jeudi 29 septembre 2011

Alessandra Leão et le terreiro Xamba dans Les Petites Planètes


Où nous retrouvons Vincent Moon dans ses tribulations autour du Monde pour réaliser sa collection Petites Planètes, collection qui présente des musiciens filmés dans leur environnement... Si cet ancien réalisateur de la Blogothèque (les Concerts à Emporter, etc...) fait le tour du Monde, par souci de cohérence éditoriale, nous ne relayons que ses escales brésiliennes. Et encore, seulement certaines d'entre elles : le bonhomme est incroyablement prolifique ! La Petite Planète du jour se situe dans le Pernambouc, à Olinda, où il a filmé, en février dernier, Alessandra Leão et ses amis sur le terreiro de la Nação Xamba.


La Nação Xamba est une de ces nombreuses religions afro-brésiliennes très proches du candomblé. Elle est originaire de Maceió, dans l'état d'Alagoas, et fut fondée par son Babalorixá Artur Rosendo Pereira. Dans les années vingt, la Nação Xamba, victime des persécutions que la police infligeait aux lieux de culte afros, s'installa dans le Pernambouc. A Récife d'abord, puis à partir de1951 à Olinda. Où elle se trouve aujourd'hui encore, sur le terreiro Santa Bárbara - Ilê Axé Oyá Meguê.

Vincent Moon explique dans les quelques mots qui accompagnent son film qu'il avait envie de réaliser un travail sur le candomblé. Il était alors à Récife chez Alessandra Leão et l'idée germa qu'ils pourraient faire quelque chose ensemble à Xamba. En dehors d'un véritable rituel. Simplement, s'y retrouver. "Cela a commencé avec l'envie de faire quelque chose autour des traditions du candomblé. Pas pour filmer un rituel mais en organisant quelque chose d'autre, dans l'espace du candomblé, ici le magnifique terreiro Xamba. J'étais à Récife, dans le Nordeste du Brésil, j'étais chez Alessandra. Nous avons décidé d'inviter ses amis musiciens pour jouer et improviser pendant une heure des chansons religieuses. Et voici le résultat de notre propre rituel"*.


Alessandra Leão est une artiste de Récife qui creuse le sillon des musiques populaires du Pernambouc (coco, ciranda, etc...). Elle s'est faite connaître au sein du groupe Comadre Fulozinha. Sa musique s'appuie sur un tapis de percussions, des ilús, ces tambours sacrés que l'on trouve notamment dans le culte de Xangô du Pernambouc, joués mains nues sur les peaux, et d'étonnantes guitares électriques (ici absentes). Pas de batterie. Pour décrire la scène musicale à laquelle se rattache Alessandra Leão, les Anglais de Mais Um Discos ont choisi de parler de manguefolk. Genre dont elle serait la plantureuse reine. Isaar França ou Karina Buhr auraient autant mérité la couronne mais bon... Dois Cordões, son deuxième album sorti en 2009, a été produit par Caçapa, autre figure de cette scène de Récife. On y retrouve également Jorge du Peixe, Kiko Dinucci qui, pour l'anecdote, partageait la scène avec elle à Récife ces derniers jours, China ou Jr Black, ces deux derniers figurant sur la compilation Musica na Massa !, présenté ici il y a quelques jours.

Curieuse scène qu'a saisi Vincent Moon. Tout le monde est habillé de blanc, comme il se doit, mais le rituel n'est pas réellement religieux, à la différence des chants et des rythmes. Parmi les amis d'Alessandra, on retrouve Isaar França, Bongar, Cibelle, Helder Vasconcellos, Areia, Carlos Amarelo, Hugo Linns. Isaar est discrète et on s'étonne de retrouver ici Cibelle la fashionista.


Comme à son habitude, la caméra de Vincent Moon est nomade, elle accompagne les musiciens, est au milieu, tourne sur elle-même comme le danseur endiablé de ce film sur Xamba. Vincent Moon est littéralement embarqué aux côtés des musiciens qu'il rencontre, au cœur de ces instants saisis. La musique est mise en scène, le cadre est choisi pour que tout puisse se produire, pour que la spontanéité l'emporte sur le dispositif. Et, encore une fois, le charme opère, il parvient à nous plonger avec lui dans cette frénésie où l'enthousiasme collectif est palpable, où le plaisir de jouer et chanter crève l'écran. Bravo.


Le site des Petites Planètes

Spéciale dédicace à mon pote Cyril de Niteroi qui trouve que je ne parle pas assez des musiques du Pernambouc !
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* "It started with the desire to do something around the Candomblé traditions. Not filming a candomblé ritual, but organizing something else, in the space of candomblé - in this case, in the beautiful terreiro XAMBA. I was in Recife, in the north east of Brazil, staying at Alessandra's place. We decided to bring a lot of her musical friends to perform and improvise an hour of religous songs. Here is the result of our own ritual".

mercredi 28 septembre 2011

La Saudade, substantif féminin singulier


Il fallait bien un poète pour illustrer les scènes de ménage par des règles de grammaire ! "Quarta-Feira" est un petit bijou signé d'Hermínio Bello de Carvalho où le narrateur raconte que son amour est partie un mercredi et avec elle, le bonheur. N'est restée que la saudade : "Ela foi na quarta-feira e ate hoje não voltou. A alegria foi com ela, a saudade é que ficou". Mercredi se dit quarta-feira en portugais, il est donc tout à fait de circonstance de vous présenter cette chanson aujourd'hui !

Rarement tourment d'amour n'aura été tourné de façon si élégante et légère :

"La saudade n'est pas un verbe
Qui puisse se conjuguer
Je sais que c'est un substantif
Féminin, singulier
Presque un verbe irrégulier"

("A saudade nao é verbo
que se possa conjugar
sei que é substantivo
Feminino, singular
Quase um verbo irregular")

Hermínio Bello de Carvalho possèdent des boucles parmi les plus fameuses du Brésil, pays où Dieu sait pourtant que les cheveux bouclés sont monnaie courante. Les siennes sont blanches depuis longtemps et ce poète est aujourd'hui un témoin privilégié de l'histoire de la musique populaire brésilienne, en particulier du samba. Si certaines de ses compositions sont rentrées dans le patrimoine du pays, son rôle est plus large, plus flou. Ayant commencé comme journaliste, puis publié des recueils de poésie, il devint vite un acteur de la vie culturelle de Rio. C'est lui qui, par exemple, lança en 1965 le spectacle Rosa de Ouro. Le seul fait d'avoir découvert et révélé Clementina de Jesus, la grande Rainha Quelé, suffirait à rendre essentiel son apport à l'histoire des musiques brésiliennes mais il a fait beaucoup plus, comme nous le verrons prochainement. Pas tout de suite, quand j'aurai fini de lire Timoneiro*, la biographie que lui a consacré Alexandre Pavan.

Cette chanson, "Quarta-Feira", Hermínio Bello de Carvalho l'a écrite avec Ismael Silva. C'est en 1954 qu'Hermínio avait rencontré le fondateur de l'Ecole de Samba Deixa Falar, la première du pays avant même celle de Mangueira. Le grand Ismael Silva vivait alors dans l'anonymat le plus complet, ses heures de gloire oubliées de tous. Gagné par l'amertume, il passait le plus clair de ses journées dans un botequim de la rue Gomes Freire où le jeune homme venait retrouver son idole. Hermínio n'avait même pas vingt ans et il ne rêvait que de rendre sa superbe au grand sambiste, rongé par un ulcère mais qui trompait la misère en étant toujours vêtu d'impeccables tenues de lin blanc. Le jeune homme lui dédia même un poème, "São Ismael"** qui devint son surnom (mais dont la paternité fut attribuée par erreur à Vinícius de Moraes).


"Quarta-Feira" fut écrite au début des années soixante, avec un texte d'Hermínio sur un samba d'Ismael. Toutes ces allusions à la grammaire étaient aussi une façon de rendre hommage à Ismael Silva et sa maîtrise pointilleuse de la langue portugaise. Pourtant, je me dis toujours que, quand il a écrit "Quarta-Feira", Hermínio Bello de Carvalho avait en tête sa femme jalouse d'une rivale qui ne serait autre que sa... muse. La poésie. Eh oui, les femmes ne sont pas jalouses que des autres femmes. Doli, son amoureuse de l'époque, était-elle la cible des paroles, je l'ignore, en tout cas, le personnage féminin de "Quarta-Feira" rend la vie du narrateur complexe, leur couple ne trouve plus de concordance, elle supprime les pluriels, les accents circonflexes. Et, en guise de vengeance, elle est même partie avec son lexique !

"Quarta-Feira" est interprété ici par Paulinho Moska et Mart'Nália. Moska est plus un rockeur qu'un sambiste mais il fait merveille ici et il tient la dragée à haute à Mart'Nália, la fille du grand Martinho da Vila. Seul un duo de charme pouvait rendre la finesse joueuse de ce titre et ils y parviennent avec brio en s'amusant, complices.


Pour les porter avec une telle légèreté, il fallait des musiciens amenant la virtuosité du choro. Ils sont ainsi accompagnés par Bilinho Teixeira (guitare 7 cordes), Clarice Magalhães (pandeiro), Ignez Perdigão (cavaquinho), Marcelo Bernardes (saxophone), Matias Correa (contrebasse) et par Franklin da Flauta (flûte).

Cette version figure sur l'album Timoneiro, sorti en 2005 par le label Biscoito Fino, à l'occasion des soixante-dix ans d'Hermínio Bello de Carvalho. Produit par Zélia Duncan, c'était l'album inédit d'un coffret de cinq CDs rééditant des albums publiés tout au long de sa carrière. On retrouve sur Timoneiro, Hermínio lui-même et une belle brochette d'artistes reprenant des titres de son répertoire : Maria Bethânia, Lenine, Chico Buarque, Paulinho da Viola...

