vendredi 31 décembre 2010

Comment danser le Tightrope ?

Plus que quelques heures avant la grande fête de ce soir. Si The ArchAndroid est l'album de l'année, "Tightrope" est le morceau de l'année. A moins que vous ne soyez déjà un expert en la matière et en maîtrisiez les pas, il ne vous reste donc plus que quelques heures pour apprendre à danser le tightrope. Bon prince, le Dr. Funkathus vient vous sortir de l'embarras. Si vous avez vu le clip, vous aurez remarqué qu'une danse lui est associé. Voici donc deux leçons qui vous enseigneront les indispensables rudiments pour faire bonne figure en société lors du réveillon. Avec les meilleures professeurs qui soient, Ladia Yates, danseuse et chorégraphe du clip, et Janelle Monáe en personne.


Première étape. Niveau débutant avec Ladia Yates, bonne pédagogue, qui vous expliquera comment votre pied doit dessiner un S imaginaire. Les paroles de "Tightrope" évoquent la nécessité de trouver son équilibre, que vos humeurs jamais ne vous fassent tomber trop bas ou ne vous fassent perdre le sens des réalités à vous croire trop haut. Ce qui se traduit dans la danse où quand les bras sont en haut, le corps descend, quand les bras se baissent, le corps remonte. Mouvements qui symbolisent cet équilibre.


Ensuite, c'est au tour de Miss Monáe d'en faire une petite démonstration et, de bonne grâce, expliquer à son élève, un animateur de la BBC Radio, comment procéder. Au début, ça ne semble pas gagné pour l'apprenti mais les conseils et encouragements de Janelle Monáe finissent par porter leurs fruits. Comme elle l'explique, le tightrope est une illusion, il doit donner l'impression d'une lévitation. Pour cela, le pied qui dessine des S ne doit pas toucher pas le sol.


A vous de jouer. Quelques coupes de champagne devraient être précieuses pour rendre vos pas plus glissants et légers. Mais si l'ivresse peut donner l'illusion de la lévitation, concernant l'équilibre...

Bonne Fête !!!

jeudi 30 décembre 2010

Le Bougre inconnu, le rhum et la biguine...


Sur l'air de "Un Deux Trois Ti Punch" interprété par Ce boug'la, je viens de me servir un verre de rhum bien arrangé en ti punch. Je vais donc essayer de conclure cet article et vous offrir deux titres rares en cadeau de fin d'année, avant d'en être rendu incapable par cet élixir à 55°.


Tout cela a commencé il y a bien des années de cela, quand j'ai acheté d'occasion une compilation de biguines des années cinquante où figuraient deux titres de ce Boug'la, dont ce fameux "Un Deux Trois Ti Punch" qui donne envie de lever le coude. Mais, plus exactement, l'étincelle qui m'amène à parler du bougre aujourd'hui est très récente. Il y a quelques semaines, j'ai été invité à fêter les 5 ans du Goûter.com par Sly, son fondateur et principal artificier, par une contribution de mon choix.

Plutôt que la viennoiserie du quatre heures, j'avais anticipé et prévu... l'apéritif...

Pour ne pas arriver les mains vides, je voulais amener un cadeau qu'on ne trouverait nulle part ailleurs. Quelques titres encore absents de cette "bibliothèque de Babel" qu'est internet. Ainsi, ce "Un Deux Trois Ti Punch", avec ses verres de rhum en rafale, et "Mouge (Chant des Dancurs)" de Ce Boug'la remplissaient-ils ce cahier des charges. Une terra incognita encore non révélée sur la Toile. Non seulement vous ne trouverez nulle part sur la toile ces deux titres, mais vous ne rencontrerez pas non plus la moindre information sur cet artiste...

Parenthèse : c'est depuis ce jour où j'ai choisi d'évoquer ce vieux bougre que j'avais envie de boire un bon rhum. J'aurai ainsi attendu jusqu'à mon cadeau d'anniversaire, pour recevoir en cadeau une bouteille de Trois Rivières. J'ai donc rédigé ce billet pour le Goûter.com la gorge sèche et, seulement aujourd'hui, m'autorise ce plaisir redoutable. Après tout, je n'ai guère qu'à copier-coller le message posté chez Sly, à quelques retouches près.

Voici donc choisi une énigme, une quête sans réponse. Car si vous avez désormais l'accès à ces deux titres en exclusivité mondiale, sur Le Goûter puis maintenant sur l'Elixir, nulle part ailleurs sur la toile vous ne trouverez trace de leur auteur*. 

Le pire, c'est que concernant ce bougre, je n'en ai pas plus à offrir dans mes archives papier. Aucune trace de lui dans ma bibliothèque... Les seuls faits concrets et tangibles de l'existence de Ce Boug'la sont donc ces deux morceaux. Ils figurent sur une compilation, Antillaisement Vôtre : Biguines-Salsa, Succès des Années 1950-59, lancée en 1976 et ré-éditée par EMI en 1992... C'est cette dernière version qui est en ma possession, un double CD que j'avais acheté d'occas', il y a des années de cela. Une compilation où figurent quelques orchestres vedettes, ceux d'Al Lirvat, Sam Castendet, Robert Mavounzy ou Moune de Rivel. Malheureusement, le livret est réduit à sa portion congrue, pour ne pas dire inexistant. Il est juste précisé le nom de l'interprète, le titre du morceau et, entre parenthèses, ses auteurs. "Un Deux Trois Ti Punch" est co-signé par Cité - Alphonso - Pépin - Gomis, "Mouge (Chante des Dancurs)" par A. Nabajoth et Alphonso... Ah, ah, et si ce Alphonso, c'était le vrai nom de Ce Boug'la, vu qu'il est présent sur les deux ? D'après le titre de la compil', on peut au moins supposer que ces deux morceaux furent enregistrés dans les années cinquante.


Alors, depuis quelques années, je lance parfois une requête sur Google, comme une bouteille à la mer, pour essayer de trouver quelques traces de ce bougre. Rien. Rien. Rien. Ni en cherchant Ce Boug' la, ni en cherchant un quelconque Alphonso... Tout juste par déduction, pouvons-nous supposer qu'il est guadeloupéen plutôt que martiniquais. 

C'est également sur cette même compilation que j'ai découvert Jenny Alpha et suis littéralement tombé sous le charme rétro de son "Douvant Pote Doudou". D'ailleurs, pendant longtemps, ne remontait guère plus d'informations de cette autre pêche que de celle au bougre... Jusqu'à ce qu'elle revienne sous les feux de la rampe, jusqu'à son centenaire.

Alors, on essaie un autre biais : sachant que les morceaux figurant sur cette compilation ont été choisis par Gilles Sala, qui ne s'est pas oublié dans sa sélection puisque cinq de ses titres y figurent, on entreprend de chercher des informations à partir de son nom à lui. Gilles Sala jouit d'une bien plus grande notoriété mais cela reste toutefois bien maigre. Pas de page lui étant consacrée en particulier, ni sur Wikipédia, ni ailleurs. De loin en loin, on retrouve son nom... On peut trouver quelques uns de ses disques, on découvre qu'il a été un homme de radio d'une grande importance dans la diffusion en métropole des musiques africaines, qu'il serait même à l'origine du soukous congolais, qu'il a réalisé la photographie de la pochette originale du "Soul Makossa" de Manu Dibango... Mais aucune allusion à Ce Boug'la dans les pages qui lui sont consacrées...

C'est sûr, un jour (je me le dis depuis des années), j'irai fouiller dans les archives d'une bibliothèque dédiée à la culture antillaise et je finirai bien par trouver dans quelque livre d'un ethno-musicologue publié chez L'Harmattan ou Présence Africaine, la mention du bougre qui nous préoccupe aujourd'hui.

En attendant, sans aller jusqu'à utiliser les grands mots du style intelligence collective, le mystère qui entoure Ce Boug'la est une question posée à qui passera par là, à qui lira cette page. Car la récompense du blogueur fou vient des quelques commentaires laissés par les visiteurs sur ses pages, souvent pour amener une précision, l'informer d'un détail qu'il ignorait. Cette mutualisation des connaissances permettra peut-être de découvrir quelques indices, une photo...

Il se peut aussi que notre Bougre n'ait enregistré que ces deux titres, un seul petit 45Tours... D'ailleurs, outre le versant festif de "Un Deux Trois Ti Punch", "Mouge (Chant des Dancurs)" est aussi lent et grave que l'autre est enjoué. Deux visages : Face A et Face B ? D'un dépouillement de troubadour des mornes, juste guitare, voix et discret tambour, "Mouge" est une chanson habitée, loin de tout folklore, quelque chose qui semble venir de loin. Pour aimer profondément les musiques roots brésiliennes et l'authenticité de sambistes comme Clementina de Jesus ou Nelson Cavaquinho, je ne peux passer à côté de ce chant du fond des âges, cette voix grave et légèrement voilée... Sans que l'on aille crier au chef d'œuvre inconnu, je pensais que Ce Boug'la méritait de trouver sa place sur la Toile... Ces deux morceaux m'ont accompagné depuis que je les ai découverts. Je les ré-écoute régulièrement, je pourrais presque dire qu'ils font partie de mes morceaux fétiches.

Et peu importe que j'ignore tout de leur auteur. L'imagination est parfois plus belle que la réalité. Quant au fait de rentrer bredouille de ces recherches, peu importe. Ce qui compte n'est pas tant où on arrive que le chemin emprunté, même s'il ne mène nulle part et se termine devant un généreux verre de rhum.


