lundi 28 février 2011

Le Loose n'est pas la lose (1/2) : un léger malaise dans l'inconscient collectif français...


C'est une sorte de petit mystère agaçant : pourquoi les Français écrivent-ils "looser" quand ils veulent dire "loser" ? Curieuse manie de rajouter un deuxième o là où il n'en faut pas. Lacan aurait probablement décrété que ça dit quelque chose... Quelque chose de notre inconscient collectif de Français, nuls en langues étrangères et, finalement, pas trop décontractés... Car le loose n'est pas la lose.

Il y a encore quelques jours, c'est dans Le Monde Magazine, me semble-t-il, que je rencontrais cette faute dans un article consacré à Jeff Bridges. Il y était question de son personnage devenu culte du Dude dans The Big Lebowski. Le Dude y était décrit comme un looser. Rencontrer ce sempiternel quiproquo, qui plus est dans un journal de référence, ne manque pas d'intriguer. Exemple toutefois particulier puisque le Dude est à la fois loose et loser.

Pour évoquer cette confusion, nous convoquerons rien moins que nos grands hommes de lettres, Gustave Flaubert, ci-contre à l'âge de vingt-cinq ans, et André Gide.

Avant cela, rappelons le sens de ces deux mots, avec un seul o ou avec deux. Loser est effectivement rentré dans le langage français courant, encore faudrait-il bien l'orthographier. On comprend bien de quoi il s'agit, un loser, ou un looser (sic), est un perdant. Presque un raté, ou un type maudit qui échoue dans ce qu'il entreprend. Un loser, quoi. A noter aussi que le terme a parfois été francisé au point de s'écrire la louze. La louze, un truc bien de chez nous...

Mais si je prends la peine de préciser les choses, c'est que l'autre mot, loose, évoque une notion également importante, surtout si on s'intéresse à la musique, et qui malheureusement est trop rarement comprise en raison de nos lacunes linguistiques.

Etre loose, c'est être détendu, relâché, décontracté. Il y a, par exemple, dans le funk une dimension intrinsèquement loose. Pour groover de cette façon inimitable, il faut cette décontraction, ce relâchement. Comprenez que quelqu'un de crispé et tendu sera bien en peine d'approcher le funk dans son essence.

Il faut s'abandonner au rythme pour groover. Senghor avait une belle expression pour décrire cette nécessité : "le rythme agit sur ce qu'il y a de moins intellectuel en nous, despotiquement, pour nous faire pénétrer dans la spiritualité de l'objet ; et cette attitude d'abandon qui est nôtre est elle-même rythmique" (in L'Homme de Couleur).

Alors évidemment dans notre tradition savante et cartésienne, ce n'est pas tout à fait le genre d'attitude que l'on cultivera. C'est cette attitude de l'abandon qui, effectivement, court-circuite en quelque sorte l'étape intellectuelle. En ces moments-là, il faut sentir plutôt que penser.


Pourtant, en cherchant bien, on retrouve chez certains de nos grands auteurs une célébration de cet état où le sensible prend le pas sur l'intellect. C'est André Gide qui, dans L'Immoraliste, se dore au soleil : "je ne pensais à rien; qu'importait la pensée ? Je sentais extraordinairement".

C'est Gustave Flaubert qui, apercevant le port de Thèbes, écrit : "j'ai remercié Dieu dans mon cœur de m'avoir fait apte à jouir de cette manière quoiqu'il me semblât pourtant ne penser à rien - c'était une volupté intime de tout mon être".

Précisons aussi, coïncidence, que les mœurs de nos deux hommes de lettres lors de leurs voyages en Orient étaient également très... relâchées*, à une époque où ne parlait pas encore de tourisme sexuel mais où on le pratiquait sans mauvaise conscience. Si, délibérément, j'ai pris ces exemples qui illustrent combien on s'autorise dans ces contrées exotiques des comportements qu'on n'aurait pas chez soi mais, même s'ils sont répréhensibles, cela ne doit pas nous distraire de l'essentiel, cette confusion nationale entre la défaite et la détente, la lose et le loose.

La culture française valorise l'esprit plutôt que le corps, la raison plus que l'émotion. A moins qu'il ne faille élargir à la culture occidentale et citer une fois encore Senghor : "la raison est hellène, l'émotion est nègre" ? Certes... Est-ce là l'explication de cet amalgame où la décontraction devient une défaite ? Faut-il que l'on soit mal à l'aise dans nos corps et nos têtes pour se tromper si radicalement...

Il faut rien moins que requalifier le loose dans la culture française, en célébrer toutes les vertus ! Et des synonymes familiers de loose, on en aurait pourtant quelques uns. J'avoue une prédilection pour le fameux et culte... "décontracté du gland"...

samedi 26 février 2011

Lee Fields et Charles Bradley en Cosmic Groove Session


Le JAM était complet hier soir, plein comme un œuf pour cette première Cosmic Groove Session de 2011, qui proposait une belle affiche : Charles Bradley & The Menahan Street Band et Lee Fields & The Expressions! Autrement dit, deux chanteurs soul vétérans accompagnés par les meilleurs musiciens qui soient pour recréer un son vintage.

J'arrive in extremis pour voir Charles Bradley monter sur scène. C'est lui qui ouvre le bal. Pas de round d'observation, pas de tour de chauffe, il est à fond tout de suite. D'une intensité rare. Petit homme au ventre replet, il donne d'emblée de la voix. Et par le simple effet de cette voix, il ouvre une faille spatio-temporelle qui pourrait nous faire croire que nous sommes projetés quarante ans en arrière, à des milliers de kilomètres d'ici. J'exagère peut-être un peu mais si vous fermez les yeux, croyez-moi, vous y êtes.


Il esquisse quelques pas de danse, mime des mouvements du bassin explicites qui soulèvent les cris de la salle. Il peut compter sur la présence de son mentor Thomas Brenneck à la guitare, celui qui l'a aidé à accoucher des chansons qui composent son album. Comme le confiait celui-ci à Wegofunk : "il ne chante que ce qu’il connait et je l’ai aidé à mettre ça en chansons. Il met beaucoup de lui-même dans ses chansons, tous ses textes signifient quelque chose pour lui. Alors bien sûr parfois certains peuvent parfois paraitre simples mais ils s’inspirent de son vécu et signifient beaucoup pour lui. Il est très sincère". On reconnaît quelques titres de l'album, comme "The World (Is Going Up in Flames)" ou "Why Is It so Hard", voire une surprenante reprise de Neil Young, "Heart of Gold"...

Malheureusement, il reste à peine une demi-heure sur scène. Le groupe enchaîne sur un instrumental mais, alors qu'on s'attendait à quelques changements de casquette et d'instruments de la part des musiciens, car on sait bien que les mêmes musiciens constituent l'ossature du Menahan Street Band et des Expressions!, personne ne bouge. Réalités économiques obligent, ce qui était présenté comme The Expressions! et The Menahan Street Band pour accompagner les chanteurs ne fut que The Expressions!, ou un mixte des deux. Malgré l'incroyable consanguinité liant ces deux groupes mais aussi les Dap-Kings, The Budos Band, El Michels Affair, Antibalas, etc..., on est quand même un peu déçu sur le coup. Mais qu'importe, ce n'est pas tous les soirs qu'on voit un groupe pareil, avec Thomas Brenneck, guitariste-pilier, Leon Michels, au saxophone, Dave Guy à la trompette et au tambourin, Aaron Johnson au trombone ou Homer Steinweiss à la batterie et Nick Movshon à la basse.

Avec eux, l'accompagnement est tout un art et cet art de l'accompagnement est celui de la discrétion. Jamais personne, ce soir, ne prit un solo. On avance compact et groupé, au service de ces deux voix extraordinaires.

Lee Fields est la vraie vedette de la soirée. A la différence de Charles Bradley, Lee Fields la joue au métier. Sans mettre ses tripes sur la table. Performer de grande classe, il prend les choses en main, façon meneur de revue. Il se lance dans un duo guitare-voix avant que le groupe ne les rejoigne sur la fin du morceau, rend hommage aux ladies en chantant son morceau... "Ladies". A l'aise, il possède toute la panoplie du vieux briscard.


Lors des rappels, nous sommes ravis de revoir Charles Bradley interpréter un titre de plus. Si la soirée est un moment fort, c'est d'abord parce qu'il a cassé la baraque. Au final, qu'une soirée paraisse trop courte est plutôt bon signe mais on aurait aimé voir Charles Bradley sur un set aussi long que celui de Lee Fields, et non comme une simple première partie. Enorme malgré tout. Et rare...

Avons-nous répondons à la question de jeudi pour présenter la soirée : faut-il être vieux pour être un chanteur de soul crédible ? Non, nous n'y avons pas encore répondu... Eux, oui...

vendredi 25 février 2011

La Soul de Lee Fields, au service de l'émotion partagée


Rendez-vous au JAM ce soir. Lee Fields & The Expressions! et Charles Bradley & The Menahan Street Band viennent inaugurer le nouveau cycle de Cosmic Groove Sessions, printemps 2011. Difficile de faire mieux en la matière : deux chanteurs vétérans et encore si frais d'avoir été découverts sur le tard, et des backing bands redoutables ! C'est une véritable tournée commune que réalise tout ce beau monde. Après Paris (qui affichait complet, ce qui était prévisible vue la jauge d'une salle comme la Maroquinerie, évidemment trop petite), Tourcoing, Nantes et Clermont-Ferrand, voici Montpellier. A suivre, Marseille demain, à l'Espace Julien, pour un concert organisé par DJ Cyril dans le cadre de son festival Bol de Funk qui, cette année, s'étale sur toute la saison, puis Barcelone, Bordeaux et Poitiers.


