet, d'enregistrer un nouvel album où elle reprendrait ses anciens titres, dont celui-ci, mais aussi "La Sérénade du muguet", qui donna son titre au projet. Outre les versions contemporaines, on trouvait les enregistrements de 1953 de "La Sérénade du muguet" et de "Douvan Pote Doudou". Si son charme est bien sûr un peu désuet, la chanson garde toujours sa même grâce mélancolique, chanson où accompagnée d'une guitare qui jazze, le chant de Jenny Alpha possède une saudade caressante, que ne renierait pas un interprète brésilien, pour "doloter vou".
Puis, sur le tard, c'est une carrière au théâtre au service du grand répertoire qui lui vaut d'être aujourd'hui ainsi honorée. Elle, à qui on disait après-guerre, alors qu'elle voulait entrer au Conservatoire d'Art Dramatique, "qu’il n’y a pas de rôle pour les Noirs dans le répertoire classique".
Mais, ici, peu nous importe Sophocle, Shakespeare, Corneille, Brecht, Genet, ou Césaire : nous n'avons jamais vu Jenny Alpha sur scène. Par contre, "Douvan Pote Doudou" reste un de mes titres fétiche, titre qui a bénéficié d'une nouvelle jeunesse en 2008. Le pianiste David Fackeure lui proposa, en effet, d'enregistrer un nouvel album où elle reprendrait ses anciens titres, dont celui-ci, mais aussi "La Sérénade du muguet", qui donna son titre au projet. Outre les versions contemporaines, on trouvait les enregistrements de 1953 de "La Sérénade du muguet" et de "Douvan Pote Doudou". Si son charme est bien sûr un peu désuet, la chanson garde toujours sa même grâce mélancolique, chanson où accompagnée d'une guitare qui jazze, le chant de Jenny Alpha possède une saudade caressante, que ne renierait pas un interprète brésilien, pour "doloter vou".
Geniale Jenny Al --- pha !!!
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