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* J'ai repéré une vidéo portant le même titre "Un Deux Trois Ti Punch" mais il n'y a aucun rapport entre ce mauvais dancehall et le morceau de Ce Boug'la. Par contre, Rony Théophile reprend sur scène "Mouge" avec toute une troupe folklorique de danseurs athlétiques et des danseuses en foulard et madras. 

mercredi 29 décembre 2010

The ArchAndroid de Janelle Monáe : Album de l'Année

"Whatever celebrity they achieve will be built on 
being unclassifiable
which in the long run is where you want to be…
 free to be freaky as you wanna 
— like George Clinton and David Bowie in their primes"
Greg Tate

"Meeting Janelle and everybody at Wondaland 
was definitely the most important event for me, 
artistically speaking, in the last 10 years. 
It was like discovering the Beatles or something. (...)
 I feel like she is the best vocalist 
and performer alive right now"
Kevin Barnes, of Montreal

"J'adore Janelle Monáe. C'est une fille incroyable, 
la chorégraphie et le clip sont géniaux"
Catherine Deneuve

"Janelle Monáe me rend dingue. Elle est époustouflante. 
Ce qu'elle présente est parfait : la production 
de son album The Archandroid,
 la manière dont elle chante, danse"
Vanessa Paradis

"Tant qu'il y aura des chanteuses comme elle 
qui feront surface, je ne me fais pas de souci"
Prince

Janelle Monáe est brillante. The ArchAndroid est l'album de l'année et cela ne souffre aucune discussion*. C'est déjà assez rare en soi, rare de ne pas hésiter sur son album favori de toute une année. Ce petit florilège de compliments placés en exergue ne sont que quelques illustrations des éloges adressés depuis quelques mois à Janelle Monáe. Stop ! N'en jetez plus. Son talent est une évidence et ça se remarque.


Ainsi 2010 marque l'avènement d'une fembotune femme robot, dans le paysage de la pop mondiale. A moins qu'il ne s'agisse d'une thrival ? Mais derrière cette musique éblouissante, le récit futuriste qui sert de fil The ArchAndroid  et une comm' verrouillée, sans prétendre révéler le moindre secret de fabrication, il est temps d'essayer de jeter un œil en cuisine et découvrir l'équipe qui l'entoure. Si on peut bien sûr essayer de comprendre le sens de son concept-album, il faut aussi reconnaître que celui-ci s'avère un bon prétexte pour se cacher derrière une fiction et ne rien révéler à la presse.

Bref rappel des faits : Janelle Monáe Robinson voit le jour le 1er décembre 1985 à Kansas City, fille d'une concierge et d'un éboueur crack-addict. Elle commence des études à New York, au sein de la prestigieuse American Musical and Dramatic Academy, voie royale pour Broadway, mais ne finit pas son cursus, préférant s'installer à Atlanta et se concentrer sur sa musique. Elle y fonde la Wondaland Arts Society et sort en 2007, un premier EP, Metropolis-Suite I : The Chase.

Inclassable ? Un ArchAndroid-en-ciel de styles
Greg Tate ne s'y est pas trompé (cf. citation en exergue), Janelle Monáe est inclassable et semble même en faire une question de principe. Mais malgré les barrières qu'elle tombe, elle a toujours un train d'avance et, à la traîne, demeure toujours étiquetée R&B. Par défaut. D'où notre question à la découverte des premiers titres lors de la sortie de l'album :  ça existe le R&B alternatif ?

The ArchAndroid est un album que vous pourrez écouter en boucle, dans son intégralité, ou bien par tranches. Il y aura toujours un titre qui correspondra à votre humeur du moment. Musicalement, l'album est à la fois accessible et aventureux, avec un certain nombre de morceaux tout à fait adaptés, pour ne pas dire formatés, au format radio, c'est-à-dire à celui d'une musique commerciale, notamment R&B, sans que l'on y voit un caractère péjoratif tant Janelle Monáe n'y perd pas son âme. Ces morceaux les plus accessibles sont en effet très réussis, énergiques, accrocheurs en même temps que suffisamment complexes, et surtout font office de balises qui permettent par ailleurs toutes les audaces sur les autres titres, en brassant les styles les plus variés : jazz, funk, rock, folk, classique (?), what else ?


Entre "Tightrope", le très très funk et irrésistible premier single porté par un clip hyper-entraînant, avec chorégraphie et nouvelle danse de rigueur, et "BaBopBye Ya", le clou du spectacle en toute fin d'album, il y a peu en commun. Entre le presque punk "Come Alive (War of the Roses)" et les ouvertures orchestrales des Suites II & III, de même. Et le reste à l'avenant.

Le choix des invités est également révélateur : Saul Williams, le poète incandescent, Big Boi qui l'a révélée et Of Montreal, pour un duo en parfaite symbiose avec Kevin Barnes.

Le paradoxe de The ArchAndroid est d'évoquer une société totalitaire, froide, où les sentiments sont prohibés, tout en donnant envie de se lover dans sa musique. A la fois le poison et son antidote. La description d'un monde épouvantable mais, au sein duquel Janelle invente des bulles des douceur, des espaces où il fait bon être. Au cœur de la métropole grise et oppressante, elle trouve la porte qui donne sur la clairière de "Mushrooms and Roses", ou "Neon Valley Street" et invente dans la foulée un environnement bucolique de synthèse. Elle déclarait à The Quietus : "je suis plus créative quand je suis entourée d'arbres. Je peux méditer dans le parc en bas du studio". Un environnement bucolique de synthèse, c'est ça.

The ArchAndroid est un album incroyablement dense qui a la durée d'un double-LP et qui est d'ailleurs un double-album dans le sens où il est divisé en deux parties : Suite II et Suite III (même si ce découpage est imperceptible à l'écoute). Le format du double-album se prête assez bien à cette approche élargissant le panorama, brassant les styles.  Ce genre de tentatives a parfois sévèrement été critiqué, à cause justement de cette diversité. Comme si on leur reprochait un manque de cohérence, un côté "touche-à-tout, bon à rien", brouillon, ou parfois tape-à-l'œil. Pourquoi Janelle échappe-t-elle à ces critiques ? Parce que son geste est à la fois artistique, en tant que démonstration du talent incroyable d'une tiny jeunette de vingt-cinq ans, et politique, au sens où elle cherche à abolir les cloisonnements historiques de la société américaine. Elle ne veut rien s'interdire. Ainsi quand elle balance un morceau presque punk ou plane sur des harmonies vocales folk, elle marque encore son territoire. Dans l'Amérique contemporaine, c'est un véritable manifeste. Elle repousse les limites comme pour montrer qu'elle les a déjà dépassées. 

Les aventures de l'androïde Cindi Mayweather, concept-album
Metropolis-Suite I : The Chase EP, sorti en 2007, était le premier volet d'un récit centré sur Cindi Mayweather, androïde de modèle Alpha Platinum 9000, alter-ego de Janelle. The ArchAndroid , Suites II & III est la suite de ses aventures. Ce concept-album est donc imaginé comme une variation sur le Metropolis de Fritz Lang dont l'action se déroule en 2719 (1927 en verlan, année de sortie du film), époque où franchement il ne fait pas bon vivre.

Comme dans le Metropolis de Fritz Lang, on retrouve une figure messianique, une androïde, la séparation de la société en deux groupes distincts et inégaux... Dans The ArchAndroid, Cindi Mayweather découvre qu'elle est l'élue, destinée à amener l'amour et la liberté aux androïdes. Pour conter les épreuves qu'elle doit traverser, l'album se veut un emotion picture, mêlant narration cinématique et refrains entêtants.

Au-delà des classiques questions de race et gender, pourtant loin d'être réglées, Janelle Monáe choisit d'évoquer une nouvelle altérité, celle de l'androïde, le nouveau paria, la nouvelle victime du stigmate dont la vie est bridée par les interdits. Et l'androïde lui fournit même une parade quand on essaie de la récupérer. On l'a dit gay, elle répond : "la communauté lesbienne a essayé de me revendiquer. Mais je ne sors qu'avec des androïdes. Rien de tel qu'un androïde - eux au moins ne vous trompent pas" ("The lesbian community has tried to claim me. But I only date androids. Nothing like an android—they don’t cheat on you").

Une chose est sûre, Janelle Monáe est une véritable control freak et, malgré sa signature sur Bad Boy Records, le label de Diddy, et la distribution par Warner, elle cherche à préserver son indépendance. Elle affiche sa conscience politique en s'habillant de noir et blanc, en hommage à la classe ouvrière dont elle est issue, et assume une forme de féminisme. On peut ainsi lire l'affirmation suivante sur le site de sa structure Wondaland Arts Society : "Nous croyons que les femmes sont bien plus intelligentes que les hommes. Et qu'elles s'efforcent d'agir en conséquence". Janelle se choisit pour modèles des femmes fortes ou extravagantes, d'où son admiration pour Katharine Hepburn, comme elle le confiait récemment au Monde, "la première à marcher en pantalon sur les tapis rouges d'Hollywood, à redéfinir la liberté d'habillement des femmes". Après tout, si la référence à Katharine Hepburn, plutôt qu'à Audrey, n'est guère fréquente ces temps-ci, elle colle assez bien à Miss Monáe : elle se distingue de ses consœurs actuelles de la même manière que Katharine Hepburn des siennes en son temps. Non pas femme fatale au décolleté pigeonnant, mais peste un peu garçonne, avec du caractère et qui porte pantalon. Cet "uniforme" instantanément identifiable qui est le sien, iconique, smoking, nœud-pap' et pompadour, code couleur immuable, dépasse les apparences et ose la rupture des codes en vigueur dans le R&B. Dans un genre où on mettra en avant un physique avantageux de bimbo bling-bling, elle opte pour une tenue pudique ne laissant pas apparaître une once de peau : radical. Fine mouche, elle sort ainsi du lot tout en prétextant que cette discrétion vise à ne pas faire écran entre elle et sa musique, afin qu'aucun détail ne vienne nous en distraire.