Lee Fields et Charles Bradley ont tous les deux la soixantaine.  Nous disions hier que Charles Bradley venait de sortir son premier album à l'âge de soixante-deux ans, alors que les choses sont un peu différentes pour Lee Fields. Régulièrement comparé à James Brown, il a enregistré son premier disque en 1969, a connu quelques succès dans les années soixante-dix, avant de se retirer dans les années quatre-vingt. Alors qu'il était revenu en tournant dans le circuit blues, il fut redécouvert par la clique habituelle : Gabriel Roth et Leon Michels. Il enregistre d'abord une session avec Sugarman 3. Puis, en 1999, il enregistra un album sur l'ancêtre de Daptone, Desco : Let's Get a Groove On. Et si aujourd'hui il demeure associé au son vintage de Daptone, il faut préciser que son album My World fut publié par les voisins new-yorkais de Truth & Soul. Sorti en 2009, My World est véritablement l'album de la reconnaissance, fréquemment présenté comme le meilleur album de soul sorti depuis des années. Album fantastique, où le son vintage est au service d'une émotion intemporelle.

L'affiche de ce soir est réellement ce qui se fait de mieux en matière de soul authentique en ce début de troisième millénaire. Ce qu'annonçait Lee Fields dans une interview accordée à WeGoFunk laisse présager du meilleur : "Quand on monte sur scène, on essaie de faire le meilleur show possible. On donne tout ce qu’on peut mais l’important ça n’est pas nous, l’important c’est les gens : il faut qu’ils apprécient le show. L’objectif chaque soir c’est de toucher le cœur de public. Je ne chante pas pour que les gens me donnent de l’affection à moi, mais pour qu’ils se rapprochent eux ! Qu’ils soient heureux et que les amoureux le soient encore plus ! C’est ça mon boulot". OK, on est prêt, qu'il le fasse son job.

jeudi 24 février 2011

La Soul de Charles Bradley, ou la Matière de toute une vie...


Dépêchez-vous de prendre vos places avant que ça ne soit complet ! Pour sa première soirée en 2011, les Cosmic Groove Sessions proposent une programmation de choix. Vendredi soir, 25 février, sur la scène du JAM à Montpellier, nous aurons droit à deux concerts en un : Lee Fields et Charles Bradley, effectuant une tournée commune, chacun accompagné de son groupe, The Expressions et The Menahan Street Band. Autrement dit : ce qui se fait de mieux dans le genre. Aujourd'hui et demain, nous allons faire les présentations. Avant d'essayer de répondre à la question : faut-il être vieux pour être crédible en chanteur de soul ?

Charles Bradley vient de sortir son premier album, No Time for Dreaming à... 62 ans ! Comme ça, à brûle-pourpoint, je ne vois guère que la grande Clementina de Jesus à avoir commencé aussi tardivement sa carrière, à un âge auquel la plupart de leurs collègues ont été contraints à déjà prendre leur retraite. Et, d'ailleurs, comme elle, Charles Bradley a longtemps travaillé comme cuisinier.

La vie de Charles Bradley, pas épargnée par les coups durs, fournirait de la matière à un bon biopic à la mode hollywoodienne. Pour l'instant, contentons-nous du récit biographique "officiel" proposé par sa maison de disques. Celui-ci évoque un concert de James Brown à l'Apollo, en 1962, auquel il eut la chance d'assister et qui fut le déclic lui donnant envie d'entrer en musique. Il se sera donc écoulé près d'un demi siècle, fichtre, entre la naissance de cette vocation et sa concrétisation sous forme de disque. Pour la scène, ce fut moins long. Dès les années soixante, il chante sur scène et a, paraît-il, beaucoup de succès auprès du public féminin. Il monte un groupe mais l'aventure se termine assez brutalement quand ses membres n'échappent pas à la conscription et sont envoyés sur le front au Vietnam. Sans autres perspectives, Charles Bradley s'est donc installé aux fourneaux et c'est ce métier de cuisinier qu'il aura exercé jusqu'à sa rencontre avec un certain Gabriel Roth, patron de Daptone Records...

Cette rencontre survient pourtant au moment où Charles Bradley est au fond du trou, dévasté par la mort de son frère, assassiné par son propre fils. Pourtant, à cette époque, en parallèle à son day job en cuisine, Charles Bradley se produit sur de petites scènes sous le nom de Black Velvet pour interpréter un répertoire de reprises, notamment de James Brown. On connaît la suite...

Le destin semble enfin lui sourire. Gabe Roth, à qui on ne la fait pas, réalise immédiatement qu'il tient là une perle rare, un trésor à l'état brut. Il l'invite aux studios Daptone où il le fait enregistrer une session avec les Sugarman 3 et le présente à Thomas Brenneck, guitariste-pilier de la maison. Ce dernier est lui aussi conquis et se lie avec Bradley. De cette collaboration va naître une amitié. Brenneck pousse son ami à ne pas se contenter d'interpréter les chansons des autres mais à mettre en mots la matière bouleversante de sa vie. Ainsi la mort de son frère lui inspire "Heartaches and Pain". Mais Thomas Brenneck possède un emploi du temps chargé, se partageant entre les Dap-Kings, jouant derrière Sharon Jones ou Amy Winehouse, et sa propre formation le Menahan Street Band, groupe instrumental du nom de sa rue. Alors les enregistrements se déroulent donc dans les temps libres, souvent dans sa propre chambre où il a installé un petit studio. Il faut ainsi quelques années pour que la paire accouche de cet album, touchant et sincère, sorti sur le label Dunham, sous-division de Daptone...

Avant de le découvrir sur la scène du JAM, voici la vidéo de "The World (Is Going Up in Flames)". Alors que le refrain de la chanson dit "they don't hear me cryin'", on le rassurera : si, Charles, on te voit pleurer, et même quand tu ne pleures pas, on en a l'impression. Son visage semble en permanence grimaçant de larmes. Mais nul doute pourtant que vendredi soir sur scène, il sera rayonnant. Quant à la question de départ, le lien entre l'âge de l'interprète et la soul, on attendra d'évoquer Lee Fields demain et de les voir tous deux sur scène, pour apporter quelque élément de réponse...



mardi 22 février 2011

"War is coming", Chez Kader, rue de Lappe...


Est-ce une coïncidence, le groupe de funk californien War faisait la couv' du précédent numéro de Wax Poetics alors que le nouveau Funk*U lui consacre également sa Une en affichant le groupe en couverture ? J'ignore s'il y a une quelconque activité du groupe ces derniers temps pour bénéficier d'un tel regain d'intérêt médiatique mais cela produit chez moi un "effet madeleine" : je me souviens très précisément des conditions dans lesquelles j'ai découvert leur musique.

Il s'agissait du morceau "War is coming, War is coming", extrait de leur album Platinum Jazz et c'est assurément un de mes titres fétiches, parce qu'il a son histoire et est associé à un moment particulier, effervescent, festif...


Apôtre de la grande fraternité, contre les barrières et le racisme, War est un groupe originaire de L.A., Californie. Formé sous le nom de The Creators dès 1962, la formation prend le nom de War pour accompagner Eric Burdon à la fin des années soixante. Lequel les plantera lors d'une tournée européenne. Un mal pour un bien, dirons-nous, car les albums enregistrés sans leur leader éphémère ont su développer un style original et sont des éléments essentiels à toute bonne collection. Même si vous n'êtes guère familier du groupe et en ignorez jusqu'au nom, vous aurez peut-être entendu leur morceau "Why Can't we be friends ?", utilisé ces dernières années dans quelques spots de pub, même si je tais le nom de l'annonceur. Ces informations succinctes posées, ne m'en voulez pas de privilégier encore une fois l'angle personnel, voire celui du "vécu". La dimension subjective me semble inhérente au format, celui d'un blog, rien de plus qu'un journal de bord… Ce qui me gêne, serait plutôt de passer, avec ce genre d'anecdotes, pour un ancien combattant. Car j'ai beau parler de trucs du jour, genre Janelle, Gonjasufi ou Flying Lotus, quand je vous déballe ces souvenirs, ils ont déjà plus de vingt ans. Le temps qui passe est sans échappatoire, pétard quel coup de vieux !

A l'époque, fringant jeune homme d'une vingtaine d'années, casquette en velours de Gavroche ou calot fait-maison, pantalon de bleu à bretelles ou salopette, foulard et marcel sous la chemise à fleurs, je fréquentais très régulièrement le bar Bastide de la rue de Lappe, plus communément appelé "Chez Kader", du nom du patron. C'est mon ami Philippe Brosse qui m'avait fait découvrir l'endroit. Comme nous tous, je m'y enivrais au Côtes du Rhône *****, servi au ballon. Bonne piquette, du gros qui tâche, qui laissait la langue et les lèvres bleues au matin.

Ca se passait à la fin des années quatre-vingt, 1987, 1988, dans ces eaux-là. Chez Kader était encore un espace de résistance dans ce quartier de la Bastille déjà hyper-branché, où la rue de Lappe drainait continuellement son flot de touristes et recrachait sa viande saoûle. Chez Kader n'était pas un "bar à thème" mais encore un authentique troquet à l'ancienne. Petit, encaissé, étroit, guère plus large qu'un couloir le long du bar. Enfumé, pas redécoré depuis des lustres, "dans son jus" comme diraient les bobos. Toujours bondé et où, certains soirs, on reconnaissait Rachid Taha accoudé au bar sur son tabouret, dans le coin, en retrait comme absent.