La saudade est un substantif féminin singulier, chante le poète.


Paulinho Moska & Mart'Nália, "Quarta-Feira", Timoneiro : Hermínio Bello de Carvalho (2005) (mp3 320kbps)

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* A dire vrai, je comptais commencer l'évocation d'Hermínio par le biais de "Timoneiro", co-écrit avec Paulinho da Viola, une chanson qui m'enchante depuis que je l'ai découverte, à la sortie de l'album de Paulinho da Viola, Bebadosamba, en 1996. Un vrai titre fétiche. Mais j'ai longtemps ignoré qu'on en devait à Hermínio la paternité. Pour cela, pour mettre tout mon cœur dans cette sublime chanson traitant de cette force de la mer que les marins savent vain de vouloir dominer, j'attendais un lundi de septembre contrarié, où j'aurais été frustré de ne pouvoir aller à la plage. La météo ayant été radieuse, l'eau encore bonne pour la baignade, nous parlerons de "Timoneiro" prochainement...
** "Visão chagalliana de São Ismael (o sambista) debruçado sobre nós".


mardi 27 septembre 2011

Ayer : le rythme chorégraphié qui adoucit la rue


Il y a toujours une étrangeté à s'approprier la rue pour y faire œuvre d'art. La pièce ci-dessous m'a intrigué quand je l'ai découverte. La musique, me direz-vous, est assez sommaire. Certes. Mais c'est parce qu'Ayer est un groupe de danse percussive. A moins que ça ne soit de musique corporelle ou de rythme chorégraphié. Emmené par Estêvão Marques, Ayer s'est lancé dans un travail de recherches sur les danses populaires du Brésil et dans la confection d'instruments à base de matériaux recyclés. On y trouve les classiques tuyaux en PVC*, les bouteilles plastiques, les cuillères en bois, etc... Leur travail repose sur le jeu entre ce qui se voit et ce qui s'entend, sur la force de la musique en mouvement, la "força da música em movimento".

Sous ses airs juvéniles, Estêvão Marques possède déjà un beau parcours. Conteur, danseur et musicien. Comme musicien, il s'est d'abord adressé au jeune public au sein du groupe Palavra Cantada, ayant joué avec Chico César, Antonio Nóbrega ou les Barbatuques. Il est également professeur de danse et de percussions. 


Voici le titre "India", une respiration dans l'espace urbain, tourné ce mois-ci, le 7 septembre, dans le centre de São Paulo. La mégapole y prend des airs fantômes à être ainsi déserte. Derrière son apparente simplicité, le geste d'Ayer est fort. C'est un geste de rupture que de s'asseoir par terre sur un trottoir, sur une place, dans la rue. La rue est un lieu de passage qui n'est pas destiné à ce qu'on s'y arrête. A son échelle singulière, elle reproduit le mouvement sans trêve de la ville. On sait bien l'obsession des forces de l'ordre à contrôler la moindre manifestation, réduite dans leur pauvre vocabulaire à des troubles sur la voie publique. En s'asseyant par terre et en jouant de ses cuillères en bois, Ayer casse en douceur le flux incessant de la ville pour lui opposer l'entrain ludique de son rythme musical.

Par principe, ce type d'intervention est éphémère. Le calme et la poésie ne durent jamais. On en appréciera d'autant plus cette parenthèse.



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* Ca doit bien faire une trentaine d'années que Uakti les utilise. Mais, pour les avoir vu il y a bien longtemps sur scène, on oublie ce détail pour être emporté par une musique superbe.

dimanche 25 septembre 2011

Le Sorcier approximatif de Récife


Alors qu'il sort son premier album sur Trama Virtual, Feiticeiro Julião a déjà offert Batismo Místico, son EP à la Musicoteca. Feiticeiro Julião est un de ces groupes originaires de Récife dont la musique est rock avant d'évoquer une quelconque influence nationale ou régionale. Il figure sur la compilation présentée hier, Musica da Massa ! Quand j'avais découvert le groupe, début août, sur Musicoteca, j'avais été amusé par le clip où son leader cabotine avec aisance devant la caméra. D'ailleurs, franco, il n'y aurait pas eu ce clip, jamais je n'aurais consacré un message à Feiticeiro Julião. Mais hier, je réalisais que les musiques du Pernambouc étaient comme absentes de l'Elixir alors j'entreprends de combler cette lacune. Peut-être pas la meilleure façon de commencer, mais bon...

Le sorcier, le feiticeiro à la tête du groupe, se nomme Júlio Castilho. C'est lui le Julião. Il se paie un look flamboyant à base de nombril à l'air, barbichette et peintures de guerre rouges sur la visage que Raul Seixas, iconique rockeur bahianais, n'aurait jamais osé essayer. Aucun lien entre ces deux rockeurs brésiliens séparés de quelques décennies, si ce n'est le bouc qui appelle la comparaison. Et un certain penchant vers le mysticisme foireux. Des sorciers et des docteurs*, la musique en a connu quelques uns mais n'est pas Dr. John qui veut !


Avec Feiticeiro Julião, Júlio Castilho n'en est pas à son coup d'essai. Il est par ailleurs membre de Malvados Azuis et de la Comunidade Azougue, très remarquée sur la scène de Récife, groupe qui vient également de sortir un album en 2011, Coisas Que Não Se Fabricam Mais. Cette année également, avec Feiticeiro Julião, il a gagné le droit de participer au festival Abril Pro Rock, référence nationale en la matière, en gagnant le concours du festival Bis Pro Rock.

Feiticeiro Julião est psychédélique. C'est comme ça, c'est en vogue, ça fait bien. Il se lance dans des instrumentaux un peu plats. A moins qu'ils ne soient psychédéliques ?

Feiticeiro Julião joue de l'afrobeat. En dilettante. C'est en vogue en ce moment, ça fait bien. En dilettante, donc. Quand des groupes bossent le truc comme des malades pour en saisir toutes les arcanes rythmiques. Mais pourquoi se casser la tête ? Feiticeiro Julião fait de l'afrobeat garage ! C'est-à-dire un peu approximatif.

Sur "Vou Tirar Você da Cara", le morceau illustré d'une vidéo, la seule vraie chanson de Batismo Místico, il joue du funk. Garage. Et psychédélique.


Mais si le baptême est mystique, les mécréants ont-ils le droit d'y assister ?

Feiticeiro Julião, Batismo Místico (2011) mp3 320kbps

1. Entrance
2. Como/Vírus
3. Vou Tirar Você (Da Cara)
4. Hiena
5. Barra
6. Pazes

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* Humberto Costa, le père de Júlio est lui-même médecin, pour de vrai. Mais il ne doit plus trop avoir le temps d'exercer puisqu'il est sénateur du Pernambouc pour le PT. D'autant qu'il ne manque jamais une occasion d'aller son fiston "sorcier" sur scène !

samedi 24 septembre 2011

Musica na Massa ! Une compilation de musique du Pernambouc offerte par Sounds & Colours


Si le label Mais Um Discos a sorti il y a quelques mois une compilation pointue présentant toute une nouvelle scène brésilienne n'ayant pas encore eu les honneurs d'une distribution internationale, et même encore alternative dans son propre pays, voici maintenant que le web magazine Sounds & Colours propose lui aussi sa propre compilation très pointue, dédiée aux musiques du Pernambouc : Musica da Massa ! New Sounds of Pernambuco. Celle-ci est en téléchargement gratuit sur la page du site lui étant consacré. La sélection est l'œuvre de Russ Slater, responsable de tout ce qui a trait au Brésil sur Sounds & Colours, magazine anglais dédié aux cultures sud-américaines.


Vous l'aurez peut-être remarqué, si les musiques brésiliennes sont le quotidien de l'Elixir, les musiques du Pernambouc n'y sont bizarrement que très peu représentées, pour ne pas dire qu'elles en sont carrément absentes. C'est pourtant à Récife que se trouve une des scènes les plus dynamiques et modernes du pays. En effet, l'apparition de Chico Science & Nação Zumbi, il y a une vingtaine d'années, a fait l'effet d'une véritable révolution. Avec eux, voyait le jour le mangue bit, devenu mangue beat. Derrière Chico Science, le véritable cerveau de toute cette affaire, toute une génération de jeunes groupes combinaient les rythmes locaux (maracatu, frevo, coco) avec des beats hip hop, des guitares rock en furie pour dessiner le portrait de leur ville, pour dire que les mangroves qui entouraient la ville était un écosystème menacé, pour combiner l'univers cyber-pop de l'époque et les racines afros des ancêtres .

Tout le Brésil a pris Chico Science & Nação Zumbi en pleine poire, comme s'il y avait un avant et un après cette révélation. Comme le disait Seu Jorge le Carioca, "ce qui m'a donné le déclic, c'est Chico Science. Quand je l'ai vu sur scène, avec cette mixture de régionalisme nordestin et de modernité pop, j'ai commencé à imaginer une manière de faire la même chose avec les références que j'avais ici, à Rio".

Chico Science ne savait pas franchement chanter mais il a enfanté d'albums conceptuels d'une rare cohérence. Le drame est qu'il soit mort trop jeune, à seulement trente ans, en 1997 dans un accident de voiture. Mais les vannes qu'il avait ouvertes n'ont depuis cessé de répandre cette boue, cette lama, dont il avait fait un emblème de l'univers du groupe, cette boue qui est un terreau fertile qui nourrit les inspirations de de la génération suivante.

Oui, s'ils puisent une partie de leurs influences dans les rythmes et musiques régionaux, ces nouveaux sons du Pernambouc, comme ceux issus de la mégapole São Paulo, sonneront plus familiers aux oreilles de non-amateurs de musique brésilienne. Tout simplement parce que ces groupes jouent du rock et l'électro. Et sur cette compilation Musica da Massa !, c'est clairement le rock qui donne la couleur dominante à l'ensemble.