Ne pas nous distraire de la musique mais aussi de l'histoire que raconte le concept-album The ArchAndroid. Une histoire qui se déroule donc en l'an 2719 et où nous suivons les tribulations de Cindi Mayweather, l'androïde  n°57821, qui est l'élue. Dans son essai pour The Quietus, "Janelle Monáe: A New Pioneer Of Afrofuturism", John Calvert insistait sur l'importance de ce concept de libération. Selon lui, à travers cette fiction, c'est le thème de l'esclavage qui remonte. Quand on vous dépouille de toute forme d'identité nationale, familiale, religieuse, que l'on vous prive de votre passé, que reste-t-il comme territoire à s'approprier pour s'inventer une histoire ? Le futur. La figure de l'androïde renvoie également à l'esclave, comme lui, il est une machine, un simple outil de production du capitalisme, ce qui sous-entend que The ArchAndroid pourrait se lire d'un point de vue marxiste, comme cela est souvent évoqué en raison de l'influence du Metropolis de Fritz Lang sur l'œuvre de Janelle, même si elle cite également Philip K. Dick, Octavia Butler ou Le Meilleur des Mondes d'Aldous Huxley comme références ayant inspiré son récit.

Quant à l'histoire narrée par The ArchAndroid, même si spéculations et interprétations de l'œuvre vont bon train sur quelques forums, quelle portée lui accorder ? Elle joue avec les codes et les passages obligés de tout récit de science-fiction. Par la force des choses, on peut aussi penser qu'elle s'approprie les archétypes, sans se borner aux stéréotypes. Le futur décrit comme totalitaire est un de ces passages obligés. Mais toute approche futuriste raconte en métaphore une histoire contemporaine quand elle ne règle pas ses comptes avec le passé. Ainsi, la romance contrariée entre l'androïde Cindi Mayweather et l'humain (Sir) Anthony Greendown, plus qu'aux sempiternels Roméo et Juliette, pourrait renvoyer à un mythe fondateur américain, Pocahontas. Ainsi, au pays du happy end obligatoire, une terrible convention exigeait que jamais une histoire d'amour mixte ne se finisse bien dans un film américain, même après l'abolition du sinistre Code Hays. Qu'en est-il de l'amour entre Cindi et Greendown, échappera-t-il à cette malédiction ? A considérer les dernières paroles du morceau final, on peut en douter :

"I see beyond tomorrow
This life of strife and sorrow
My freedom calls and I must go"

Mais cette fuite en avant de l'héroïne n'est peut-être que l'ouverture annonçant de nouvelles aventures, une sequel, la Suite IV ?!

La Matrice Wondaland Arts Society
Les aventures de Cindi Mayweather si elles incitent aux spéculations de fans, au même titre que ceux de... que sais-je, Harry Potter, Twilight, etc..., sont finalement un écran de fumée, un os à ronger tendu aux teenagers. Il y a intrigue, certes, mais les véritables investigations devraient plutôt se tourner vers la matrice d'où est issue cet album et dont se revendique Janelle, la Wondaland Arts Society. D'ailleurs doit-on vraiment adopter une lecture marxiste du récit de Janelle Monáe ? N'est-ce pas une élucubration funk-a-logique de journalistes qui voient plus loin que le bout de la copie qu'on leur demande ? Car on pourrait aussi bien essayer de comprendre la posture et le travail de Janelle Monáe comme intrinsèquement... capitaliste, même si ce capitaliste est lui-même... futuriste. Ou simplement contemporain. Dans cette perspective, on verra une habile stratégie commerciale dans la mise en scène d'une nouvelle héroïne, au look immédiatement identifiable, iconique disais-je plus haut. Janelle ne baisse jamais la garde, est en permanence en représentation, incarnant son personnage jusqu'au bout des ongles et de la pompadour. Si vous écoutez une interview, n'attendez pas la moindre confession ou anecdote un peu spontanée. Elle joue son rôle avec la froide détermination d'une... androïde, portée par une ambition démesurée. Artiste dans l'âme et bourreau de travail parce que le travail est la seule façon de parvenir à ses fins. Il est ainsi instructif de lire la présentation de sa structure, la Wondaland Arts Society, qui oscille entre les statuts de l'entreprise et le manifeste artistique.

"Nous suivons Steve Jobs comme Berry Gordy suivait Henry Ford" !!! Ce qui donne en détail et en anglais : "we are watching Steve Jobs the way Berry Gordy watched Henry Ford. We believe in Moore's Law, in time pacing, in micro-chunking, in nanofying, in monetizing, optimizing everything, and shipping products. We're like a cross between Guy Kawasaki and James Brown". Ou comment mettre un sévère coup de vieux à la Motown !

Quant à la vision qu'ils donnent d'eux-mêmes, de leur vision de l'art et de la musique, on y retrouve une part d'idéalisme naïf mêlé à une ambition dévorante... "Nous, à Wondaland, sommes des inventeurs. Nous portons le smoking tous les jours et plongeons dans des piscines pendant nos performances (...) Nous croyons que les chansons sont des vaisseaux spaciaux. Nous croyons que la musique est l'arme du futur. Nous croyons que les livres sont des étoiles. Nous croyons qu'il n'existe que trois formes de musique : la bonne musique, la mauvaise musique et le funk.

Nous avons créé notre propre Etat, notre propre République. Il y a de l'herbe ici. L'herbe pousse et sort des toilettes, des bibliothèques, pousse au sol et au plafond. L'herbe nous aide à nous sentir bien. Dans notre état, il n'y a pas de lois, il y a seulement de la musique. C'est le funk qui dicte sa loi. Et le punk dirige les cours de justice et de la bourse.

Dans cet Etat, il n'y a pas de nourriture. Nous mangeons des livres et les assaisonnons de vin et de barbapapa. Quand vous voulez connaître les nouvelles, vous lisez une BD (...)


Nous avons déjà construit plusieurs villes. Nous sommes toujours à la recherche d'une nouvelle ville où habiter. Nous avons récemment déménagé d'Atlantis pour nous installer à Métropolis, une cité que nous avons nous-mêmes conçu. C'est la plus grande ville du monde mais vous ne pouvez la voir qu'en fermant les yeux". Etc, etc...

Naïf ? Mignon ? Mais un lieu où les livres sont une nourriture est toujours digne d'estime, surtout si les livres sont de bon goût et qu'on trouve sur les étagères de Wondaland les romans de Zadie Smith, Percival Everett ou Junot Diaz, sans oublier les classiques Joyce, Kafka, Borges...

A vrai dire, Janelle la joue collectif. Toujours, elle parle au pluriel et utilise le "we". Ce "nous" dont elle fait partie est justement la Wondaland Arts Society, petite structure indépendante rassemblant artistes de tous poils et disciplines. Quant à Janelle, le parrainage d'Outkast et la signature sur le label de Sean "Diddy" Combs, Bad Boy Records, nous distraient de l'essentiel, le processus créatif au sein de Wondaland. Lequel semble effectivement un travail d'équipe. Si on a facilement repéré la grande silhouette de Kellindo Parker, guitariste portant perruque, les deux piliers du travail de composition et de production sont étrangement absents de la plupart des chroniques (françaises) de l'album. Alors que Janelle écrit les paroles, quasiment tous les morceaux sont pourtant signés de Nathaniel Irvin III, aka Nate Rocket Wonder, et Charles Joseph II, aka Chuck Lightning. Ensemble, ils forment par ailleurs le duo Deep Cotton, invité sur un titre de The ArchAndroid, "57821". Les deux personnalités sont complémentaires. Comme en témoigne Chuck Lightning : "j'ai appris que nous étions semblables malgré nos différences. N8 est plutôt PC alors que je suis Mac. Il est branché fast-food, chansons et pop-charts. Je suis plutôt tapas, albums et underground. Quand il monte dans ma voiture, il monte les aigus car il est fasciné par les cordes et les mélodies. Quand je monte en voiture, je balance des basses parce que j'aime bien sentir la musique. Mais ceci posé, nous sommes complémentaires".


Dans cette petite vidéo, les voici au travail sur le titre "Come Alive (War of the Roses)", dans les locaux de Wondaland. L'écriture et la composition de l'album y apparaissent comme un véritable processus collectif, une collaboration tendue vers un seul but commun, sans interférences d'ego : faire un sacrée bonne musique qui éclate tous les carcans.


Outre le duo essentiel Nate Wonder-Chuck Lightning, aka Deep Cotton, on retrouve l'apport déterminant de Roman GianArthur. Comme nous étions impressionnés par le morceau "BaBopBye Ya", nous avons cherché les crédits parmi les notes de pochette pour découvrir que celui-ci en avait signé la composition et les arrangements pour orchestre. Cet autre membre du collectif Wondaland est par ailleurs frère de Nate Wonder. Kevin Barnes, leader du groupe Of Montreal, proche de Janelle et Wondaland, nous prévenait : "Roman GianArthur va être le grand  truc de 2011, c'est un génie musical, un arrangeur brillant, auteur, interprète... Il faut aussi probablement très bien la cuisine. Vous allez voir, quand ils vont entendre son album, les gens en laisseront tomber leurs provisions" ! Chuck Lightning raconte le rituel quotidien de la maison : "les journées à Wondaland commencent quand Roman GianArthur s'assied devant le grand piano et joue sa sélection du jour. Parfois, c'est Debussy, parfois Stevie Wonder. Georgie Fruit, aka Kevin Barnes, peut éventuellement le rejoindre. Comment un seul piano peut-il avoir autant de funk ?"

Plus surprenant encore, le morceau aurait été composé en 1976 par leur père Nathaniel Irvin II dont on peut se demander s'il n'est pas le véritable gourou de Wondaland. Mais laissons le suspense pointer le bout de son nez, l'influence du Dr. Irvin sera le prochain volet de nos investigations.

Greg Tate, en observateur avisé et mentor de Janelle, est persuadé qu'elle et sa clique iront loin : "je pense qu'ils sont tout à fait capables d'avoir un impact sur la vie intellectuelle et la culture pop de leur génération, principalement parce qu'il se consacrent à leur art, aux idées mais aussi aux aspects commerciaux y étant associés avec la même implication".