Qui tenaient la baraque, il y avait Kader bien sûr, le patron, et son frère, et Max, rouquin barbu, tous trois kabyles. Trois types un peu taiseux qui s'y entendaient pour qu'une vraie ambiance imprègne les lieux. Je pense que le "Bastide" est devenu suffisamment "culte" pour qu'on retrouve sur la toile la photo de sa devanture, volets fermés, et celle de son patron. C'est déjà ça car, voyez-vous, je n'ai jamais pris la moindre photo à l'époque (il n'y avait pas encore de portable, encore moins de portable avec appareil-photo intégré !).

L'ambiance était en partie redevable à l'humeur du patron. Si le Kader était dans un bon jour, c'était la fête. Il nous la jouait Katerine vingt ans avant l'heure : "et je monte le son, et je baisse le son". Et les bons soirs, il faisait fi des voisins et balançait le son. Derrière le bar, à côté du perco, il y avait la collection de vinyles. De vieux vinyles ayant vécu. Les titres fétiches étaient souvent des classiques fédérateurs joués à un volume tout aussi fédérateur : Fela, Santana, James Brown, le "Whole Lotta Love" de Led Zepp' et, le fétiche parmi les fétiches, "N'sel Fik" de Chaba Fadela, qui voyait Kader monter sur le zinc pour danser sous les cris d'une clientèle bien éméchée et collée-serrée dans son antre. Certains soirs, il laissait quelques habitués dans la place après avoir baissé le rideau de fer. Fallait pas compter sur le patron pour se voir offrir des coups mais c'était le genre d'endroit où, passée une certaine heure, il y avait toujours quelqu'un pour vous payer un verre. Comment après ça voulez-vous trouver le moindre intérêt à la fréquentation de ces bars branchés, avec déco "à thème", mais où l'ambiance ne s'achète pas clés en main. La Bougnat Connection a fait des ravages.

Parmi ces quelques titres qui, chez Kader, méritaient de bénéficier de ces soudaines inflations de décibels : "War is coming" de... War. J'avais repéré la pochette derrière le bar et on devine ma joie quand j'ai trouvé Platinum Jazz aux Puces, neuf et pour une poignée de pain. Dès lors, pour ce seul titre "War is coming", le double-LP m'accompagnait à toutes les fêtes ou figurait sur une cassette minutée-compilée enregistrée à la maison. Et, ma foi, il était fort efficace et, le plus souvent, remplissait son rôle de floor filler à merveille...

Ecoutez cette intro style samba, avec cette cloche agogô, puis les percus qui entrent dans la danse, et cette basse ! Et les voix : "ouh ouh ouh... Ouh !"Même si ce n'était peut-être pas le cas, je n'en sais rien, c'est le genre de morceau dont on imagine bien le groupe faire son thème, celui qui ouvrira tous leurs concerts pour planter l'ambiance.


War ne joue pas forcément du funk stricto sensu ou, plutôt, l'agrémente d'une latin touch à base de nombreuses percussions. Leurs morceaux n'hésitent pas à s'étirer dans la longueur, comme il faut... La capacité à produire une montée est un critère essentiel d'appréciation de nombre de musiques électros mais, resté dehors la cathédrale, j'ai souvent du mal à m'y faire, les remarquant à peine, au contraire trouvant ça... monotone. Non, pour moi, une musique qui sait se tendre en une montée intense, un crescendo redoutable, c'est le funk ! Et War s'y entend pour réussir les siennes, portées par des rythmiques d'enfer.

Allez-y, l'essayer c'est l'adopter !

War, "War is coming... War is coming !", Platinum Jazz (1977) mp3 320kbps
Ce serait plus authentique si je l'avis rippé d'après mon vieux vinyl mais, désolé, ce n'est pas le cas...

samedi 19 février 2011

Le Charles Trénet de "Ménilmontant"


Ne trouvez vous pas qu'il y a quelque ironie à célébrer les dix ans de la mort de quelqu'un à qui on a refusé de devenir "immortel" ? Et qu'on peut trouver sinistre l'actualité qui le concerne, avec cette adaptation italienne de "Douce France" ? A l'ironie et au sinistre (cynisme ?), pour évoquer le "fou chantant", nous préférerons l'hommage très chauvin à l'auteur de "Ménilmontant".

Alors qu'aujourd'hui, l'Académie Française peine à recruter de nouveaux membres, Echenoz, Pennac, Quignard et Le Clézio, par exemple, ayant déjà refusé*, en 1983, Charles Trénet avait vu sa candidature refusée. Son apport à la langue française fut de la faire swinguer mais cela ne suffira pas à lui faire endosser l'habit vert. On ne vas pas présenter Charles Trénet, les papiers qui lui seront consacrés pour l'occasion seront là pour ça. Rappelons simplement que Charles Trénet a joué un rôle essentiel dans l'ouverture de la chanson française sur le jazz. Au même titre que Jean Sablon. C'est d'ailleurs ce dernier qui a créé la première version de "Vous qui passez sans me voir" que Trénet, encore inconnu, avait composé avec Johnny Hess, et qui deviendra le titre emblématique de son élégant interprète.

Quant à l'adaptation italienne de "Douce France" par notre première dame, elle tombe complètement à plat puisque, dans le même temps, a été exhumé un morceau inédit de 1988, intitulé "Vas-y Tonton", écrit pour soutenir la campagne de... Mitterand ! Et franchement, parmi les reprises de "Douce France", ne vaudrait-il pas mieux réécouter l'interprétation qu'en avait donné Carte de Séjour ? Toujours aussi pertinente aujourd'hui. Et quitte à adapter un auteur-compositeur français en italien, nous préférions quand Fabrizio de André s'attaquait à Brassens...

Trêve de toute autre considération, pour les dix ans de la disparition de Charles Trénet, je voudrais simplement lui dire merci, un grand merci du fond du cœur pour avoir un jour composé une chanson dédiée à mon quartier, celui où je suis né et ai passé la plus grande partie de ma vie : Ménilmontant.

"Ménilmontant, mais oui madame
C'est là que j'ai laissé mon cœur
C'est là que je viens retrouver mon âme
Toute ma flamme
Tout mon bonheur..."


Même si je ne l'écoute que très rarement, je suis content que cette chanson existe. Franchement, c'est plutôt rare les quartiers ayant la chance d'avoir une chanson à leur nom.

Si le quartier venait à faire sécession du reste du pays, voyez, il aurait déjà son hymne. Je sais, c'est peu probable. Souvenons-nous par contre qu'il y a une quinzaine ou une vingtaine d'années, entre deux tours d'une élection municipale, Didier Bariani, candidat local de la droite depuis des lustres, alors en ballottage défavorable, avait fait distribuer des tracts pour faire frémir la population sur la menace que serait le passage à gauche de l'arrondissement. Pour exprimer cette idée, une image représentait le XXe découpé de la carte de Paris et dérivant vers la banlieue, c'est-à-dire le 9-3 limitrophe. Et parce qu'on prend décidément les électeurs pour des cons, cette dérive de l'arrondissement était soulignée, flèche à l'appui. A cette démagogie sécuritaire, les électeurs du XXe qui ne sont justement pas des cons, ont répondu en n'élisant pas Bariani. Ironie de l'histoire, aujourd'hui, c'est plutôt Montreuil qui risquerait d'être annexé à Paris !

Ménilmontant a beaucoup changé depuis Trénet. Si on voit encore les rails de la "petite ceinture" à la hauteur de la rue Sorbier, depuis longtemps les trains n'y circulent plus. Les mots de Trénet ont perdu leur sens : "quand je revois ma petite gare : où chaque train passait joyeux / j'entends encore dans le tintamarre / des mots bizarres, des mots d'adieux". Et pris un coup de vieux.


Cela fait quelques années que j'ai quitté le quartier, le XXe et même Paris. Pas un seul jour je ne l'ai regretté mais je garde toujours un attachement particulier à Ménilmontant et Belleville. Et c'est la chanson de Trénet qui demeure la bande-son de mes rares accès de nostalgie. On dit parfois que c'est dans l'éloignement que l'on apprécie la valeur des choses. Ce n'est pas tout à fait vrai dans mon cas : chaque jour,  sans jamais de lassitude, je m'émerveillais de voir la Tour Eiffel quand, du haut de la rue, on avait cette vue plongeante sur tout Paris. C'est quoi les paroles, déjà ? "J'suis pas poète mais j'suis ému" ? Ca doit être ça... Décidément pas de quoi entrer à l'Académie Française !

Charles Trénet, "Ménilmontant" (1939) mp3 320kbps**

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* Pierre Assouline, "Académies cherchent candidats, vieillards s'abstenir", Le Monde (11/2/2011)
** Le morceau et son enregistrement ayant plus de soixante-dix, ils sont donc libres de droit, non ?

vendredi 18 février 2011

Avec Shawn Lee, le Monde est funk, funk, funk !


Peut-on envisager le funk, en 2011, sans l'appréhender dans une perspective globale, dans l'esprit plus qu'à la lettre ? C'est en tout cas les bras grands ouverts sur le Monde que le prolifique Shawn Lee s'y adonne. Comme les Whitefield Brothers qui déclarent jouer du world funk, et qui l'ont brillamment démontré avec leur superbe album Earthology, Shawn Lee brasse ses influences sur un spectre large, de toutes provenances : Congo, Brésil, Thaïlande, Inde, Egypte, Ethiopie, tout en gardant le fil du groove avec une guitare acérée pour faire office de lien.