A l'exception de figures marquantes de cette scène du Pernambouc comme Mombojó, Maciel Salu ou Lucio Maia (Maquinado), cette compilation illustrant les choix et les goûts de Russ Slater nous fait découvrir des groupes à l'aube de leur carrière. Si je n'avais jamais entendu d'une bonne partie d'entre eux, j'en avais découvert d'autres (Feiticeiro Julião, China, D Mingus) par le biais de ce fantastique projet qu'est la Musicoteca où groupes et chanteurs offrent leurs albums et EP en téléchargement gratuit. D'ailleurs, quand j'avais découvert cet été Feiticeiro Julião, je m'étais promis qu'on reparlerait ici.

Avec Musica da Massa ! New Sounds of Pernambuco, vous avez l'occasion d'endosser à peu d'efforts la panoplie de l'explorateur et découvrir des musiques à mille lieues des représentations formatées. Même si, vu le côté rock très présent, vous n'aurez pas toujours l'impression d'aller bien loin dans l'exploration, surtout si Bande Dessinée chante dans un français parfait.

Sur la page de Sounds & Colours consacrée à cette nouvelle compilation*, vous trouverez également précisé où écouter voire télécharger gratuitement les albums dans leur entier, en général sur les sites des artistes.

Seul reproche (au-delà des goûts musicaux qui ne se discutent pas), des bitrates un peu aléatoires mais ça, ce sont les artistes qui en décident.

Musica da Massa ! New Sounds of Pernambuco (une compilation Sounds & Colours)

1. China, "Distante Amigo", extrait de l'album Moto Continuo
2. Mombojó, "Antimonotonia", extrait de l'album Amigo do Tempo
3. Feiticeiro Julião, "Entrance", extrait du EP Batismo Místico
4. Jr. Black, "Bucólico Passeo da Rua Acre", extrait de l'album RGB
5. Magriffe, "Asco", extrait du EP Estive Lá Fora
6. D Mingus, "Walker O Cyborg", extrait de l'album Filmes e Quadrinhos
7. Maciel Salu, "Rabeca No Merengue", extrait de l'album Mundo
8. Mamelungos, "Colemim", extrait de l'album Mamelungos
9. Rogerman, "Superar", extrait du EP Pompeia Vol. 1 EP
10. Caçapa, "Baiano-Rojão Nº01", extrait de l'album Elefantes Na Rua Nova
11. Bande Dessinée, "Bande à Parte", extrait de l'album Sinée Qua Non
12. Jean Nicholas, "Vou Passar Um Tempo Em Off", extrait du EP De Repente
13. Maquinado, "Recado Ao Pio, Extensivo Ao Lucas", extrait de l'album Mundialmente Anônimo
14. Lira, "Adebayor", extrait de l'album Lira
15. Caapora, "Brincadeira", extrait du EP Caapora
16. Rua, "Todalegria", extrait de l'album Do Absurd
17. A Nave, "Pancadão", extrait du EP A Nave

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* En mai dernier, Nossa, Cara ! New Sounds of São Paulo, une compilation consacrée à la scène de São Paulo avait déjà été proposée en téléchargement.

vendredi 23 septembre 2011

Baiana System, mini-guitare et gros sound system


Ce que je vous propose aujourd'hui est largement mieux qu'un re-post. C'est carrément un des meilleurs (si ce n'est le meilleur) disques sortis de Bahia ces dix dernières années. Je vous l'avais présenté il y a un an, presque jour pour jour, mais cette fois-ci je vous l'offre en téléchargement (mp3 320 kbps) ! Sans scrupules vu qu'il est quasiment introuvable*. Voici donc, mesdames et messieurs, en direct de Salvador : Baiana System !!!


Aujourd'hui pour ce premier jour de l'automne, je vous présente un des disques que j'ai le plus écouté de tout l'été, en espérant que cette cure de Baiana System vienne retarder un peu la grisaille. Alors que certains jours, je me fais la réflexion que j'ai donné un titre complètement idiot à ce blog, je me rassure en éprouvant les vertus de ce genre de musique : un formidable élixir. Ecoutez, vous verrez que longtemps vous garderez en tête le travail de Robertinho Barreto sur sa petite guitarra baiana. Il a su bien s'entourer, s'est appuyé sur un tapis de timbaus où les peaux claquent sèchement comme elles se doivent de le faire à Bahia (suppléés parfois par la tachycardie d'une boîte à rythmes), à trouvé les chanteurs qui incarnent parfaitement sa musique, du vétéran Gerônimo à l'incandescent Russo Passapusso, omniprésent, en passant par Lucas Santtana (très présent dans nos colonnes ces dernières semaines) ou BNegão. Mais Robertinho est bien le principal artisan de la réussite de cet album, lui conférant une cohérence rare. Tout en étant résoulement originale et ne sonnant comme aucune autre, la musique de Baiana System possède cette particularité de pouvoir plaire à la fois aux rockeurs, par les envolées de guitares bien aiguisées, aux amateurs de reggae pour la pulsation qui traverse tout l'album (et les dubs de Buguinha en bonus), et aux amateurs de percussions jouées mains nues. Formidable.

Ci-dessous, je reproduis le texte publié l'an dernier.

Baiana System, la guitarra baiana du Trio Elétrico au sound-system

Comment sortir un instrument du contexte très particulier auquel il est associé ? Tel semble être le défi de Robertinho Barreto quand il s'est lancé dans le projet Baiana System. L'instrument en question est la guitare bahianaise et son album en fait le point d'ancrage d'une bande son qui mêle les sonorités électro-dub au langage percussif du cru.

La guitarra baiana est un instrument original dont l'histoire est intrinsèquement liée à celle du Carnaval de Salvador de Bahia et à l'invention de ses fameux trios elétricos. A l'origine, deux musiciens, Dodô (Antonio Adolfo Nascimento) et Osmar Macedo, férus d'électroniques, cherchent à amplifier les instruments à cordes. C'est dans les années quarante qu'ils mettent au point un premier prototype, connu sous le nom de pau elétrico, conçu sur le modèle de la mandoline, et en adoptant son accordage.


En 1950, ils sont fin prêts et défilent pour le Carnaval à bord de leur vieille Ford 1929, en jouant des frevos amplifiés. L'année suivante, en 1951, c'est avec l'arrivée de Temístocles Aragão que l'on commence à utiliser le terme de trio elétrico. Ce premier instrument de nos luthiers Dodô et Osmar servira de brouillon à ce qui allait devenir la guitarra baiana, la guitare bahianaise.

A côté des blocos, la formule du Trio Elétrico allait devenir la marque du carnaval bahianais, même si aujourd'hui ce sont d'énormes semi-remorques qui se promènent sur le parcours festif qui traverse la ville en crachant les décibels à tout va. La guitarra baiana a elle aussi évolué. Armandinho, fils d'Osmar (et frère de Rita des Femmouzes T toulousaines), y ajoute une cinquième corde pour développer les graves.

C'est ce petit instrument à cinq cordes que s'est ré-approprié Robertinho Barreto. Membre du groupe rock soteropolitano Lampirônicos, ayant longtemps joué avec Timbalada, Barreto construit autour de sa petite guitare tout un univers où le frevo est sous-tendu de dub, où le "roulis charnel" des guitares de la rumba sauce bahianaise vient animer la fête - n'y manque plus qu'un sébène, et où même un sitar vient, une fois, se joindre au projet... On retrouve également quelques invités de marque pour donner de la voix : le rappeur BNegão, le très brillant Lucas Santtana (longuement évoqué en nos colonnes), Gerônimo, figure historique des musiques noires bahianaises, ou Russo Passapusso, prometteur jeune artiste.

A l'arrivée, c'est une belle réussite où la guitarra baiana est tout sauf un gadget. En fait, on l'oublie presque, c'est juste une guitare lead qui virevolte avec autorité au gré des morceaux. Avec Baiana System, le trio elétrico, que l'on pourrait en termes génériques décrire comme un sound system, y est confronté à sa version psyché-dub. Une illustration de ce que la jeune scène musicale bahianaise sait faire de meilleur, une musique où les percussions posent les bases sur lesquelles toute les libertés sont possibles, formidable matrice rythmique qui autorise toutes les audaces.


Baiana System, Baiana System (2010) mp3 320kbps

1. "Nesse Mundo"
2. "Oxe, Como Era Doce (feat. Russo Passapusso)"
3. "Barra Avenida"
4 "Amerika Expressa"
5. "Da Calçada Pro Lobato (para Pio Lobato) (feat. Gerônimo)"
6. "Bembadub (feat. Russo Passapusso)"
7. "Jah Jah Revolta (feat. Russo Passapusso)"
8. "Systema Fobica (Ubaranamaralina) (feat. BNegão & Russo Passapusso)"
9. "Vinheta Baiana"
10. "Frevofoguete (Para os Retrofoguetes) (feat. Lucas Santtana)"
11. "O Carnaval Quem é Que Faz (feat. Lucas Santtana)"
12. "Jah Jah Revolta (Adubada por Buguinha Dub)"
13. "Frevofoguete (Adubada por Buguinha Dub)"

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* Un titre de Baiana System (auquel participe Lucas Santtana), "O Carnaval quem é que faz", figure sur la récente compilation Oi! A Nova Musica Brasileira!, publié par le petit label londonien Mais Um Discos. cependant sur la récente compilation

jeudi 22 septembre 2011

Madvillain en "sculpture hip hop"


Pour fêter ses quinze ans, le label Stones Throw a organisé un concours de vidéos. Tout le monde pouvait y participer. Comme l'expliquait Peanut Butter Wolf, son fondateur : "les règles sont simples. Il faut choisir n'importe quel morceau du catalogue Stones Throw. Réaliser sa propre vidéo sans contrainte technique, en utilisant des images existantes ou en en tournant d'autres soi-même, ou en mélangeant les deux. Et la poster sur YouTube, Vimeo ou n'importe quel autre serveur au plus tard le 1er juillet".