Si Janelle Monáe a un talent incroyable, elle a su trouver les personnes qui partagent sa vision. Leur communion artistique a déjà produit ce chef d'œuvre. Wondaland se propulse à la façon d'une fusée, après avoir largué dans l'espace son premier étage, The ArchAndroid, on attend impatient de découvrir les albums de Deep Cotton et Roman GianArthur.

Quant à "BaBopBye Ya", ce morceau clôt l'album majestueusement. Longue pièce en trois mouvements de presque 9 minutes, il déploie un véritable souffle orchestral pour fournir un écrin à la voix de Janelle, peut-être le titre où elle peut délivrer sa plus brillante performance vocale. Si on considère que Janelle Monáe œuvre dans une veine afro-futuriste, la dimension rétro est également très présente. Elle puise son inspiration dans des références qui ne sont pas de son âge : Katharine Hepburn, Fritz Lang, les tuxedos... Sur ce bouquet final, j'avais cru percevoir l'influence de The Rubaiyat of Dorothy Ashby, album inspiré d'Omar Khayyam, produit et arrangé par Richard Evans. C'est le ton délibérément rétro de son chant qui me fait penser à cet essai de jazz imprégné d'Exotica, et aussi cette allusion au vin...

"The only love my heart approaches
Your tender eyes fill mine with roses
I drink your wine
And never will my heart dry inside
Or be denied
"

Je me trompe probablement en croyant déceler cette influence. De même quand, plus loin, un dialogue violon-piano me rappelle Astor Piazzola et son Quinteto Tango Nuevo. Mais ça ne fait que renforcer la richesse et le pouvoir d'évocation de "BaBopBye Ya".

Ce serait injuste de reprocher sur pareil titre à Janelle et son équipe un côté démonstratif, un "tour de force", car on sent la fierté de jeunes gens, presque encore surpris d'avoir accompli un tel travail. Dans l'extrait vidéo ci-dessous, ils rappellent combien cette pièce est un élément essentiel de The ArchAndroid.


The ArchAndroid est donc un album créé dans une intense effervescence artistique qui révèle au monde l'incroyable talent de Janelle Monáe. Tout pimpante, elle capte la lumière et rayonne. Car il faut aussi reconnaître que la fascination pour cet album tient également à la curieuse séduction de son auteur. Son visage enfantin contraste avec sa froide détermination. On est admiratif de la voir à ce point dédiée à son art et cela mérite le respect. Elle n'est certes pas modeste, son aplomb et son assurance peuvent gêner mais il émane de cette femme-enfant une telle volonté qu'on est conquis. Perfectionniste, inébranlable, elle se donne les moyens de ses ambitions.

Dépouillé de tout son decorum, son message est on ne peut plus simple et s'adresse aux jeunes gens, notamment de couleur. Janelle Monáe leur dit qu'il faut prendre confiance, ne pas se laisser brider par ses peurs, s'y confronter et s'affirmer tel que l'on est. Positif et fier. Elle assume ainsi vouloir être un modèle. Sa coiffure a beau être extravagante, ce sont ses cheveux naturels, précise-t-elle. Janelle Monáe est unique. Brillante.

The ArchAndroid n'est pas fini. Un roman graphique va être publié. Et chaque chanson devrait être illustrée par un clip ou un court-métrage. En attendant le DVD, ses bonus, le making-of, etc..., le disque n'a pas fini de tourner. "Tightrope" explose d'ailleurs mon compteur : en 5 ans que j'ai installé iTunes, c'est le titre le plus écouté de ma discothèque numérique. 

L'avis du Dr. Funkathus : un élixir radical, un effet feel good instantané, notamment sur "Tightrope" donc. A ce sujet, le Dr. vous conseille toutefois de bien réviser vos pas de danse si vous voulez faire bonne figure lors du réveillon. 




* Pour le Dr. Funkathus certes, mais aussi pour Vibrations, The Guardian, Associated Press, etc., etc...

vendredi 24 décembre 2010

Un Noël époustouflant, sans un pli de travers avec les Nicholas Brothers

Un souvenir de mes Noëls d'enfance, ce sont les comédies musicales dont était friand mon grand-père et que nous regardions en famille. Je n'ai pas souvenir d'avoir alors jamais vu Stormy Weather et j'ignore si mon papé connaissait ce film de 1943. Voici le final, avec Cab Calloway et son orchestre interprétant "Jumpin' Jive" pendant que les Nicholas Brothers délivrent un époustouflant numéro de claquettes et d'acrobaties. Cette scène est considérée par Fred Astaire comme la plus incroyable qu'il ait jamais vu dans une comédie musicale.


J'ai souvent regardé ce final ces derniers mois. Le genre de numéro dont on ne se lasse pas et qu'on regarde toujours aussi admiratif à chaque fois. Sans aller plus loin que leur page Wikipédia, on y apprend que Gregory Hines estimait que si un biopic devait leur être consacré, il faudrait réaliser les scènes dansées en image de synthèse car personne ne pourrait jamais les égaler.

Alors voici ces quelques images en guise de cadeau de Noël du Dr. Funkathus. Une forme de perfection, impeccables Nicholas Brothers. Sans un pli de travers.


Joyeux Noël à tous !!!

mercredi 22 décembre 2010

Son of Bazerk is back... et bien véner !

Peut-être le come-back le plus inattendu venu du rap : depuis quelques mois, Son of Bazerk & No Self Control s'est reformé. Tony "Son of Bazerk" Allen, MC Half Pint, Daddy Raw et Almight  Jahwell reviennent et  ils ne sont pas contents. Ils en ont gros sur la patate, le genre d'humeur propice à des lyrics bien nerveux portés par un flow toujours aussi dévastateur. Son of Bazerk, la plus grand voix de l'histoire du rap selon Chuck D. : "Son of Bazerk has the greatest voice ever!".
En un seul album, Bazerk, Bazerk, Bazerk, sorti en 1991, Son of Bazerk a acquis un statut culte. Il faut se souvenir, si vous en avez l'âge, de l'impact du groupe à sa sortie. "J.Dub's Theme", "Change the Style", "What Could Be Better Bi***", etc. Qui a entendu ces titres n'est pas près de les oublier ! Une bombe. Sans exagérer. Une vraie bombe.

D'ailleurs, en parlant de bombe, c'est Keith et Hank Shocklee du bien nommé Bomb Squad, délaissant Public Enemy le temps de produire Son of Bazerk, qui réalisèrent l'album. Il était absolument incompréhensible que pareil album ne connaisse pas de suite. Ironie de l'histoire, c'est Hank Shocklee qui serait responsable de la fin de l'aventure en les renvoyant à leurs chères études, n'ayant jamais jugé dignes d'être sorties les propositions de nouvel album du groupe. C'est du moins ce que déclara Son of Bazerk dans une interview accordée à Unkut en 2008. Une version des faits qui est démentie par Shocklee. Who knows... Cela va jusqu'à en faire perdre sa lucidité à Bazerk qui prétend détester la musique de "Change the Style", alors que c'est un numéro hallucinant de virtuosité, justement par cette façon vertigineuse de jongler avec les styles.

"- Je détestais la musique sur “Change the Style”, ce n'est pas ce que je leur ai donné.
- Mais les gens considèrent ça aujourd'hui comme un classique !
- Pour moi, c'est nul. J'en ai rien à foutre. Je déteste cette chanson"

Je vous l'ai dit, ils n'ont pas l'air content !

En attendant un éventuel album, Son of Bazerk & No Self Control ont déjà sorti un nouveau single, "I Swear on a Stack of Old Hits". A l'ancienne, Old School comme on aime, avec une surprenante citation du "Another Brick in the Wall" de Pink Floyd, probablement en raison de cette ligne dans les paroles : "we don't need self control"...

Si vous êtes à Brooklyn ou dans les parages demain soir, ils se produiront le 23 décembre à la Knitting Factory, en compagnie d'autres revenants, les Leaders of The New School (sans Busta Rhymes toutefois).


Comme il est peu probable que ce soit le cas, voici la vidéo de "I Swear on a Stack of Old Hits".

mardi 21 décembre 2010

Madlib : du cognac sur la pochette !

Noël approche et j'aurais bien aimé recevoir un bouteille de cognac en cadeau. Ce sera finalement du rhum. Car que vous arpentiez les rayons du moindre supermarché ou alliez chez votre caviste, le choix dans les whiskies sera toujours impressionnant tandis que vous ne trouverez jamais qu'une ou deux références de cognac. Du mauvais et du trop cher ! Je me souviens que je profitais toujours d'un séjour sur l'Île d'Oléron pour aller directement chez le producteur acheter une paire de bouteilles de cognac V.S.O.P., hors de prix dans le commerce. Faudrait peut-être arrêter de trop regarder la télé et copier vos héros de séries télé, non ? J'aime bien le whisky mais, franchement, qui a-t-il de plus fin qu'un bon cognac, ce nectar des heures tardives ?

Il faut que ce soit des esthètes californiens, Madlib et Stones Throw, qui remettent le cognac à l'honneur. En effet, Madlib poursuit sa production de dément avec un nouveau volet de son Madlib Medicine Show, tournant à la cadence d'un volume par mois. Le #11 s'intitule Low Budget Hi-Fi Music. Un véritable album de hip hop. Où figure un inédit issu de la collaboration entre Madlib et le regretté Dilla, sous le nom de Jaylib. La pièce de choix qui risque d'attirer les amateurs.

Et encore une fois, Stones Throw fait bien les choses. Outre le CD dont vous pouvez voir la pochette plus haut, l'album sort en triple-vinyl dans série très limitée sous différentes pochettes illustrées par Gustavo Eandi et by Jeff Jank et dont le tirage a été confié à Hit+Run. Avec la particularité que du cognac Hennessy VSOP a été ajouté dans la peinture!!!