Américain basé à Londres, Shawn Lee s'est longtemps caché derrière un masque de léopard, voire sous un avatar (on soupçonne qu'il soit le mystérieux Clutchy Hopkins, convié ici sur un titre, bonne blague, et avec qui il a déjà enregistré un album), cette fois-ci c'est avec son Ping Pong Orchestra qu'il envisage son voyage mondial avec le funk comme véhicule tout-terrain. Comme Shawn Lee est un multi-instrumentiste et qu'il joue de presque tous les instruments sur ce disque, il s'adjoint quelques invités, pour ne pas voyager seul et parce que chacun de ces invités contribue à donner une couleur particulière au morceau qu'il interprète. On retrouve ainsi Curumin pour la touche brésilienne, Natacha Atlas pour la couleur orientale, Chhom Nimol, la chanteuse cambodgienne de Dengue Fever, le trompettiste Michael Leonhart (El Michels Affair), Elliot Bergman (NOMO), Bardo Martinez (Chicano Batman), ou encore sa belle-mère Nanny G, Indienne de la diaspora !

L'ouverture de Shawn Lee sur les musiques du monde n'est pas nouvelle, souvenons-nous qu'avec Bei Bei, virtuose chinoise du ghuzeng, cithare chinoise dont Lucie Rault décrit le son comme "un vol d’oies sauvages sur les cordes de soie", il sortait Into The Wind, en 2010. Comme il est prolifique, l'an dernier, il sortait également Sing a Song et, déjà avec son Ping Pong Orchestra, une relecture funky de thèmes classiques (Satie, Strauss, Ravel, etc...) Hooked Up Classics !

Pour se mettre au diapason de cette quête universelle du funk, Shawn Lee empoigne les plus divers des instruments : sitar, des luths indiens qui "bourdonnent" comme l'ektar (monocorde) ou le tampura, le Bulbul tarang, le bouzouki, le guitarron, le charango, le balafon, le vibraphone, le xylophone, la kalimba, le steel drum, les crotales gnawa, le talking drum ou encore l'udu. Mais qu'on ne s'y trompe pas, si tous ces instruments semblent sortir de la caverne d'Ali Baba dont les musiciens rêvent la nuit, ce ne sont pas eux qui constituent l'essentiel de l'orchestration de World of Funk. C'est la guitare qui domine, qui fuzze et sert de point de ralliement alors que les instruments "du Monde" ne contribuent qu'à donner quelques touches de couleur aux morceaux. C'est même la déception que réserve cet album : de les voir sur la pochette, de lire leur liste dans le texte de présentation insistant sur le fait que c'est Shawn lui-même qui en joue, nous laissait supposer qu'ils auraient bénéficier de plus d'espace.

Sur World of Funk, c'est donc le funk qui est l'idiome universel. On trouve en effet des variantes de cette pulsation ravageuse un peu partout sur le globe. Comme le dit Shawn Lee, "Turkish Psych, Thai Funk, African Disco, Cambodian rock, Brazilian soul. If you can say it, it exists" ("psyché turc, funk thaï, disco africaine, rock cambodgien, soul brésilienne. Si tu peux le nommer, c'est que ça existe"). Alors il brasse toutes ses sonorités dans sa marmite de funk. On retrouve les détours obligés du moment. Un peu de d'éthio-jazz, une influence colombienne... Il y a également un likembé au son distordu façon Konono n°1, joué ici par Elliot Bergman, son qu'il avait déjà adopté avec son groupe NOMO et qui l'a fasciné au point que depuis il fabrique lui-même ses propres likembés. Natacha Atlas participe à certains des titres les plus réussis, "Cairo Cairo" et "The Might Atlas", tant avec sa voix de diva orientale post-world, elle a l'expérience des expérimentations les variées et se coule aisément dans la musique de Shawn Lee.

Mais cela répond-il à la question de départ : doit-on aujourd'hui adopter une approche globale pour jouer du funk ? Certes non, on peut se contenter de cultiver ses fondamentaux J.Besques et autres, mais l'ouverture sur d'autres horizons musicaux permet d'aérer un genre qui risque de sentir le rance à force de n'être plus qu'un travail de réplique, certes minutieux pour être aussi fidèle que possible à l'original. Passé cet écueil, un horizon s'ouvre effectivement, on peut voguer vers le large. "Comme beaucoup de musiciens occidentaux, mes oreilles ont été séduites par les sons exotiques de l'Est et au-delà, raconte Shawn Lee. Dans le même temps, de nombreux musiciens autour du Monde ont été inspirés par la musique d'Amérique et d'Angleterre. Ce que nous avons là est un langage universel. Quand on s'abâtardit mutuellement nos sons et musiques et qu'on se plante - on est quand même dans le vrai. C'est en mutation et devient quelque chose d'extraordinaire. Ca, c'est funky !" ("Like many western musicians, my ears have been seduced by the exotic sounds of the East and beyond. By the same token, many musicians from around the world have been inspired by the music of America and England as well. What we’ve got here is a universal language. When we bastardize each other’s sounds/ music and get it wrong – we get it so right. It mutates and becomes something extraordinary. Now that is funky!").

Assez bizarrement après ce qui vient d'être dit, le reproche que l'on pourrait faire à World of Funk serait le manque de diversité des morceaux qui, malgré les différents chanteurs, semblent tous sortir du même moule. On attend maintenant qu'une approche aussi ouverte du funk nous offre un album aux compositions plus variées et inspirées. En attendant, ce World of Funk fait déjà bien l'affaire.

jeudi 17 février 2011

L'Oiseau chasse-pluie : Colney Island 11:AM, de Lizzie Oxby


Journée pluvieuse. Marre de l'hiver. Qu'il vienne cet oiseau qui tirera la pluie pour nous dévoiler le soleil. Vous croyez que je divague ? Regardez ce très court film de Lizzie Oxby, quelques secondes de poésie rêveuse...


Lizzie Oxby est une réalisatrice anglaise de films d'animation reconnue et déjà récompensée pour son travail. Colney Island 11:am fait partie de la série Daydreams. Elle décrit ce projet ainsi : "some days I pause and think about what might happen. 'Daydreams' is one of my ongoing projects incorporating a series of observational thoughts. These short films are made predominantly with stills which I take, then composite and animate. Colney Island 11:00am is one of the films in the series". 

Ses vidéos sur Viméo... Avec les deux autres films de la série Daydreams, dont Manhattan 4:33 pm, où les tours se transforment en flipper géant... A voir également : l'étonnant The Seawatchers...

mercredi 16 février 2011

Frente Cumbiero, innovant et old school


Depuis quelques années, la cumbia s'est inscrite dans la grande ronde des batuques digitalisés qui font tourner le Monde et si on a tendance à y voir un des innombrables fruits de l'Atlantique Noir, nous rappellerons qu'une partie des côtes de la Colombie donne sur le... Pacifique. Ce qui ne contredit pourtant pas la pertinence du concept proposé par le sociologue Paul Gilroy. La musique de Frente Cumbiero s'appuie sur un de ces batuques, à la fois ancestral et neuf. Elle  s'inscrit dans la veine de la nueva cumbia ou, plus exactement, creuse un filon festif qui cultive de nouvelles formes issues de cette matrice cumbia.

Il présente ici un album partagé avec Mad Professor : Frente Cumbiero Meets Mad Professor. En fait de rencontre, la seconde moitié de l'album contient donc les versions dub des titres de Frente Cumbiero. C'est justement la première moitié qui nous intéresse, avant le traitement que lui fait subir, malgré son habilité, le dub master.


Frente Cumbiero, c'est un vrai coup de cœur, récent, sur la base d'un seul titre, "Pitchito", découvert sur la compilation Sofrito Tropical Discotheque. J'étais d'abord étonné de découvrir un son contemporain sur un album contenant des perles anciennes puis ai donc cherché à savoir ce qui se cachait derrière ce nom. Car, voyez-vous, le Brésil occupe une place tellement disproportionnée dans ma cartographie musicale de l'Amérique du Sud qu'il ne reste plus que des miettes pour les autres pays. Alors, même si la Colombie n'a jamais été menacée d'être détrônée de son rang de dauphin, l'attention que je lui porte est forcément plus limitée.

Pourtant, sans vraiment la connaître, j'ai toujours bien aimé la cumbia. Mais j'ai longtemps cru que son accordéon au charme rustique lui interdirait d'être un jour à la mode. Malgré ça, et plus encore que le forro, également porté par un accordéon, qui bénéficia d'un petit engouement international il y a quelques années, la cumbia aujourd'hui est une déferlante. La nueva cumbia, plutôt.

De cette matrice rythmique aussi simple qu'efficace, les DJs ont fait un outil à faire danser les foules des clubs de la planète. Car la particularité de cette nueva cumbia est de s'être développée hors de ses terres d'origines. La cumbia est colombienne et a conquis toute l'Amérique Latine, la nueva cumbia est peut-être colombienne mais aussi argentine, mexicaine, que sais-je encore... et a conquis les dancefloors, au même titre que le baile-funk quelques années plus tôt. Bon, je suis plus coutumier du kitchen-floor que du dancefloor etmême si ma cuisine est très grande et qu'on peut aussi y danser occasionnellement, je conviens n'être pas le mieux placé pour parler de ce qui se passe dans les clubs et soirées que je ne fréquente pas ! Je me souviens en tout cas d'une fête (plutôt ratée) chez des amis, il y a environ cinq ans, où une fille avait passé une cassette de cumbia pour ce qui fut le seul moment de toute la soirée où les convives ont dansé. C'était un peu vexant pour tous les bons disques que j'avais amené ce soir-là mais l'efficacité de la cumbia ne souffrait aucune discussion. Pourtant, la nana ne savait même pas ce qu'il y avait sur la cassette si ce n'est que c'était de la cumbia. Elle n'avait que ce mot-là à la bouche : de la cumbia. Quelqu'un avait dû lui filer la cassette.

