samedi 29 mai 2010

Une Séance de Cinéma Transcendental avec Caetano Veloso

Spéciale Dédidace à un jeune lecteur du blog
qui s'apprête à passer un an à Bahia pour ses études.
Veinard !


C'est de saison, dès qu'arrivent les vrais beaux jours, ça ne coupe pas : je suis saisi d'une saudade de Bahia. Pour m'accompagner durant la traversée de cet état de nostalgie joyeuse qui, parfois, peut durer une partie de l'été, toujours il y a une musique bahianaise. Bien sûr. Qu'elle soit tropicaliste, l'œuvre de vieux sambistes du cru, tels Riachão ou Batatinha, voire carrément plus roots ou, à l'inverse, parfois même axé !

Tout se téléscope, passé, présent, futur. Entre ce présent de soleil et de chaleur et le futur proche du premier bain de mer, viennent se mêler quelques échos lointains, à la fois souvenirs et sensations de mes séjours brésiliens, en même temps que le souvenir du temps lointain où je découvrais cette musique. Car ces jours-ci, mon humeur bahianaise s'épanouit avec nonchalance au son du Cinema Transcendental de Caetano Veloso, album que depuis longtemps je n'avais pas écouté.

Un album où dès que vous posez l'aiguille sur les sillons, vous entendez :
Caetano Veloso, "Lua de São Jorge", Cinema Transcendental (1979)






Clairement, la pochette évoque bien l'imminence personnelle de la plage et a participé à l'envie d'écouter ce disque-là en particulier.

Et d'ailleurs, si c'était ça le "cinéma transcendental" du titre de l'album : s'abandonner à la contemplation de la mer vue de sa serviette de plage ?

Cinema Transcendental est un des premiers albums de Caetano que j'ai découvert et notamment pour cette raison, il demeure un de ceux auxquels je demeure le plus attaché.

C'est en 1989, grâce à l'album Beleza Tropical, une collection de titres brésiliens choisis par David Byrne, que j'ai découvert la musique de Caetano Veloso. Figuraient sur cette compilation quatre de ses chansons dont "O Leãozinho" et "Queixa". Si je n'ai jamais eu de sympathie particulière pour David Byrne, je lui suis cependant infiniment reconnaissant d'avoir posé cette première pierre dans mon jardin. Car dès l'instant où j'entendis sa voix, Caetano s'imposait comme un artiste à part, une de ces révélations très spéciales comme on n'en connaît que quelques unes au cours d'une vie. Je sais, ça sonne con d'écrire ça mais c'est pourtant le cas. C'est bel et bien l'artiste que j'ai le plus écouté dans la décennie qui suivait sa découverte. Et largement. Ce qui fait de lui un de mes artistes essentiels, de ceux dont on garderait les disques si on ne devait conserver que ceux-là, comme dans ce jeu de l'île déserte, comme si branché en mode Robinson on pouvait écouter des disques ! A moins que cette île ne soit justement celle qu'il reprend d'Henri Salvador, celle où l'on paresse sans songer à demain.

Par la grâce d'une simple paire de chansons sur une compilation, j'étais conquis et rêvais dès lors d'aller découvrir la Bahia de tous les Saints. Cela me prit dix ans avant de pouvoir faire ce voyage. Lors de mon premier séjour là-bas, alors que je déjeunais dans un restaurant d'Arembepe, face à la plage, je discutais avec un ami d'amis, Américain, qui me disait avoir eu, comme moi, ce déclic, cette envie de découvrir Bahia en entendant pour la première fois la voix de Caetano. Comme moi, à cette différence près qu'il vivait alors à Salvador depuis vingt ans et y était devenu guide touristique.

Pendant ces dix ans avant de pouvoir m'offrir ce "pélerinage" bahianais, j'ai beaucoup écouté ses albums et j'avais l'impression d'être presque devenu un expert en caetanologie. Ce qui aujourd'hui me fait bien sourire car si j'écoutais les albums, j'ignorais encore à peu près tout du contexte de leur création. Mais j'apprenais et ne me lassais pas d'interroger mes amis brésiliens sur le sujet... Et dans mon minuscule studio du XXème arrondissement, un beau yucca en pot me faisait office de cocotier, l'imagination aidant.

C'est cette même année, en 1989, que paraissait Estrangeiro, le premier album de Caetano que j'ai acheté. Dès sa sortie. Mais plus encore j'étais curieux de découvrir ses albums plus anciens, ses premiers enregistrements. Cinema Transcendental a été le premier d'une longue série à venir. Je l'ai trouvé d'occas', aux Puces de Montreuil. La pochette un peu déchirée, une face passablement usée, même carrément presque-inaudible sur un titre. Qu'importe.