Pour obtenir ce résultat... 


N'ayant pas eu ce bel objet entre les mains pour en apprécier la texture, je m'interroge : ce petit reflet sur le noir en bas à gauche, serait-ce là la trace du cognac ?

dimanche 19 décembre 2010

Le Top 9 du Dr. Funkathus

Pourquoi s'en priver, hein ? Moi aussi, je m'adonne allègrement au degré zéro de l'écriture (cf. le billet précédent) en proposant une... liste. Et en adoptant pour ce faire les pratiques électorales d'une république bananière à seules fins de choisir mes albums préférés de 2010. Serge Moscovici, dans ses écrits sur l'influence des minorités, rappelait que le processus démocratique commençait à partir de trois personnes, avec la possibilité d'une majorité et d'une minorité. Mais, franchement, c'est encore tout seul qu'elle marche le mieux la démocratie ! Parfois c'est déjà assez difficile de s'entendre avec soi-même, alors les autres, pfuhhh !

Inutile de faire durer plus longtemps ce suspense insoutenable, voici donc le palmarès 2010 du Dr. Funkathus...

1. Janelle Monáe, The ArchAndroid
2. Carlinhos Brown, Diminuto + Adobró
3. Gonjasufi, A Sufi and A Killer
4. Seu Jorge & Almaz
5. Galactic, Ya-Ka-May
6. Trombone Shorty, Backatown
7. Of Montreal, False Priest
8. Chucho Valdes, Chucho's Steps
9. Madlib, pour l'ensemble de son œuvre de 2010


1. Janelle Monáe, The ArchAndroid
Les trois premiers de ce classement ne souffrent aucune discussion. Ce sont clairement les albums qui m'ont le plus marqués en 2010. L'ordre n'a pas non plus connu trop d'hésitations. Janelle Monáe, avec The ArchAndroid, est même, à mon sens, hors-concours tant son talent est une évidence qui s'impose même aux observateurs distants. Reconnaissons que j'ai hésité un instant entre les albums de Carlinhos Brown et Gonjasufi pour savoir lequel mettre sur la deuxième marche. D'un côté, un nouveau venu sorti de nulle part ou vaguement du désert et dont l'album est un OVNI, de l'autre, un artiste confirmé qui signe son retour au premier plan, Carlinhos Brown. L'album de Janelle mérite une présentation plus précise, on y revient très vite... En attendant, les précédents messages lui étant consacrés, c'est (et aussi dans la barre de libellés)...

2. Carlinhos Brown, Diminuto
Même s'ils ne sont pas encore distribués chez nous, Carlinhos Brown a sorti deux albums en 2010, l'un d'entre eux, le plus ambitieux, était même offert en téléchargement gratuit pendant les premières semaines après sa sortie sur le site de son mécène, Natura. Brown est l'artiste le plus fréquemment évoqué dans les colonnes de l'Elixir, comme en témoigne la barre des libellés, à gauche de cette page. Il était évident qu'un nouvel album attire notre attention mais il l'était moins qu'il nous emballe autant. J'avais été en effet très déçu par son précédent, A Gente Ainda Não Sonhou et n'attendais pas grand-chose de son successeur. Je me suis trompé dans les grandes largeurs et c'est tant mieux car comme vous le savez peut-être, j'ai délaissé depuis une dizaine d'années la sociologie pour me consacrer exclusivement à la funkologie, y compris (ou en particulier) dans sa version pata-. Au sein de cette discipline en quête de reconnaissance académique, je me suis spécialisé dans une branche particulière, la brown-ologie. Au sein de cette branche, plusieurs sous-branches : la djémsienne, la ruthième, la chuquième, mais aussi la carlinienne. Celle qui nous concerne. Sans forfanterie, je me présente  donc à vous en tant que funkologue expert en brownologie-carlinienne. Vous avez déjà pu découvrir dans nos colonnes un certain nombre d'articles consacrés à Carlinhos Brown, dont une critique de Diminuto, l'album qui lui permet de figurer à la deuxième place de notre Top 10 annuel. Concernant Adobró, nous y reviendrons quand il en sera question de ce coté-ci de l'Atlantique et dédierons alors un nouveau cycle de messages à l'Ange-Conducteur de Bahia.


3. Gonjasufi, A Sufi and A Killer
Surgi de nulle part (même s'il avait déjà quelques enregistrements de rap confidentiels au compteur), Gonjasufi fait partie de ces artistes qui, dès les premières secondes d'écoute, provoque un choc. Un son si particulier, lo-fi, grésillant, une voix qu'on croirait de vieillard, nasillarde et geignarde, qui semble celle d'un spectre ancestral. Une façon de se mettre à nu, intense, presque gênante... Une expérience. Au départ, j'avoue avoir douté de la réalité de Gonjasufi, je me suis demandé s'il n'était pas un nouveau canular façon Clutchy Hopkins. Il s'est vite avéré que non, qu'il s'appelait en réalité Sumach Ecks, qu'il avait vécu en ermite dans le désert du Nevada, qu'il était mystique et prof de yoga (occasionnel). On a même pu lire de ci, de là, qu'il était une sorte de gourou : un vrai non-sens. Pour être gourou, il déjà être capable de s'occuper de soi, présenter un masque de certitudes, tout le contraire de Gonja qui semble tiraillé par le doute et trop instable. Une grande partie de son temps est dédié à l'éducation de ses enfants, une éducation parfois surprenante. "A un moment, je regardais La Mouche (version Cronenberg, ndla) en boucle et ça me faisait délirer grave. Je l'ai passé à mon fils. Ca lui a foutu une trouille d'enfer. Et je lui disais : 'assieds-toi et regarde ce putain de film avec moi, bro'. Ce film m'avait fait peur quand j'étais enfant, alors pourquoi est-ce que je ne lui ferais pas subir la même chose ?" Curieuse conception de l'éducation, où l'on juge bon de reproduire sur son fils les traumatismes de sa propre enfance. Et curieuse façon de s'adresser à son fils en lui donnant du "frère" (bro est la contraction de brother, ndla). Que celui qui n'a jamais fait d'erreur avec ses enfants lui jette la première pierre, ce n'est pas moi qui le ferai. Je ne suis pas de ces donneurs de leçon.

C'est un article consacré à Gonjasufi, "L'Agneau pascal selon Gonjasufi" qui est la page la plus visitée de ce blog. Il y est question de son morceau "Sheep" et personne ne m'a encore laissé de commentaires pour me signifier qu'en anglais, l'agneau se dit lamb et le mouton sheep. Mais pour un texte publié à Pâques, la tentation du jeu de mot était trop forte et invitait donc à l'approximation linguistique.


4. Seu Jorge & Almaz
Seu Jorge possède une voix incroyable. De Sam Cooke, on disait : "he could sing the telephone book", il pourrait même chanter l'annuaire téléphonique. On serait tenter de dire la même chose à propos de Seu Jorge. L'entendre interpréter un répertoire de choix, uniquement des reprises, est un plaisir qui ne se refuse pas : Jorge Ben, Michael Jackson, Roy Ayers, Tim Maia, Kraftwerk, Noriel Vilela, Nelson Cavaquinho... Bien sûr, on peut se demander si cela mérite de figurer dans une sélection des meilleurs albums de l'année. Mais pourquoi privilégier la composition à l'interprétation ? Ici, cette interprétation est l'œuvre de Seu Jorge donc, mais aussi de Lucio Maia (guitares) et Pupilo (batterie), membres de Nação Zumbi, et d'Antonio Pinto (basse). Le point de départ de ce projet remonte au moment où chacun des membres devait proposer aux autres un morceau qu'il aurait aimé écrire. Et le choix est un sans faute. En outre, sans que les titres choisis soient obscurs, c'est l'occasion de faire découvrir au public international un répertoire brésilien qui sort des sentiers battus et des standards de la bossa nova. Alors vaut-il mieux un album de mauvaises compositions ou de belles interprétations ? La seconde option, non ? Seu Jorge & Almaz sur l'Elixir...

5. Galactic, Ya-Ka-May et 6. Trombone Shorty, Backatown
Le funk de NOLA déboule en force dans notre classement avec deux albums, celui de Galactic et celui de Trombone Shorty. Les deux disques sont dans le même esprit, une sorte de formule gagnante, une mixture funk qui balance du groove avec un gros son rock. Si le talent de Troy Andrews, aka Trombone Shorty, est impressionnant quand on pense qu'il n'a que vingt-quatre ans, nous avons placé l'album de Galactic un rang plus haut pour sa dimension collective et fédératrice. Il serait trop facile de dénigrer Galactic en les taxant de backing-band, il s'agit effectivement d'un groupe instrumental. Un groupe qui invite de nombreux chanteurs et rappeurs à venir faire la fête : Allen Toussaint, Irma Thomas Big Chief Bo Dollis, les Sissy Bouncers Katey Red, Big Freedia et Sissy Nobby, sans oublier les jeunes Trombone Shorty et Glen David Andrews, ou la participation du Rebirth Brass Band, etc, etc... Le casting est impressionnant, rendant à la Nouvelle Orléans sa réputation créole de tolérance et de brassage, ici entre Noirs et Blancs, jeunes et vieux, hommes et femmes, hétéros et gays. Une bonne tambouille où se mêlent funk, fanfare, bounce, rock, à écouter sans modération jusqu'au bout de la nuit en poussant le volume. Une bonne tambouille puisque le ya-ka-may est une soupe roborative vendue dans les rues et qui a la réputation d'éponger les gueules de bois ! Quant au super-funk-rock de Trombone Shorty, là aussi, vous pouvez monter le son !