Pour en revenir à Frente Cumbiero, Mario Galeano est bel et bien colombien. C'est lui qui se cache derrière cette formation à géométrie variable dont il est le seul membre permanent. Il est colombien mais possède une expérience internationale, ayant étudié et travaillé au Mexique et aux Pays-Bas. Son bagage musical est sacrément conséquent. Canalh, du blog Radio Canalh*, l'a rencontré à Medellin. Mario lui a ainsi détaillé son cursus. "J’étudiais à la Universidad Javeriana à Bogota, et j’ai commencé à m’intéresser énormément aux musiques traditionnelles et en 2000 j’ai obtenu une bourse pour aller étudier en Hollande au conservatoire dans un département de musiques du monde. Je voulais pouvoir contextualiser plus précisément la musique colombienne parce que depuis le Collège ils nous expliquent que la composition culturelle colombienne est un mélange. Mais ici, on a pas les outils ni les infos pour savoir ce qu’est la musique africaine, la musique espagnole, indienne. C’était ça ma motivation, mieux comprendre les véritables racines de ce son et pas seulement en me focalisant sur ce à quoi j’avais accès ici. J’ai étudié pendant 5 ans la 'composition musicale', j’ai fait des recherches sur un plan académique, mais pas seulement : j’avais commencé à expérimenter, alors en Hollande, j’ai continué".

L'expression pourrait paraître galvaudée, on est malgré tout tenté de décrire la musique de Frente Cumbiero comme une tentative d'élargissement des influences, tout en restant ancrée sur la pulsation de la cumbia, elle glisse ci et là quelques accents éthiopiens, très à la mode, ou d'afro-beat... A Canalh, Mario Galeano expliquait encore les difficultés à faire découvrir ces nouvelles perspectives à ses compatriotes pour qui la cumbia est souvent limitée à une certaine époque, associée à quelque chose de rétro. "Je crois que le goût musical des colombiens est très cloisonné. Les gens… c’est ce que je te disais tout à l’heure : les gens, ici, ils veulent écouter la même chanson tout le temps. Des chansons ultra connues depuis 40 – 45 ans, ils veulent encore les écouter dans toutes leurs fêtes. Donc, ils s’habituent à ça ; des goûts très restreints. C’est ce qui s’est passé commercialement avec le porro et la cumbia : c’est resté comme un son 'd’une autre époque', t’as passé Noël ici t’as bien vu qu’ici on l’entend partout. Du coup, c’est la merde parce que donc ce son il est restreint à une époque. D’abord Décembre et toutes les émissions de radio qui balancent ce son en veux-tu en voilà et le 6 janvier, hop, tout est terminé. Donc les gens l’associent à la nostalgie, la famille, les grands parents. Mais cette musique elle est pour tous les moments de la vie, il n’y a pas de raison, là non plus, de la mettre dans une case, la case 'petits vieux'. La perception des étrangers et très différente. Eux, ils le voient comme un son plus actuel, frais, joyeux, et en fait la scène de la nueva cumbia elle est beaucoup plus active au Mexique et en Argentine qu’en Colombie ou même qu’en Europe ! La nueva cumbia… il y a quelques personnes qui commencent à s’y intéresser ici, mais en fait c’est très méconnu". Nul n'est prophète en son pays ?

Nous reviendrons prochainement sur le phénomène cumbia, en attendant, la musique de Frente Cumbiero ne se contente pas d'ajouter des beats et de gonfler les basses, elle réussit ce paradoxe d'être à la fois innovante et old school... Sacré paradoxe, d'autant plus remarquable que la musique de Frente Cumbiero reste homogène.



* Radio Canalh est une véritable mine d'infos, de sons et de rencontres sur le sujet... Son auteur s'est façonné sa connaissance du sujet sur le terrain. Comme il a été invité par Sly du Goûter.com à participer aux cinq ans du site, vous pouvez aussi aller y découvrir sa contribution en forme de petit mix. Et signalons qu'au rayon cumbia, le Goûter est aussi une très bonne adresse !

Frente Cumbiero, le site officiel...

mardi 15 février 2011

L'Art de la pochette chez Stones Throw : les Madlib Medicine Show

Indépendamment de la musique, nous avons aussi beaucoup apprécié les visuels de la série Madlib Medicine Show, notamment celle avec les Jazzcats crossing the Hudson. Nous évoquions il y a quelque temps cette fameuse pochette du #11 de la série pour laquelle du cognac avait infusé dans la peinture. Justement, Ryan Dombal, pour le magazine Pitchfork et sa rubrique Take Cover, vient de s'entretenir avec Jeff Jank, le directeur artistique de Stones Throw, responsable des visuels et des pochettes, au sujet de cette étonnante série où Madlib sortait un nouvel album chaque mois. Extraits...

Jeff Jank : "la série alterne entre albums originaux et mixtapes, et nous pressons en vinyle les originaux. Pour les LPs, nous avons habituellement toute une série d'images différentes et H+Run, l'atelier de sérigraphie, en tire plusieurs motifs, en sorte que chaque exemplaire est presque une pièce unique. Et nous détruisons les écrans quand nous avons fini pour ne pas être tenté de faire un tirage de plus".


Coquetterie supplémentaire, les pochettes des CDs ne sont pas les mêmes que celles des LPs.
"Ouais. Par exemple, la pochette du CD de Low Budget Hiigh Fi Music représente un porc-épic avec un peigne sur le crane et des poings américains, de là à découlé l'idée que tous ces animaux de la forêt allaient jouer des beats pour les pochettes des vinyles. Et c'est là que Brandy, de Hit+Run, s'est dit : 'pourquoi ne verserait-on pas du cognac Hennessy dans la peinture avant d'y souffler de la fumée ?'. Et ça a marché. (...) Il y en a juste une paire où la peinture était un peu trop liquide mais ça n'a rien endommagé. Techniquement, pour la fumée, les gars soufflait de la fumée dessus de temps en temps, c'était presque plus pour porter chance. Ca me rappelle les petits tirages fait maison que sortait Saturn Records, le label de Sun Ra".

Madlib a-t-il eu son mot à dire sur le choix des illustrations ? "Très peu, ce qui est le cas depuis les dix ans où je travaille avec lui. Il nous amène sa musique et ne nous explique même guère de quoi il s'agit ou s'il y a un thème à l'album. IC'est à moi d'essayer de comprendre. Et avec cette série où tout allait beaucoup plus vite, j'ai fait la plupart des pochettes et je me contentais de lui montrer le résultat quand elles étaient finies. Et il était là : 'cool' ".

Une des pochettes les plus étonnantes de la série représente les ébats d'un couple de lapins au milieu de la forêt. Curieux...


"C'est la mixtape la plus bizarre du lot et la pochette est une image que j'avais déjà quand la série a commencé. Je m'étais toujours dit : 'il faut que j'en fasse une pochette'. En fait, c'était la plus marrante parce qu'il y avait le livret  composé de cet étrange pamphlet que j'avais trouvé dans la salle d'attente d'une banque. C'est un de ces pamphlets qui explique comment les Illuminati, le Gouvernement des Etats-Unis et l'Eglise Catholique complotent pour dominer le Monde, etc... Je l'ai scanné et j'ai changé une partie du texte pour qu'il soit à propos de Madlib. Et la pochette montre ces lapins en pleine baise au milieu des bois - c'est la seule façon dont je puisse l'expliquer parce que le thème de l'album était la global psychedelic music".

Bizarrement, bien que les pochettes des vinyls soient des pièces uniques en sérigraphie, j'ai souvent préféré les visuels des CDs que ceux des vinyles...  Avec une préférence marquée pour le porc-épic (j'en ai même fait mon icône sur Facebook !) et celle des Jazzcats Crossing the Hudson qui a eu un tel succès que Stones Throw l'a offert  en fond d'écran !

Petit florilège :

Madlib Medicine Show #1 - Before The Verdict



Madlib Medicine Show #2 : Flight to Brazil



Madlib Medicine Show #4 : 420 Chalice All Stars




Madlib Medicine Show #8  : Advanced Jazz


Madlib Medicine Show #10 : Black Soul


Madlib Medicine Show #11 : Low Budget High Fi


lundi 14 février 2011

Iron & Wine : de l'eau dans son wine, du funk dans son folk...

"La barbe honore l'homme, les moustaches le chat"
(Proverbe russe)

Peut-être la vie n'est-elle pas autre chose qu'une âpre et incessante lutte contre ses propres préjugés. A moins, bien sûr, que vous n'y cédiez sans résistance et, là, excusez-moi de vous le dire : vous êtes un con ! Un de mes préjugés, je le confesse, concerne les barbus à guitare ! N'essayez pas de me faire écouter Will Oldham aka Bonnie "Prince" Billie, ou les défunts Grandaddy… De ces derniers, j'ai un CD à la maison que je n'ai même jamais sorti de son emballage, c'est dire ! Alors il était fort vraisemblable que je ne me précipite pas pour écouter Kiss Each Other Clean, le dernier album d'Iron & Wine. Et pourtant...


Bon, des barbus dont j'aime la musique, ça ne manque pourtant pas, ce n'est même pas un critère, je n'y prête pas la moindre attention : George Clinton, les Beatles à une période, Martinho da Vila, João Bosco, Robert Wyatt, ou plus près de nous, quoiqu'il soit déjà loin loin, bien loin dans sa tête, Gonjasufi, ou encore Shafiq Husayn évoqué ici il y a quelques jours... Non, mon préjugé s'applique exclusivement aux barbus à guitare, à la voix nasillarde et plaintive, adeptes du folk lo-fi ou de l'indie torturée. Voyez le genre ?