Car je parle d'un temps où se procurer les albums tenait aussi du coup de chance. J'avais beau fouiner dans tous les bacs à disques que je croisais sur mon chemin, on ne trouvait pas les albums d'artistes brésiliens si facilement. Surtout que Caetano n'avait pas encore chanté "Cucurucucu Paloma" dans un film d'Almodovar ! A l'époque, au début des années quatre-vingt-dix, je me souviens avoir profité de la liquidation des vinyls à la FNAC des Halles, quand elle les sacrifiait au profit du CD. Les albums brésiliens y étaient soldés à 24 francs et j'avais alors dévalisé tout ce que je pouvais m'offrir avec mon modeste budget d'étudiant. Malgré cette razzia, oh juste une dizaine ou une vingtaine d'albums, je ne sais plus, c'est le plus souvent d'occasion que je trouvais les albums de Caetano & co. Avec patience et persévérance...

Cinema Transcendental, enregistré en 1979, fut donc une porte d'entrée vers son œuvre, voire même une fenêtre dans ma vie qui s'ouvrait sur un ailleurs ensoleillé et sensuel. Peut-être par son côté initiatique, et donc sentimental, il demeure un de mes préférés.

Hormis "Louco por Você" qui était trop rayé, j'écoutais en général l'album dans son intégralité. Rien de tel pour se mettre de bonne humeur que ces trois premiers morceaux de la face A : "Lua de São Jorge", "Oração ao Tempo" et "Beleza Pura", sorte de disco downtempo (?!).

Caetano Veloso, "Beleza Pura", Cinema Transcendental (1979)






Cette première face se conclut sur ce petit bijou qu'est "Elegia", un texte du poète Augusto de Campos. Sur la face B, "Trilhos Urbanos", dont est tiré le titre de l'album : "cinema transcendental, trilhos urbanos, Gal cantando balancê / como se lembra de você". Et "Cajuina". Ah "Cajuina", outre que c'est la seule chanson de Caetano que je sache jouer à la guitare avec les bonnes positions d'accords, cela reste une chanson que je peux écouter en boucle.

Si Caetano Veloso a fait des études de cinéma dans sa jeunesse, le titre de l'album n'est pas une référence au 7ème Art. Le cinéma transcendental en question, c'est cet horizon que fixe Caetano sur la pochette, le sable et la mer, ses vagues venant se briser sur le rivage. Le terme vient de Gal Costa et sa bande de potes, qui avaient l'habitude de se retrouver au Pier da Gal, autrement appelé Dunas da Gal, dans les années soixante-dix. Mes amis Cyril et Fabiana me précisent que l'endroit se trouvait à Ipanema et que c'est là, derrière une dune, à l'abri des regards, que les jeunes artistes se retrouvaient pour consommer certaines substances qui rendaient encore plus transcendentale la vision de la mer depuis leur serviette de plage.

Si la notion de "transcendental" est empruntée à Kant, l'interprétation tropicaliste, pour contemplative et planante qu'elle soit, n'est pas, pour autant, un contresens par rapport à sa définition originale kantienne : "désigne tout ce qui est condition de possibilité". Et nul doute que, malgré la dictature, l'univers des possibles était aussi ouvert que l'horizon pour nos jeunes hippies.

Caetano lui-même se contentait probablement de fixer l'horizon, les "substances" (LSD, maconha, etc.) n'ayant jamais été trop son truc. Au point, qu'il était parfois surnommé "Caretano". Si le mot careta en portugais signifie "grimace" ou "froncement de sourcil", comme il le pratique si bien lui-même sur cette photo de Thereza Eugenia, dans son cas, le surnom de "Caretano" est à prendre au sens de "démodé, pas dans le coup". Et force est de reconnaître qu'au rayon psychédélique, il n'était franchement pas dans le coup, à la différence de certains de ses collègues tropicalistes.

Précisons que la photo de la pochette de Caetano ne semble, par contre, pas avoir été prise sur la plage de Gal. On peut en outre s'étonner du cadrage de la photo, que ne lui ait pas été préféré un plan en cinémascope de la mer et ses vagues, avec ce premier plan de Caetano sur son paréo indien.

Moi aussi, j'ai longuement pratiqué le cinéma transcendental, en général du côté de la plage de Maguelonne. Il me tarde justement d'aller m'en offrir une nouvelle toile. Ce n'est qu'une question de jours. Une nouvelle fois, je prendrai mon vélo et tracerai jusqu'à la plage. Le cadre y est encore assez préservé mais cela n'a évidemment pas le charme des plages bahianaises bordées de cocotiers. Comme je l'expliquais, c'est seulement une dizaine d'années après avoir découvert de Cinema Transcendental, que j'ai pu m'en offrir quelques tranches aux abords de Salvador. Comme sur cette photo, prise sur une plage bahianaise, du côté de Diogo, à quelques dizaines de kilomètres au nord de Salvador. Bon, un peu d'ombre ne fait pas de mal si l'on souhaite prolonger sa séance, le soleil est carrément mordant sous ces latitudes.

