Avertissement : il n'y a absolument aucune originalité à parler ici du premier album de Blundetto, Bad Bad Things, sorti le mois dernier chez Heavenly Sweetness. Oui, ce genre d'album est une réussite et s'impose comme une évidence. Toute la blogosphère francophone du groove a déjà pris la peine de dire son enthousiasme et je me contente humblement de lui emboîter le pas.
Avant d'écouter un disque, la pochette ou le titre peuvent généralement vous donner des a prioris favorables, éveiller votre curiosité. La liste des featurings est un autre élément qui peut devenir déterminant, provoquer l'impulsion. Si vous avez aimé les albums des Budos Band, Antibalas, Shawn Lee, General Elektriks, Blackalicious ou Hindi Zahra, vous supposerez à juste titre qu'un projet qui rassemble tout ce beau monde risque fort d'être très intéressant. On retrouve donc participant à l'aventure : Shawn Lee, Chico Mann, Budos Band, General Elektriks, Tommy Guerrero, Hindi Zahra ou Lateef The Truth Speaker. Laquelle aventure parcourt des territoires variés : plutôt reggae, tantôt latino, etc... mais possédant une caractéristique climatique commune : un groove ensoleillé. Curieux adjectif qui trouve son sens quand on aura précisé la dominante nonchalante des tempos.
J'ai utilisé délibérément le terme, ensoleillé, car le commentaire qui revient le plus fréquemment sur la toile est que cet album représente la bande-son idéale de l'été. La musique qui convient à merveille pour finir ses soirées sur une ambiance détendue, conduire sous le soleil, etc... L'occurrence fréquente de ce type de commentaire m'interroge : doit-on y voir le compliment qu'il est supposé être ou, au contraire, renvoie-t-il aux limites de ce type de musique. Car une musique qui s'écoute en fond sonore n'est guère que musique d'ambiance. Une musique fonctionnelle. Dit comme cela, ce serait forcément péjoratif. Mais vient donc se greffer la question essentielle : que fait-on pendant qu'on écoute de la musique ? On écoute de la musique ? Tout simplement, uniquement. Ou on fait autre chose en même temps ? Mais quand bien même si ce serait le cas, où est le problème ? En quoi cela réduirait-il la valeur esthétique de cette musique ? C'est qu'on ne s'est pas encore complètement débarrassé de ce vieux fond kantien qui voudrait que l'on s'adonne à l'art, ici l'écoute musicale, dans le recueillement et la concentration. Dans mon passé de sociologue, j'ai souvent cité Richard Shusterman, ce philosophe américain qui, dans son livre L'Art à l'état vif, rappelait que la valeur artistique des musiques populaires réside dans l'expérience esthétique. Cette expérience peut être la danse, voire simplement le moment partagé, ou la rêverie solitaire. Et, dans cette perspective, rien de tout ça ne dévalue la musique mais, au contraire, vient l'enrichir.
Ce serait faire injure à ce Bad Bad Things de le reléguer à sa fonctionnalité. Car la production, partagée avec Blackjoy, joue vraiment au plus haut niveau, à l'égal de ce qui se fait de mieux en la matière. Cf. les albums des invités, ceux de Shawn Lee, Chico Mann, etc... voire ailleurs, ceux des Quantic, Whitefield Brothers, ou autres Blockhead etc..., tous ceux ayant réussi la fusion homogène instruments-machines au service du groove.
Ce serait encore faire injure à Blundetto de renvoyer sa musique à sa fonctionnalité, genre sympa en fin de soirée, car notre homme a un sacré sens du détail, lequel mérite qu'on y tende l'oreille plutôt deux fois qu'une. Il reconnaît volontiers passer beaucoup de temps à peaufiner sa musique. Modeste avec ça, il dit même : "je suis un peu incapable d’avoir un jugement sur ce que je fais puisque j’ai entendu environ 1450 fois chacun des morceaux. Je ne sais plus quoi en penser, je n’ai pas le recul suffisant pour savoir si c’est bon ou pas pour Nova*, je suis trop impliqué" ("Blundetto : le tripoteur de sons").
Pour finir, je dois bien avouer mon inculture totale en matière télévisuelle. J'ignorais donc que Max Guiguet, de son vrai nom, avait emprunté son a.k.a. de Blundetto à un personnage des Sopranos, interprété par Steve Buscemi. Je l'ai donc découvert en cherchant des infos sur l'album et son auteur. Jusque-là, le nom me faisait penser à blunted ! Il faut dire qu'avec ses vibes reggae, Bad Bad Things doit probablement s'apprécier de façon optimale sous l'effet d'une bonne weed.
Modeste, Blundetto possède aussi le sens de l'humour. Alors, amusez-vous de cette petite série en trois parties, les Blundetto's How to's...
Lesson n°2 : How to make a Blundetto's music track ?
Lesson n°3 : How to use a Blundetto CD ?
* Max Guiguet bosse à Radio Nova. Il expliquait son honorable réticence déontologique à s'autoprogrammer sur les ondes où il officie : "c’était une question un peu délicate qui allait se poser à un moment ou à un autre. J’étais un peu gêné par rapport à ça, et personnellement je ne l’aurais pas fait. Le co-programmateur de Nova m’a fait la bonne blague d’attendre que je parte en vacances pour entrer un des titres de l’album en prog".
Pour un portrait détaillé de Blundetto, un article sur Mowno...
Blundetto tient également son blog, Sonido Blundetto, riche en mix & co. Et lui même y avoue aimer conduire en écoutant de la musique : "Am I a nerd if one of the things that excites me about going on holidays is to listen that tune (en l'occurence, "I Don't know about You de Lloyd Nolan, ndla) very loud while I'm driving under the sun ?".
Hello
RépondreSupprimerEn fait c'est le 2nd album de Blundetto, même si le 1° était un mix cumbia assez sympa.
Trêve de "fly fucking" Je partage cette interrogation sur la notion de "parfaite bande son de l'été".. Finalement l'album est une réussite même si je trouve que parfois les morceaux sont un peu trop marqués du sceau des invités ; je pense en particulier aux tracks où l'on trouve le Buddos Band, en disant ça
Le "fly fucking" est toujours le bienvenu s'il permet de corriger ou préciser les propos tenus ici.
RépondreSupprimerSalut Doc
RépondreSupprimerJ'ai omis le principal hier.. C'est vraiment bien ici