Tout à fait le profil de Sam Beame, aka Iron & Wine, un bien beau spécimen d'homo barbudo sapiens. La sortie de son dernier album, Kiss Each Other Clean, a pourtant aiguisé ma curiosité. J'avais lu dans une critique de l'album : "qui aurait imaginé que ce délicat barde se lancerait un jour dans l'électro pop cérébrale ou une variante de progressif un peu funk, un peu jazz ?" (Hugo Cassaveti, Télérama). Un peu funk ? Voyons voir ça... Test d'écoute effectué, le verdict est sans appel : si vous n'écoutez guère que du folk minimaliste et neurasthénique, certes "Big Burned Hands" pourrait vaguement ressembler du funk. Par contre, si le funk est une de vos nourritures musicales favorites, passez votre chemin : vous n'en décèlerez guère ici la moindre trace, ou sinon au prix d'un bel effort d'imagination ! Mais ce serait une mauvaise raison d'écouter Iron & Wine pour y chercher le funk, vous seriez déçu. C'est pas du funk, point barre. Et si on veut du funk, on saura vers qui se tourner.

Quoi qu'il en soit, Kiss Each Other Clean est, paraît-il, une évolution assez radicale de l'œuvre enregistrée de Sam Beame. Au minimalisme guitare et banjo de ses albums précédents, il préfère ici étoffer l'accompagnement et le son, avec l'aide du producteur Brian Deck. Comme l'écrit Francis Dordor à propos de l'album dans Les Inrocks, "Beam ne chuchote plus. Il chante comme s’il apercevait au loin les premiers reliefs de la terre promise". "La terre promise", tout de même, monsieur Dordor, vous y allez un peu fort dans l'hyperbole ! Ce doit être la barbe. Tout de suite, pareil attribut confèrerait des airs de prophète au premier type venu pour peu qu'il soit en panne de double-lames et qu'il ait l'air hébété. Coïncidence, je suis justement en train de lire Trichologiques : Une Anthropologie des Cheveux et des Poils, le livre de Christian Bromberger consacré à la dimension culturelle de nos pilosités. J'y note cette distinction qui semblerait s'appliquer à notre bonhomme : souvent, les trichophiles (du grec τριχός, ou trichos, c'est-à-dire cheveu) seraient plutôt naturophiles, les trichophobes, naturophobes. Ainsi, les peuples qui se rasaient et s'épilaient marquaient ainsi une coupure nette entre eux et la Nature. Concernant les barbes hirsutes, pour en revenir au cas précis de Sam Beame, on lira : "faut-il rappeler que la chevelure et la barbe en friche de l'ermite connotent le renoncement sexuel". Certes, même sans le recours à une littérature aussi savante, on parviendrait aisément à une semblable conclusion. D'ailleurs c'est justement de là que provient mon préjugé sur ces barbus folk.  Mais puisque je lutte contre mes préjugés, j'écoute Kiss Each Other Clean. Et j'apprécie même un ou deux titres :  "Me and Lazarus", voire ce soi-disant funk "Big Burned Hand"... Par acquis de conscience, j'ai même écouté The Sea & The Rhythm (2003) et là, très franchement, c'est au-delà de mes forces. Qu'on choisisse le dépouillement absolu, guitare sèche et voix, soit, mais là ! Iron & Wine est du genre radical, sans concessions : il se serait enregistré sur un vieux répondeur téléphonique à mini-cassette, ça ne sonnerait pas plus pourri ! Politiquement parlant, je serais plutôt du genre à défendre son approche plutôt que celle, dominante, consistant à formater le son. De là à l'écouter ! Ce genre de choses, voyez-vous... me hérisse le poil.

Les Parisiens pourront retrouver Iron & Wine cette semaine à l'Alhambra, les 17 et 18 février.


vendredi 11 février 2011

Susheela Raman : concert intégral en vidéo


De deux choses l'une. Soit vous vous dites : sympa, le Dr. Funkathus nous offre là presque une heure de concert de Susheela Raman, génial, généreux, super ! Soit vous vous dites : il s'est pas cassé la nénette à se contenter de  copier-coller le lien d'intégration de la vidéo. Et vous aurez raison, dans un cas comme dans l'autre. Mais si je m'autorise cette paresse, quoi de plus simple que de mettre une vidéo en ligne sur son blog ?, c'est parce que j'ai justement vu Susheela Raman sur scène dans cette même configuration, simplement accompagnée de son mari Sam Mills à la guitare et d'Aref Durvesh aux tablas. Et que ce fut une expérience à la fois intime et intense.

Je l'ai vu en concert il y a environ cinq ans, ici à Montpellier, salle Victoire 2. Elle repassait vendredi dernier, 5 février, même lieu, mais je ne suis pas retourné la voir. Peut-être préférais-je rester sur le souvenir de ce concert si réussi plutôt que de me confronter au risque de la déception ? Pourtant quand elle monta sur scène ce jour-là, seulement accompagnée de Sam Mills et Aref Durvesh, je me fis d'abord la réflexion que c'était vraiment la crise du disque pour qu'une artiste jouissant d'une telle notoriété, se produise sur scène dans une formation si réduite. Je me trompais complètement. Car c'est justement dans pareille configuration qu'un artiste donne le meilleur de lui-même. Ici, pas moyen de tricher, de se cacher derrière un groupe ou la technique. Il faut assurer, dans la plus simple et authentique des funky ways. D'ailleurs quelle surprise de découvrir une aussi belle femme se présenter ainsi, dépourvue du moindre atours sexy. Limite habillée comme un sac, arquant les jambes pour une meilleure respiration, jamais Susheela Raman ne sacrifie son art au profit de la séduction. Sa musique très personnelle se construit avec cohérence à partir d'influences hétéroclites : chant carnatique millénaire, ambiance folk et énergie rock. Et justement parce que cette musique est si personnelle, synthèse de ses origines, de son parcours de vie, de ses goûts et ses rencontres, elle incarne une approche world au sens noble du terme. Ce soir-là, entre moments très apaisés et d'autres qui partaient dans des montées acoustico-technoïdes, Susheela Raman imposait une présence chaleureuse, conversant ce qu'il faut avec le public pour créer ce climat d'intimité qui laisse de grands souvenirs, le genre de concert qui nous font souhaiter une longue carrière à ces artistes. Même si je n'ai les CDs que ses deux premiers albums et que je ne les ai pas écoutés depuis longtemps et que je n'ai prêté qu'une oreille distraite aux suivants, elle a gagné mon total respect.

Si le copier-coller est une flemme, alors du fin fond de mon incommensurable flemme, parfois aussi vaste qu'un continent, mais déjà arpenté de long en large, je n'oublie pas de remercier Mondomix et Arte de mettre en ligne pareil moment de musique sans frime ni faux-semblants... Un concert enregistré il y a seulement trois jours, mardi 8 février. Les Parisiens peuvent noter qu'elle sera à la Maroquinerie le 9 mars prochain, cette fois-ci avec un groupe plus étoffé.

jeudi 10 février 2011

"Gone Baby, Don't Be Long", le nouveau clip d'Erykah Badu réalisé par Flying Lotus

Nous annoncions il y a peu la première réalisation de Flying Lotus. Après le "Levels" de Bilal, il n'aura pas mis longtemps à récidiver. Il a cette fois-ci dirigé le nouveau clip d'Erykah Badu, "Gone Baby, Don't Be Long", laquelle figurait d'ailleurs en guest-star dans "Levels". Après Special Problems aux effets spéciaux de "Levels", c'est cette fois-ci Beeple qui  signe le graphisme de cette vidéo. Un graphisme très épuré, avec ses lignes qui évoquent une forme de dessin industriel presque psychédélique. La silhouette d'Erykah Badu glisse-t-elle dans une usine ou un immense vaisseau spatial, comme certains le suggèrent ?


Au moins, "la" Badu ne risque-t-elle pas d'encourir les foudres de la justice qui l'avait condamné à une amende et une mise à l'épreuve pour s'être promener nue dans les rues de Dallas, sur les lieux de l'assassinat du Président Kennedy pour être précis, pour son précédent clip "Window Seat". Sa période de probation n'étant pas finie, la sagesse lui commandait cette prudence. Ce qui n'empêche pas la réussite esthétique de ce petit film.


mercredi 9 février 2011

Malade, Kool Herc collecte des fonds pour se soigner...

Depuis quelques jours, les médias ont largement relayé les problèmes de santé de Kool Herc et  la mobilisation de la sphère hip hop pour lever des fonds afin qu'il puisse être opéré. Son cas est typique de la situation américaine où des millions de citoyens ne bénéficient d'aucune couverture sociale.

Clive Campbell, surnommé Hercule dans sa jeunesse parce qu'il était balèze en sport, est devenu sous le nom de DJ Kool Herc un pionnier du hip hop. Un des premiers à organiser des block parties dans son quartier, le Bronx, et à étendre les breaks de percussions au sein d'un morceau, à l'aide de deux platines et deux exemplaires du même disque, technique qu'il appelait le Merry-Go-Round. En 2007, il a obtenu que l'immeuble situé au 1520 Sedgwick Avenue soit reconnu comme le berceau officiel du hip hop, parce que c'est dans une salle de cet immeuble qu'à partir de 1973, il organisait des fêtes. Pour l'anecdote, comme sa sœur Cindy et lui étaient encore très jeunes, son père était toujours de la partie et veillait eu grain. Certes, le rec room, la salle du 1520 Sedgwick n'était pas le seul lieu de ce type dans le Bronx mais la légitimité de Kool Herc à prétendre à ce type de reconnaissance n'a jamais été contestée.



Mais du hip hop, s'il est le père fondateur, il est aussi le parent pauvre. N'ayant jamais enregistré, il ne s'est jamais enrichi. Les immenses fortunes accumulées par certains le laissent un peu amer... "Quand je vois les P. Diddy siroter leur piña colada dans leur clip, je me demande où est passé mon chèque !", déclarait-il ainsi il y a quelques années à Libération.