A suivre, les "Dunes de Gal"...

vendredi 28 mai 2010

Karimouche et Féloche, sur YouTube à défaut du concert

Ce soir, j'aurais dû être à Castres. Un déplacement professionnel qui devait être agrémenté d'un concert. Histoire de joindre l'utile à l'agréable, faire d'une pierre deux coups. Mon intervention était prévue au Lo Bolegason, scène de musiques actuelles locale. Où devaient se produire ce soir Karimouche et Féloche dans le cadre du Tchatchason, le "Festival des Tchatches". Karimouche et Féloche, tous deux auteurs d'un premier album sympa à l'univers original. La programmation de Karimouche en pareille occasion s'imposait : elle se décrit elle-même comme excessivement bavarde. Au point que, sur son morceau "Je Parle Trop", elle chante que "quand je ferme la bouche ça devient ésotérique" ! Et quand elle n'a plus rien à dire un petit "tralalala bla bla bla" glissé en guise de refrain, fera aussi bien l'affaire.

On me proposait gentiment d'assister à leur spectacle. Las, l'annulation de la journée de formation que je devais assurer a donc eu pour conséquence de me priver également du concert.

Comme on ne va pas se laisser abattre, voici à défaut les mêmes en vidéo... En plus, si je les avais vu sur scène en chair et en os, ça m'aurait demandé un certain temps pour en faire le compte-rendu ici-même. Tandis que là, finalement, en deux coups de copier-coller, vous avez droit aux mêmes artistes sur YouTube. L'affaire est dans le sac.

"P'tit Kawa", ci-dessous, dont la vidéo offre une illustration visuelle qui colle bien à l'ambiance de l'album.


Féloche, lui, a opté pour un bayou imaginaire comme l'illustre son titre "La Vie Cajun". Un clip à petit budget qui prouve que, quand on est bien allumé, la Lousiane, c'est juste le premier marais venu.

jeudi 27 mai 2010

Le Mystère des hérissons écrasés, une brève enquête du Dr. Funkathus

Aujourd'hui, sur le chemin du boulot, j'ai vu trois hérissons écrasés sur la route. Les deux premiers étaient déjà bien aplatis par le passage des voitures. Le troisième, avec son petit ventre encore rebondi, se faisait becqueter les entrailles sanguinolentes par une pie. Circuler à vélo laisse le temps de remarquer ce genre de détail.

"Cet animal, aux mœurs nocturnes, se déplace beaucoup mais, en cas de danger, s'immobilise et se roule en boule en hérissant ses piquants. De ce fait, il paie un lourd tribut à la circulation automobile" (Wikipédia).

S'il n'y en avait eu qu'un, cela aurait déjà été étonnant, vu que j'habite et travaille en ville. Deux, cela aurait été une sacrée coïncidence. Trois, cela devient carrément mystérieux... Le Dr. Funkathus se devait donc de mener une rapide enquête pour élucider cette triple tragédie.

L'approche de la pleine lune pourrait-elle avoir quelque rapport ? Une hypothèse se fit jour dans son esprit. Vite confirmée en se promenant sur la toile. Le Dr. Funkathus crut ainsi trouver une explication quand il lut sur le Blog des Eco-Sapiens, je cite :

"Le hérisson est aussi connu pour parvenir à se fixer des rendez-vous nocturnes tout simplement orgiaques. Personne ne sait comment ils se fixent le lieu et la date de la sauterie".

Notre Erinaceus europaeus, nocturne et solitaire insectivore, aurait-il été de sortie cette nuit-là pour aller faire la bringue au sortir de son hibernation ?

Si c'est le cas, ça se passe comme ça chez le hérisson (description assez imagée) : "le mâle courtise toute femelle rencontrée sur son chemin. Les deux animaux font connaissance par une série d’attouchements de museaux ponctués de reniflements sonores.
En fonction des affinités ainsi créées, ce prélude sera suivi d’un combat, d’un abandon ou d’une parade sexuelle. En cas de parade sexuelle, le mâle retrousse les lèvres, tourne autour de la femelle en lui donnant des coups de pattes et de museau. Cette danse nuptiale peut durer des heures avant que la femelle n’accepte le mâle.
L’accouplement est dorso-ventral. Le mâle s’agrippe à sa partenaire dès qu’elle couche ses piquants, lui enserre les flancs et se maintient à elle en mordant les piquants situés près du cou
" (Dinosoria.com).

Demeure la grande question, ont-ils été écrasés avant ou après le dite sauterie ? Avant, avec leur flanc raclant la route, alourdis du trop plein de phéromones de leurs glandes. Après, vidés, exténués, le cœur battant encore la chamade de tant d'émotions. J'avoue que cela me consolerait de savoir qu'ils l'ont été post-coïtum.

dimanche 23 mai 2010

Lass' forfait : le XXème absent du Mondial

Lassana Diarra vient de déclarer forfait pour la Coupe du Monde. Il souffrirait d'un "syndrome asthénique consécutif à une anémie falciforme". Plutôt que de participer au chœur des commentaires soupçonneux, nous n'avons qu'une réaction chauvine à partager ici. Car du groupe sélectionné par Raymond Domenech, il était le seul à être originaire du XXème arrondissement de Paris, un vrai p'tit gars de Ménilmuche. Pensez, son premier club était le Centre Sportif Julien Lacroix. Pour ceux qui ne sont pas du quartier, la rue Julien Lacroix relie la rue de Belleville à la rue de Ménilmontant.

