lundi 31 janvier 2011

Sofrito Tropical Disco, simplement pour réchauffer l'hiver

On a tellement pris l'habitude de voir des compilations thématiques et merveilleusement pointues qu'on est presque étonné de découvrir ce grand fourre-tout qu'est le mix festif de Sofrito Tropical Disco, sorti ces derniers jours chez Strut. Sur cette compilation, on trouvera aussi bien de la cumbia que de la soca, du soukouss ou du highlife, des morceaux anciens comme des tout récents. La seule cohérence est que tous les titres présents ici alimentent les fêtes organisées par Hugo Mendez et ses copains Frankie Francis et The Mighty Crime Minister. Leur seule vertu, et ce n'est pas la moindre, est qu'ils vont réchauffer notre hiver. Et quand on sait que les soirées Sofrito sont le plus souvent organisées dans des anciens entrepôts de l'East London, on se dit que ce n'est pas de trop pour y rendre la température supportable. La danse étant une énergie 100% renouvelable et 100% gratuite, c'est la meilleure source de chauffage possible et imaginable en pareilles circonstances. La danse n'aura besoin que d'un modeste bio-carburant : quelques rasades d'alcool...


Elément distinctif des divers projets Sofrito, affiches des soirées ou pochettes des compilations, le magnifique travail graphique de Lewis Heriz leur donnent une identité visuelle forte. Si son style vous semble familier, c'est peut-être parce que vous avez encore en tête les pochettes pour Seu Jorge & Almaz dont il est également l'auteur. A moins que vous n'ayez déjà vu celles des dernières compilations réalisées par le label Soundway, The Sound of Siam et Cartagena! ou quelques autres...

Hugo Mendez quant à lui est des représentants typiques de l'école anglaise du crate-digging tropical. Il s'était déjà fait remarqué il y a deux ans avec la compilation Tumbélé! : Biguine, afro & latin sounds from the French Caribbean, 1963-74, également paru chez Soundway. Qu'on ne s'étonne donc pas de retrouver sur la sélection Sofrito des titres originaires des Antilles francophones ! Ici, le Guyanais Dany Play et les Guadeloupéens des Nick Fair Stars fondés par Guy Fanfant, ou de Ti Céleste dont le morceau "Population Basse-Terrienne aux abois" est un des "tubes" Sofrito, joué à chaque soirée depuis leurs débuts, il y a cinq ans.

Le tout est réalisé sans prétention. La sélection ne prétend à rien d'autre qu'à donner envie de danser, sans chercher à jouer la carte du puriste. On brasse les styles et les époques, allègrement. Tout en prenant soin, par exemple, de réaliser spécialement pour les soirées des nouveaux pressages de vieux morceaux afin qu'ils sonnent aussi bien que d'autres plus récents. A signaler ici que le titre que leur a offert Quantic et son groupe Los Miticos del Ritmo grésille comme une vieux LP qu'aurait dégotté Mendez dans une des brocantes où il l'habitude de creuser son filon ! Côté moderne, mention spéciale à Frente Cumbiero et son "Pitchito", redoutable... Le genre de gars dont on risque fort de reparler ici un jour ou l'autre...

Petit rectificatif avant de conclure : un autre titre fétiche de Sofrito, joué dans toutes leurs soirées depuis les débuts, s'intitule "Je ne Bois pas Beaucoup", par les Ya Toupa du Zaïre... De cette invitation à la modération nous déduirons qu'au lieu de l'alcool, le carburant de la danse qui réchauffera votre hiver se trouve dans les seuls rythmes de cette sélection !



Pour en savoir plus, une interview de Hugo Mendez accordée à Wegofunk...

samedi 29 janvier 2011

A Tribe Called Quest, The Low End Theory : le jazz et l'abstraction (1991, 20 ans après)

"What is hip-hop if it doesn't have violence?"
Q-Tip, "What ?"

Pour inaugurer cette série rétrospective consacrée à des albums qui fêtent cette année leurs vingt ans, honneur à The Low End Theory. Pourquoi commencer par celui-ci alors qu'il n'est sorti qu'en septembre 1991 ? Pour la bonne et simple raison que c'est le seul que j'écoute encore régulièrement. Qu'il est le seul qui n'ait pas pris une ride, qu'il possède toujours la même fraîcheur... A la différence des autres que nous présenterons tout au long de 2011.


Avec The Low End Theory, Q-Tip et ses complices ouvraient une nouvelle perspective dans le rap. Mais ce qui est le plus révolutionnaire ici n'est pas tant ce que la presse avait relevé à l'époque, à savoir l'invention d'une sorte de jazz-rap, terme que réfutait Q-Tip, mais plutôt l'ouverture sur l'abstraction...

Comme par ailleurs le film de Michael Rapaport, Beats, Rhymes & Life: The Travels of A Tribe Called Quest,  le documentaire qu'il leur a consacré, est ces jours-ci en compétition au festival de Sundance, l'occasion était trop belle...

Revenons maintenant en 1991... Non, remontons même quelques mois de plus, jusqu'au jour où j'ai découvert la musique d'A Tribe Called Quest. C'était une soirée chez un couple d'amis. A un moment, j'entends ça. Flash ! Qu'est-ce que c'est que ce truc ? C'était People's Instinctive Travels and the Path of Rhythm... Je n'avais pas vu le disque qu'avait posé le pote sur sa platine, je ne voyais pas non plus la pochette... Et, tout de suite, de lui demander : "c'est qui ?"... Leur musique ne ressemblait à rien de ce que j'avais pu écouter. J'avais l'impression d'entendre un groupe jouer pour les accompagner... C'était la première fois que j'entendais des samples dont on ne voyait pas les coutures, si je puis dire... L'instrumentation était joyeusement exubérante, musicalement impressionnante. Et puis, il y avait cette ambiance, cool, décontractée, instaurée par le flow de Q-Tip. Ou la découverte qu'on pouvait rapper sans être véner et agressif. Q-Tip de sa voix nasillarde la jouait tranquille, à la tension il opposait le loose. Un truc balancé avec l'insouciance de gamins. Avec The Low End Theory (ou peut-être Son of Bazerk ou Done By The Forces of Nature des Jungle Brothers), c'est encore aujourd'hui mon disque de rap préféré, l'album qui a scellé mon attachement indéfectible au hip hop...

Pour rappeler en quelques mots le contexte, A Tribe Called Quest faisait partie du collectif des Native Tongues, où se retrouvaient les co-fondateurs Jungle Brothers, De La Soul, ou encore Queen Latifah et quelques autres. Ensemble, ils prolongeaient le message positif prôné par Afrika Bambaataa et la Zulu Nation. Comme lui, ils ouvraient leur horizon : leurs sources musicales couvraient un vaste horizon et ne se cantonnaient pas à un seul style, au hasard le funk... Ils s'inscrivaient également dans le courant afrocentriste très en vogue à cette époque... S'inspirant des travaux de l'égyptologue sénégalais Cheikh Anta Diop, l'Afrocentrisme cherchait à ré-évaluer l'influence culturelle et scientifique africaine dans l'Histoire mondiale. La pochette, superbe, où l'on découvre cette silhouette rayée aux couleurs vert, noir et rouge, prolonge cette influence puisque ces couleurs sont les symboles du Pan-Africanisme. Cette silhouette qui fait là sa première apparition deviendra le motif visuel du groupe sur ses albums suivants.

Après un premier album touffu, A Tribe Called Quest choisit cette fois-ci, à l'image de cette fameuse pochette, de privilégier le minimalisme. Des beats biens secs, des basses bien profondes, quelques samples*, et le duo à l'impeccable diction Q-Tip-Phife Dawg, très complémentaires. C'est aussi une des évolutions du groupe : la place que prend Phife, bien plus discret sur le premier album, essentiel et impeccable ici. De la formation originelle, si Jarobi ne participe pas à cet album, Ali Shaheed Muhammad est toujours aux manettes. Le groupe s'en tient aux stricts fondamentaux pour mieux poser sa patte. Aucun gadget, aucun artifice pour nous distraire de l'essentiel.  

Bass heavy... Le titre de l'album sonne justement comme un manifeste soulignant l'importance des basses dans le rap. Cette low end theory, ce sont les basses hyper-profondes que balançaient la beat-box Roland TR-808. Mais puisque Q-Tip est un garçon intelligent, ce titre est aussi polysémique. Selon lui, il contient un double sens : "ça fait aussi référence aux jeunes mâles noirs américains qui sont au fond du gouffre". Je vous avouerai qu'à l'époque, je m'interrogeais sur le sens de ce titre mystérieux, n'ayant pas tout de suite percuté le lien avec la 808. Pour moi, il y avait là une allusion coquine, à l'image des lettres du titre qui, sur la pochette, couraient en descendant le long du dos du personnage red black and green, pour déboucher jusqu'aux fesses, le low end désignant selon moi ce qui se trouve justement tout en bas du dos, avec ses promesses des plaisirs les plus fous... J'y voyais comme la réponse de Q-Tip à ce titre formidable, subtile manière de dire la montée du désir masculin, des compères de De La Soul : 3 Feet High and Rising ! Bon, j'avais tout faux au sujet de cette théorie de la fin basse mais je m'en réjouis : l'incompréhension fait travailler l'imagination et le sens inventé est parfois plus poétique que l'original...