La sélection se faisait en fonction des commentaires des internautes et du choix de Peanut Butter Wolf. Plutôt que de vous montrer celle qui a gagné un prix de 1000$ avec l'opportunité de diriger un vrai clip, j'ai préféré choisir mon coup de cœur. Et ce n'est pas par chauvinisme, pas parce que son auteur est français.

JYB (Jean-Yves Blanc) a choisi d'adapter à sa façon "Strangeways", un titre extrait de l'album Madvillainy. Madvillain, c'est la rencontre entre Madlib et MF Doom. Leur unique album, sorti en 2004, est déjà un classique.


Déjà reconnu pour ses Hip Hop Sculptures, Jean-Yves Blanc n'est pas quelqu'un qui fait les choses à la légère ou qui se compromet sur un projet qui ne lui plairait pas. C'est un passionné qui prend son temps : chaque figurine lui demande entre vingt en cinquante heures de travail. On imagine sans mal la fascination qu'on pu exercer sur lui Madlib et MF Doom, le rappeur au masque de fer.


Pour ce concours de Stones Throw, il ne s'est pas contenté de modeler des figurines, il a tout fait lui-même : il a construit tout un décor et a réalisé un vrai clip. Ce qui force l'admiration dans ces films d'animation réalisés en stop-motion, c'est le travail de titan qu'ils exigent. Mais sans même parler de l'animation proprement dit, la reconstitution méticuleuse d'un décor réveille le souvenir de nos passions enfantines, de nos rêves frustrés d'avoir un train électrique avec des maquettes réalistes, des ponts, des routes, de nos installations de petits soldats en décors réels, etc... Dans ce genre de travail, avant même la mise en mouvement des personnages, on est bluffé par le soin apporté au moindre objet. Que ce soit chez Nick Park avec Wallace et Gromit, ou Shaun le Mouton, ou ici chez Jean-Yves Blanc. Le soin apporté au moindre détail y est remarquable : le repaire encombré de rangées de vinyls, la platine de guingois et même des effets spéciaux qui font se consumer le blunt de Madlib ! Bon, le problème avec ces types, c'est qu'on se dit qu'ils sont quand même un peu des malades, des maniaques de la minutie.


JYB a réalisé "ce "Strange Ways" avec pour seul outil, un cure-dent ! Et un peu de pâte à modeler. Hélas, il n'a fini que troisième de ce concours que, franchement, il aurait mérité de le gagner.

Pour voir les autres finalistes et le vainqueur du concours de Stones Throw...

mardi 20 septembre 2011

Ederaldo Gentil, la perle fine du samba de Bahia


Ce n'est rien de dire que la vieille garde des sambistes de Bahia nourrit une aversion particulière pour l'axé music. Celle-ci l'a tout bonnement mise sur la touche avec la morgue satisfaite d'une camelote bling bling devant un bijou d'orfèvre. Mais si ces sambistes réalisaient parfois un travail d'orfèvre, leur matériau était toujours modeste, leur sagesse ne se méprenant pas sur la valeur des choses, comme en témoigne le sublime morceau d'Ederaldo Gentil que nous allons présenter aujourd'hui, "O Ouro e a Madeira", l'or et le bois.

Ederaldo Gentil est probablement un maudit ! Même s'il a fait partie de cette scène historique du samba de Salvador au sein de laquelle il occupe une place de la même grandeur que ses aînés Batatinha ou Riachão, pour ne citer que ces deux-là. Car Ederaldo, comme Batatinha et Riachão, s'est vu offrir (de son vivant) un album tribute, rassemblant des invités prestigieux pour interpréter les titres les plus marquants de son répertoire. Sur Perolas Finas, produit par son compère Edil Pacheco en 1999, on retrouve rien moins que Gilberto Gil, João Nogueira, Elza Soares, Beth Carvalho ou Carlinhos Brown, pour n'en citer que quelques uns. On regrettera que dans les arrangements et le son, le travail d'Edil Pacheco souffre cruellement de la comparaison avec celui de Paquito et J. Velloso pour Batatinha (Diplomacia, en 1998) et Riachão, (Humaneochum, en 2001).

Quand le vieil ami Edil Pacheco a rassemblé ces collègues pour rendre un hommage à Ederaldo, cela faisait déjà longtemps qu'il était tombé dans l'oubli. Lui-même ayant préféré se retirer du monde de la musique après les déconvenues qu'il lui avait infligé. Pourtant ces chansons les plus connues faisaient toujours partie des répertoires, quand bien même leurs interprètes ignoraient tout du nom de l'auteur. On raconte ainsi que, lorsqu'il passait des soirées dans le Pelourinho, quartier historique de Salvador, il ne pouvait s'empêcher de corriger ceux qui reprenaient ses sambas, en oubliant les paroles ou se trompant sur la mélodie.

Si l'oubli est un destin commun à de nombreux sambistes, rien n'y prédestinait Ederaldo. Il ne en effet manquait pas de talent. Même mieux, il possédait les deux talents les plus prisés dans son pays, celui de la musique et celui du football.

Ederaldo Gentil est né en 1947 dans une famille modeste dans le Largo Dois de Julho, un quartier du centre de Salvador où son père possède une échoppe d'horloger. La famille s'installe ensuite dans le Tororó, alors le quartier le plus actif de Salvador en matière de samba, lieu de résidence de plusieurs ensembles carnavalesques : les Apaches do Tororó, les Filhos do Tororó... Encore enfant, il est repéré par les anciens de l'école de samba Filhos do Tororó, impressionnés par son aisance à jouer des percussions. Puis, dès l'adolescence, il compose ses premiers morceaux. Mais parce qu'il ne peut vivre de la musique, il cherche d'autres voies. Notamment le football, jouant un temps pour le club (dissous depuis) de l'A.D. Guarany, au poste de milieu gauche, avant d'entraîner brièvement le Vitoria, un des deux principaux clubs de la ville. Si ce n'est pas donné à tout le monde de jouer à ce niveau, il lui manque peut-être le talent pour devenir un grand joueur. Il reprend l'horlogerie familiale tout en continuant à composer.

Ses sambas sont les succès des Filhos do Tororó, l'école à laquelle il est affilié, mais pas que. Les autres écoles profitent d'une brouille d'Ederaldo avec les Filhos pour le solliciter. A l'arrivée, durant le carnaval de 1970 à Salvador, il est l'auteur de toutes les compositions des neuf écoles de samba, sauf de la sienne. Inédit et encore unique à ce jour.

Le carnaval ne saurait combler toutes ses attentes tant son registre ne se limite pas aux sambas-enredos joués pendant les défilés du carnaval. Il compose aussi des morceaux plus intimistes et vise une reconnaissance nationale. Au début des années soixante-dix, il s'approche du succès quand Jair Rodrigues reprend "Berequetê", un titre qu'il composa avec son fidèle partenaire Edil Pacheco.

En 1972, il part une première fois pour São Paulo où il espère enregistrer un disque, participer à des émissions de télé. Sans succès. Il rentre à Salvador, reprend l'horlogerie de son père mais, toujours, écrit et compose. En 1975, enfin, il peut enregistrer. Un 45Tours avec "O Ouro e a Madeira" et "Triste Samba". Puis, plus tard, la même année, un album Samba, Canto Livre de um Povo, qui contient lui aussi "O Ouro e a Madeira". Les années soixante-dix sont celles de la reconnaissance mais il n'enregistre qu'un seul album de plus, Pequenino, en 1976. Il retourne à Salvador où il retrouve sa clique de sambistes locaux pour une série de concerts O Samba Nasceu na Bahia.


Mais, dès le début des années quatre-vingt, c'en est déjà fini. Il doit batailler pour sortir un album sur un label indépendant, Identidade, en 1982. A Salvador, le samba est passé de mode. Ederaldo Gentil se retire de la scène. Il vit en reclus chez sa sœur. Puis, seul, souffrant de trouble panique l'empêchant même de revoir ses amis et partenaires. Perolas Finas, l'album-hommage organisé par Edil Pacheco, se fait sans lui. Ederaldo est un sambiste maudit, le talent et la grâce avaient probablement plus à lui offrir mais la réalité est parfois comme un mur... Mais un mur qui renvoie toujours l'écho de ses plus belles chansons, qui résonne toujours du refrain : "O Ouro afunda no mar, no mar"... Indémodable.

Cela faisait longtemps que je me promettais de mettre en ligne cette vidéo où Ederaldo interprète "O Ouro e a madeira". Je l'avais découverte en cherchant des images filmées de Batatinha. Puis, la semaine dernière, alors que j'estimai le moment venu, incroyable coïncidence, je recevais un message de... son neveu, Luisão. Je n'en dis pas plus, nous en reparlerons prochainement.

En attendant, voici un témoignage inestimable où l'émotion est vraiment à fleur de peau. Enregistré en 1974, Ederaldo a le regard perdu. Il est entouré des fidèles Riachão, Batatinha et, semble-t-il, Edil Pacheco. Cette version surpasse de loin celle figurant sur disque embrouillée des habituels violons sirupeux d'un quelconque maestro à la noix. Tandis que là, tout est concentré sur l'essentiel, les voix, une guitare et de discrètes percussions. Sublime. 

Si "O Ouro e a madeira" est un morceau si beau et intemporel, c'est aussi en raison de ses paroles où Ederaldo explique qu'il préfère être une source plutôt que la mer, l'épine plutôt que la rose, etc... Mais derrière cette humilité, un vraie sagesse : "l'or coule au fond de la mer, le bois flotte / L'huître se développe dans la vase mais donne naissance à une perle fine"*. 