7. Of Montreal, False Priest
Ou le deuxième effet Janelle ! Alors que ce groupe originaire d'Athens, Géorgie, jouit d'un statut enviable, que False Priest est déjà leur dixième album, je n'ai même pas souvenir d'avoir lu une seule critique de l'album dans la presse spécialisée, uniquement sur quelques blogs. Certes, leur clip de "Coquet Coquette" a, paraît-il, provoqué un petit scandale, comme quoi il n'en faut pas beaucoup pour effaroucher certaines bonnes âmes ! J'avais écouté sans beaucoup d'attention quelques titres des deux précédents albums mais c'est avec celui-ci que j'ai vraiment découvert Of Montreal. Le déclic fut leur participation à l'album de Janelle Monáe sur le titre "make the Bus" où le duo de la miss et Kevin Barnes fonctionnait si bien qu'il déboucha sur deux autres titres. Sur l'album d'Of Montreal cette fois-ci. Autre invitée de Kevin Barnes et sa bande, Solange Knowles (oui, la sœur de Beyoncé) pour un "Sex Karma" dont le refrain "You look like a playground to me" tombe à point nommé pour rappeler que le sexe devrait toujours être "par surprise", avec l'imagination, dans l'inspiration du moment. Sur l'album je trouve en particulier irrésistible "Hydra Fancies" où Kevin Barnes se pose comme fils naturel et illégitime de David Bowie et George Clinton, comme si le P-Funk servait de bande-son à un opéra glam rock.

8. Chucho Valdes, Chucho's Steps



Cette liste n'est pas un classement de l'excellence musicienne, sinon Chucho Valdes y figurerait bien plus haut. Voici en effet un artiste en pleine maturité qui a atteint un niveau de maîtrise de son art absolument phénoménale, assortie d'une vision musicale qui lui permet de poursuivre et d'approfondir ses explorations et son élaboration d'un idiome particulier de jazz afro-cubain. Etourdissant.






9. Madlib, pour l'ensemble de son œuvre de 2010
L'ensemble de son œuvre ! Et c'est beaucoup de disques. Au moins 17 albums si je ne me suis pas trompé dans mes calculs ! Otis Jackson Jr. est prolifique et même plus que ça : c'est un dingue. Madlib mérite largement de faire partie de notre sélection même si je n'ai pas écouté en boucle ses albums, et d'ailleurs je n'en ai écouté qu'une petite partie. Et pour cause ! Rien que le Madlib Medicine Show compte douze albums, un par mois. Bon, il y a quand même un ou deux volumes de retard mais comment pourrait-il en être autrement. A travers Madlib, on apprécie la politique de Stones Throw, à la fois dans les choix artistiques mais aussi dans son approche esthétique des objets vinyls et CDs. Sans oublier que, pour un blogueur, leur site est une aubaine. Quant à Madlib, il contredit l'idée répandue qu'une consommation excessive de cannabis freine l'activité, tant on sait que l'homme part en immersion dans sa collection de vinyls, en une apnée prolongée par ses adjuvants fétiches, la weed et le café. Et le cognac ? Il en fait un usage très particulier dont je vous informe très prochainement...

Vous allez bien sûr me demander quel est le dixième sur la liste. Je l'ignore. Si cette liste s'arrête à neuf, ce n'est pas pour faire l'intéressant, c'est juste que j'hésite encore sur l'album manquant. J'hésite. Flying Lotus, The Roots avec ou sans John Legend, Aloe Blacc, Push Up, Baiana System, The Dead Weather, Blundetto, Moussu T (pour seulement quatre titres aux paroles si bien tournées), etc, etc... Une liste est par définition trop lapidaire, arbitraire. Je préfère l'idée de laisser la porte ouverte.

samedi 18 décembre 2010

Le Top 2010 des Blogueurs

Fin de l'année, temps des bilans. Chacun y va de son palmarès des meilleurs disques de l'année. Ainsi, une soixantaine de blogueurs francophones s'est-elle fédérée pour élire ses albums préférés de 2010. Sans que cela ait valeur de sondage, cette initiative est instructive en ce qu'elle révèle un pan de l'air du temps.


Par contre, quand cela vient d'un magazine musical, au hasard Vibrations, je considère l'exercice d'une incroyable paresse éditoriale. Surtout s'il s'agit d'un numéro double valant pour les mois de décembre et janvier. Mais, au moins, cette année, ils l'ont joué sobre et n'ont consacré qu'une page à leur palmarès, contre une dizaine par le passé. Par contre, sauf le respect que je dois à cette exceptionnelle chanteuse, quelle idée d'aller exhumer une interview d'Aretha Franklin réalisée en 1978 où sur six pages (six pages !!!), elle étale le fait qu'elle n'a strictement rien à dire sur rien. Le choix de la rédaction de Vibrations comme Album de l'Année s'est porté sur... trois albums qu'elle n'a pas réussi à départager : The ArchAndroid de Janelle Monáe, Assume Crash Position de Konono n°1 et Silent Movies de Marc Ribot. 

Bon, ne soyons pas négatifs, après tout, c'est toujours une curiosité de découvrir les préférences d'un magazine qu'on lit l'année durant. Et puis l'époque (depuis le High Fidelity de Nick Hornby ?) semble être aux listes en tous genres. Allez va...

Quant aux blogueurs français, nous n'allons pas leur reprocher d'élire un Best Of de l'année puisqu'ils sont bénévoles et que nous n'avons pas à payer pour connaître leurs choix. A la différence d'un magazine papier où ça fait finalement cher la page quand on se cantonne au degré zéro de l'information et de l'écriture. Relativisons un point sur le désintéressement de nos collègues blogueurs : certains ont choisi d'accueillir de la publicité dans leurs colonnes. Cela doit être très variable d'un cas à l'autre mais je n'ai absolument aucune idée de combien cela peut rapporter par mois. Si, paraît-il, une âme pèse 21 grammes, je serais donc curieux d'en connaître le prix. 

Concernant ce Top des Blogueurs, je découvre seulement cette initiative en même temps que ses résultats et, du coup, me suis inscrit pour participer à l'édition 2011. Histoire de faire peser un peu plus le funk et les sons brésiliens dans la balance !

Voici donc leur Top 5 :

1. Gonjasufi, A Sufi and A Killer
2. Swans, My Father will guide me up a rope to the sky
3. Four Tet - There is Love in You
4. Beach House - Teen Dream
5. The Black Keys - Brothers

et 6. Janelle Monáe, The ArchAndroid...




Gonjasufi et Janelle Monáe, deux des artistes les plus fréquemment évoqués cette année dans l'Elixir, deux artistes qui semblent avoir réellement touché une corde sensible et tendue qui fait résonner l'air du temps... L'ermite halluciné et l'androïde-artiste totale sont des figures du Zeitgeist que l'on retrouvera donc dans notre propre palmarès de 2010. A suivre...

vendredi 17 décembre 2010

Le-Goûter.com fête ses 5 ans : Joyeux Anniversaire !

Le Dr. Funkathus souhaite un très joyeux anniversaire au blog le-Goûter.com qui fête ce mois-ci ses 5 ans.


Fondé et animé par Sly de Cumba, le Goûter est un site généreux qui prospecte en particulier du côté des nouveaux batuques et cherche à faire partager ses découvertes. En cinq ans, il a acquis une notoriété suffisante pour être reconnu par les labels et organisateurs de concerts. Au point qu'à la sortie de Puta de Cançon, le dernier album de Moussu T e Lei Jovents, il proposait trois albums à gagner en répondant à la question "combien d'albums les Moussu T ont-ils sortis ?". J'en connaissais quatre mais, en vérifiant sur la toile, j'en découvrais un cinquième. C'est ainsi que, peu porté sur les jeux d'argent et les tirages au sort, pour la première fois de ma vie que je gagnais quelque chose de cette manière. J'étais resté sur un souvenir cuisant, aux alentours de mes douze ? quatorze ? ans. Pendant de longues semaines, j'avais alors laborieusement collectionné des points Coca-Cola en détachant la rondelle de caoutchouc qui se trouvait à l'intérieur du bouchon sur les bouteilles en verre de 1 Litre. J'en avais amassé suffisamment pour gagner un mug ou une connerie dans le genre. Mais quelques instants après avoir glissé dans la boîte postale l'enveloppe contenant toutes les précieux bons en forme de rondelles, je réalisais que j'avais oublié de préciser mon adresse pour recevoir le cadeau patiemment. Le truc vraiment con. Une étourderie qu'on ne pouvait même pas mettre sur le compte du cannabis ! Ca m'en a passé le goût. Depuis, jamais je ne réponds aux nombreuses sollicitations me suggérant que le million, ou quelque gros lot, est à simple portée de clic. Aussi étais-je bien réjoui, après toutes ces années, de recevoir ce CD de Moussu T.

Trêve de plaisanterie, pour revenir au sujet du jour, je connaissais déjà le Goûter quand, il y a quelques mois, j'ai fait la connaissance de Sly en échangeant quelques commentaires, puis des courriers par e-mail, avant que l'on puisse avoir une très sympathique et chaleureuse conversation par téléphone. Et qu'il me propose donc de participer à cet anniversaire comme bon me semblera.

Pour ses cinq ans, le Goûter invite à tour de bras et laisse la clé sur la porte. Tout le mois de décembre est dédié à cet anniversaire. L'occasion de découvrir quantité de musiques, des mixes à gogo. Allez retrouver les sélections de Karim, DJ Touski, Dr. Roots, Sherlock, Radioschic, WegoFunk, Zzzeb, DJ Spider, DJ Clectic... 

Le Goûter.com souffle ses cinq bougies, c'est ici.

Quant à ma petite contribution, je la posterai également sur l'Elixir dans les jours qui viennent, à suivre...

jeudi 16 décembre 2010

Manifeste Afro-Tropicaliste du IIIe Millénaire : Eletro Ben Dodô de Lucas Santtana (Les 10 du Millénaire, 9/10)

Avant-dernière étape de notre série sur les albums qui ont compté (au moins pour moi) pendant cette première décennie du nouveau millénaire. Alors que son dernier album Sem Nostalgia, déjà chroniqué ici, vient d'être sélectionné par la Revista Bravo!, dans son numéro de décembre 2010, parmi les dix meilleurs disques brésiliens de ce début de XXIe siècle, nous préférons revenir vers ses débuts et son premier album, EletroBenDodô.