Album dépouillé en même temps que complexe, The Low End Theory a été abondamment commenté par la presse à travers le prisme d'un détail en particulier : la participation de Ron Carter à un titre, "Verses from the Abstract", où il vient poser sa contrebasse. Qu'un musicien de jazz aussi prestigieux vienne enregistrer avec des gamins rappeurs était en soi un geste fort, cela conférait à ce style décrié une forme de légitimité esthétique. Même si c'était l'arbre qui cache la forêt de la grâce créatrice, c'est probablement cette présence qui incita les critiques à paresseusement  qualifier la musique du groupe de jazz-rap. Ce n'était peut-être pas la première tentative de collaboration entre musiciens de jazz avec des rappeurs, je n'ai plus les dates en tête, mais c'était assurément novateur. En même temps que réducteur... Car nombre de samples utilisés sur l'album viennent toujours du funk et pas uniquement du jazz. Mais les sons de contrebasse, même quand ce n'est pas Ron Carter qui joue, donnent effectivement une couleur jazzy à l'ensemble du disque...


Allons plus loin. Si The Low End Theory est novateur dans sa démarche : intégrer le jazz dans le rap, l'accent mis sur ce point dissimula une révolution plus grande encore. Q-Tip s'y proclamait Abstract Rapper. Certes, étant Muslim, il y a une référence religieuse à ce titre mais pas seulement... On ne prit pas suffisamment la mesure de cette rupture mais, en s'affirmant Abstract, il s'affranchissait de cet ancrage dans la réalité qui caractérisait le rap. Ou plus exactement de l'obligation de cet ancrage. L'abstraction, comme dans la peinture, est une révolution au cœur d'une histoire déjà riche. Par ce geste, le rappeur n'était plus limité à son quartier. Ce qui se perdait en street credibility ouvrait des perspectives infinies d'inspiration. Ni lui ni ses successeurs n'en ont d'ailleurs encore pleinement exploité les possibilités...

A ce titre, le morceau "What?", solo de Q-Tip en forme d'inventaire, d'une série de questions sans forcément de réponses, en est un belle démonstration, avec ses sons de clavinet pour la touche funky. Q-Tip, la fibre poétique en verve, alterne questions triviales, name-dropping et interrogations qui feraient de bons sujets de dissertation. Florilège :

"What is a poet? All balls, no cock"

"What is life if you don't have fun?
What is a what if you ain't got a gun?"

"What are the youth if they ain't rebellin?"

"What's America without greed and glamour?"

Sans oublier celle-ci, mise en exergue : "What is hip-hop if it doesn't have violence?", question dont la réponse pourrait définir A Tribe Called Quest... Et dans ce même "What?", le silence de 4 secondes qu'il pose (3'40"-3'44") s'il ne procède peut-être pas de la même démarche que le Carré Blanc sur Fond Blanc de Malévitch, est une audace qui s'entend !

En même temps que A Tribe Called Quest s'affirme par cette rupture avec le réalisme, s'autorise la légèreté et la poésie, la réalité sociale est présente, les textes de l'album sont bien plus ancrés dans le contexte de leur époque, l'humeur est plus sombre que sur People's Instinctive Travel and the Paths of Rhythm, l'insouciance  n'est plus de mise. Mais être conscient n'interdit pas d'être ludique. Et toujours de garder une foi inébranlable dans les vertus  du rythme et de la musique, ultime antidote aux rigueurs du monde : "The world is kinda cold and the rhythm is my blanket / Wrap yourself up in it".


En choisissant cette possibilité de l'abstraction, Q-Tip et ses collègues s'affranchissent donc du réalisme, et c'est peut-être leur seule manière d'asseoir leur légitimité. En effet, le rap en tant que témoignage des réalités du ghetto, les exclurait d'emblée. Les Native Tongues en général ne viennent pas de milieux défavorisés, ils assument tout à fait de n'être pas originaire du ghetto et de passer pour intellos. Comme le disait ?uestlove, fier que l'on décrive The Roots comme post-Native Tongues, de cette image, ils se sont faits un blason : "they wore it like a badge of honor". Pourquoi faudrait-il s'excuser d'être brillant ? Dans la continuité d'Afrika Bambaataa qui a sorti le hip hop de son quartier pour l'ouvrir sur l'universel, Q-Tip et les Native Tongues dépassent une autre limite...

Avec cet album sans concession, minimaliste et essentiel, A Tribe Called Quest décrocha un disque de platine... quatre ans après sa sortie, ce qui illustre bien la durée de vie d'un disque comme celui-là. Un succès  commercial rassurant qui prouve que la qualité peut aussi être récompensée. Deux ans plus tard, en 1993, Midnight Marauders sera du même tonneau.

Parce que nos lascars n'ont jamais oublié les vertus festives de la musique, The Low End Theory se conclut sur un véritable feu d'artifice, "Scenario", où les Leaders of the New School viennent donner de la voix, à la manière de ces morceaux où les Native Tongues se retrouvaient sur les albums de l'un ou de l'autre. Irrésistible, chacun dégoupille sa grenade, jusqu'au bouquet final quand Busta Rhymes se met de la partie, énorme, aboyeur déchaîné, grand malade, chaud bouillant sur le micro, rugissant comme un dragon captif : "RRRRRROAW RRRRRRROAW like a dungeon dragon". Mythique. Et le morceau et l'album se concluent sur cette intervention, d'ailleurs qui pourrait bien passer derrière ? Faut-il avoir la classe pour laisser le mot de la fin à un autre que soi ?


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* Tous les samples sont cités, est-ce la conséquence du litige sur leur premier album quand  "Lou Reed avait empoché l'intégralité des droits d'auteur de "Can I Kick It ?", parce que "Walk on the Wild Side" y était samplé, l'intégralité des droits alors que ce sample n'est qu'un élément, certes reconnaissable et justement délibérément reconnaissable, du morceau ? On ne peut s'empêcher de penser que Lou Reed a été particulièrement rat sur un coup comme celui-là mais, comme tant d'autres, il a simplement la loi pour lui. Et Stevie Wonder, qu'a-t-il demandé pour la citation samplée de "Sir Duke" sur "Footprints" ?

La liste complète des samples utilisés pour l'album figure sur la page Wikipédia lui étant consacrée...

mercredi 26 janvier 2011

1991 : il y a vingt ans, une nouvelle génération...

Il y a vingt ans... Sans être passéiste, il est de coutume chaque année de se retourner sur le passé, de commémorer, c'est-à-dire partager des souvenirs... Et vingt ans est la première échéance qui compte vraiment.

Il y a vingt ans donc, 1991 fut une année particulièrement riche au niveau musical. Un cru exceptionnel, 1991. Rétrospectivement, ce qui est le plus frappant, c'est que tant d'artistes et de groupes aient sorti leur premier album cette année-là, tant de pistes s'ouvraient qu'il faudrait ensuite explorer... Pour fêter les vingt ans de ces albums fantastiques, tout au long de l'année, le Dr. Funkathus en exhumera quelques uns de sa discothèque. Albums que j'ai tous acheté en vinyle dès leur sortie, à une époque où je m'obstinais et refusais encore le passage au CD ! Aujourd'hui, nous nous contenterons de citer ces albums pour que vous réalisiez l'ampleur de la chose parce que, comme ça, à vue de nez, 1991, ça n'évoque rien de particulier...

Il y a vingt ans... A côté de tous ces groupes qui sortaient leur premier disque, A Tribe Called Quest faisait presque figure de vétéran puisqu'il sortait son deuxième album, The Low End Theory, encore indémodable et sans une ride aujourd'hui. La critique eut vite fait de lui coller l'étiquette de jazz-rap, une appréciation paresseuse qui ne décrit qu'à moitié le projet et qui fut rejetée par Q-Tip, figure de proue du groupe.

Outre-Manche, 1991 fut aussi une riche année. S'il n'existait pas une véritable scène rap britannique, l'influence du hip hop donnait naissance à deux styles musicaux distincts le trip hop et l'acid jazz. Certes, on sait que les noms de ces styles sont parfois contestables, fruit de l'imagination d'un critique, que la porosité de leurs frontières est avérée, y compris entre les deux genres cités ici. L'incubation peut prendre quelques années, les groupes être à cheval entre plusieurs genres, ne pas se reconnaître dans l'étiquette qu'on leur pose, il n'empêche, avec le recul et quelque arbitraire, on pourra considérer qu'en 1991 deux groupes qui sortirent leur premier album furent les ambassadeurs d'un genre émergent, qui peut-être ne portait même pas encore de nom...

En 1991, Massive Attack sortait son premier album, Blue Lines, où la variété des voix trouvait un écrin propice à la flânerie, et se posait sur des rythmiques downtempo qui donnaient son homogénéité  à l'ensemble. Un album qui allait devenir représentatif de ce que la presse appela le trip hop.

Simultanément, Galliano sortait In Pursuit of the 13th Note, encore un premier album, et lançait la vague de l'acid jazz, concept inventé opportunément par Gilles Peterson et qui était incarné par les groupes signés sur son propre label Talking Loud, Galliano mais aussi les Young Disciples la même année.

En France, certains albums sortis cette année-là ne méritent peut-être pas de figurer dans des anthologies de la musique du XXe siècle mais sont eux aussi des bornes historiques. Ainsi, le rap français encore émergent et embryonnaire quelques mois auparavant, balançait deux bombes  coup sur coup : les premiers albums d'IAM et du Suprême NTM. IAM et NTM qui demeurent, vingt ans après,  les deux plus grands groupes qu'ait connu le rap français. Toujours en 1991, pour bien marquer sa différence, un troisième larron inventait une autre façon de poser ses mots sur le tempo, plus ludique, MC Solaar...