Par la suite, Lass' a également porté les couleurs du Paris F.C., club historique ayant ses bases dans le quartier, du côté de la Porte de Montreuil.

Sauf oubli de ma part, un gars de l'Est parisien en équipe de France, on n'avait pas vu ça depuis un certain... Michael Madar ! Madar, celui qui lors d'un match amical préparatoire à l'Euro 1996, semblait plus préoccupé par la recherche de sa chaîne en or tombée sur la pelouse, que par la conquête du ballon. Notre XXème a les héros qu'il peut...

A défaut de "Tête d'Ampoule", notre chauvinisme s'étendra jusqu'au 9-3 et soutiendra son homonyme Alou, natif de Villepinte, grandi à Aulnay... Maintenant, on peut aussi rêver à de l'audace : que, pour la place libérée dans les 23, Domenech rappelle Ben Arfa qui est, lui, né à Clamart.

Ci-dessous, une vue de l'angle de la rue Julien Lacroix et de la rue de Belleville. La rue Julien Lacroix, c'est celle qui est en sens interdit.

vendredi 21 mai 2010

L'Europe anatolienne par la voix d'Eleftheria Arvanitaki

Europe est orientale, elle est originaire d'anatolie, d'ἀνατολή pour être précis, ce qui en grec désigne l'Orient, l'Est. Dans le cas d'Europe, cet Orient est situé en Phénicie, où se trouve aujourd'hui le Liban. Europe est la fille du Roi, Agénor. Un jour, alors qu'elle cueillait des fleurs des champs, Zeus tomba raide amoureux d'elle. Il prit alors la forme d'un taureau paisible. Il s'approcha d'Europe, la laissa le caresser. Puis, bien vite, la jeune fille monta sur le dos du docile animal, comme vous pouvez le contempler ci-contre, avec ce détail d'une fresque de Pompéi. Une image qui m'a toujours fasciné car les siècles ont effacé une partie du taureau, qui semble ainsi sortir du mur. Lequel taureau en apparaît du coup presque immatériel. Mais, après tout, même s'ils s'incarnent parfois, n'est-ce pas là le propre des Dieux d'être immatériels ? Cette fresque illustre l'enlèvement d'Europe par Zeus. Car dès qu'elle le prit comme monture, "il se précipita vers le rivage proche. Accompagné par toute une cohorte de divinités marines, de Néréides chevauchant des dauphins et de Tritons soufflant dans des conques, il l'amena en Crête" (Mythologica.fr). Il lui donna trois enfants Minos, Sarpédon et Rhadamanthe, avant de l'abandonner. Par la suite, elle épousa "en secondes noces" Astérios, Roi de Crète, qui adopta ses enfants et fit même de Minos son successeur. Sans y voir la moindre métaphore de la situation actuelle, il demeure toujours utile de se rappeler des mythes fondateurs de notre civilisation, justement quand notre Europe traverse une crise sans précédent. Utile se se souvenir des racines mythologiques grecques, utile de rappeler que l'origine d'Europe se situent même un peu plus à l'Est encore, sur un autre continent, quand les crispations sur les frontières orientales de l'Union semblent toujours aussi fortes, n'arrivant pas à admettre que la Turquie puisse aussi appartenir à autre chose qu'à l'Asie.

Au terme d'une nouvelle journée d'une douceur comme estivale, enfin, j'ai préparé la première salade grecque de l'année. Ce plat va devenir notre ordinaire pendant toute la belle saison. Prenez concombre, tomates, oignon, découpez en rondelles, prenez une tranche de feta que vous couperez en petits cubes. Salez. Rajoutez un filet d'huile d'olive. Et c'est prêt. Simplicité et fraîcheur. Bien sûr, vous pouvez ajouter quelques grillades. Personnellement, je réserve ça au week-end. Et même ma salade est modeste dans ses ingrédients (ni poivron, ni olives) et, surtout, dans ses proportions d'huile et de feta. J'ai souvenir de me voir servir, en Grèce, des salades où les tranches de feta avaient la taille d'un steak ! Et ce n'était qu'une entrée...

Ce soir, je m'autorise quelques gouttes d'ouzo. Ca aussi, je devrais normalement le réserver au week-end mais bon, pour une fois... Après avoir laissé le glaçon troubler de blancheur l'alcool dans mon verre, je sirote cet ouzo en ayant une pensée pour la Grèce.

Ah, l'Europe, la zone euro ! C'est bien quand ça marche mais faut pas compter sur les autres en cas de crise d'ampleur. Ou alors à quel prix. Sans aller aussi loin que Frédéric Lordon, sur La Pompe à Phynance, son blog du Monde Diplo, "Ce n'est pas la Grèce qu'il faut exclure, c'est l'Allemagne !", on s'interrogera sur le type de liens qui peuvent bien unir les membres de l'Union Européenne. Surtout si le membre en question est un pays méditérrannéen. Un des P.I.G.S. (Portugal, Irlande, Grèce, Espagne) ! Bon, l'Irlande peut même être un de ces P.I.G.S. à la place de l'Italie, ils ont suffisamment regretté qu'on les considère comme les "Nègres de l'Europe", pour que l'étude de leur cas soit empreint des mêmes préjugés et du même mépris.