"Não queria ser o mar
Me bastava a fonte
Muito menos ser a rosa
Simplesmente o espinho
Não queria ser caminho
Porém o atalho
Muito menos ser a chuva
Apenas o orvalho
Não queria ser o dia
Só a alvorada
Muito menos ser o campo
Me bastava o grão
Não queria ser a vida
Porém o momento
Muito menos ser concerto
Apenas a canção
O Ouro afunda no mar
Madeira fica por cima
Ostra nasce do lodo
Gerando pérolas finas"

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* Une image que l'on pourrait rapprocher de celle disant que le funk est "la fleur qui a poussé sur une poubelle".

dimanche 18 septembre 2011

Le Bon "suingue samba funk Brasil" de Rogê


Si vous souhaitez finir l'été sur une note légère, sur une musique qui balance bien, Rogê a composé la bande-son qui vous ravira. Son album Fala Geral sorti l'an dernier, en 2010, décline tous les balanços, du samba au reggae, en passant par le samba-rock ou la bossa. Ou plutôt, il cultive le samba avec la même versatilité heureuse que Seu Jorge sur son premier album, Samba Esporte Fino, en 2001. Pour ce qu'elle vaut cette comparaison devrait au moins attirer l'attention sur cet album.


Alors qu'il est sur le front depuis près de vingt ans, je viens seulement de découvrir Rogê en repérant qu'il faisait partie du noyau à avoir composé et enregistré les chanson de Musicas para Churrasco, Volume 1, le dernier album de Seu Jorge. Grâce à cette participation, j'ai tout de suite été curieux de découvrir la musique de Rogê. Auparavant, je l'avais pourtant déjà croisé au sein de la formation 4 Cabeça, rencontre de quatre artistes : Gabriel Moura, Maurício Baia, Luiz Carlinhos et Rogê, le temps d'un album acoustique recentré sur les voix accompagnées de seules guitares. Si leur album rencontra un vrai succès au Brésil, je dois dire qu'il ne m'avait pas convaincu. D'où la bonne surprise de retrouver Rogê sur un album de haut vol, ce Fala Geral, le troisième de son auteur après Rogê (2003) et Brasil em Brasa (2007).

Seu Jorge et Gabriel Moura d'un côté, ou Arlindo Cruz de l'autre, Rogê s'est constitué de solides accointances sur la scène carioca. Seu Jorge est d'ailleurs un vieux copain des bringues musicales de leur jeunesse. Et en la personne d'Arlindo Cruz, il s'est même trouvé un parrain de choix. Celui-ci, repéré adolescent par Candeia, a d'abord intégré le groupe Fundo de Quintal, le groupe à l'origine du pagode, avant de mener une carrière en duo avec Sombrinha, puis en solo depuis quelques années. Arlindo Cruz, qui n'hésite pas à se décrire comme Sambista Perfeito, le titre d'un de ses albums, est réputé soigner ses mélodies. On le retrouve ici présent à l'écriture sur près de la moitié des titres. Et ce n'est donc pas une surprise qu'il ait justement co-signé les "ballades", ou plus exactement "Amor à Favela", une samba lente évoquant le charme des favelas et ses barracos, citant magnifiquement le "Ensaboa" de Cartola, ou "Meu Bem Volta Logo", décrit comme un jongo, où la voix de Rogê se tient sur le fil de la mélodie. Le début de "Amor à Favela" semble enregistré en prise directe, en plein air, avec le bruit des insectes, avant d'inviter le violoncelle de Jaques Morelenbaum et de rendre ce bel hommage à Cartola.

Fala Geral s'ouvre sur "Fala Brasil", une bossa composée par Gabriel Moura et Tatá Espala, qui a vocation fédératrice évoquant toutes les régions du pays. Pour situer d'emblée le niveau de l'ouvrage, on signalera sur ce titre la présence de Daniel Jobim au piano et de la légende vivante Wilson das Neves à la batterie.


A côté du balancement reggae qui caractérise "O Guerreiro Segue", c'est un troublant mimétisme qui nous emballe. Car quand il sculpte certaines de ses chansons, Rogê n'est pas ébéniste, plutôt jorgebeniste ! Qu'il la joue Jorge Ben, comme par exemple sur "Minha Princesa", au point qu'on croirait presque être une reprise du maître, suffirait déjà à faire de Fala Geral un témoignage précieux et actuel de tout ce qui fait vibrer Rio. Sur le samba-rock, ou sambalanço, Rogê excelle encore : "A Nega e o Malandro" devrait revigorer les fêtes déclinantes. C'est sur ce genre de titres entraînant que l'on devine la solide expérience de la scène de leur auteur et de sa formation. On sent que tout ça est bien rodé, que ça tourne à force d'années passées à écluser les scènes de Rio et de Lapa... Alors que je lisais une critique de Mauro Ferreira qui estimait que Rogê avec cet album trop varié n'avait pas encore trouvé sa voie, on rappelera qu'il y a déjà une dizaine d'années, alors à la tête de Bandavera, Rogê définissait déjà sa musique comme du "suingue samba funk Brasil" ! Et qu'au contraire, sa voie, il la trace sur le même sillon, de son opiniâtreté festive, qu'avec une sincère cohérence il balaie sans dévier un même spectre musical. Et quand Seu Jorge et Gabriel Moura lui offrent "São Geraldo", vous pouvez vous doutez que ça balance sévère, presque comme si le titre sortait des sessions des Musicas para Churrasco.

Un autre temps fort de l'album est justement une belle évocation de Lapa, "Mapa da Lapa", pur samba qui exalte les charmes de ce quartier bohème de Rio, là où la vie nocturne entretient la flamme du samba. Si la musique est luxuriante, le clip qui l'illustre est low cost mais a le mérite de nous offrir une promenade avec Rogê dans le quartier, une visite indiquant tous les lieux qui y font vivre la musique. Alors qu'il vient de composer un titre en compétition pour devenir le samba-enredo de l'école de samba de São Clemente, "Mapa da Lapa" pourrait concourir pour être élu comme hymne du quartier.


L'album se conclut sur "Tempo Virou", ciranda ? ponto de terreiro ? avec chœur d'enfants, atabaques et cuivres, et donne juste envie de mettre l'album en mode "repeat".

Lutin rigolard et charmeur, avec la barbe de trois jours du baroudeur musical, Rogê est un bon vivant, toujours partant pour une partie de foot avec les copains, profitant des mille plaisirs de Rio entre plage et bohème nocturne. Mais, à trente-cinq ans et des poussières, il mériterait de voir sa carrière décoller à l'international. Serait-ce un signe, il était programmé dans le festival SXSW (South By Southwest) basé à Austin ? Ce qui lui offrit de jouer pour la première fois aux Etats-Unis. En attendant qu'on veuille bien lui proposer quelques dates françaises (ne rêvons pas !) dans un calendrier déjà très chargé, on se tournera avec plaisir vers Fala Geral. En attendant le prochain album, Quatro, produit par Kassin et, semble-t-il, déjà dans la boîte. On devrait avoir l'occasion d'en reparler très prochainement.

J'ai beaucoup écouté Rogê ces dernières semaines quand le mercure tapait encore les 30°. Reste à voir s'il peut maintenant, de ses cadences bien balancées, donner les airs d'été indien à notre quotidien. La musique légère a parfois vertu d'élixir.


vendredi 16 septembre 2011

Le Lavage de la Madeleine avec Carlinhos Brown


Avis aux Parisiens : si vous ne savez pas encore quoi faire dimanche, ne cherchez pas plus loin. Si vous avez déjà prévu quelque chose, il n'est pas trop tard pour se décommander ! Si vous êtes sur Paname dimanche 18 septembre, LE truc à faire, c'est de participer au Lavage de la Madeleine. Cette manifestation est la déclinaison parisienne du fameux Lavagem do Bonfim, véritable pèlerinage qui a lieu tous les ans à Salvador. A l'initiative de Roberto Chaves, parisien d'adoption, le Lavage de la Madeleine fête ses dix ans (même si les premières éditions eurent lieu au Sacré Cœur). Pour fêter dignement ce dixième anniversaire, Roberto Chaves a convié un invité de prestige : Carlinhos Brown. Ce qui m'a rappelé les propos que celui-ci m'avait tenu, il y a une dizaine d'années, quand il m'avait accordé un entretien, à Salvador.

Il animera le cortège qui partira à midi de la place de la République pour aller jusqu'à la Madeleine, quatre kilomètres plus loin. Des chars, un trio eletrico, des batucadas, du maracatu, de la capoeira, des Baianas toutes de blanc vêtues. En pareille occasion, on s'en mord les doigts de ne plus habiter Paris.

J'ai appris l'événement il y a quelques semaines par le biais de Thierry qui lui avait consacré un billet sur son site BossaNovaBrasil et, comme il fait toujours bien les choses, il était même allé interroger l'homme à l'origine du projet, Roberto Chaves. Il lui annonçait fièrement avoir composé avec Carlinhos Brown l'hymne de la manifestation, "Viva Madeleine" : "la chanson a été composée par Carlinhos Brown et moi. Carlinhos est un génie, un ami, très sympa, il est comme un frère. Il ne vient pas au lavage pour le cachet mais pour le plaisir, pour faire un cadeau à Madeleine. Il a eu l’idée de la chanson il y a des années, dans le taxi pour l’aéroport. Comme il a des millions de choses dans la tête, qu’il est comme une fusée, il n’avait jamais le temps. Mais pour les dix ans, on l’a fait. J’ai écrit les paroles et on a enregistré la chanson ensemble, dans son studio à Salvador sur l’Ilha do Sapo, la favela où il est né".