Toujours en France, en marge du Mouv', un revival funk s'était développé. Issu de ce microcosme, Malka Family et la FFF sortirent également leur premier album en 1991. Même si On The Beach et Blast Culture témoignaient de la difficulté à retranscrire sur disque l'enthousiasme de la scène, ces deux albums furent pour moi des disques fétiches en leur temps, fréquemment écoutés entre deux de leurs concerts.

Tous n'ont pas la même importance, je le concède. The Low End Theory, Blue Lines et, à un degré moindre, In Pursuit of the 13th Note, sont des jalons incontournables. Ramené au contexte français, les débuts d'IAM et NTM posèrent les bases du rap hexagonal et méritent donc cette considération. Tout au long de cette année 2011, ils seront l'objet d'une rétrospective. Le plus frappant est que tous ces groupes aient signé leur premier album cette même année. Si certains ont pris un sacré coup de vieux, tous, en leur temps, ouvrirent des pistes. Vingt ans,  pour nous aussi, ça fiche un sacré coup de vieux...


mardi 25 janvier 2011

"Levels", le nouveau clip de Bilal réalisé par Flying Lotus

Bilal vient de sortir un nouveau clip pour illustrer son morceau "Levels", extrait de l'album Airtight's Revenge. On y retrouve en figurants de luxe Erykah Badu et Shafiq Husayn et, pour l'occasion, Flying Lotus fait ses débuts de réalisateur.


Il y a quelques semaines, nous avions mis en ligne une vidéo de Flying Lotus qui illustrait son morceau "MmmHmm". Nous retrouvons ici le même univers visuel appliqué à la musique de Bilal. Thundercat, le bassiste déguisé en chef indien qui figurait déjà dans "MmmHmm", est encore de la partie. C'est  d'ailleurs lui qui avait branché Flying Lotus sur les vieux albums de George Duke, au point que le neveu d'Alice Coltrane en reconnaissait l'influence sur Cosmogramma. Détail qui m'avait échappé mais qui m'a incité depuis à réécouter The Aura Will Prevail (1975) et même à l'apprécier comme jamais auparavant, comme quoi... Et qui semble manifeste (dès lors qu'on le sait !) sur un titre comme "MmmHmm".


"A l'origine, je voulais garder les mêmes thèmes visuels que sur "MmmHmm", explique Flying Lotus, cette autre vidéo tirée de mon dernier album. Thundercat y apparaissait en bassiste inter-galactique, dans un monde très étrange créé par Special Problems. Comme Thundercat participait également à cette chanson, j'ai pensé que ce serait amusant de continuer dans le même style visuel et dans cette ambiance de space opera. A la fin, vous avez cette vidéo complètement dingue qui mêle les genres, des rêves de geek et beaucoup d'amour".

Avec les mêmes effets spéciaux toujours réalisés par Special Problems, "Levels", comme "MmmHmm", ressemble donc à une boule à neige psychédélique. Je dis "psychédélique" parce que si je parlais de peplum épique dans une boule à neige, tout de suite ça ferait péjoratif. Tandis que "psychédélique", vous comprendrez bien que, même sans abusez pas de substances psychotropes, les affrontements des dieux au sommet d'un Mont Olympe, ou carrément perchés dans l'outer space, pourraient ressembler à ça si vous aviez... consommé. Et peut-être que si vous écoutiez le remix qu'en a proposé Flying Lotus, l'effet serait encore plus saisissant.

Si nous évoquions récemment le "syndrome D'angelo", Bilal en a probablement été lui aussi victime. Pour des raisons plus communes, du type divergences de vue avec son label. Après 1st Born Second en 2001, qui laissait entrevoir une carrière phénoménale portée par une voix sublime, il aura en effet fallu attendre neuf ans pour qu'une suite voit le jour !



lundi 24 janvier 2011

Les Bourgeons de janvier

Vous voyez ce que je vois ?


Malgré le froid, sous un magnifique ciel bleu, tout ensoleillé, j'ai aperçu hier matin les premiers bourgeons. Précoces bourgeons de la fin janvier. Il y a encore loin jusqu'au printemps, plus loin encore jusqu'aux abricots... Allez, patience...

dimanche 23 janvier 2011

João Ubaldo Ribeiro : les 70 ans d'un "immortel"

Quel effet cela peut-il faire d'avoir soixante-dix ans si on est déjà immortel ? C'est peut-être la question que se pose aujourd'hui João Ubaldo Ribeiro alors qu'il fête son anniversaire sur son île natale d'Itaparica, juste en face de Salvador. L'écrivain bahianais est en effet membre de l'Académie Brésilienne des Lettres. Cela mérite-t-il vraiment que j'y consacre quelques lignes ? L'événement en lui-même ne présente effectivement aucun intérêt. Mais je l'ai vu annoncé dans la revue Muito, supplément hebdomadaire du quotidien A Tarde et j'en fais un prétexte pour dire deux mots d'un auteur dont j'ai aimé les romans que j'ai lu.


Adoubé par Jorge Amado qui voyait en lui son successeur, Ubaldo a obtenu la reconnaissance dont peut rêver tout écrivain. Etre membre de l'académie pourrait être le sommet de cette reconnaissance si Paulo Coelho n'y siégeait pas déjà, ce qui minore considérablement la valeur de cette élection. Bon... Par contre, l'obtention en 2008 du Prix Camõens qui "récompense annuellement un auteur de langue portugaise qui, par la valeur intrinsèque de son œuvre, a contribué à l'enrichissement du patrimoine littéraire et culturel de la langue commune", ça, ça pourrait être considéré comme une forme de consécration, surtout si on succède à Antonio Lobo Antunes !

A-t-il seulement suivi le conseil de Jorge Amado qui disait, il y a une quinzaine d'années, "s'il arrête l'alcool et les cigarettes, João Ubaldo Ribeiro peut devenir un des très grands écrivains brésiliens d'aujourd'hui" ? Mon ami Juremir Machado da Silva, dès que j'évoquais Ubaldo, s'amusait à me parler de son alcoolisme notoire et pittoresque. Un article de Muito paru l'an passé pour son centième numéro laissait entendre qu'il s'était sérieusement calmé. Son œuvre s'en trouvera-t-elle stimulée ? Mais celui qui était surnommé le "Rabelais tropical" par Jorge Amado ne risque-t-il pas, au contraire, d'y perdre en naturel ce qu'il gagnera en fraîcheur ?

C'est un auteur à découvrir. En attendant la traduction de L'Albatros Bleu (O Albatroz Azul), son dernier roman, plusieurs de ses livres sont disponibles en français. Je n'ai pas encore lu sa grande fresque Vive le Peuple Brésilien, le premier de ses romans que j'ai découvert était Le Sourire du Lézard, sorte d'Île du Dr. Moreau transposée sur une île brésilienne. Comme dans le roman de Wells, des expériences mystérieuses s'y déroulent. Mais au-delà de l'intrigue très prenante que je ne vous dévoilerai pas, l'humour parfois cruel d'Ubaldo s'en donne à cœur joie pour martyriser ses personnages, notamment celui qui n'arrête pas de "faire flanelle" à force de trop prendre de cocaïne. J'ai ensuite lu deux autres romans, écrits sous la forme de monologues, Sergent Getùlio et Ô Luxure.

Sergent Gétulio, écrit en 1971, est son deuxième roman. Il raconte le périple de ce Sergent à travers les villages du sertão alors qu'il escorte un prisonnier qu'il est chargé de livrer. Mais lui-même n'est qu'un larbin qui se retrouvera pris au piège... Le texte n'est donc que le monologue halluciné de Gétulio, jusqu'à son dernier souffle.

Changement de milieu social avec Ô Luxure. La forme est toujours celle du monologue mais ici, c'est le récit d'une femme mûre, née dans une famille bourgeoise, qui raconte sa vie de plaisirs. Certes loin d'être son roman le plus accompli, on s'amuse à lire cet itinéraire d'une femme libre apprenant comment jouir le plus intensément de la vie et philosophant sur les plaisirs de la chair. "L'histoire de ma vie, ah, mon histoire, si riche, si courte. Vittorio Gassman avait raison, dans un entretien que j'ai vu à la télé : nous devrions avoir deux vies, une pour répéter notre rôle, l'autre pour le jouer sérieusement".

Dans cette histoire de vie qui propose un voyage en quête de l'amour sous toutes ses latitudes, international, les Américains sont moqués : "ces Américains c'était de la crotte de bique, quoique sympathiques et jolis garçons, mais nuls question baise, et la plupart, quand ils voulaient dire un gros mot, lâchaient un God ou un Jesus. (...) Ils ne pouvaient pas baisouiller sans dire oh God, oh God", quand les Portugaises y sont flattées. "Les Portugaises ne sont pas avares de leur derrière, ou du moins ne l'étaient pas, par souci de préserver la sacro-sainte virginité vaginale, comme chez nous. (...) Je suppose qu'un homme n'entendra plus jamais la question qu'un de mes amis a écoutée stupéfait, après avoir assuré gaillardement le premier coup avec une ravissante Portugaise, lui qui avant de passer à l'acte avait eu peur de ne pas représenter dignement le Brésil. Il m'a raconté que, comblé et rassuré question trique, il était en train de fumer la traditionnelle cigarette post coitum, quand la belle l'a regardé et lui a dit : 'et mon cul, tu t'y pointes ?' Fantastique il s'est exclamé, émouvant. Et il a remis le couvert comme elle demandait, c'était vraiment épatant, il a ajouté".