"Du chatoyant spectacle qu’offre la « crise grecque » il est probable que l’élément le plus pittoresque demeurera ce racisme réjoui et déboutonné qui conduit chaque jour spéculateurs et commentateurs, par là parfaitement unis, à nommer sans le moindre scrupule « PIGS » les États dont les finances publiques sont contestées sur les marchés financiers. Portugal, Ireland, Greece, Spain, les trois petits cochons sont maintenant quatre. C’est bien là le genre d’erreur de dénombrement qui en un instant trahit toute une vision du monde : ce sont les bronzés qui sont des porcs — et si l’Irlande a le mauvais goût de contredire le tableau d’ensemble, il suffit de lui substituer l’Italie, mal en point également, pour faire PIGS à nouveau en rétablissant l’homogénéité quasi-ethnique des abonnés à l’indolence méditerranéenne et à la mauvaise gestion réunies."

"La proposition allemande d’exclure la Grèce de l’Union monétaire européenne n’est finalement que le couronnement logique d’une longue suite de manifestations de mépris, entamée dans les années 90 avec le thème du « Club Med », alias les pays du Sud de l’Europe, incapables de se tenir à des règles de gestion macroéconomique rigoureuses (« allemandes »), poursuivies avec la proposition, entourée de rires gras, de vendre quelques îles grecques, et maintenant arrivées à leur terme avec la perspective finale de l’exclusion pure et simple. Mais l’Allemagne perçoit-elle exactement jusqu’où aller trop loin ?"

Certes, la responsabilité grecque est considérable dans la crise mais que dire de l'attitude de ses voisins européens, que dire de la spéculation. Un point que soulève Joseph Stiglitz, cité dans un article du Monde : "Réel effroi des investisseurs face à des déficits publics jugés intenables ? Le Prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz croit plutôt à des "attaques spéculatives". Vendredi, il a appelé à ce que l'Europe "affiche clairement son soutien" à ces pays afin d'éloigner tout risque pour l'euro. Le gouvernement grec a réclamé, lui aussi, la mise en place d'un mécanisme d'aide : l'émission d'euro-obligations, des emprunts lancés en commun par plusieurs Etats pour mutualiser les risques" (Marie de Vergès, "La "mauvaise" Grèce met l'euro sous tension").

En Grèce, la fraude fiscale semble être un sport national. Ainsi, à en croire leurs déclarations de revenus, ce seraient les ouvriers et employés les plus riches, loin devant les pauvres professions libérales ! De même, devant la crise, certains craignent pour leurs capitaux. Un article du Guardian (14 avril) est d'ailleurs éloquent :
"A Londres, lieu de résidence traditionnel des riches armateurs grecs, l'immobilier haut de gamme est racheté à une vitesse sans précédent par les Grecs fortunés, anxieux de transférer leurs dépôts bancaires. Cette ruée sur la pierre surprend les agents immobiliers, dont beaucoup se réfèrent à ces nouveaux acquéreurs en parlant de "Grecs sonnants et trébuchants" (...). La semaine dernière, le ministre grec des finances (...) a annoncé que quatre des plus grandes banques du pays avaient sollicité le soutien du gouvernement pour compenser cette fuite massive de capitaux" (cité par Le Monde Diplo n° 674, mai 2010).

Mais pendant la crise des uns, les autres pensent déjà aux vacances. En feuilletant l'Obs' il y a quelques semaines, j'étais affligé de voir un article des pages tourisme, donnant quelques pistes pour tuer le temps à Athènes, entre l'avion et le bateau. Quelques heures quoi, sur le ton entendu, Athènes ne mérite pas plus. Bon, certes : Athènes ! Mais de là à la réduire à ça : "Entre un atterrissage dans la capitale grecque et un départ en bateau depuis le Pirée pour les îles voisines, il y a souvent un transit de quelques heures ou d'une nuit. Comment profiter au mieux de cette parenthèse athénienne ?". Et comme si les malheurs grecs n'étaient pas déjà suffisants, la fréquentation touristique est annoncée en baisse pour cet été.

En Grèce, je ne suis allé qu'une fois. Et si je pense à la Grèce, c'est en écoutant Eleftheria Arvanitaki, sa seule voix qui me soit familière. Elle était la chanteuse préférée de mon amoureuse grecque et nous écoutions très souvent la compilation qu'elle avait enregistré sur une cassette avant de venir en France.

Quelques années plus tard, à une époque où il était encore impensable de pouvoir trouver de la musique sur internet et où ses albums ne se trouvaient guère en France, un ami me ramena d'un séjour en Grèce un CD d'Arvanitaki, Tragoudia Gia Tous Mines, merci Ugo. Alors que les gros sons de synthés et de batterie électronique ont donné un sacré coup de vieux aux albums plus anciens, principalement Contrabando, de 1986, et Meno Ektos, de 1991, qui figuraient sur la fameuse cassette, celui-ci bénéficiait d'une bien meilleure orchestration, plus riche et presque exclusivement acoustique.