Alors aujourd'hui, celui qui était fort comme un Hercule dans sa jeunesse, l'initiateur du hip hop, souffre visiblement de calculs rénaux. Mais puisqu'il ne possède aucune assurance maladie, il n'a pas les moyens de payer une nouvelle opération. Ou comment d'un problème certes douloureux mais bénin, peuvent survenir de graves complications en l'absence des soins adéquats. Ici, des hémorragies internes. En 2004, le Village Voice fêtait les trente ans du hip hop, à côté d'un texte de Greg Tate, on trouvait un autre article "Numbers Beyond the Bling" qui citait quelques statistiques éloquentes sur l'état de misère d'une partie de la population noire américaine. "Les principales causes de décès dans les quartiers noirs pauvres, pouvait-on lire, ne sont pas le SIDA, les drogues ou les homicides. Ce sont le stress permanent, les maladies cardio-vasculaires, le cancer et les complications entraînées par des maladies non-soignées" ("The leading causes of death in poor Black neighborhoods are not AIDS, drugs, or homicide. They are "unrelenting stress," "cardiovascular disease," "cancer," and "untreated medical conditions").

Cela démontre bien le besoin de protection médicale pour les quarante et quelques millions d'Américains qui ne possèdent pas d'assurance maladie (en général souscrite par l'employeur pour les salariés, ou pour les plus pauvres par le Medicaid). Mais la situation semble d'autant plus hallucinante vu d'un pays comme la France, quand on se rappelle la violence des attaques contre Obama et son projet de Health Care, qualifié notamment de dérive communiste par ses opposants. Il y a quelques semaines, un reportage du Monde Magazine montrait des familles, pourtant middle-class, être obligées de vendre leur maison, en raison d'un licenciement, pour pouvoir soigner un des leurs malade. Et si vous n'avez pas de biens, vous ne vous soignez pas. Tout bonnement.

Cette situation devrait nous inciter à être vigilant quant à notre chère sécurité sociale. Et il faut à ce titre rappeler combien Sarkozy et son gouvernement ont déjà trahi et brocardé les principes fondateurs de notre système de santé. Le principe de la sécurité sociale est, ne l'oublions pas, que ce sont les biens portants qui paient pour les malades. La mise en place d'une franchise, même d'un euro, lors de chaque acte médical est donc contraire à ce principe essentiel. Une de ses conséquences, on le sait, est l'auto-médication, avec tous les risques que l'on connait

Malade et déjà endetté par une précédente intervention chirurgicale, Kool Herc a décidé de réagir. De faire de son cas un exemple. "Now we are fighting for health care not just for me, but for everyone". Effectivement, il n'est pas le dernier car la plupart des musiciens et artistes ne possèdent pas la moindre assurance maladie. De plus, même avec la réforme du Health Care mise en place par Obama, il faudra encore plusieurs années avant que quelqu'un comme lui puisse en bénéficier. Kool Herc cherche donc à médiatiser cette situation. Et parce qu'il a des amis, il lance une campagne de levée de fonds afin de pouvoir rembourser les frais déjà occasionnés et se faire opérer. DJ Premier et Chuck D sont parmi les premiers à avoir réagi et s'être mobilisés pour l'aider. Dans la préface qu'il avait rédigé pour Can't Stop Won't Stop, le livre-somme de Jeff Chang, il insistait sur cette dimension "familiale" du hip hop, tout en étant très critique à l'égard de ses jeunes collègues qui, sous prétexte de ne pas vouloir jouer les role models, étaient de mauvaises influences pour la jeunesse : "I don’t want to hear people saying that they don’t want to be role models. You might already have my son’s attention". Et de conclure en rappelant que si le hip hop a toujours été synonyme de fun, s'en réclamer signifiait également prendre ses responsabilités : "hip hop has always been about having fun, but it’s also about taking responsablity". La balle est dans le camp de ses amis, sauront-ils prendre leurs responsabilités à l'égard de celui qui a été leur père à tous, aujourd'hui dans le besoin. Des amis ? Espérons simplement qu'ils ne répondent pas à la définition qu'en donne le Dictionnaire du Pire de Stéphane Legrand ! "Ami, n.m. : Personne de confiance qui sait vous épauler lors de vos succès et a la pudeur de ne pas vous traîner dans les pattes lors de vos coups durs."

Pour le soutenir, directement sur son site...

Une petite vidéo d'archives pour replonger dans cette ambiance des débuts...



mardi 8 février 2011

Edouard Glissant et la Créolisation du Monde

"La pensée unique frappe partout où elle voit
 ou soupçonne de la diversité. 
Ce n’est pas pour rien qu’elle a frappé 
à Sarajevo ou à Beyrouth. 
La diversité terrifie. 
Au fond, le raciste, c’est qui ? 
Quelqu’un qui ne supporte pas le mélange"
(Edouard Glissant)

La disparition d'Edouard Glissant nous incite à revenir sur une œuvre majeure, une des rares d'un auteur francophone à avoir appréhendé la réalité contemporaine dans sa complexité.


En 1999, lors de mon premier séjour à Salvador, Bahia, je ne connaissais pas encore l'œuvre de Glissant. Les conversations tournaient si souvent autour de la notion de métissage, la miscigenação, comme si c'était là réellement le ferment de l'identité bahianaise, que je me disais que le Brésil serait un laboratoire de choix, vieux de plusieurs siècles, qui aurait pu être observé avec attention depuis l'Hexagone, afin que notre métissage métropolitain, plus récent, trouve à s'en inspirer, une histoire à laquelle j'espérais que ma génération ait positivement contribué. Lorsque j'interviewais Carlinhos Brown, il mettait l'accent sur la dimension fondamentalement métisse de son identité et de son art et, comme pour me rassurer, glissait quelques mots sur l'état de notre pays. Brown disait : "le métissage français est un des plus prometteurs du monde. Il peut aussi analyser les cinq cents ans du Brésil comme une expérience valide. Parce que quand on commence à se métisser, on arrête de sentir la douleur, on a l’envie de l’autre. Tu commences à bien parler, à te rapprocher, tu tombes amoureux de l’autre d’une façon organique et naturelle. Le métissage fait tomber les répulsions et met un point final à la notion d’individu. C’est en cela qu’il est une forme de salut, parce qu’il fait disparaître l’individu. Le métissage est le chemin, c’est un des premiers degrés de la paix". Le Pen n'avait pas encore été présent au second tour d'une élection présidentielle et Sarkozy n'avait pas encore été élu, n'avait pas encore eu cette invention diabolique, un "Ministère de l'Identité Nationale" (sic !!!). Je n'étais pas encore honteux quand j'échangeais avec Brown et tous ces Bahianais...

J'ignorais alors qu'Edouard Glissant avait consacré une partie de son œuvre à une réflexion sur cette idée de métissage, pardon de créolisation, puisque métissage n'est pas tout à fait synonyme de créolisation, au sens où l'entendait Glissant. La créolisation serait "le métissage avec une valeur ajoutée qui est l’imprévisibilité" (Introduction à une Poétique du Divers, 1995)*. Fondateur du concept d'Antillanité, la vision de Glissant dépasse le cadre de sa Martinique. Sa pensée essaie de rendre compte de cette complexité du Monde, du fait que nos cultures mondialisées-créolisées ne sont jamais achevées, qu'elles sont fruit du conflit, du "frottement", de la tension. "J’appelle créolisation la rencontre, l’interférence, le choc, les harmonies et les disharmonies entre les cultures, dans la totalité réalisée du monde-terre". A Deleuze et Guattari, il emprunte la notion de rhizome, pour dire que notre identité ne pousse pas d'une racine unique mais d'un rhizome qui s'étend, comme pour tendre des correspondances imprévues.

Quelques années après avoir découvert le Brésil, alors que je participais à un séminaire de jeunes chercheurs (sociologues, économistes, juristes...) organisé par le Conseil de l'Europe à Budapest, j'étais confronté à une terrible incompréhension. J'étais le seul Français alors que la moitié des participants était britannique ou irlandaise et tout à fait représentative de la diversité multiculturelle, et je me souviens avoir eu le plus grand mal du monde à leur faire comprendre cette notion, si essentielle pour quelqu'un de ma génération, de métissage, au sens de métissage des cultures, notion absente de la langue anglaise. De ce malentendu débouchèrent des échanges féconds que nous avons poursuivi tout au long de la semaine. Malgré cette lacune linguistique, la Grande-Bretagne est un terreau propice à la créolisation. Mais il me semble pourtant erroné de rapprocher la créolisation du multiculturalisme. Car si la créolisation est à l'œuvre, c'est peut-être malgré le multiculturalisme, au sens où les politiques s'en réclamant se traduisent par une forme de communautarisme. Edouard Glissant enseignait aux Etats-Unis et connaissait donc parfaitement ce pays d'accueil, il devait être un témoin privilégié de cet élan plus fort que les résistances sociales et historiques qui tentaient de l'entraver. Il a assisté à l'avènement de Barack Obama, pour qui il avait écrit, avec son complice Patrick Chamoiseau plus jeune d'une génération, une adresse, L'Intraitable Beauté du Monde, un très beau texte. Obama est une incarnation de cette créolisation dans un pays qui avait longtemps dressé des murs entre ses populations. Les murs, justement, Edouard Glissant les dénonçaient, toujours en compagnie Chamoiseau. Ce fameux ministère de l'identité national en est un et s'était attiré les foudres de leur pamphlet Quand les Murs Tombent, sous-titré L'Identité Nationale Hors-la-loi.

