Le JAM offre régulièrement des concerts gratuits. Et pas seulement ceux de ses élèves, puisque cette salle de concert montpelliéraine est couplée à une école de jazz. Mais ce n'est pas tous les jours que l'affiche est aussi alléchante que ce soir avec la venue de The Afrorockerz, un groupe où l'on retrouve Julien Raulet, guitariste de Fanga, et Allonymous aux vocals. Le groupe n'a aucune actualité particulière, annonce un maxi dans quelques mois et un deuxième album à suivre. Il est là pour faire la fête dans son fief et, probablement, roder son répertoire et sa cohésion. Et, bon sang, il est au point !
Comme son nom l'indique, le groupe mêle les influences rock et afrobeat. Sans oublier la voix très soul d'Emma Lamadji, ou quelques touches funky ou électro aux claviers. Il se présente avec basse, batterie, claviers*, ses deux chanteurs et Jujju à la guitare. C'est finalement lui qui fait office de caution pour les Afrorockerz. Fanga et son afrobeat made in Montpellier a acquis une telle crédibilité internationale que le moindre side project d'un de ses membres mérite l'attention.
Qui dit rock et guitare signifie souvent un volume d'ampli poussé jusqu'à 11 (OK, OK, je caricature, on n'est pas dans Spinal Tap). Pourtant, même dans son escapade hors des rythmiques indéfectibles toutes en souplesse des guitaristes d'afrobeat, le Jujju n'abuse pas. S'il change de style et de son, il ne la joue pas guitar hero et reste sobre. Au service du groupe. Pas le genre à prendre un solo qui plombe sous prétexte que...
Mais, à vrai dire, pour moi, c'est la seule présence d'Allonymous qui était une raison suffisante pour assister au concert de nos Afrorockerz. Le meilleur concert, et le plus généreux, que j'ai vu cette année est sans conteste celui de Push Up, déjà au JAM, et j'y avais, entre autres, particulièrement apprécié la présence d'un Allonymous tout en fantaisie, tirant son épingle du jeu entre la diva soul nationale Sandra Nkaké et Karl The Voice.
Cette fois-ci encore, il n'est pas seul en frontline. Pour l'accompagner au centre de la scène, on découvre Emma Lamadji, montpelliéraine d'origine centrafricaine, et on se dit tout de suite qu'avec elle, la scène soul nationale s'est découvert une nouvelle voix qui risque de compter. Même si elle n'a pas encore l'aisance et la présence qui électrise une salle, elle assure comme on n'aurait pas oser l'imaginer lors de la première vague du revival funk français quand les voix d'ici n'avaient pas encore chopé le truc.
Et Allonymous, donc. C'est le Cainri de Paname. Sur sa page Facebook, il se présente en une phrase : "I sing poems and paint light filled faces". Certes, je n'ai pas eu l'occasion d'apprécier la subtilité et la richesse de ses paroles, ni vu ses toiles mais un type qui se présente comme peintre et poète, tout de suite, ça vous pose un homme. Si on ajoute qu'il est danseur, on aura là le parfait Renaissance man urbain. Dilettante inspiré. Allonymous, c'est le type qui amène le biais, l'oblique. Ce soir encore, toujours sapé classe (t-shirt Basquiat, chapeau de paille porté de travers), c'est lui l'élément "perturbateur", celui qui amène sa décontraction, détend l'atmosphère et fait presque mentir Baudrillard qui disait qu'il n'y avait pas de second degré dans la culture américaine**.
On dit qu'il faut être deux pour faire un bon match, idem pour un concert. Si le public ne répond pas, les musiciens auront beau allumer toutes les mèches, ce seront toujours les mèches de pétards mouillés. Hier soir, on est d'abord surpris en arrivant d'une assistance assez clairsemée malgré la gratuité. Est-ce parce que les Brooklyn Funk Essentials jouaient ce soir salle Victoire 2 et leur faisaient de la concurrence, pourtant payante, que le JAM n'était pas plein comme un œuf ? Mais, dites, la prochaine fois qu'ils viendront, les Afrorockerz, ce sera payant ! Et vous en aurez pour votre argent ! Mais la salle se remplit petit à petit. Finalement bien pleine.
Ca commence à danser dans les coins mais personne ne descend dans la fosse alors que la scène n'est même pas surélevée de l'estrade habituelle. Au premier rang, très vite, un premier type se lève. Un "vétéran". Look de prof de fac, barbe grise et lunettes, type sérieux, mais ce soir en blanc décontracté, où la décontraction se traduit par un polo Lacoste. Il se lâche. A la fin du concert, il va tout de suite vers les musiciens, agrippe Allonymous pour le remercier tandis que le réflexe de celui-ci est de lui renvoyer le remerciement : la réussite d'un tel concert se mesure à cette aune, qu'un homme comme lui, d'apparence pas le premier fêtard venu, se déchaîne pendant deux heures, témoigne des vertus incandescentes de la musique des Afrorockerz.
Et vous en connaissez beaucoup des groupes qui, lors d'un concert gratuit, jouent plus de deux heures ?
Verdict : le Dr. Funkathus, instance de qualification à lui tout seul, n'hésite pas à décréter que les concerts de The Afrorockerz rentrent dans la catégorie des élixirs à consommer sans modération.
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* Non, je ne les snobe pas : il y avait Frédéric Jean (batterie),
Sylvain "Sly" Daniel (Basse)
et
Mathieu Jérome (claviers).
** Jean Baudrillard, Amérique : "Ce qui est neuf en Amérique, c’est le choc du premier niveau (primitif et sauvage) et du troisième type (le simulacre absolu). Pas de second degré".
Salut Dr Funkathus!
RépondreSupprimerMerci pour tout ça! Merci d'avoir été là pour partager ce moment avec nous. Merci d'avoir posé ton ressenti.Merci pour ces remarques qui ne nous serviront qu'à avancer.
Mais n'oublie pas que The Afrorockerz est une réelle entité de 6 personnes, et que tu ne peux pas ne parler que de 2 parties de cette entité sans en révéler la vraie consistence. Car l'une sans l'autre, nous n'existerions pas... que l'une révèle l'autre, que l'une crécibilise l'autre , que l'une "légitimise" l'autre... Et que ce n'est pas autrement!
Donc ton prochain commentaire est réel si tu parles avexc autant de... ce que tu veux de Sly, Matt et Fred!
Merci à toi Docteur.
EMMA, membre à part de THE AFROROCKERZ