Alors que, dès ses débuts, Eleftheria Arvanitaki a participé à la redécouverte par les jeunes générations de la musique des Grecs anatoliens, rapatriés d'Asie Mineure dans les années vingt, elle a toujours intégré des éléments pop. Ce versant de sa musique était même dominant sur son album Broadcast, en 2001, destiné à lui ouvrir les portes d'une carrière internationale, et que j'avais reçu en vue de le chroniquer. J'y renonçais tant je fus déçu et le remisais de suite sur une étagère.

Malgré la dimension sentimentale que peuvent avoir, pour moi, ses vieux morceaux, c'est son Tragoudia Gia Tous Mines (Τραγούδια για τους μήνες) de 1996 où, sur des musiques de Dimitris Papadimitriou, elle reprend les poètes (Sappho, Odysseas Elitis, etc...) qui reste de loin mon préféré. Le seul que j'écoute encore volontiers. La voix claire d'Eleftheria Arvanitaki porte en elle suffisamment d'émotion et de saudade pour que l'incompréhension des paroles ne soit pas un obstacle mais plutôt une invitation au voyage imaginaire.

Ελευθερία Αρβανιτάκη, "Πάμε ξανά στα θαύματα", Τραγούδια για τους μήνες (1996)




mercredi 12 mai 2010

Danse le "Tightrope" avec Neneh Cherry (et Rip Rig + Panic)

Outre cette sacrée bombinette funk de Janelle Monáe, Tightrope évoque d'abord pour moi un titre de Rip Rig + Panic, formation dont faisait partie une Neneh Cherry alors toute jeunette.

Rip Rig & Panic, "Do The Tightrope", Attitude (1983)


Nous écrivions précédemment que cette tightrope, cette corde raide, pouvait être interprétée comme une métaphore de la difficulté à avancer, pris dans les barrières mentales d'une vision raciale de la société, un véritable exercice de funambule. Dans le cas de Rip Rig + Panic, cette tightrope a la largeur d'une plate bande que l'on piétinerait avec l'ardeur d'un punk au cœur du pogo global qu'est sa vie. Rip Rig + Panic, c'est très free, c'est du jazz, du funk avec un esprit punk, interprété par ceux qui passaient pour les "quintessential avant-garde bohemians".

Le groupe est formé au début des années quatre-vingt par Gareth Sanger et Bruce Smith, ex-membres de Pop Group. "Named after a terrific '60s jazz album by Rahsaan Roland Kirk, Rip, Rig & Panic answered the question: What happens when avant-garde post-punks collide headlong with a pop/soul singer and play a mutated form of jazz?" (John Dougan, All Music).

En Angleterre, à cette époque, Rip Rig + Panic, au même titre que Pigbag par exemple, invitait l'esprit punk sur le dancefloor en lui donnant les atours de son funk déglingué et demeure à ce titre emblématique. Attitude est leur dernier album, leur plus accessible également bien qu'encore bien raide et barré, mais, malheureusement, il n'est pas pour autant devenu un hit.


Parfois, une pochette conditionne durablement la perception que l'on aura de la musique. C'est le cas avec Attitude. Cette femme (?) peroxydée, à la maigreur malsaine, que j'ai toujours supposée être une prostituée, exhibant l'impressionnante balafre qui traverse son ventre, le détail d'une planche anatomique qui compose le fond de l'image, toute cette chair écorchée ajoute une intensité littéralement viscérale à la musique, et contribue à l'ambiance freaksienne de l'album.

Les titres des morceaux sont également très surprenants, un programme en soi que ces "Keep The Sharks From Your Heart", "Push Your Tiny Body As High As Your Desire Can Take You", "Intimacy, Just Gently Shimmer", "Eros; What Brings Colour Up The Stem?"...

A dominante acoustique, porté par les cuivres et cordes, parfois traversé de stridences free ou glissant vers la jam bordélique, Attitude résiste étonnamment bien à l'épreuve du temps. C'est suffisamment rare, à mon goût, des albums des années quatre-vingt pour que cela mérite d'être souligné. Il fait même partie de la dizaine d'albums des 80's qui, tous styles confondus, me reste chère, au même titre que le premier des Violent Femmes par exemple. Un grand disque méconnu.

Rip Rig + Panic semble tombé dans l'oubli et mériterait pourtant d'être redécouvert. "If you don't mind a little chaos with your funk, then give this heady mix a chance", comme l'écrit encore John Dougan. Le Dr. Funkathus décide donc illico que ce sera une de ses nombreuses missions : œuvrer à ce que quelques modestes paires de jeunes oreilles s'approprie cette musique foutraque et terriblement intense. Ses albums n'ont même jamais été édités en CD. Il n'y eut qu'une simple compilation, en 1990 (?), au titre des plus ironiques, Knee Deep In Hits, pour offrir une nouvelle chance de découvrir sa musique. Bien sûr, cette compilation est épuisée et je viens de voir sur Amazon que, pour se la procurer, il en coûterait 129 € pour la commander neuve et 82 € d'occas' !!! Heureusement, il semblerait qu'Attitude soit désormais disponible en téléchargement.