"Sapiens est par définition un migrant, émigrant, immigrant. Il a essaimé comme cela, pris le monde comme cela et, comme cela, il a traversé les déserts et les neiges, les monts et les abîmes, quitté les famines pour suivre le boire et le manger. Il n’est frontière qu’on n’outrepasse. Cela se vérifie sur des millions d’années. Ce le sera jusqu’au bout (encore plus dans les bouleversements climatiques qui s’annoncent) et aucun de ces murs qui se dressent tout partout, sous des prétextes divers, hier à Berlin et aujourd’hui en Palestine ou dans le Sud des États-Unis, ou dans la législation des pays riches, ne saurait endiguer cette vérité simple: que le Tout-Monde est la maison de tous – Kay tout moune –, qu’il appartient à tous et que son équilibre passe par l’équilibre de tous…"

Avec Patrick Chamoiseau encore, et quelques autres, il avait lancé le Manifeste pour les “produits” de haute nécessité quand les Antilles traversaient une grève générale. Il s'agissait de rappeler que ce "pouvoir d'achat" est d'une bien triste vacuité si on ne s'attache pas à mettre de la poésie dans la vie. Car Edouard Glissant n'est pas sociologue, ethnologue ou économiste, ni même philosophe : il pense juste le Monde en poète. C'est-à-dire qu'il écrit mieux notre Monde tel qu'on le voit autour de nous. "Le monde se créolise, c’est-à-dire que les cultures du monde mises en contact de manière foudroyante et absolument consciente aujourd’hui les unes avec les autres se changent en s’échangeant à travers les heurts irrémissibles, des guerres sans pitié mais aussi des avancées de conscience et d’espoir". Comme la Terre-Patrie d'Edgar Morin, le Tout-Monde d'Edouard Glissant est nôtre et sera ce que nous en ferons. Il nous aidera encore à l'appréhender pour le rendre meilleur, avec ses "avancées de conscience et d’espoir"...

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* Dans une interview accordée à Isadora Dartial pour Mondomix, il précise sa pensée : "La différence que j’établis entre créolisation et métissage est que la créolisation s’applique uniquement aux cultures et que par conséquent, on ne peut absolument pas prévoir ce qu’elle va devenir. On ne peut pas prédire les résultats d’une créolisation tandis que le métissage, on le peut plus ou moins, il a un aspect mécanique alors qu’elle est imprévisible. Les cultures de créolisation ne sont pas forcément des cultures dans lesquelles on retrouve du créole car elle naissent là où des données du monde absolument hétérogène les unes par rapport aux autres, se rencontrent dans un lieu et dans un temps donné et qui, à une vitesse foudroyante, fabriquent une nouvelle donnée culturelle complexe et multiple".

Ailleurs encore : "La créolisation, c'est un métissage d'arts, ou de langages qui produit de l'inattendu. C'est une façon de se transformer de façon continue sans se perdre. C'est un espace où la dispersion permet de se rassembler, où les chocs de culture, la disharmonie, le désordre, l'interférence deviennent créateurs. C'est la création d'une culture ouverte et inextricable, qui bouscule l'uniformisation par les grandes centrales médiatiques et artistiques. Elle se fait dans tous les domaines, musiques, arts plastiques, littérature, cinéma, cuisine, à une allure vertigineuse…"

dimanche 6 février 2011

West Coast Theory, dans la manufacture du son

Sous-titré Behind the Hits, West Coast Theory est un documentaire de Maxime Giffard et Félix Tissier consacré à la manière dont sont composés et produits les morceaux de rap californien. Formidable voyage dans les entrailles de la bête que ce documentaire, idéal pour conclure cette semaine californienne ! A tous ceux qui ont kiffé sur les sons made in L.A. et aussi à tous ceux qui ont rejeté ce style, surtout à eux, je conseille de le voir. Contrairement aux critiques le ramenant à un truc vulgaire, violent et primaire, oubliant la musique pour se borner aux faits divers et préjugés, ce film démontrera le talent de ces musiciens et producteurs. Rappel préliminaire : la caractéristique du son West Coast, c'est le funk. Tout au long du film, c'est sa pulsation qui guide tous ses acteurs. Dans West Coast Theory, il n'est pas un instant question de gangsters, de viols, d'armes à feu, aucun cliché réducteur. Non, seule la musique et ses processus de créations intéressent ici les réalisateurs.


Nos deux french lascars emboîtent les pas de Richard "Segal" Huredia, l'ingé son de référence sur le créneau. C'est lui qui bossait sur The Chronic ! Avant cela, Dr. Dre, qui est considéré à L.A. comme leur Quincy Jones, avait "dans l'idée que son spectre sonore est trop restreint et que, s'il utilise des prises live, il pourra aller beaucoup plus loin. Dans son entourage, il a des ingés sons de l'époque de Death Row qui ne sont pas capables de passer au live et puis il y a un mexicain qui a une culture hip hop mais qui ne s'arrête pas là puisqu'il a dû enregistrer du Fleetwood Mac, du Steely Dan et ce genre de choses, c'est à dire la crème du son rock californien qui précède. 

Ce mec c'est Richard Segal Huredia qui sait enregistrer une guitare, une basse etc et qui, en plus, écoute du rap et sait comment faire sonner ça. Cette musicalité vient quelque fois d'un sample qu'ils rejouent, déjà parce que c'est moins cher mais aussi parce que ça rend le son beaucoup plus 'rond' et large". 



Figure charnière du film, le projet est d'abord né de sa rencontre. C'est autour de lui que s'articulent toutes les rencontres, c'est lui qui leur ouvrira les portes de ses collègues. Et ils sont nombreux ! Snoop, B Real, DJ Muggs, Blaqthoven, Fredwreck, Buba, Focus, Jelly Roll, Will.I.Am, Defari, Roger Lynn... Quelqu'un comme Snoop, malgré sa notoriété, tenait absolument à figurer dans le film, comme le confiaient Maxime Giffard et Félix Tissier, à l'Abcdr du Son. Après, on bascule dans une autre réalité : "Snoop, c'était une belle rencontre parce que j'avais l'impression d'être dans une tente de bédouin dans le désert. C'était une sorte de prince qui a un petit plateau d'argent sur lequel il roule ses joints. Quand t'as passé la barrière de sécurité, tu te rends compte que le mec est constamment sollicité pour une faveur. C'est presque féodal"...

Pour que tout le monde joue, enregistre, explique sa manière de faire, le son qu'il cherche, il fallait gagner leur confiance. "Ils étaient super touchés que des mecs viennent de loin pour leur parler d'autre chose que ce qui tournait autour de la mythologie West Coast, des clichés gangsta, des embrouilles, etc. L'interview était bien quand le mec avait l'impression que, pour une fois, il n'avait pas répété la même chose que d'habitude et qu'il n'a pas eu à se protéger en permanence parce qu'il était dans une posture faussement agressive.La plupart du temps, ces mecs là sont préséntés sous un air assez violent et c'était bien d'arriver chez eux à 11 h du matin, de les voir le sourire aux lèvres et content de nous recevoir. Après, ça passe aussi par rentrer dans l'univers d'un artiste. C'est typiquement le cas avec Fredwreck. Je pense que quand on le voit chez lui dans son pyjama, avec son narguilé, on comprend aussi des choses sur lui. Au-delà de l'interview, c'est important d'arriver à trouver de la vie".

Le film est riche en scènes mémorables. Ainsi quand Jelly Roll nous fait pénétrer dans ce qu'il appelle son "donjon", son studio, où il fait une démonstration sur l'art de créer un beat en ce qui semble deux coups de cuiller à pot mais représente des années de boulot.


Fredwreck qui explique comment étaient enregistrés les claps de Bootsy Collins pour qu'ils sonnent bien forts, ou qui nous fait un numéro de talk box, celle ayant appartenu à Roger "Zapp" Troutman qu'il a faite réparer. Ou encore Blaqthoven pianotant sur son clavier tout en jouant des filtres et des effets pour en moduler le son...

Ou encore le batteur Trevbeat, s'essayant à jouer des triples croches, expliquant à sa façon le concept de cercle socio-culturel, la boucle rétro-active inventée par Abraham Moles : "it takes a village to raise a child, it takes a village to make a song". Il faut un village pour élever un enfant, c'est pareil pour une chanson. Au sens où faire de la musique tout seul, c'est se priver de l'influence des autres, de la façon dont votre idée de départ sera modifiée et enrichie par les apports de chacun.

Rarement film aura été aussi didactique... pour comprendre les rouages, les maillons de la chaîne et, surtout, être dans le studio, assister à toutes les étapes de la création d'un morceau. De petites animations viennent résumer les choses et, sous leurs airs ludiques, permettent de comprendre ce milieu de manière synthétique...


Si tout le monde semble bien cool et détendu sous le soleil, la nostalgie affleure quand est évoquée la fermeture de tous les grands studios d'enregistrement, signe que l'âge d'or est envolé.

Dans cette longue interview accordée à l'Abcdr du Son, d'où sont extraites toutes nos citations, nos deux compères racontent leur périple, livrent des anecdotes sur le making of de leur film, ces anecdotes nous permettant d'être dans les coulisses des coulisses en quelque sorte. Ils donnent quelques conseils précieux, du style : "il faut éviter de fumer sur les joints de B-Real [Rires]. Notre cadreur se la jouait un peu en nous disant 'T'inquiète, je sais ce que c'est'. Il est d'origine guadeloupéenne et, après avoir tiré sur le joint de B-Real, il est quand même revenu vert fluo..."

On laisse aux réalisateurs le mot de la fin : "c'est très fréquent dans l'amateurat de critiquer ce que vont faire ces gars établis plutôt que de respecter leur boulot. Quand tu les vois travailler, tu comprends ce qui te sépare d'eux".