Comme je le disais, ce n'est pas son livre le plus ambitieux mais les considérations philosophico-grivoises de la dame sont, ma foi, fort plaisantes à lire. Pour quelque chose de plus consistant, attaquez plutôt l'œuvre d'Ubaldo par Le Sourire du Lézard où les questions de bio-éthique sont au cœur d'une intrigue envoûtante et inquiétante à souhait.

Comme tous les étés brésiliens, Ubaldo quitte Rio où il vit depuis des années, pour rejoindre son île natale d'Itaparica, où il s'installe dans la maison de famille, au fond sur la photo... 


Même si ses vœux diffèrent de ceux des insulaires à l'année, s'il s'oppose par exemple à ce qu'un pont relie Itaparica au continent quand les intérêts économiques le commanderait pourtant, il est un ambassadeur fervent de son île malgré l'éloignement. "Itaparica e João Ubaldo são sinônimos". Itaparica dont l'évocation me rappelle des journées délicieuses. Peut-être que votre anniversaire, monsieur l'Immortel, n'était finalement que l'occasion rêvée pour laisser libre cours aux souvenirs de sensations bahianaises, pas seulement de paysages, d'anecdotes mais de sensations, ce qui est le plus difficile à retrouver mais qui surgit parfois à l'improviste. Sans rien en laisser paraître, en écrivant ces quelques lignes, ces sensations étaient bel et bien là, comme une brève évasion au cœur de l'hiver. Alors joyeuse fête, qu'elle soit sobre comme celle d'un repentant, ou arrosée comme celle d'un Rabelais tropical...

vendredi 21 janvier 2011

Le "Blaisil" de Cendrars

"La sérénité ne peut être atteinte que par un esprit désespéré 
et pour être désespéré, il faut avoir beaucoup vécu 
et aimer encore le monde"
Blaise Cendrars

Aujourd'hui marque le cinquantenaire de la mort de Blaise Cendrars, survenue le 21 janvier 1961. Même sans être un grand lecteur de son œuvre, nous profitons de cette date anniversaire pour évoquer cet écrivain atypique, qui n'aura jamais séparé sa vie de l'écriture et qui, dès la jeunesse, portait en lui l'écriture. Agé seulement d'une vingtaine d'années, il déclarait avec aplomb : "je me rendrai célèbre par un mauvais coup ou par l'écriture".

Quand vous étudiez Cendrars au cours de votre scolarité, l'homme impressionne, fait un peu peur : on vous apprend qu'il a perdu son bras droit pendant la guerre de 1914-18. Vous découvrez qu'il était tout le contraire d'un "salonard", plutôt du genre dur à cuire, un de ces écrivains voyageurs. Et la fascination qu'il exerce encore aujourd'hui, le respect qu'il inspire tient à cette sincérité, ce type-là, vous le sentez bien, ne trichait pas, qui disait : "je ne trempe pas ma plume dans un encrier, mais dans la vie". Bon, je concède aux cyniques, ça sonne bien mais c'est un peu grandiloquent... Il n'empêche, il a vraiment bourlingué et si nous lui consacrons ces quelques lignes, c'est aussi en raison de son amour du Brésil.

Le Brésil, il le découvre en 1924, invité par Oswald de Andrade, l'auteur du très fameux Manifesto Antropófago, qui estimait que la poésie de Cendrars était une source d'inspiration pour le Modernisme brésilien. Et pourtant, Cendrars faillit être refoulé à la douane, au motif que le Brésil n'avait pas besoin de handicapé et qu'il lui manquait un bras ! L'intervention de son ami Paulo Prado dénoua cet imbroglio ridicule mais qui témoigne des tracas qu'infligeaient, déjà à cette époque, la bureaucratie et l'administration brésiliennes. Il en aurait fallu plus que ça pour déstabiliser Cendrars, n'a-t-il pas choisi ce nom pour symboliser sa renaissance, celui qui comme un phénix renaît de ses cendres ? Cendres sous lesquelles brûle encore la braise...

Ses amis, pour dire son attachement au Brésil, le surnommaient "Blaisil".  Il visita le pays, découvrit fasciné les très célèbres œuvres d'Aleijadinho, et fut encore plus fasciné d'apprendre qu'il réalisa ces sculptures malgré la lèpre qui lui avait déjà rongé les membres. Il entreprit même de lui consacrer un livre, resté inachevé...

En lisant Le Brésil. Des Hommes sont venus, publié en 1952, on se fait cependant la remarque : heureusement que Cendrars n'était pas urbaniste car sa vision et ses projets auraient peut-être défigurée la baie de Rio !

"Je suis peut-être le seul de mon avis, mais je trouve les gratte-ciel de Rio beaucoup trop petits et pas à l'échelle du tout d'un site aussi grandiose. Dans le décor du Corcovado, du Pain de Sucre, de la Gavéa, de la chaîne des Orgues, du Doigt de Dieu on pourrait construire des gratte ciels de 1 000 étages sans déparer le paysage. (Je connais des photographies où cette capitale de deux millions d'habitants se cache derrière les mornes, on ne voit pas une maison.)".


Si ce petit livre tient du carnet de voyages, avec les commentaires qu'il associe aux photos de Jean Manzon, il est aussi pour Cendrars une occasion de revisiter en poète l'origine du Brésil...

"Des Hommes sont venus chassés par la tempête...
Des hommes sont sortis de la mer...
Des hommes sont venus...
Des Blancs.
Des Portugais.
"Croissez et multipliez", dit l'Ecriture.
Autrement : Débrouillez-vous !...
C'est ce qu'ils ont fait."

Et de "ce qu'ils ont fait", Cendrars, comme nombre de visiteurs qui découvrent le pays, est fasciné. Frappé par le mélange des peuples et des races. Et, comme tant d'autres, ils voit sortir de ce peuple, un homme d'avenir. En écrivant Le Brésil. Des Hommes sont venus, pour dire son amour du peuple brésilien dans toute sa diversité, il revient sur cette représentation trompeuse du Brésil comme Paradis terrestre aux paysages si fabuleux.

"Non, il n'y a pas de paradis possible hors la présence de l'homme, et l'homme est un loup pour l'homme.

Mais j'aime l'homme. Le Rouge. Le Blanc. Le Noir. L'homme brésilien d'aujourd'hui en qui tous les sangs se marient : le caboclo, le sertanejo, le jagunço, le catingueiro, le tabaréa, le caipira, le mamaluco, le mulato, le cafuso, le zembo, le parob, le carioca, le Blanc de Rio de janeiro, la capitale prestigieuse, et le paulista, le natif de Sao Paulo, qui a fait l'unité du pays en le compénétrant, puis sa richesse en le débroussant.

Ces noms ne vous disent rien ?

Ce ne sont pas seulement les appellations des nuances variées dans la coloration de la peau, mais des types d'homme en pleine évolution mentale, donc d'habitat.

L'Homme Nouveau.

Le Brésilien."

Pendant longtemps, pourtant, cette vision a tenu du mythe. Ce Brésil, Terre d'Avenir également décrit par Stephan Zweig, n'était pas autre chose qu'un horizon et un horizon, vous le savez bien, est cette ligne qui s'éloigne à mesure que l'on s'en approche. Seulement aujourd'hui, peut-être, le Brésil a-t-il rattrapé son horizon, alors qu'à l'inverse nous avons dépassé le nôtre et qu'il s'éloigne loin derrière nous. Certainement que le Brésil d'aujourd'hui plairait toujours à Blaise Cendrars. La France ? C'est moins sûr...

jeudi 20 janvier 2011

Kanye West remporte le Pazz & Jop 2010

Le Village Voice vient de publier les résultats du 38ème Pazz & Jop. Derrière ce terme devenu familier de ses lecteurs, le magazine new-yorkais propose son classement des meilleurs albums et singles de l'année. A la différence, des classement proposés habituellement par leurs confrères, en général le fruit des préférences de la rédaction et celle des lecteurs, le Pazz & Jop est une véritable élection. En effet, près de 800 critiques sont généralement invités à donner leur liste d'albums et singles préférés. Parmi eux, figure toujours le légendaire Robert Christgau qui organisa l'événement pendant plus de trente ans. Ce nombre incroyable de votants permet à ce palmarès d'établir de manière assez représentative le bilan définitif de l'année passée. Pour mesurer l'ampleur de ce classement, sachez par exemple que cette années 1839 albums ont recueilli des voix !

And the Winner is... 

Dans la catégorie Albums, le lauréat est Kanye West pour My Beautiful Dark Fantasy...


Pour info, le Top 5 :

1. Kanye West, My Beautiful Dark Fantasy (3250 points)
2. LCD Soundsystem, This is Happening (1634 points)
3. Arcade Fire, The Suburbs (1559 points)
4. Janelle Monáe, The ArchAndroid (1448 points)
5. Vampire Weekend, Contra (1295 points)

Pour comprendre le mode de comptage des points, il faut savoir que chaque critique dispose de 100 points à distribuer entre les dix albums qu'il aura choisi et s'il le souhaite, plutôt que de donner 10 à chacun, il pourra attribuer à un album 30 points maximum et 5 minimum.

En plaçant à la première place des albums My Beautiful Dark Fantasy, Kanye West rejoint le recordman Bob Dylan  des titres Pazz & Jop, le seul qui l'ait jusqu'alors remporté trois fois. Il égalise donc ce record après que The College Dropout en 2004 et Late Registration en 2005 aient été élus albums de l'année.


Dans la catégorie Singles, le lauréat est Cee Lo Green avec "Fuck You!"