Principale fête de Salvador de Bahia, derrière le Carnaval, le Lavagem do Bonfim, derrière ces airs catholiques, est bel et bien une fête dérivée du candomblé. C'est une fête en  l'honneur d'Oxalá, père de tous les autres orixás, et qui s'incarne dans ce syncrétisme afro-brésilien dans le Seigneur du Bonfim. Et le pélerinage conduit, au terme d'une marche de huit kilomètres, à l'Eglise de Nosso Senhor do Bonfim. Où les Baianas vêtues de blanc lavent les marches avec une eau parfumée de fleurs d'oranger, de basilic et d'autres herbes et préparée à l'avance dans les terreiros de candomblé. Si les origines sont religieuses, le Lavage du Bonfim est devenue une véritable fête, attirant de nombreux touristes et rassemblant chaque année près d'un million de personnes. Il y a ainsi une telle foule que les marches de l'église ne sont plus nettoyées que symboliquement et ses portes fermées.

Cette marche ayant lieu au mois de janvier, en plein milieu de journée, toutes les personnes qui me l'ont racontée insistent en général sur la chaleur qui cogne. Ce qui permet aussi de comprendre pourquoi dans leur chanson "Viva Madeleine", Carlinhos Brown et Roberto Chaves chantent (en français) : "Vous avez soif ? Vous voulez de l'eau ?".

On ne peut que se réjouir de retrouver Carlinhos Brown animer la fête dans les rues de Paris. Quand je l'avais interviewé à Salvador, en 1999, je lui demandais si on pouvait espérer le voir un jour défiler dans les rues de Paris, et pas seulement en concert. Sa réponse ? "Je ne peux pas allumer un trio eletrico dans n’importe quelle rue de France parce que le son est très lourd. Très fort. Un trio eletrico à Paris devrait être dans un endroit spécifique parce que nous apporterions des vibrations très différentes de ce que les gens ont mis du temps à construire et organiser. Notre vision est de respecter les espaces. Je sais ce que la musique peut provoquer. Je ne crois pas que ça y soit une chose possible maintenant. Ou alors, aux Champs-Elysées peut-être, mais pas au pied du Louvre".

Avec le trajet de la République à la Madeleine, il a donc trouvé l'endroit spécifique qui lui manquait !

Si comme moi, vous ne pourrez participer à cette fête, Thierry de BossaNovaBrasil m'a promis d'en faire un compte-rendu vidéo !

Quant à la chanson, je vous laisse juge du résultat...


Parmi les autres manifestations de cette dixième édition du Lavage de la Madeleine, Jota Velloso, neveu de Caetano et Bethânia, participera au lancement de son livre, Purification à la Madeleine, dédié à Roberto Chaves, fondateur et organisateur de la manifestation, et écrit avec Luzia Moraes. Pour l'anecdote, Jota connaît Roberto depuis longtemps, depuis qu'il l'eut comme assistant dans son cabinet vétérinaire de Santo Amaro da Purificação !

Le programme complet sur le site du Lavage de la Madeleine...

jeudi 15 septembre 2011

"She is the Sea" : un avant-goût du nouvel album d'Anthony Joseph


Anthony Joseph & The Spasm Band sont de retour. Rubber Orchestras, leur nouvel album, a été produit par Malcolm Catto. Pour l'annoncer, voici un clip réalisé par Julien Bittner, "She is the Sea".


Toujours formidable sur scène, Anthony Joseph repassera par Montpellier, le 26 novembre, pour une Cosmic Groove Session, au JAM, qui devrait encore une fois transformer la salle en étuve. 


Voici les compte-rendus de ses deux concerts auxquels j'ai assisté. Avec une mention spéciale pour son passage au JAM.

- le 15 décembre 2009, au JAM, déjà en Cosmic Groove Session...
- le 16 juillet 2010, à Cournonsec, gratuit et en plein air...

A signaler qu'il sera à Marseille, le 30 septembre dans le cadre du festival MARSATAC et à Tourcoing pour le Jazz Festival - Magic Mirrors, le 21 octobre.

mardi 13 septembre 2011

Macaco Bong, ou comment filmer le rock !


Purée, ils sont tellement forts ces Brésiliens que même pour filmer un groupe de rock indie, ils réalisent un clip en guise de manuel à destination des réalisateurs de clips. Soit, rien moins que : Comment filmer le rock !

Le groupe en question s'appelle Macaco Bong, il vient de Cuiabá, capitale du Mato Grosso, pas exactement le centre du pays. Ancien quartet ayant muté en power trio, Macaco Bong est un groupe instrumental rock-fusion-jazz. Inutile de dire qu'il n'est pas prêt de sortir un tube !


Réalisé par Priscilla Brasil, le clip de "Shift" enferme notre trio dans le Palais Bolonha à Belém. Pour souligner le contraste entre les fastes d'antan bien décatis et la tension à fleur de peau de ce présent incarné par le groupe. En vase clos, Bruno Kayapy (guitare), Ynaiã Benthroldo (batterie) et Ney Hugo (basse) viennent nous rappeler à point nommé que le rock, c'est de la sueur, des regards mauvais et des décharges bruitistes bien jouissives !

lundi 12 septembre 2011

Lucas Santtana, la nostalgie comme inspiration : une interview pour Sounds & Colours


Bon, je peux vous le dire : j'ai gagné. Gagné le nouvel album de Lucas Santtana présenté ici-même il y a quelques jours. C'est en participant au tirage au sort organisé par Sounds & Colours, l'excellent site britannique dédié aux cultures sud-américaines, que j'ai été sélectionné. Je recevrai donc prochainement Sem Nostalgia. Il viendra compléter ma discothèque* puisque j'ai déjà ses deux premiers CDs. Coïncidence, sacrée coïncidence, hier soir, je traduisais "Nostalgia was my Inspiration", un entretien que Lucas avait accordé à Russ Slater, la plume de Sounds & Colours pour tout ce qui y est consacré aux musiques brésiliennes.

Il y a quelques jours, nous avons présenté Sem Nostalgia, le quatrième album de Lucas Santtana, reprenant d'ailleurs une chronique écrite deux ans plus tôt. Si cela vous a rendu curieux d'en découvrir plus sur son auteur, un des plus brillants musiciens de sa génération, autant lui laisser la parole et traduire cette interview.


Russ Slater (Sounds & Colours) : Tout d'abord, félicitations pour la sortie en Grande-Bretagne de Sem Nostalgia. Est-ce le premier de tes albums à y être distribué ?
Lucas Santtana : Oui, c'est ma première sortie en Europe, et aussi en Australie, Nouvelle-Zélande et Allemagne. Sem Nostalgia va aussi sortir en Argentine, en Uruguay et au Chili ce mois-ci. Auparavant, 3 Sessions était sorti au Japon et en Amérique du Sud (Argentine, Uruguay, Chili), mais c'est la première fois en Europe.

R. S. (S&C) : Quelle était l'inspiration ou l'idée derrière Sem Nostalgia ?
L. S. : J'ai utilisé la nostalgie comme source d'inspiration. Ce qui m'a inspiré, c'est le format du violão, le format classique de la guitare brésilienne. La réalité, c'est que João Gilberto est arrivé avec ce style de jeu de guitare il y a cinquante ans et que, depuis, rien n'a changé, personne n'est venu chahuter ce style, tout le monde le respecte avec dévotion. C'est le même format depuis toujours, juste guitare et voix. Alors j'ai pensé que je pourrais faire un disque de guitare brésilienne mais différemment, en jouant avec l'idée de tradition, montrer qu'avec ces deux instruments (guitare et voix), on pouvait utiliser des tas de sons différents. Mais quand j'ai commencé à présenter Sem Nostalgia comme un disque de guitare, les gens n'étaient pas convaincus par l'idée d'un disque juste avec plein de guitares. Pour eux, un disque normal est un disque où il y a plusieurs instruments. J'ai donc dû les convaincre qu'il fallait le faire, qu'on pouvait faire un disque seulement avec des guitares.

R. S. (S&C) : Et comment était le processus de réalisation, ou plutôt, est-ce qu'il était différent de celui des albums précédents ?
L. S. : C'était intense. La musique était très bonne, vraiment riche. J'ai travaillé avec beaucoup de producteurs différents et chacun m'a aidé à définir le son pour chaque morceau.

R. S. (S&C) : Comment s'est faite la collaboration avec Arto Lindsay ?
L. S. : A l'origine, Arto était un partenaire, nous avions composé des chansons ensemble. Tout ça parce qu'à la fin des années quatre-vingt-dix, j'ai joué sur quelques uns de ses albums. Sur pratiquement tous ses albums de cette époque, j'étais présent comme musicien. Sur 3 Sessions in a Greenhouse, nous avons enregistré "Into Shade", une chanson que nous avions écrite ensemble et que nous avions déjà enregistré sur son album Salt, en 2004. Puis nous l'avons aussi enregistré pour mon disque.
En fait, ça fait déjà une dizaine d'années qu'on fait de la musique ensemble et, cette fois-ci, nous avons fait "Night Time in the Backyard", "I Can't Live Far From my Music" and "Hold Me In". Arto est un ami et aussi un partenaire musical. Ensemble, nous faisons toujours de la musique.

R. S. (S&C) : Penses-tu que Sem Nostalgia soit plutôt un disque brésilien ou international ?
L. S. : C'est un disque qui est très brésilien mais qui est aussi du reste du monde. Peut-être est-ce la raison pour laquelle les gens hors du Brésil peuvent apprécier les chansons, en particulier celles en anglais. Je crois aussi qu'avec internet, les distances se sont resserrées, tout le monde peut avoir un accès à tout, tu peux lire les magazines publiés dans d'autres pays, etc.