Quel saisissant contraste entre la jeune fille joufflue qui, dans la continuité de sa période punk, participe à l'aventure Rip Rig + Panic en se faisant appeler Banana Cherry, et la jeune et forte femme, photographiée par Jean-Baptiste Mondino, qui s'affirme sur la pochette de Raw Like Sushi, son premier album solo.

Chose rare, Neneh Cherry a participé en première ligne à l'émergence de deux des plus importants mouvements de ces dernières décennies, le punk et le hip-hop. Il faut rappeler qu'elle a grandi dans un environnement qui l'y prédisposait. Elle n'avait ainsi que 4 ans quand elle s’assit sur les genoux de Miles Davis, un ami de son père adoptif, Don Cherry. Elle fut surtout impressionnée par le contact avec... la peau de serpent de son pantalon. Betty Davis était déjà passée par là pour renouveler sa garde-robe ! Grandir auprès de quelqu’un d’aussi ouvert et généreux que Don Cherry a probablement développé l’intuition de Neneh. Elle a donc plus d’une fois eu le chic pour être présente là où il fallait : à Londres dans la mouvance punk, pour fricoter avec les Slits ou pour participer à l’expérience jazzy déjantée de Rip Rig + Panic, à New York pour renaître en solo, méconnaissable, plus explosive que jamais, toute auréolée de l’émergence du hip-hop. Puis, plus tard, encore en Grande-Bretagne, du côté de Bristol, pour être associée, avec son compagnon Cameron McVey, au son du trip-hop naissant de Massive Attack ou Portishead, au sein de la clique Wild Bunch.


Quand j'ai acheté son album Raw Like Sushi, en 1989, j'avais beau avoir leurs disques à la maison, je n'avais pas réalisé qu'elle avait été la chanteuse de Rip Rig + Panic. La métamorphose est spectaculaire, il est vrai. Elle devenait vite une véritable icône de son temps. Quelle femme n'aurait pas voulu ressembler à Neneh Cherry à cette époque : belle, fière, indépendante, hyper funky fresh.

Dans les quelques extraits d'entretiens que j'ai pu lire où Neneh revenait sur l'aventure Rip Rig + Panic, elle semblait presque sévère : "the mistakes were probably the best thing about it all". Elle se souvient d'une époque où ses partenaires "fumaient trop de joints". Eh, fallait bien qu'ils s'encanaillent ! Et cela ne les a pas empêché d'enregistrer une musique originale de leur brillante manière. Où les morceaux festifs et déjantés succèdent aux passages plus écorchés ou émouvants. A ce titre, "Sunken Love" est un de mes morceaux favoris.

Rip Rig + Panic, "Sunken Love", Attitude (1983)

Ci-dessous, la seule vidéo que j'ai trouvé de Rip Rig + Panic, un bout de live, sans Neneh, dans l'émission de télé The Young Ones...

Danse le "Tightrope" avec Janelle Monáe


Janelle Monáe est une mignonne petite bonne femme, bien péchue, portant costume et nœud-pap', coiffée d'une incroyable pompadour (une banane, quoi) qui nous balance une bonne dose de funk, avec des vrais morceaux de cuivres dedans. Le tout accompagné de sa nouvelle danse, le Tightrope, ça vous dit ?

L'essayer, c'est l'adopter, voilà ce que je vous dis. Addictif, ce "Tightrope" !

The ArchAndroid, le nouvel album de Janelle Monáe, sort le 18. Mais, cela fait déjà deux ans que Barack Obama, himself, lui a déclaré sa flamme sur sa page MySpace : "Bonjour Janelle Monae. Certains de mes assistants de campagne m'ont introduit à votre art. Je suis très impressionné par votre style empreint de soul et si futuristique qui mélange du Sam Cooke avec du Judy Garland. Je suis captivé par votre don époustoufflant qui vous permet d'aborder des problèmes complexes avec une telle symbolique. Et je trouve le message que vous véhiculez à la fois fort et divertissant. Je vous souhaite le meilleur". Pareil éloge venant du cool President (qui ne l'était pas encore à l'époque), ça vous pose un artiste.

Peut-être que ça s'appelle encore du R&B. Du R&B alternatif, ça existe ? Le projet a l'air en tout cas suffisamment aventureux pour éveiller notre curiosité. Des invités qui apportent leur caution, Big Boi ou Saul Williams ou, plus étonnant, le groupe Of Montreal...

Sur son site, elle définit son album ainsi : "Musically, The ArchAndroid is an epic James Bond film in outer space. In terms of influences it’s just all the things I love— scores for films like Goldfinger mixed with albums I adore such as Stevie’s Music of my Mind, David Bowie’s Ziggy Stardust, and jamming experimental hip hop stuff like Stankonia". Ajoutez à cela un peu de jazz, de rock, de folk même et, au moins sur "Tightrope" du funk bien sûr.