Le Top 5 :

1. Cee Lo Green, "Fuck You!"
2. Janelle Monáe, "Tightrope"
3. Robyn, "Dancing on my Own"
4. Kanye West, "Runaway"
5. Kanye West, "Power"


Même si le nombre considérable de votants confère à ce palmarès des allures démocratiques, rien ne dit que leurs goûts correspondent aux vôtres... Pour le fun, je me suis amusé à chercher la place de mon Top 9 dans le classement du Pazz & Jop, pour arriver à ceci :

1. Janelle Monáe, The ArchAndroid..............4ème
2. Carlinhos Brown, Diminuto + Adobró......absent du classement
3. Gonjasufi, A Sufi and A Killer.................58ème
4. Seu Jorge & Almaz.........................absent du classement
5. Galactic, Ya-Ka-May..............................176ème
6. Trombone Shorty, Backatown.................424ème
7. Of Montreal, False Priest.......................437ème
8. Chucho Valdes, Chucho's Steps...............absent du classement
9. Madlib, pour l'ensemble de son œuvre de 2010... 585ème

On peut comprendre que Carlinhos Brown ne figure pas dans les Pazz & Jop 2010, ses albums n'étant pas encore sortis hors du Brésil. Curieusement, par contre, pas trace de Seu Jorge alors que son disque avec Almaz est sorti sur le label californien Now Again Records, distribué par Stones Throw ! En fait, hormis celui de Janelle Monáe, aucun de mes albums préférés n'occupe une place significative... Ce qui, comme je le laissais entendre, montre qu'on ne partage pas forcément les goûts du plus grand nombre. Si vous avez du temps à perdre, amusez-vous à repérer où se classent les albums de votre propre liste...


mercredi 19 janvier 2011

Hommage à Zani Diabaté, le "Jimi" malien

Avec deux semaines de retard, nous voudrions rendre hommage à un artiste majeur de la musique malienne : Zani Diabaté, décédé le 4 janvier. J'avais d'abord cru à sa mort en décembre, quand le blog World Service annonça la perte de ce grand musicien. Avant de rectifier dans la foulée : Zani n'était pas mort mais dans le coma, victime d'une attaque alors qu'il enregistrait à Paris avec son fils. Finalement, après quelques semaines, cet accident vasculaire cérébral l'emportait. 

Ce n'est jamais amusant de se livrer à un exercice nécrologique et je m'en dispense, à moins qu'il ne s'agisse d'un artiste qui me soit cher. C'est le cas avec Zani Diabaté alors que je ne possède pourtant qu'un seul de ses albums. Un album qui avait été choisi par le magazine Vibrations pour figurer au palmarès de leurs 50 albums d'anthologie de la musique africaine. Choix subjectif mais que je partage. Cet album mérite assurément de faire partie d'une telle liste. Même s'il n'a jamais eu la notoriété de certains de ses compatriotes, Zani Diabaté était un musicien reconnu, tradi-moderne à sa façon. Né en 1949, il commença sa carrière comme danseur et musicien au sein du Ballet National du Mali. S'il fonda en 1969 le Super Djata Band, il continuera à collaborer régulièrement avec le Ballet. Toujours dans l'univers de la danse, en 1990, il participera à la création d'Antigone avec Mathilde Monnier, à Brest. Le Super Djata Band est devenu une référence au Mali, un groupe représentatif de la volonté de conjuguer la tradition au présent et en intégrant des influences internationales. Influences qui se remarque dans les instruments adoptés : outre les percussions typiquement mandingues, on remarquera la présence de timbales et congas afro-cubaines, ainsi qu'une batterie. Et il y a bien sûr la guitare électrique de Zani, virevoltante sur les gammes pentatoniques.

Surnommé le "Jimi Hendrix malien", il est effectivement un véritable guitar hero. Si, parmi les guitaristes maliens, on a beaucoup entendu parler de Djelimady Tounkara ces dernières années, Zani Diabaté mériterait un peu plus de considération, même posthume, tant il fut considéré par beaucoup comme une influence décisive dans la maturation de leur style.

Je ne possède qu'un seul album mais je l'ai beaucoup écouté à sa sortie, en 1988*. J'ignorais qui était Zani Diabaté lorsque j'ai acheté le disque mais la pochette m'avait attiré et me semblait la promesse d'une musique d'aussi bonne tenue que l'image. 


Et j'ai flashé dès que la première écoute. Le surnom de "Jimi Hendrix malien" n'était pas incongru. Même si on aurait aussi bien pu citer Santana, dont on pourrait soupçonner quelque influence dans le son. Un guitar hero en tout cas. Du genre qui n'en fait jamais trop, toujours au service de la musique plutôt qu'à s'autoriser des morceaux de bravoures. Pour moi qui découvrait alors les musiques africaines, c'était même assez surprenant d'entendre jouer ainsi de la guitare électrique dans pareil contexte. Mais, surtout,  à la différence de nombreuses productions de cette époque, la musique du Super Djata Band ne concédait pas une once de territoire aux synthés qui faisaient des ravages en ces années quatre-vingt. Ces synthés étaient même un élément distinctif de la world music, concept lancé quelques années plus tôt afin d'offrir plus de visibilités aux musiques caribéennes et africaines en leur attribuant un bac commun chez le disquaire. Intention louable mais qui, très vite, a noyé ces tentatives de rendre accessibles au public occidental les musiques du reste du Monde, dans une soupe indigeste. Des rythmiques bien carrées et bien lourdes plutôt que la finesse et la complexité des originaux et ces fameux synthés qui ont fichu en l'air des tonnes de production. Le mal était d'ailleurs général, pas simplement cantonné à la world, funk et rock compris. Je sais que ces sons 80's sont revenus en force à la mode mais, personnellement, ils me sont très souvent insupportables.

Fondé par Chris Blackwell, Mango, le label qui sortit l'album, était pourtant la branche dédiée à la world au sein du groupe Island. Mais nulle trace de ce qui encombrait le son des collègues. Zani Diabaté & The Super Djata Band est un album sans un poil de graisse, tendu, construit autour des percussions et de la guitare lead de Zani et portés par des chants allumés.

Ce n'est pas exactement ce que l'on considère comme de la musique de danse mais, les années qui suivirent son acquisition, le disque a été trimballé de fête en fête. A cette époque, quand on n'imaginait pas un instant qu'on puisse un jour transporter sa musique sur un iPod ou une clé USB, outre les cassettes de compilations minutieusement enregistrées à la maison, on n'hésitait pas à se déplacer avec son sac de vinyles. Et Zani était souvent dans le lot. Bon, je dois bien concéder avec le recul qu'il n'était pas exactement un floor filler et qu'il ne fallait pas compter sur lui pour réveiller une fête désertée par les danseurs mais, au moins, il chauffait bien les quelques survivants sur la piste. J'ai ainsi le souvenir de danses endiablées et improbables, probablement ridicules, entre l'umbigada et le limbo, chose que seule m'autorisait la souplesse insolente de mes vingt ans, mais qui ne ressemblaient en rien aux pas et figures originales. Sur "Djegnogo Djougou" ou"Farima", par exemple, combien de fois s'est-on emballés et déchaînés !

Si vous voulez autre chose que ce genre d'anecdotes personnelles, le blog World Service s'avère la meilleure source que je connaisse pour découvrir Zani Diabaté. L'auteur est un véritable spécialiste des musiques africaines et un ami personnel de Zani. D'où une certaine émotion qui affleure dans ses hommages. C'est là que j'ai emprunté les photos qui illustrent ce message... D'autres témoignages de personnes l'ayant côtoyé insistent également sur la modestie et l'hospitalité de Zani. Du côté de la presse française, il n'y a guère que les journaux bretons qui aient repris la triste nouvelle de sa mort. En effet, il semblait avoir noué des amitiés fortes en Bretagne depuis qu'il était devenu le parrain du festival du Bout du Monde en 1990.

Et cet hommage ne serait pas complet sans quelques images animées. Là encore, c'est à World Service que j'ai emprunté les trois vidéos que voici. J'en profite pour souligner une fois de plus combien est précieuse pareille contribution, vraiment le plus bel hommage à Zani Diabaté que j'ai trouvé sur la toile. Dans le tribute publié en son honneur, vous pourrez également trouver des titres rares et inédits que vous ne trouverez nulle part ailleurs, y compris des titres enregistrés par l'auteur lui-même dans un cadre informel.

Dans l'une, extraite d'un programme de la télévision malienne du début des années quatre-vingt, on voit un Zani Diabaté de plus en plus intenable, sautant tout en jouant de la guitare.  Histoire de rappeler que ce "petit homme tout sourire, capable de faire des saltos arrières sur scène avec un djembé entre les jambes" (Ouest-France) était également danseur.


Les deux autres sont des versions de "Facia" et "Djegnogo Djougou", interprétées sur scène à Angoulême, en 1984, à l'occasion de leur toute première date européenne.




Si vous souhaitez découvrir cet album désormais épuisé, vous pouvez suivre le lien ci-dessous :
Zani Diabaté & The Super Djata Band (1985) en mp3 320 kbps (vinyl rip) sur Global Groovers, blog de référence sur les musiques africaines... Il ne vous restera plus qu'à pousser les chaises et monter le son pour constater que la musique de Zani Diabaté n'a pas pris une ride ni perdu en intensité...
 
_____________________________

* Pour être tout à fait précis, l'album était en fait sorti en 2005 sur le label Milady Music, avant d'être réédité par Mango en 1988. Détail que j'ignorais à l'époque où j'achetais le disque.


mardi 18 janvier 2011

Quand Miles Davis testait les abdos de Roy Ayers d'un direct au foie

Le début de l'année est toujours le moment où l'on prend de bonnes résolutions. A moins que janvier ne soit la session de rattrapage des bonnes résolutions de septembre qui n'ont pas été tenues. Ce qui est mon cas.