Dans la chronique de Sem Nostalgia, je qualifiais Lucas Santtana de secret le mieux gardé de la musique brésilienne. Car s'il jouit d'une évidente reconnaissance critique, son travail reste encore confidentiel.

Quelqu'un qui explique qu'en tant que guitariste, James Brown et Jorge Ben ont eu la plus "grande importance dans la formation groovesque de (s)a main droite", a déjà tout compris. Bahianais devenu Carioca d'adoption, Lucas Santtana est un musicien complet, alliant formation classique et pratique pop. Eletro Ben Dodô, a mis la barre très haut. Placé sur la liste des 10 meilleurs albums indépendants de l'an 2000 par le New York Times, les débuts de Lucas Santtana permettaient, selon l'anthropologue de la musique Hermano Vianna, de "repositionner la musique pop de Salvador dans la ronde océanique de l'Atlantique Noir, à laquelle tous les nouveaux batuques digitaux sont connectés". Vianna allait même plus loin dans le dithyrambe en écrivant que "Eletro Ben Dodô est le meilleur disque de pop africaine jamais enregistré au Brésil (le Africa-Brasil de Jorge Ben étant évidemment hors-concours) et pourrait devenir une référence par la pop contemporaine de nombreux pays d’Afrique". 

Un coup d'essai, coup de maître, qui projetait les germes du Tropicalisme (à savoir la capacité à tout digérer pour produire une synthèse cohérente) en plein dans notre troisième Millénaire. Par son histoire familiale, Lucas Santtana est d'ailleurs intimement lié à ce mouvement artistique des années soixante. Lucas Santtana n'est pas un "fils de", comme peuvent l'être ses copains Moreno Veloso ou Davi Moraes, mais c'est tout de même son père, Roberto, qui présenta Gilberto Gil à Caetano Veloso dans les années soixante, rien moins que la recontre initiatrice du mouvement. Et s'il n'est pas "fils de", il est le neveu de Tom Zé, l'autre figure essentielle du Tropicalisme (un lien de parenté qu'il ne découvrit cependant que sur le tard).

Plus encore, dans la lignée de cet autre grand post-tropicaliste, Carlinhos Brown, Lucas Santtana avait choisi de mettre l'accent rythmique sur sa musique, s'appuyant sur la riche tradition percussive bahianaise. Et même s'il revendique des influences plus larges et générationnelles, tels le Mangue Bit du Pernambouc ou D2 de Rio, son inspiration provient des racines et des fruits de Bahia.  Eletro Ben Dodô reste encore aujourd'hui un véritable manifeste qui arpente Salvador de part en part, d'Itapoã ("Itapoã @no 2000") au Candeal ("Domingo no Candeal"). Il cite les blocos du carnaval, tels les Muzenza, Ilê Ayiê, les Apaches do Tororó, l'afoxé Filhos de Gandhi pour mieux enraciner sa musique dans tout ce qui fait pulser Bahia.

Pour étoffer la bande-son de ce premier album, Lucas Santtana s'est entouré de brillants musiciens : Davi Moraes et Pedro Sa (guitares), Ramiro Musotto, Gustalvo di Dalva et Marcos Suzano (percussions) ou Carlos Malta (flûtes et saxo), sans oublier la production de Chico Neves qui concourt à projeter allègrement Lucas Santtana dans la Bahia du troisième Millénaire.

Si Lucas Santtana s'avère fin mélodiste, auteur de "refrains qui collent aux oreilles comme du chewing-gum" (dixit son propre site internet), il gratte en même temps des rythmiques déchaînées sur sa guitare-nylon. En guise de défi, il nous donne aussi sa vision du funk en reprenant le "Doin' In the Death" de James Brown, à la sauce bahianaise bien sûr, où c'est le berimbau qui pose le groove, véritable morceau de bravoure du regretté Ramiro Musotto. 

Tout simplement brillant.

Lucas Santtana, "Doin' in the Death", EletroBenDodô (2000) mp3 320 kbps

Pour poursuivre l'éloge, le jeune homme s'est trouvé deux parrains de choix, Tom Zé et Hermano Vianna, qui ont écrit chacun un essai sur EletroBenDodô et sa portée... Je vous les livres tels quels. Et je vous avouerai que je n'ai pas tout compris de celui de Tom Zé, assez hermétique. Et s'il avait été en français, je ne l'aurais pas compris pour autant !

De Tom Zé, retenons néanmoins cette belle allusion au pouvoir du rythme, qui est aussi celui d'Eros, le tout évoqué dans le style caractéristique assez délirant de son auteur : "On connaît le leader d'un disque en écoutant quel est l'instrument qui ressort au mixage, le guitariste, la bassiste, le chanteur... Le leader de ce CD est Eros. On a coutume de dire - en l'occurrence dans la Bible - que l'univers commence avec le son : au commencement était le son, livre tant, verset tant... Ici, l'artiste commence à changer la Bible : au commencement était le rythme. Saint-Lucas, chapitre 2/4, verset 4/4. Et le rythme est le ventricule direct d'Eros. Le rythme est la prière du matin d'Eros. Je ne vais pas exagérer pour ne pas perdre en crédibilité (sic !!!, ndla) mais nous avons là un artiste. Habemus".

Quant à Hermano Vianna, ce n'est bien sûr pas parce que Lucas reprend un titre de son frère Herbert Vianna (du groupe Os Paralamas do Sucesso) qu'il lui tresse de telles louanges mais bien parce qu'en bon anthropologue de la musique brésilienne, il saisit tout à fait la longue portée d'un tel premier album.

Eletro Ben Dodô por Tom Zé
Na verdade, existem dois tus: um tu próximo e que mal se despregou do eu, e um tu mais longe, quase ele. Um forte não-eu. Lucas Santtana, por exemplo, está tão longe de mim que sua existência é minha morte. Sucessivas mortes o permitem, a esse tu-lá. Ouvindo neste cedê os hinos que foram feitos com palavras de rua, de areia, de lençóis, anoto que não são hinos da alma, porque as últimas morreram no começo de 1900.
Depois dos treze, quando Stravinsky assentou a Sagração, quer dizer, nos 14, já só lhes conhecemos as lápides. Uma delas nos contou a verdade: aqui jaz a última alma. Depois dessa, o homem começou a ser erigido sobre o ritmo. A humanidade não saiu perdendo, porque o ritmo não tem pecado, já que é um deus desidratado, e Deus tudo acolhe. Aqui são Lucas e sua geração, seus amigos e parceiros. Mas, de que útero eles nasceram?…
Em 1949, morreu o avô deles, uma Bahiaaldeia-incubadeira, faísca inculta e rica que em si mesma não se reconhecia: nesse ano um negro doutor, formado em Medicina, foi impedido de entrar no Clube Social Bahiano de Tênis.
O féretro chamou-se Auto da Glória e Graça da Bahia. Espichou-se pela Avenida Sete (e ao longo dela), entre a piedade, onde eu assisti, era dezembro, com a cabeça metida entre os cotovelos do povo adulto, perfilado em corredor polonês – ia até a Ladeira da Barra.
O carnavalesco (reclame a primazia) do sepultamento foi o professor Walter Ruy. Aquilo tudo a pés. Os funerais, que hoje terminaram em Lucas, prolongaram-se até esta madrugada, em diversos cordões de umbigo.
Por dentro desses cordões latejaram os Filhos de Gandhi, Seminários de Música, Escola de Teatro, Ilê Aiyê, Teatro Vila Velha de João Augusto, tropicália e uma canção chamada “Trio Elétrico”. Alguns carnavalescos, chefiados pelo Dr. Edgar Santos: Koellreutter, Widmer, Tudor, Cage, Mãe menininha. Outros carnavalescos, chefiados pelo menino preto de Dr. Moreira: Seu Rocha do Cinema Novo, o filho de Seu everton, o irmão de Irene, Conselheiro Cravo, Jorge Cacau e João Augusto Vila Velha. Ao todo, eram sete cordões na avenida. Eram sete cordões umbilicais.
E aí eles uteraram.
De forma que por tal e tanto fica dito que Lucas não começam onde nós começamos nem onde nós terminamos. Não começa nunca. A minha geração entrou na música para-quedando no bonde em disparada, incomodando muita gente que reclamou e se queixou. Eles, não: Lucas nascem na música. De uma polissemia-polimicrotonalsemia, pra ser exato – de cordões de umbigo que se intercomunicam. Lucas e seus parceiros.
Observações ligeiras: Você conhece o dono do disco pelo instrumento que ressai na mixagem. O guitarrista, o baixista, ou o cantor… Aqui neste de Lucas Santtana, o dono do CD é Eros. Dizem – no caso, a Bíblia -, que o universo começou com o som: no princípio era o som ; livro tal, versículo tanto. Aqui , o artista começa mudando a Bíblia: primeiro é o ritmo. São Lucas, capítulo2/4, versículo 4/4. E ritmo é o ventrículo direito de Eros. Ritmo é a oração que Eros reza de manhã. Não vamos exagerar no argumento para não perder a causa. Mas aqui há um artista. Habemus.