R. S. (S&C) : Pourquoi chantes-tu en anglais (alors que, précise Russ, Lucas a demandé à réaliser cette interview en portugais) ?
L. S. : C'est comme ça. Il y a des chansons en anglais sur chacun de mes disques, peut-être parce que l'anglais est très présent dans la culture brésilienne. Les gens regardent des films en anglais, ils écoutent des bouts de chansons en anglais. L'anglais a un son que j'aime, qui est présent dans la vie de mes amis, de mon fils qui apprend l'anglais à l'école. Et dans le cas de ce disque quand je parlais à Arto de faire de la musique, on fait toujours de la musique en anglais. Ensemble, nous n'avons jamais fait de chanson qui ne soit pas en anglais. C'est aussi à propos de la place de la mélodie. En anglais, les mots ont beaucoup de phonèmes, c'est donc beaucoup plus facile de trouver une petite mélodie. C'est pour ça que nous avons fait "Who Can Say Which Way ?". En portugais, c'est beaucoup plus difficile.

R. S. (S&C) : Travailles-tu sur un nouvel album ?
L. S. : Oui, j'ai fini de l'enregistrer et nous sommes en train de le mixer. Si tout va bien, il devrait sortir en janvier prochain.

R. S. (S&C) : OK, maintenant pour comprendre tes influences, pourrais-tu nommer cinq artistes contemporains qui t'aient influencé ?
L. S. : Céu, Curumin, Hurtmold, Gui Amabis, Do Amor...

R. S. (S&C) : Et cinq classiques ?
L. S. : Jorge Ben, Tom Zé, Novos Baianos, Nação Zumbi, Dorival Caymmi.

C'est déjà ça, non ? En attendant que je lui fasse une demande d'interview et qu'il veuille bien accepter !

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* Ce n'est pas tout à fait exact puisque, si je possède bien ses deux premiers disques, je n'ai pas le CD de son album dub, 3 Sessions in a Greenhouse, qu'il offre en téléchargement gratuit sur son site, Diginois.

dimanche 11 septembre 2011

?uestlove's Afro-Picks : Fela et les musiques africaines revisités à la Villette


?uestlove est une des têtes d'affiche du festival Jazz à La Villette 2011. Il y est doublement présent. Hier soir, tout d'abord où il animait toute la nuit Musique Large, un set de DJ, en partageant les platines avec Rekick et Fulgeance. Et aujourd'hui, 11 septembre, pour ses ?uestlove's Afro-Picks. Il a réuni pour l'occasion une formation de prestige où l'on retrouve son compère des Roots, Black Thought, Macy Gray, Amp Fiddler et Tony Allen, invité d'honneur autour de qui a été pensé ce concert. Il faut ajouter que participeront également des membres d'Antibalas et que le tout sera dirigé par David Murray. Au total, une vingtaine de personnes sur scène. Ensemble, ils entendent revisiter l'histoire des musiques africaines, de l'afrobeat de Fela au rap. Une affiche alléchante où la formidable érudition d'Ahmir ?uestlove Thompson devrait faire merveille. Un concert à cinq batteurs donc, ?uestlove et Tony Allen dont Fela disait qu'il jouait comme quatre ! C'est vraiment dans ces moments-là qu'on regrette de ne plus être à Paris.


L'an dernier, David Murray et ?uestlove avaient déjà réalisé une belle création pour la clôture de Jazz à La Villette : Tongues On Fire, un hommage aux Black Panthers.

Pour s'offrir un pareil générique, il fallait vraiment un sponsor de poids ! Je vous laisse deviner son nom. Vous voulez un indice ? Je n'en ai jamais bu !

A défaut d'assister à ses fameuses Afro-Picks, ou d'en voir prochainement des extraits, voici déjà une brève  présentation du projet...



vendredi 9 septembre 2011

L'Orí de Douglas Germano (Afro-Sambas de São Paulo, 2/2)


N'allez pas voir une quelconque ironie à aborder, qui plus est en deux parties, les afro-sambas de São Paulo. Les Cariocas peuvent bien ricaner dans leur coin à cette évocation en n'y voyant qu'un penchant contre-nature*, c'est justement parce que la scène samba pauliste est underground qu'elle peut d'autant mieux s'émanciper des contraintes et clichés propre au genre. A l'origine, c'est un coup de cœur pour Orí, l'album de Douglas Germano, qui m'a incité à vous faire découvrir un groupe d'artistes et leurs albums. Après le magnifique Metá Metá de Kiko Dinucci, Juçara Marçal et Thiago França, voici une deuxième manifestation du samba de São-Paulo, un style certes marginal de la géante cité du sud, mais qui est tout autant inspiré par l'héritage culturel afro-brésilien que n'importe quelle formation du Recôncavo bahianais. Si ce n'est que cette inspiration est esthétique avant d'être spirituelle.

Si nous avons opté pour la forme du diptyque, hier Kiko Dinucci et aujourd'hui Douglas Germano, c'est aussi parce que les deux hommes sont très liés. Douglas faisait partie de la Banda AfroMacarrônico formé par le premier et, ensemble, ils avaient monté le Duo Moviola. Ces formations ont d'ailleurs toutes deux enregistré un album en 2009. Pastiche Nagô pour les premiers et Retrato do Artista quando Pede pour le duo, de belles réussites** cependant outrepassées par les dernières réalisations de Kiko comme de Douglas.


Douglas Germano a un parcours assez hétéroclite, s'il revendique l'influence de Duke Ellington et de Brahms, il a commencé la musique comme percussionniste dans la bateria d'une école de samba paulistana. Il a également composé pour le théâtre avant de pouvoir enregistrer avec Kiko Dinucci, puis de sortir ce premier album solo. Interrogé par la revue Untuned sur l'éventuelle difficulté à trouver une cohérence au terme de cet itinéraire et ces influences éparses, Douglas Germano répond n'y voir aucun problème : "tout m'aide. Le samba est assez figé et ces autres styles m'aident à sortir de ce carcan. Par ailleurs, il existe des paroliers comme Aldir Blanc, Paulo César Pinheiro ou Cacaso qui ont fait des sambas mais qui sont rarement considérés comme des sambistes parce que la teneur des paroles dépasse les limites du samba. Et ce sont des personnes que j'ai toujours admiré, c'est une incroyable école de paroliers". Peut-être aussi parce que son parcours n'est pas celui d'un sambiste pur jus, Douglas Germano manifeste une certaine humilité quant au fait d'être ou non un sambiste : "je ne sais pas si je suis un sambiste. Je ne rentre pas dans le stéréotype du sambiste, le cliché du panama et des chaussures bicolores. Je ne suis pas non plus adepte du discours du samba de raiz. Ce qui m'arrive, c'est que le samba est mon support principal. Quand je pense à un thème et que je prends ma guitare ou mon cavaquinho, ce qui sort, c'est du samba. C'est qui sort, c'est du 2/4. Si ça suffit à faire de toi un sambiste, alors j'en suis un". Que son blog s'appelle Partido Alto devrait être un argument de plus pour l'admettre dans cette vaste confrérie !

Si Kiko Dinucci, Douglas Germano et quelques autres acteurs de cette scène indépendante du samba pauliste, ressourcent leur musique aux racines afros du Brésil, ce n'est nullement pour s'identifier à une expression régionale quelconque. Non, ils s'inscrivent pleinement dans leur terroir mégalopolitain.  On sent là un véritable enjeu, établir et démontrer que le samba paulistano a son existence et style propre, quand bien même il n'est que marginal. A ce titre est édifiant le sondage cité par Douglas Germano sur son blog qui, interrogeant en ligne les Paulistes sur leurs plans pour le carnaval, voyait 82% des votants choisir la réponse "Carnaval ? Non merci". Mais on sait bien que la sève vient toujours d'en bas alors parce qu'il est alternatif, le samba pauliste s'autorise parfois plus de libertés que celui de Rio. Comme en témoigne cet échange entre Kiko et Douglas :

Kiko : "J'ai l'impression que les gens en ont marre de cette même batida. Le samba utilise la même batida depuis trente ans et ça n'a pas toujours été comme ça. A l'origine, le samba était marqué par une évolution des rythmes mais depuis le Cacique de Ramos, on a l'impression que tout le monde joue pareil".
Douglas : "Ca donne ce son pasteurisé du samba. Si tu prends les disques de Paulinho da Viola des années soixante-dix, sur Zumbido par exemple, chaque morceau a un arrangement différent, ou un accordage différent du surdo. C'était d'une richesse incroyable. Mais avec cette pasteurisation, tout ça se perd".

En réaction à cette dilution vers l'insipide du samba le plus commercial, les musiques de Douglas Germano ne sont pas simplement du samba, elles creusent profond vers les racines fondamentales des cultures afro-brésiliennes, là où elles croisent les rituels religieux du candomblé et en ressortent marquées par la pulsation vitale des tambours sacrés, les atabaques. "L'origine du samba est dans le candomblé, c'est intrinsèque. Je ne suis pas religieux mais j'ai cette relation musicale avec le candomblé. Sans compter que j'adore le samba avec des atabaques - s'il n'y a pas d'atabaque, pour moi, ce n'est pas du samba". Si je ne suis pas aussi intransigeant que lui en la matière, je confierai néanmoins être également très sensible au son brut des peaux de ces tambours, les rum, rumpi et , accompagnés des indispensables cloches agogô et du xequerê.

Mais, là encore, Douglas Germano adopte une posture toute en humilité à l'égard du candomblé : "Je trouve que ce serait prétentieux de dire que je rapproche le samba du candomblé. Le samba est né du candomblé bien avant moi. Ce qui se passe, c'est que je suis opposé à une forme trop rigide de l'instrumentation de mes sambas. Mon samba peut exister sans pandeiro, sans tantã, sans repique de anel, mais il y a deux choses absolument fondamentales : le tamborim et l'atabaque. (...) D'ailleurs, de candomblé, il n'y a vraiment qu'une seule chanson sur l'album, "Obá Iná", qui est une musique dédiée à Xangô qui, d'après les búzios, les coquillages, est mon orixá. Mais, même là, je commets l'outrage de l'interroger !". Xangô étant, entre autres, l'orixá de la justice, Douglas se permet en effet l'audace de composer un morceau qui l'interpelle en chantant "il n'y a pas de justice s'il faut souffrir, il n'y a pas de justice s'il y a de la peur" ("Não há justiça se há sofrer, não há justiça se há temor").