Si j'avais suivi mes résolutions de septembre, je serais à l'heure actuelle super-affûté physiquement. Donc, sur ma liste de ce début d'année, figure en premier chef la reprise de l'exercice, aller courir, faire des pompes, des abdos. Juste histoire de se sentir plus tonique car, on l'a vu hier, l'obsession des tablettes de chocolat peut avoir des effets désastreux. Très chèrement payée par D'Angelo.

C'est en ayant à l'esprit cette résolution en attente de passage à l'acte que je lisais, il y a quelques jours sur le site de Vibrations, la liste de disques essentiels qu'emmènerait Roy Ayers sur une île déserte. A la première place, Kind of Blue. Miles Davis est son idole. Même si Miles ne l'a jamais sollicité pour jouer avec lui, les deux hommes se connaissaient et se croisaient régulièrement. Herbie Hancock le mit en garde sur une manie très particulière de Miles...

"Miles est l’un de mes héros, la quintessence du cool. Il n’essayait pas d’être cool. Il l’était par nature. J’ai toujours rêvé de jouer avec lui, mais malheureusement, il ne m’a jamais appelé. On se connaissait pourtant. Lorsque j’ai joué avec Herbie, celui-ci m’a prévenu. Il m’a dit: 'Lorsque tu es à côté de Miles, contracte toujours tes abdos, car à tout moment il peut t’envoyer un direct au foie, pas pour te faire mal, non, juste pour te tester, pour voir si tu es en condition'. J’ai appliqué ses conseils à la lettre. Et un beau jour, j’ai eu droit à mon direct au foie!"

lundi 17 janvier 2011

Très en retard (2/2) : Quand D'Angelo travaillait ses abdos... (?uestlove témoigne pour les générations futures, 2ème partie)

De cette génération d'artistes brillants à qui l'avenir semblait promis au tournant de ce siècle, D'Angelo, après Lauryn Hill évoquée hier, aura lui aussi connu une sortie de route dont il ne s'est pas remis. Toujours pas de suite à Voodoo, la borne essentielle de ce début de millénaire, plus de dix ans après ! Et, comme Lauryn Hill, D'Angelo avait pris cette regrettable habitude d'être très en retard à ses concerts. Quand il ne les annulait pas !

Pour avoir assisté à son concert du Grand Rex de Paris, je confirme. Après la première partie assurée par Slum Village, il monta enfin sur scène avec quasiment une heure de retard. Et ce fut pour au moins deux heures et demies exceptionnelles, incroyables de tension et d'intensité. De FUNK !!!

On savait que, pour un acteur, il était parfois douloureux de sortir d'un rôle, qu'un musicien ait du mal à se défaire d'un clip est plus surprenant. Après tout, un clip n'est guère qu'un petit film promotionnel, une pub aux vagues prétentions arty dans le meilleur des cas. Selon son ami ?uestlove, c'est pourtant à cause de la fameuse vidéo de "Untitled" que D'Angelo aurait eu beaucoup de mal à affronter le public lors de la tournée qui accompagnait la sortie de l'album Voodoo, comme il l'expliquait dans une interview qu'il accorda en 2003.


Ces raisons semblent tellement dérisoires et superficielles quand on pense aux ambitions artistiques et spirituelles si élevées de leur auteur ! Laissons la parole à ?uestlove...

"Il a un incroyable manque d'assurance. Tout le monde doute, mais chez lui ça atteint un tel degré qu'il fallait que je me sacrifie pour le distraire et jouer les majorettes. Certains soir il se regardait dans le miroir et se disait : 'je ne ressemble pas à la vidéo'. Il était complètement obnubilé par ça, il était dans son trip à la Kate Moss. Alors, il disait : 'laisse-moi faire 200 abdos de plus'. Il retardait littéralement le show d'une demi-heure pour faire des abdos ! Parfois, on retardait le concert d'une heure et demie s'il ne se sentait pas préparé mentalement ou entraîné physiquement. Certains concerts ont été annulés parce qu'il ne se sentait pas prêt physiquement !"

Dès le premier soir de la tournée Voodoo, les cris pour qu'il se déshabille ont commencé au bout de dix minutes à peine. C'était un spectacle de trois heures. Il maîtrisait tous les trucs des grands chanteurs. On avait tout rodé. Et les filles étaient là : 'Take it off ! Take it off !'. 


Dans la logique du karma, c'était une forme de justice poétique pour toutes les femmes qui ont été harcelées sexuellement, qui ont besoin de travailler deux fois plus dur simplement pour prouver qu'elles peuvent travailler aussi bien qu'un homme. Littéralement.


C'était trop de pression pour lui. Au bout du quatrième soir, il était furieux et plein de ressentiment : 'c'est ça que vous voulez ? C'est ça que vous voulez ?'. Elles n'en avaient rien à foutre de la dimension artistique, s'en foutaient que Jeff Lee Johnson joue note pour note le solo de "Crosstown Traffic". Elles voulaient "Untitled". Il détestait chaque seconde de tout ça. Alors continuer à le motiver au bout de ce quatrième soir est devenu problématique. Il disait, frustré : 'bon... on n'a qu'à faire "Untitled" plus tôt'. On lui répondait : 'non, tu dois finir avec "Untitled"'. Et tout a commencé à être de l'ordre du compromis. Comment arrêter l'hémorragie afin que le concert se passe bien jusqu'à ce qu'arrivent les 'Take it off'. Aucun soir n'en sortait indemne. Au bout de trois semaines, c'était devenu insupportable. Absolument insupportable. Alors, il fallait le distraire. Il fallait le sortir de cet état dépressif. Alors à quatre heures de l'après-midi, il fallait commencer, la jouer en forçant le bonheur : 'what's up, man ! Yo, allons voir ce qu'il a comme disquaires dans le coin'. Toute la journée, il fallait surjouer la bonne humeur. Aller acheter des disques, puis on disait : 'allons manger un morceau chez Roscoe's' (chaîne de restos soul food, ndla). Ah ! C'est vrai, tu ne peux pas manger, tu dois t'entraîner. OK, Mark (le préparateur physique), c'est pour toi'. Mark arrivait, l'entraînait. Quand je revenais : 'yo, man ! J'ai trouvé cette nouvelle vidéo de Prince !'. On la regardait une paire de fois, on était bien remonté. Alors, je lui disais : 'bon, je vais m'habiller et dans un quart d'heure, on est dans la voiture et on y va'. Certains jours, ça marchait. D'autres, non. Il virait psychosomatique et me disait : 'je ne peux pas le faire' ".

Il disait : 'ils ne comprennent pas. Ils veulent juste que je me déshabille'. Alors, chaque soir pendant huit mois, c'était comme de devoir faire un Rubik' cube en moins d'une minute avant que la bombe n'explose. Tous les soirs. Et certains soirs, ça ne marchait pas. Le concert était annulé. Au total, on a dû annulé environ l'équivalent de trois semaines. Dont deux semaines au Japon.

Aujourd'hui (en 2003, ndla), je suis sûr que ce qu'il veux, c'est être gros ! Il n'a pas envie de se faire tresser jusqu'à la dernière mèche de cheveux. Il n'a pas envie d'avoir des tablettes de chocolat. Il n'a pas envie d'avoir la pression d'être "Untitled", la vidéo. S'il avait su les répercussions que cela aurait, il ne l'aurait jamais tournée".


Dans une salle aussi peu approprié à ce genre de concert que peut l'être le Grand Rex, son concert fut pourtant un moment rare. Unique. Malgré son retard, alors que l'ambiance devenait électrique de tous ces "hou hou" et ces sifflets, en deux minutes à peine, il avait retourné la salle et le public bascula en un instant d'un extrême à l'autre. Là, il ne se contenta pas du minimum syndical, la petite heure derrière laquelle se réfugient trop d'artistes américains. Accompagné d'un groupe monstrueux, il plongeait dans la temporalité du funk, celle du don où on joue longtemps, longtemps, longtemps, pour bien faire monter la température.

Je suis persuadé que, ce soir-là, personne dans la salle n'a soupçonné un seul instant que D'Angelo puisse douter de lui. Il semblait à ce point rayonnant d'une aura étrangère au commun des mortels, animé d'une foi qui l'aurait fait marcher sur l'eau. En état de grâce. Et, oui, les filles braillaient comme c'est pas permis. N'étant pas coutumier des chanteurs à minettes, je n'avais jamais vu ça et ne l'ai jamais revu depuis... Et toutes ces filles qui braillaient n'étaient pourtant plus des ados ! Et, oui, il faisait tout ce qu'il faut pour les chauffer ! Et ça semblait naturel. Même si, comme le dit ?uestlove, c'est "une forme de justice poétique pour toutes les femmes qui ont été harcelées sexuellement", ceux qui disent qu'il l'a bien cherché ne sont que des jaloux. Détectons toutefois dans ce cas d'école les dangers d'un narcissisme mal placé. Si D'Angelo est, comme il se dit, brisé d'avoir été pris pour un sex-symbol plutôt que pour le brillant musicien œuvrant pour la postérité qu'il ambitionne d'être, le seul remède est dans la musique. Près de douze ans après, Voodoo attend toujours son successeur. Depuis 2008, un album intitulé James River est évoqué. Il était encore annoncé pour l'été 2010, accompagné d'une tournée mais, bien sûr, toujours rien...

