samedi 23 janvier 2010

Animal Collective N°1 au Pazz & Jop 2009 : glop glop ou pas glop ?

Cette semaine a vu la publication par le Village Voice de son 37ème Annual Pazz + Jop Critic's Poll, en termes plus prosaïques, son palmarès musical de l'année. Et le lauréat se nomme... Animal Collective, pour son album Merriweather Post Pavilion.



Il succède au Dear Science de TV on the Radio. La place de dauphin, elle, revient à Phœnix pour son Wolfgang Amadeus Phœnix , après Vampire Weekend et ses brillants débuts l'an dernier.

C'est rien de dire que ce palmarès est à mille lieues de mes préférences. Ici, nulle trace de Lucas Santtana, Mayra Andrade, Jimi Tenor et Tony Allen, pas plus de David Murray. Ah, le Staff Benda Bilili apparaît en 362ème position. Et The Ecstatic de Mos Def, 11ème, manque d'un rien le top ten.

Quant à Animal Collective, il invente une musique à laquelle je ne comprend strictement rien. Lors de sa sortie, au tout début de 2009, j'avais été particulièrement frappé par la critique qui perdait tout sens de la mesure pour célébrer un album, présenté comme un des sommets annoncés d'une année tout juste naissante. Un article particulièrement criait au génie d'Animal Collective. Il était signé par Thomas Burgel dans Les Inrocks. J'aurais été curieux de savoir si une relecture "à jeun", passé l'effet du puissant psychotrope ayant à ce point affecté son jugement et sa plume, l'aurait incité à revisiter sa prose ou s'il allait maintenir mordicus son dithyrambe. Une correction post-festum nous dirait si l'album est réellement d'une "divine richesse" (sic), s'il fait réellement "danser dur" et "danser mou" (re-sic), si ses mélodies sont "stellaires" et ses harmonies vocales proches "de l'extase" (re-re-sic). Si le groupe "est passé de jams abscons à un folk préhistorique puis à la pop des trois prochains siècles" (re-re-re-sic). Si "chaque morceau a son rythme propre, mais chacun de ces rythmes semble correspondre à une humeur corporelle, à un hochement de tête indispensable, à des houla-hops mollassons de hanches sensuelles, à des flexions et extensions des muscles internes – du cœur surtout" (re-re-re-re-sic). J'arrête là. Quasiment tout l'article serait à surligner au stabilo en guise de sic ! Peut-être son auteur a-t-il juste fixé trop longtemps la pochette de l'album ? Faites le test vous-même, effet d'optique "hallucinatoire", vous verrez que les feuilles ondulent toutes seules...

C'est beau des journalistes pas blasés qui s'enthousiasment et se lâchent, surtout quand ça vient du cœur, "du cœur surtout", et que l'hypothèse d'un bakchich est évidemment écartée. Peu importe la lucidité, vive le lyrisme enflammé. Bien sûr, après pareille lecture, vous êtes intrigué et avez envie d'écouter ça. Mais, personnellement, je restais à quai. Dubitatif, j'objectais dans mon coin que quelques zigouigouis électroniques ne transforment pas des ébauches de mélodie en grandes chansons pop mais, bon...

Aussi la publication du palmarès du Village Voice, confirmait mes doutes : je n'avais pas compris Animal Collective. Car ce classement possède une réelle légitimité, ne serait-ce que par le nombre de critiques votant pour élire les albums de l'année. Ce n'était pas juste un journaliste héberlué des Inrocks qui partait en freestyle, se dandinant en "houla-hops mollassons de hanches sensuelles" alors qu'il rédigeait son papier. De plus, sont généralement récompensés par l'annuel Pazz & Jop du Voice des albums exigeants. A l'image du précédent lauréat, le Dear Science de TV On The Radio, et donc de Merriweather Post Pavilion cette année.

Consciencieux, j'y replonge les oreilles alors que je n'avais pas écouté l'album depuis un an. Je suis toujours aussi interdit. On sait que l'histoire de la musique est aussi celle de sa critique. La critique n'est pas le fait des acteurs de la musique, ou pas seulement, elle est le fait d'observateurs extérieurs qui lui confèrent ou non une légitimité artistique. La pertinence des critères esthétiques retenus par cette critique est une question centrale tant celle-ci aura parfois eu tendance à plaquer des grilles d'analyse qui, malheureusement, sont plus un règlement de comptes qu'une réelle analyse de l'œuvre.

Bien sûr, avec quelque crainte, je repensais à l'adage lapidaire, "si ça fait trop de bruit, c'est que t'es trop vieux". Oui, probablement que c'était tout simplement ça. Trop vieux. La musique d'Animal Collective n'est pas violente, ni dissonante, je la trouverais même plutôt un peu plate... Mais : trop de bruit. Mon incompréhension la maintenait, en effet, dans une sorte de bruit, comme si je ne parvenais pas à saisir la musique de cet assemblage de sons. C'est mal chanté, ça ne groove pas... Ben oui, c'est indie, c'est arty.

"Brother Sport", le titre qui me paraît le moins abscons, mon préféré en quelque sorte, est paraît-il une vraie bombe en concert. Du moins, si on en croît ce qu'écrit Joël Vacheron pour Vibrations, qui y devine une "samba chimérique" (sic) : "les morceaux s’enchaînent les uns aux autres comme les parties indissociables d’une longue procession. Une formule qui atteint son climax avec Brother Sport, une samba chimérique qui transporte (enfin) toute la salle aux frontières de la transe. Au terme de cette odyssée proprement “tripale”, il ne fait aucun doute qu’Animal Collective, au sommet de son art, consolide son statut de groupe pop phénoménal". Et vous vous doutez bien que ce n'est pas Thomas Burgel qui dira le contraire : "En final apocalyptique, le groupe jouait Brothersport, morceau absolument gigantesque, furieux mantra électronique d’une beauté effarante et d’une efficacité terrifiante. Une transe hallucinée prenait définitivement le pouvoir d’une foule jusqu’alors remuante mais circonspecte, désormais hurlante, paniquée, fascinée, bondissante. Heureuse".

Autant se faire soi-même une idée sur la question avec le clip de "Brother Sport"... De bonheur, cela provoque-t-il chez vous "des flexions et extensions des muscles internes" ?


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