Sans être directement religieux, le titre même de l'album, a une signification forte en yoruba. Orí signifie en effet  tête, aussi entendu comme esprit. "J'aime bien sa sonorité, déclarait Douglas, et je trouvais son sens approprié au discours que je voulais développer au travers de ce répertoire de chansons. Une tête qui va irriguer de ce qu'elle pense une autre, qui en nourrira une autre, qui en nourrira d'autres, comme elles m'ont nourri". 


Avec ce premier album solo, Douglas Germano s'impose d'emblée comme un compositeur qui redonne ses lettres de noblesse au samba roots bien afro. Toujours modeste, il déclare que celle-ci est en grand partie redevable à João Marcondes, son producteur, également essentiel aux guitare, piano et mandoline. Dans cette perspective, on peut aussi élargir le mérite à tous les participants du disque, de son fidèle compère Everaldo Efe Silva, en duo sur "Gota a Gota", à Dulce Monteiro, présente sur "Orí", le morceau-titre inaugural, celui qui vraiment fait battre mon cœur, en passant par ses percussions atabaques qui donnent une chaleur inouïe à ces sambas, ou ce chœur omniprésent qui fait dialoguer la terre ferme et les étoiles. Entre l'hommage à son école de samba, le G.R.E.C.S. Nenê de Vila Matilde ("Deixei meu Coração na Vila"), une chronique sur un supporter du Palmeiras ("Seu Ferreira e O Parmera"), une berceuse émotionnante et désenchantée ("Canção do Desmeninar"), "Cordel da Bananeira", qui réunit trois générations de Germano, le père et le fils, et qui, porté par la viola, s'inscrit directement dans les traditions bahianaises du samba-de-roda, ou samba-coco (?), ce premier album est déjà sublime œuvre de maturité. Bon, à tel éloge, le modeste Douglas objecterait sans doute qu'il n'a aucun mérite à cette maturité, vu qu'il est déjà "chauve, moche et vieux" ! A quoi, nous répondrions qu'il a signé là une œuvre intemporelle et que c'est chose particulièrement rare et précieuse.

Celui-ci encore est proposé en téléchargement gratuit par son auteur, ici à la Musicoteca, décidément !

Douglas Germano, Orí (2010)

1. Orí
2. Espolio
3. Obá Iná
4. Damião
5. Gota a gota
6. Falha Humana
7. Canção de Desmeninar
8. Jaci e Maré Cheia
9. Seu Ferreira e o Parmeira
10. Deixei Meu Coração na Vila
11. Cordel da Bananeira

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* A ce titre, la récente introduction qu'Augusto (un Mineiro, semble-t-il) du blog Toque Musical au disque de Dani Turcheto qu'il proposait en téléchargement (à la demande de son auteur lui-même) en dit long sur ces préjugés : "Inicialmente, antes de ouví-lo, fiquei pensando na figura que se dizia um sambista. Fiquei me perguntando, oquê que vem por aí? Me aparece um branquelo, de olho azul e paulista. Será que saí samba daí? Não posso negar, foi minha primeira impressão". 
** Puisque Kiko Dinucci, sur son blog, déclarait que Fulano Sicrano (!), l'auteur de l'indispensable Um Que Tenha, ce blog qui offre en téléchargement "pirate" des milliers d'albums de musique brésilienne, mériterait d'être reconnu officiellement pour le service socio-éducatif qu'il offre et qu'il était un activiste de la démocratie digitale, nous vous inviterons à vous tourner vers cette source intarissable qu'est Um Que Tenha pour vous procurer les albums mentionnés !

Sources :

Gil Oliveira, "O Samba que passou na cabeça de Douglas Germano", Viva Viver
Julio de Paula, "Música da cabeça", Radio Klaxon @ Cultura Brasil
"Conversa com Kiko Dinucci e Douglas Germano", Untuned
Daniel Brazil, "O Samba invocado de Douglas Germano", Revista Musica Brasileira

jeudi 8 septembre 2011

Metá Metá (Afro-Sambas de São Paulo, 1/2)


Vrai, quand on pense à São Paulo, ce n'est pas le samba qui nous vient à l'esprit. Même s'il a existé de grandes figures locales en la matière, l'industrieuse mégapole est plutôt cet incroyable carrefour cosmopolite où germent les formes métissées-globalisées d'un Brésil moderne, rock et électro. Pourtant, il existe aussi une scène pauliste qui creuse vers ses racines afro-brésiliennes, qui s'imprègne de sa spiritualité et vibre de ses rythmes. Nous allons évoquer cette scène à travers deux formations ayant trouvé son inspiration dans des afro-sambas très personnelles et originales. En commençant aujourd'hui par présenter Metá Metá, un album de Kiko Dinucci, Juçara Marçal et Thiago França qui risque fort de figurer parmi les plus beaux de l'année.


Avant de présenter ce disque, il me semble utile de préciser ce qu'on entend par afro-samba... On se souvient qu'en 1966, Vinícius de Moraes et Baden Powell ont enregistré certaines des chansons qu'ils avaient composé ensemble un peu plus tôt. Ces chansons ont été réunies sur l'album Os Afro-Sambas. Assurément un des disques essentiels de la musique brésilienne. Pour plus de détail, nous avons évoqué l'an dernier ce chef d'œuvre du point de vue de Vinícius et de celui de Baden. La particularité de cette œuvre est qu'elle a trouvé son inspiration dans la spiritualité des religions afro-brésiliennes. Les chansons s'y faisant évocation des orixas de ce panthéon : "Lamento de Exu", "Canto de Ossanha", etc... Le terme afro-samba pourrait n'être que bêtement redondant tant le samba est déjà en soi bien afro, si ce préfixe ne soulignait pas ici une particularité de plus, à savoir cette inspiration spirituelle. Ainsi, sera considérée comme afro-samba, une musique qui chantera les orixas, aura recours à la langue yoruba (ou ce qu'il en reste) même si, paradoxe, elle n'est pas stricto sensu... samba !

Kiko Dinucci est justement un jeune (il est né en 1977) artiste qui a commencé par le rock avant d'évoluer vers le samba et de s'impliquer dans une recherche sur les religions afro-brésiliennes. Cette quête spirituelle est même au cœur de son travail. Kiko Dinucci n'est pas que guitariste et compositeur, il est également peintre, graveur et réalisateur. Il a justement réalisé un film documentaire Dança das Cabaças - Exu no Brasil où il s'est interrogé sur la place occupée par Exu dans l'imaginaire brésilien. En allant à la rencontre de dignitaires des Candomblés (de tradition Nagô, Gege ou Bantoue), Tambor de Mina, Umbanda et Quimbanda, il souligne qu'Exu pourrait être décrit comme un "diable bon" quand, pendant des siècles, l'Eglise s'est acharnée à le diaboliser, engoncée dans ses notions de Bien et de Mal manichéennes. Des notions plus ambigües et complexes dans les religions afro-brésiliennes et, surtout, qui ne sont pas le prisme obligée pour appréhender la vie.

Dans la musique de Kiko Dinucci, on trouve les échos de cette force spirituelle. Que ce soit avec son groupe, Banda AfroMacarrônico, ou ici avec ce dernier projet, c'est la véritable source d'inspiration d'une grande partie de son travail.


Il y a des chocs qui viennent en deux temps, des découvertes qui ne deviennent des coups de cœur que lorsqu'elles se... découvrent. Metá Metá est de celles-là. C'est un album surprenant, qui demande une certaine attention mais quand il se dévoile, le choc est intense. Assurément un des albums de l'année pour qui aime les musiques exigeantes. Alors que Kiko et Juçara Marçal collaborent depuis quelques années, ayant notamment enregistré en duo l'album Padê en 2007, la rencontre avec le saxophone et la flûte de Thiago França vient grandement enrichir leur musique et soutenir la voix magnifique de Juçara Marçal. A eux trois, ils développent un son résolument original qui ne ressemble à nul autre. Si un des plus beaux titres de l'album, le sublime "Samuel", composé par Kiko avec Rodrigo Campos, est un titre tout en douceur, il est par ailleurs très étonnant de constater que, sur cet album résolument afro, il n'y a ni batterie ni percussions sur la moitié des titres ! Mais quand Samba Ossalê aux percussions et Sergio Machado à la batterie se mettent de la partie, sur la deuxième partie du disque, c'est une montée vertigineuse, comme si les orixas se mettaient au free ou à l'afrobeat.

Metá Metá est une œuvre qui ouvre les afro-sambas sur le jazz. Une façon d'en faire des méta-afro-sambas, en quelque sorte. A ceci près que le sens de méta ici est tout autre. En effet, Metá Metá est un mot yoruba qui signifie "trois en même temps", ou une synthèse de trois éléments en un seul. Kiko Dinucci, Juçara Marçal et Thiago França incarnent à merveille cette idée.


Non seulement l'album est disponible gratuitement en téléchargement (mp3 320kbps) mais vous pouvez également installez sur votre ordinateur l'application Bagagem, également gratuite, qui vous permet d'écouter l'album en regardant les vidéos réalisées pour chacun des titres.

Kiko Dinucci, Juçara Marçal et Thiago França, Metá Metá (2011) mp3 320kbps

1. Vale do Jucá
2. Umbigada
3. Papel Sulfite
4. Trovoa
5. Samuel
6. Vias de Fato
7. Oranian
8. Obá Iná
9. Obatalá
10. Ora Iê iê o

Pour télécharger l'album :

- sur le site de Kiko Dinucci, avec la possibilité d'installer également l'application Bagagem
- sur la Musicoteca