La prochaine fois qu'à un concert, l'artiste montera sur scène en retard, vous ne le regardez plus de la même façon.

samedi 15 janvier 2011

Très en retard (1/2) : Lauryn Hill

La semaine dernière, Lauryn Hill se produisait plusieurs soirées sur la scène du Blue Note, à New York. Une toute petite salle pour se chauffer avant d'attaquer une tournée. Le début d'un vrai come-back ? A voir...


Rappelez-vous, cela semble une éternité, il y a un peu plus d'une dizaine d'années, une nouvelle génération de musiciens essayait de créer une musique qui sache conjuguer les racines soul et funk au son du hip-hop sans céder aux sirènes commerciales. Certains d'entre eux fondaient un collectif très sélectif, les Soulquarians. Presque élitiste, réservé à des artistes d'exception. Le présent leur ouvrait ses portes et l'avenir leur appartenait. Parmi les Soulquarians, on trouvait Mos Def, Erykah Badu, J Dilla, ?uestlove, Common, James Poyser, Raphael Saadiq, etc... et D'Angelo. A l'époque, on s'étonnait que Lauryn Hill n'y fut pas conviée. De cette génération et parmi les artistes cités, abstraction faite de Dilla mort trop tôt, la plupart d'entre eux a réalisé depuis la carrière qui leur semblait promise. Sauf deux : D'Angelo et Lauryn Hill. Celui qui était littéralement touché par la grâce et celle qui connaissait le plus gros succès commercial, avec les Fugees puis avec son premier album solo, The Miseducation of Lauryn Hill.

Alors que D'Angelo n'a rien sorti de consistant depuis Voodoo, en 2000, aucun album en studio de Lauryn Hill n'a vu le jour depuis The Miseducation..., en 1998. Seul un live MTV Unplugged a donné une suite à sa carrière discographique.

Lauryn Hill est une énigme. Même s'il existe une raison à son retrait de la scène musicale. Wycleff Jean et Pras ont déclaré que Lauryn était bipolaire et refusaient en conséquence de reformer les Fugees tant qu'elle ne se serait pas soignée. L'absence de nouveaux projets et des comportements parfois étranges venaient confirmer leurs propos. Pourtant, le fait qu'elle soit mère de cinq enfants, dont trois nés dans les années 2000, pourrait nous inciter à penser qu'elle a préféré se mettre en retrait pour s'occuper d'eux, après avoir vu sa vie envahie par la notoriété et ses obligations. Un choix de vie cohérent et crédible, non ? Etre mère de cinq enfants suppose d'être suffisamment équilibrée, il va de soi. Mais ça ne vous met pas pour autant à l'abri des troubles psychiques... Comme vous l'aurez constaté, l'Elixir n'est pas dédié aux potins de stars, il y a des endroits pour ça, des sites spécialisés, et des vedettes comme Lauryn Hill sont justement des bons "clients" pour eux, pour faire leurs choux gras de leurs déboires. Nous ne spéculerons donc pas sur l'état de Lauryn Hill. Ses vrais fans, toujours nombreux, non plus. Certains d'entre eux souffrent aussi. Un nom a même été donner à ce trouble particulier :ils sont atteints du LHDD, le Lauryn Hill Denial Disorder, un trouble qui affecte leur perception de la réalité et nie les évidences.

Journaliste musical du Village Voice, Rob Harvilla est allé assister à un de ces concerts au Blue Note. Il n'a donc pas eu à s'acquitter des 180$ de rigueur si vous souhaitiez acheter une place. D'ailleurs, à ce prix-là, vous auriez probablement renoncé à l'acheter. Les retards de Lauryn Hill sur scène sont légendaires et ces dates ne firent pas exception à la règle. Prévu à 20h00, le concert ne commença que quatre heures plus tard, vers minuit, quand elle daigna enfin se présenter sur scène. Entretemps, la salle s'était un peu vidée. Une partie du public avait  un train à prendre ou était à bout de patience. Le reporter raconte avoir vu un couple partir dégoûté, en soupirant lucide, "that's how Lauryn is". Au moins cette fois-ci, elle n'a pas insulté son public comme en décembre dernier, où elle balança : "j’ai sacrifié ma vingtaine pour vous donner de l’amour, alors quand j’entends des gens se plaindre, je ne sais pas quoi vous dire. Je sais personnellement que je vaux l’attente".

Quatre heures de retard ! Quatre heures qu'on imagine de tourments et de trac, plutôt que de caprices de diva... Que se passe-t-il backstage ? Dans quel état de nerfs est-elle ? C'est le mystère du spectacle quand, de la salle, on ignore quel mélodrame se joue en coulisses...

A l'arrivée, sa prestation fut honnête. Lauryn Hill, le micro dans un main, un mouchoir noir dans l'autre pour sans cesse s'éponger le front en précisant : "si j'étais en bikini, je transpirerais autant. C'est à cause des projecteurs". Et du stress ?

Comme en témoigne Rob Harvilla, il flottait dans l'air, après ces concerts du Blue Note, une ambiance particulière : le soulagement d'avoir échappé au désastre. Malgré ces quatre heures de retard ! Qui ne sont rien à côté de la route qu'il reste encore à parcourir à Lauryn Hill avant de revenir vraiment...


A suivre, ?uestlove explique pourquoi D'Angelo était lui aussi très souvent en retard sur la tournée qui suivit la sortir de Voodoo...

vendredi 14 janvier 2011

Un Remix "Drumapella" de Brownout en mp3

Alors que le Grupo Fantasma fêtait ses dix ans d'activités il y a deux mois, Brownout, projet parallèle qui regroupe sensiblement la même équipe, sort la version Remixed and Regrooved de leur excellent album de 2009, Aguilas and Cobras. Du latin funk avec guitares et percus qui agit aussi puissamment  sur l'organisme que quelques tequilas bien frappées. Sont conviés ici à travailler la matière sonore originale les remixeurs J-Boogie, The Mexican Dubwiser, Tal M. Klein, Kokolo's Ray Lugo, Second Sky & Thomas Blondet, Jeremy Sole, Senor Oz, Afrolicious, Anthony Mansfield, Grant Phabao & CaZ. Ne me demandez pas ce que je pense de ce casting, je vous dirais très franchement que je n'en connais aucun.


Pour l'inauguration de son studio Level One, Adrian Quesada, guitariste de ces deux formations, nous avait offert un album en téléchargement gratuit. Cette fois-ci, c'est le label de Brownout, Six Degrees Records qui nous propose un des remixes de ce projet. Une version d' "Olvidalo" concentrée sur les percus et signée par J-Boogie...

Brownout, "Olvidalo (J-Boogie Drumapella Remix), Aguilas and Cobras Remixed and Regrooved (mp3 192kbps offert par Six Degrees Records)

jeudi 13 janvier 2011

Jack White invente le vinyle "carte de vœux" et le vinyle... chevelu

Alors qu'on nous annonce la crise de l'industrie du disque, les ventes de vinyles, elles, ont augmenté en 2010. C'est vrai que, quitte à acheter la musique sur un support, autant que ce soit un bel objet. D'autant que certains labels y ajoutent même un code pour que l'acheteur puisse également télécharger sa version numérique.


Dans le genre objets insolites, Jack White s'amuse toujours autant à nous sortir des lapins de son chapeau, les lapins étant ici un orchestre d'automates dans le juke-box ! Pour les sorties de son label Third Man Records, installé à Nashville, il n'est jamais à cours de trouvailles farfelues. Si vous avez trouvé amusant son vinyle 2-en-1, déjà présenté ici, vous serez curieux de découvrir le vinyle "carte de vœux" et même le disque... chevelu.

Pour lancer le nouvel album de la légendaire Wanda Jackson, pressé en vinyle fuschia, la pochette s'ouvre comme une carte d'anniversaire et claironne quelques notes d'un morceau du disque. Quant Hair Record de Reggie Watts, je laisse Jack White essayer d'en faire la démonstration.

mercredi 12 janvier 2011

Haïti, un an après le tremblement de terre

Aujourd'hui est la date d'un bien macabre anniversaire, celui du tremblement de terre qui, le 12 janvier 2010, a ébranlé Haïti et fait plus de 200 000 morts. Un an plus tard, le pays est toujours en vrac. Un malheur n'arrivant jamais seul, depuis le mois d'octobre, une épidémie de choléra a déjà fait plus de 3 000 victimes. L'Etat haïtien est inexistant. L'aide internationale n'a pas encore permis que commence la véritable reconstruction du pays.

L'an dernier, quelques jours après le séisme, on pouvait lire cette conclusion de la Conférence Ministérielle Préparatoire sur Haïti, tenue à Montréal le 25 janvier 2010 : "pour un trémolo meurtrier de trente secondes, il faudra une décennie entière de reconstruction" (cité par Courrier International, n°1004, 28 janvier/3 février 2010). Et si cette conclusion était encore trop optimiste ? Dans le dossier que consacre Le Monde à l'événement, on peut voir les critiques qui remettent en question à la fois le mode d'action des ONG et l'organisation, voire la non-implication, de l'ONU. Depuis 2004, des casques bleus sont pourtant présents en Haïti, dans le cadre de la MINUSTAH (Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti). Dans son article "L'Imposture des Nations Unies en Haïti" (Le Monde, 31/12/2010), Jean-Philippe Belleau, professeur à l'Université du Massachussetts, porte un jugement terrible sur l'action de l'ONU : "les Nations unies ressemblent à ces trous noirs des astrophysiciens. Rien ne semble ressortir du milliard de dollars consommé chaque année par sa mission de la paix en Haïti, si ce n'est un discours d'autolégitimation et d'autosatisfaction. Croire enfin que des expatriés, dont le salaire de base commence à près de onze mille dollars par mois net d'impôt, peuvent entretenir des relations autres que coloniales avec une population cassée et pas seulement paupérisée, relève du phantasme".