Eletro Ben Dodô por Hermano Vianna
Lucas Santtana fez o favor de facilitar a vida de quem escuta, dança e pensa “Eletro Ben Dodô”, seu disco de estréia. Não é preciso nem indentificar os sons sampleados em cada faixa para saber o que está acontecendo. A canção “E muito mais” fornece a descrição geográfica básica e explícita do território musical no qual o disco habita: dub; Chelpa Ferro; irmãos Cavalera; família D2; mangue bit; candomblé. E muito mais que pode ser resumido no seguinte verso: “meu lance é muito barulho,viu?”
Até ai, aparentemente, nenhuma novidade, e muito barulho mais, é o ponto de partida inescapável para quem deseja fazer música pop de qualidade e importãncia estética no Brasil hoje. Só que o lance de Lucas Santtana é diferente, por um primeiro motivo fundador: todo o barulho é reprocessado e redefinido a partir de um ponto de vista/audição que sintetiza os últimos 50 anos de música eletro e acústica da cidade da Bahia û, do mundo sonoro/urbano de Salvador e seu recôncavo.
A Bahia e o Brasil precisavam de um disco como “Eletro Ben Dodô”.
É claro: os sinais de outras sínteses podiam ser escutados em muitos lugares e ocasiões. Só para citar um exemplo: o samba-de-roda de São Braz, no epicentro tradicional do Recôncavo Baiano, é tocado agora com guitarra elétrica. Não se pode mais dizer que o barulho da eletricidade não seja também tradicional. Nininho, o guitarrista de São Braz, tocou no histórico trio Tapajós, nos anos 60, transmitindo as lições que havia aprendido na viola do seu pai para a linha evolutiva pop-carnavalizante inaugurada por Dodô e Osmar. Portanto, Lucas Santtana não descobriu a roda. Apenas botou a “roda”(do samba e de todos os outros barulhos) para girar mais depressa e percorrer novos caminhos, o que criou uma síntese mais clara e radical.
Na “roda não há hierarquias. Todo mundo pode entrar na roda, se conectar » á roda ( não hea exatamente um mundo para sempre fora da roda, e aroda não pode ficar “apertadinha” ). Todo mundo pode ocupar o centro da roda, e redefinir o seu futuro. Lucas Santtana está agora no centro da roda e pode reposicionar, sutil mas precisamente, o lugar que todos os componentes da roda ocupam. Mais: “Eletro Ben Dodô” reposiciona a música pop de Salvador na roda oceânica do Atlântico Negro, a qual todos os novos batuques de computador estão conectados. Depois desse disco, vai ser impossível escutar a axé-music ou a anti-axé-music com os mesmos ouvidos.
Sempre imeginei como seria bom que existisse na Bahia uma estaçnao de rádio educativa inteiramente dedicada ao pop africano e sua diáspora rítimica. “Eletro Ben Dodô” parece ser produto de uma realidade histórica paralela, onde essa minha rádio imaginária sempre tivesse existido e desse continuidade a um ambiente de intercâmbio cultural tão criativo quanto aquele que existia em Lagos e Salvado sr no sec. XIX.
É bom que fique bem claro: “Eletro Ben Dodô” é o melhor disco de pop africano jamais gravado no Brasil ( áfrica Brasil, de Jorge Ben, o Ben de “Eletro Ben Dodô” , é obviamente hoursconcours) e poderia tornar-se referência para o pop conteporâneo de muitos países da Africa, começando pela versão iorubá de James Brown ( que é digna de Fela Kuti ao vivo no Shrine). Mas não exatamen-te pela influência direta do afro-beat ou do mbalax.
O mais africano de Lucas Santtana é produto da história do pop baiano pós-trio-elétrico, onde todos seus excessos e firulas estão reduzidos ao exencial da africanidade: o groove.
Em “Eletro Ben Dodô”, os barulhos e o barroquismo sonoro se colocam a serviço do groove, da pulsação contínua e hipinótica, que neste disco soa quase sempre como um toque de candomblé. Na definição de Amiri Baraka, o groove é o “mesmo mutável” (não cust ja nada lembrar: a roda é um círculo, é a cobra que morde o próprio rabo), a redundância grávida de inovação (mas onde aquilo que é novo nunca se descola do conjunto). Os grooves criados para “Eletro Ben Dodô”, pelo método cada vez mais rigoroso e detalhista do produtor Chico Neves, justapõem- em suas mínimas células rítmicas- elementos díspares de décadas de experimentaçnoes musicais em Salvador: do primeirogrito da guitarra baiana á primeira aula de Hans Joaquim Koellreuter ; do primeiro encontro de Caetano Veloso com Gilberto Gil ao primeiro encontro de Raul Seixas e Marcelo Nova; do primeiro baile funk da liberdade á primeira caminhada Axé; do primeiro ensaio de Neguinho do Samba com a bateria do Olodum ao primeiro hit de Luiz Caldas. E muito mais. O muito mais ( mesmo a bossa nova “dos” Paralamas do Sucesso ganhou o groove surdo do sambão, aqui “carioca”) é ˚mais uma garantia de que a Bahia é só o início da conversa. “Eletro Ben Dodô”, sabendo que todo bom festejo é- ao mesmo tempo- regional e planetário, canvida todo mundo para aumentar a roda.

mercredi 15 décembre 2010

Le Tout-Puissant Mazembe bat l'Internacional de Porto Alegre 2-0

Pour une fois qu'il y a un club congolais en finale du Championnat du Monde des Clubs, personne n'en parle. C'est pourtant une première historique pour un club africain. Il faut dire que cette compétition qui a remplacé la Coupe Intercontinentale, n'intéresse pas grand monde. Cette année, l'épreuve se déroule à Abu Dhabi.  Cet après-midi, le Tout-Puissant Mazembe, club de Lubumbashi, a battu 2-0 l'Internacional de Porto Alegre, pourtant archi-favori. Tandis qu'un autre Inter, celui de Milan, dispute l'autre demi-finale contre les Coréens de Seongnam Ilhwa Chunma.


Tout Puissant ! Tout de suite, ce nom évoquera aux amateurs l'orchestre de Franco : le Tout Puissant OK Jazz... Et puisque les Brésiliens ont toujours adoré le football-samba, pourquoi ne pourrait-on pas gagner des titres en pratiquant du football-rumba ? On précisera que le style de jeu de l'Internacional n'est pas exactement du football-samba. Les Gauchos ont la réputation (méritée) d'être rugueux.

Le TP Mazembe se confrontait en tout cas à un gros morceau pour sa demi-finale. En 2006, l'Internacional avait déjà remporté le titre après avoir battu le grand Barça en finale... Où un certain Ceará avait dégoûté et muselé Ronaldinho pendant tout le match. Il y avait alors de la revanche dans l'air car si Ronaldinho est lui-aussi originaire de Porto Alegre, il y jouait dans le club rival, le Grêmio. Aujourd'hui, Ceará joue au PSG et Ronaldinho, même s'il demeure un footballeur d'exception, présente surtout le profil du parfait convive pour les soirées "bunga-bunga" de son président de club, hélas. 

Face au TP Mazembe, l'Internacional arrivait avec son statut de grand club, le club de quelques colorados de légende : de l'élégant Falcão à Pato, de Dunga à Nilmar... De l'effectif actuel, j'avoue ne connaître aucun joueur, hormis Ilan ayant joué en France. En face, pareil. Renseignements pris, la star actuelle de l'Inter s'appelle D'Alessandro et est argentin. Côté Mazembe, c'est Alain Kaluyituka Dioko. Il est en course pour le CAF Award 2010 du meilleur joueur évoluant sur le continent africain. Il avait fait à l'inter-saison un essai à Arles-Avignon avant de revenir à Lubumbashi. Avait-il un pressentiment du désastre à venir du côté de l'AC A-A ou ses prestations ont-elles été jugées non-concluantes ?

De fait, je ne suis plus le football d'assez près pour connaître des joueurs congolais. Peut-être aussi que mon ignorance en la matière tient au fait que les meilleurs sont. des internationaux... français (ou belges). Pour rappel, l'ancien Claude Makélélé, le dilettante Peguy Luyindula, ou désormais Steve Mandanda, sont tous les trois des Kinois de naissance. Les équipes de France peuvent aussi compter sur Yann M'Vila, (dont le père est congolais) avant très prochainement Gaël Kakuta...

Le football africain est très peu médiatisé en Europe, difficile à suivre donc. Ce Championnat du Monde des Clubs est l'occasion de réaliser que le TP Mazembe de Lubumbashi est devenu, ces dernières années, un club majeur en Afrique, venant juste de réaliser le doublé en remportant la Ligue des Champions de la CAF en 2009 et 2010. Mais la star des "Corbeaux", c'est leur président : Moïse Katumbi Chapwe, le très médiatique homme d'affaires et gouverneur de la riche province du Katanga, aux nombreux gisements en minerais. Il est à noter que, grâce à lui, le stade municipal où joue le club est désormais équipé d'une pelouse synthétique, financée "à grande échelle" (sic) par Katumbi lui-même, "auteur d’une structure infrastructurelle adéquate"(re-sic).

A l'heure du match, pourtant mon cœur balance. Je suis partagé, ravi de l'événement historique qui verrait une équipe africaine en finale, en même temps, j'ai beaucoup de sympathie pour l'Internacional. Il faut dire que mon ami Juremir s'est fait une véritable mission de convertir toute ma famille. Lors de notre arrivée à Porto Alegre, dès que nous passions le seuil de sa demeure, il nous remettait un maillot officiel du club. Lors de son dernier séjour montpelliérain, c'est mon fils aîné qui s'était vu offrir la tenue complète. Et je sais très bien que quand il fera la connaissance du dernier né, il lui offrira également un maillot. Alors si j'en venais à soutenir le Tout Puissant Mazembe, Juremir pourrait y voir une trahison. Pourtant que serait l'amitié sans ses petites rivalités footballistiques ?

Plus que la déception de la défaite, il me confiait hier soir, surtout regretter les réjouissances qu'elle allait occasionner chez les grands rivaux de toujours : "on doit supporter aujourd'hui la grande fête des supporters de Grêmio. C'est la folie bleue. Il va falloir partir en vacances vite".

En attendant, un petit résumé pour remuer le couteau dans la plaie, avec deux beaux buts de Kabangu et Kaluyituka. Et une curieuse danse de joie du goal Kidiaba...