Quant au problème de l'humanitaire, c'est que les ONG fonctionnent toujours sur un modèle où leur rôle consiste à accompagner un Etat et, comme le souligne l'article "Le 'Modèle humanitaire dominant' est mis en question en Haïti" (Le Monde, 12/1/2011), "transposée dans un contexte comme celui d'Haïti cette approche dans la relation avec le gouvernement est inopérante, du fait même de la faillite de l'Etat".

Alors, sur les décombres viennent s'installer des régiments évangéliques, notamment américains. Des "prophètes de malheur" que Le Monde Magazine a présenté à travers un reportage d'Arnaud Robert et des photos de Paolo Woods et qui font froid dans le dos. Tous ces hystériques jurent que le vaudou a attiré la malédiction de Dieu sur le petit pays. Chavannes Jeune, récent candidat aux élections présidentielles, déclarait : "avec le séisme, puis le choléra, on se demande si nous ne sommes pas dans le collimateur de Dieu. Je crois qu'Haïti n'a pas été fondé sur des bases saines. C'est l'idôlatrie qui a conduit notre peuple depuis son origine. Jésus doit retrouver son trône".

Défilé contre le vaudou, photo de Paolo Woods

Quant à Gregory Schadt, un de ces prêcheurs américains ayant fait son nid en Haïti, il déverse ses sornettes à une population désemparée : "vous voyez le drapeau haïtien ? Si On l'observe attentivement, on peut y distinguer le visdage du diable. Aujourd'hui, des tremblements de terre ont lieu, le choléra est apparu : quelque chose se passe dans la nation, un grand nettoyage. Haïti n'est pas condamné à la malédiction. Le pays est promis à devenir la troisième nation élue de Dieu, après Israël et les Etats-Unis".

Temple protestant sous chapiteau dans un camp, photo de Paolo Woods

Même si l'Evêque Lafontant fait mine de garder foi "en l'œcuménisme foncier des Haïtiens" et qualifie cette ferveur de la population de "conversion du ventre", l'intolérance et le fanatisme évangélique ont pris le vaudou pour cible. Au point que, depuis les débuts de l'épidémie de choléra, au moins quarante-cinq prêtres vaudou ont été tués à coups de machettes et leurs corps brûlés ! J'attends avec impatience qu'on vienne m'expliquer ce qu'il y a de chrétien dans leur geste !

mardi 11 janvier 2011

Où Codona transgressait les codes esthétiques d'ECM...


On pourrait présenter "Mumakata" de Codona par une énigme : quel est le point commun entre tous les instruments présents sur ce titre ? Comme indice, je vous dirais seulement que certains ne verraient dans cette caractéristique commune qu'un défaut à corriger. Pour cette raison, rarement un morceau publié par ECM aura à ce point été en rupture frontale avec l'esthétique très marquée du label... Je vous laisse écouter avant de dévoiler la réponse.


Avoir exhumé, il y a quelques jours, Hear & Now de Don Cherry m'a incité à me replonger dans le premier album de Codona, trio que Don Cherry formait avec Collin Walcott et Naná Vasconcelos. Un nom construit à partir de la première syllabe de leurs prénoms : Co-Do-Na. Ensemble, entre 1979 et 1983, ils ont enregistré trois albums. Cette trilogie aux albums simplement intitulés Codona 1, Codona 2 et Codona 3, fait partie des réussites indémodables de ECM. Elle vient d'ailleurs d'être rééditée en coffret il y a deux ans.

Initié par Collin Walcott, Codona est une véritable rencontre entre trois grands musiciens, au point qu'elle sonne comme une évidence alors qu'ensemble, ils inventent une musique, certes baignée d'influences variées, qui ne ressemble à aucune autre. Il est d'ailleurs probable que le trio aurait poursuivi son aventure commune si Collin Walcott n'avait pas trouvé la mort, en 1984, dans un accident de voiture alors qu'il tournait en Allemagne.

Pour être tout à fait franc, je n'ai encore jamais écouté le dernier volet de cette trilogie. J'aime principalement le premier album et certains titres du second. Sur ce projet comme dans leurs carrières respectives, Collin Walcott, Don Cherry et Naná Vasconcelos conjuguaient le langage du jazz aux musiques du Monde à une époque où le terme de world music n'était pas encore entré dans l'usage. Et d'ailleurs leur musique n'aurait jamais pu être associée à de la world. Ils jouent du jazz, improvisent. En les écoutant, on sent la spontanéité, la connivence, le plaisir, la complicité qui les unit. Leur musique possède des vertus à la fois apaisantes et euphorisantes, c'est dire la qualité de cet élixir !

Notre trio est composé de multi-instrumentistes brillants qui utilisent des instruments plutôt inhabituels dans le jazz. Ancien élève de Ravi Shankar, Collin Walcott joue bien entendu du sitar, des tablas, mais aussi du dulcimer et de la sanza. Naná Vasconcelos est aux percussions et au berimbau. Quant à Don Cherry, il joue bien sûr de la trompette mais aussi du n'goni.

Ce premier album est composé de longues pièces où l'influence indienne est la plus manifeste, d'un medley "Colemanwonder" mêlant deux titres d'Ornette Coleman à un de Stevie Wonder, et donc de ce titre plus afro qu'est "Mumakata". Le rythme s'y emballe et où personne n'est en reste. Redoutable. A vrai dire, c'est mon préféré, celui que je réécoute volontiers ces derniers jours. Après l'avoir beaucoup écouté, il y a une vingtaine d'années lorsque j'avais acheté le vinyl, je l'ai redécouvert avec plaisir.

Coïncidence, hier matin, je le faisais découvrir à mes étudiants du Département d'Etudes Soniques, une des filières de l'Institut Supérieur de Funkologie Positiviste où j'enseigne, établissement élitiste aussi mystérieux que le Palace of the Dogs, où il faut montrer patte blanche (ou carte bleue) pour être admis. Je leur posais la même question qu'en introduction de ce message, quelle est la particularité commune des instruments de "Mumakata" ? Ils ont séché.

Et vous, avez-vous deviné ?

Tous les instruments... grésillent. Sur "Mumakata", alors qu'ils chantent tous les trois, Collin Walcott joue de la sanza, Don Cherry du doussou n'goni et Naná Vasconcelos est diabolique sur son berimbau.


Dans ce cours, j'utilisais justement "Mumakata" comme morceau emblématique du grésillement. Si, selon notre conception classique, il s'agit d'un défaut, d'un véritable parasite que l'on doit éliminer, dans d'autres traditions, ce grésillement vient enrichir le son d'un instrument. Parfois qualifié d'effet mirliton, il est universel et on trouve sa trace dans pratiquement toutes les cultures. Le musicologue André Schaeffner, notamment dans Origine des Instruments de Musique - Introduction ethnologique à l'histoire de la musique instrumentale, a ainsi décrit l'importance de ces effets, obtenus par divers procédés et dont le rôle consiste à poser un masque sur la musique. Le son ainsi brouillé, flou, "sali", gagne en épaisseur, et vient conférer à la musique une dimension insolite, parfois surnaturelle.

On peut alors s'interroger sur la démarche de nos trois brillants compères, visait-elle à prendre le contre-pied des codes esthétiques prônés par Manfred Eicher ? Apôtre d'un son clair et froid, il décrivait celui d'ECM comme "le plus beau après le silence". En troublant le son avec ce festival de grésillements, ont-ils cherché à titiller leur hôte ou, simplement, à lui offrir un peu de la chaleur afro qui manquait à son catalogue ?

Ce "Mumakata" est vraiment terrible. Il est recommandé par le Dr. Funkathus comme élixir d'une incroyable vertu.

dimanche 9 janvier 2011

Raphael Saadiq dégaine son transistor

Pour nous faire patienter avant la sortie, en mars, de Stone Rollin', son nouvel album où il joue de tous les instruments, Raphael Saadiq en dévoile un premier extrait en vidéo. Le morceau s'appelle "Radio" et joue la carte rétro. Le genre de titre qui accroche instantanément, dès la première écoute. Un peu comme si le rock'n'roll originel se mettait au goût du jour. Si ce n'est peut-être plus du gospeldelic, comme il définissait sa musique à l'époque de son premier album solo, Instant Vintage, nul doute pourtant que sa musique soit toujours de l'instant vintage.


Je renonce à chercher le symbole caché derrière ces radios qui crachent de la fumée, on me reprocherait d'abuser des interprétations funk-a-logiques... Je ne peux m'empêcher cependant d'y voir une allusion à la Motown qui étalonnait toujours ses productions à partir d'un simple transistor. La réflexion sur le son s'appuyait sur un évident principe de réalité : la plupart des gens écoutaient alors la musique à la radio et non sur une chaîne hi-fi de qualité. Les productions Motown étaient donc conçues pour "sonner" même sur le plus basique des transistors. Démocratisation culturelle ou habile stratégie commerciale (vous avez un doute ?), il fallait que le moindre enregistrement sonne déjà bien sur le plus modeste des appareils avant d'être diffusé.

Pour l'anecdote, Monsieur Saadiq a eu le bon goût de tourner son clip à Paris.

Stone Rollin' est d'ores et déjà annoncé comme un des albums majeurs de 2011. A voir...