La diversité musicale vient se greffer sur un scénario très sci-fi. The ArchAndroid raconte la suite des aventures de Cindi Mayweather, personnage qui apparaissait déjà sur son EP Metropolis. Cette fois-ci, son héroïne "has been sent to free the citizens of Metropolis from the Great Divide, a secret society using time travel to suppress freedom and love throughout the ages. It’s said that when the ArchAndroid returns, it will mean freedom for the android community. Cindi Mayweather realizes that she is indeed the ArchAndroid", raconte Janelle Monáe. Du très classique, quoi. Après Cibelle et son récent Las Vênus Resort Palace Hotel, cela redeviendrait-il tendance de partir dans des trips SF ? Après, c'est une autre paire de manche de transcender ça par une verve lexicale clintonienne...

Assez de blabla, que cela ne nous fasse pas perdre de vue l'essentiel, la vidéo. Elle privilégie la simplicité : ça danse le "Tightrope" et ça suffit à notre plaisir. Comme le rappelait Kenny Ortega, le metteur en scène de Michael Jackson, celui-ci souhaitait toujours le moins d'artifice possible dans la façon dont il était filmé. Il exigeait un plan large pour que l'on voit la performance du danseur sans tricherie. Une leçon retenue ici par Janelle Monáe. Jusque dans le choix des chaussures en noir et blanc pour mieux voir les pas.


Pour ceux qui souhaiteraient apprendre à danser le Tightrope, un petit tutorial proposé par la danseuse Ladia Yates (que l'on voit dans le clip), ici... Mais c'est vaguement penaud que je vous avouerai n'avoir pas encore commencé à le pratiquer, je me contente encore de gesticuler en rythme dès que je l'écoute...

L'Amérique de Barack Obama est parfois présentée comme post-raciale, à tort, une vision à mille lieues de la réalité. Certes, le Président de la République est noir, ou plus exactement métis, mais les clivages raciaux et les préjugés ne se sont pas évaporés d'un coup de baguette magique, quand bien même ce coup de baguette serait une élection présidentielle. Passer outre ces clivages est un véritable exercice de funambule. On avance sur une corde raide, sur une tightrope. Doit-on interpréter comme une métaphore de la société américaine contemporaine ce titre de Janelle Monáe ? Le tightrope est une danse mais symbolise aussi l'exercice délicat de qui veut balayer les stéréotypes et brouiller les cartes, un équilibre instable menacé à chaque pas d'une chute... A l'image de la démarche de Janelle qui embrasse tous les styles, indifféremment aux cloisonnements raciaux. Il ne s'agit plus de crossover à la grand-papa, ni d'une manœuvre bassement mercantile, mais de liberté artistique, la liberté de tout pouvoir s'approprier. Qui plus est avec brio.

vendredi 7 mai 2010

Il y a vingt ans s'éteignait la Divina

Il y a très exactement vingt ans, le 7 mai 1990, s'éteignait celle que les Brésiliens surnommaient A Divina, Elizeth Cardoso, très grande dame de la chanson.

D'elle, on disait à juste titre qu'elle pouvait tout chanter, aussi bien les sambas entraînantes que les chansons sentimentales, qu'on les appelle dor de cotovelo, samba canção ou sambolero...

Si elle est l'interprète, en 1958, de cette borne de la musique brésilienne qu'est l'album Canção do Amor Demais, écrit et composé par Vinicius et Tom Jobim, que nous évoquions récemment ici même, Elizeth Cardoso a enregistré beaucoup de disques où, comme il était de rigueur à cette époque, on confiait à un "maestro" le soin de diriger un véritable orchestre, cordes et tout le toutim. Alors que souvent ce type d'arrangement semblait reléguer l'émotion derrière un paravent orchestral, il n'en est rien avec Elizeth Cardoso. Même avec ce genre d'accompagnement encombrant, elle parvenait encore à être bouleversante. Même si elle est à l'aise sur des tempos enjoués, Elizeth est une grande tragédienne. Comme chez son pendant masculin Orlando Silva, la sobriété était rarement de mise dans ses interprétations, rarement dans son registre.

Ici, sur ce "Derradeira Primavera" où, pour une fois, les arrangements soutiennent à merveille sa voix, elle est tout simplement sublime.

Elizeth Cardoso, "Derradeira Primavera", Momento de Amor (1968)







Rendez-vous ici même, le 16 juillet, jour où Elizeth aurait eu 90 ans, pour un hommage appuyé à cette grande dame.

mercredi 5 mai 2010

Ray Barretto dans Goutte de Funk

Boogaloo, latin funk, salsa rap, reggaeton !!! Pour faire oublier la grisaille, Goutte de Funk va être caliente ce mois-ci. Avec en exclusivité, une interview inédite de Ray Barretto...

Demain soir pour l'avant-dernière émission de la saison, Ray Barretto revient d'entre les morts pour faire trembler les murs de Divergence à tant battre de ses hard hands les peaux de ses congas... Dans cette interview inédite du maître, réalisée en 1998, le Dr. Funkathus avait même failli le fâcher tout rouge en insistant lourdement sur le versant salsa de sa carrière alors que Ray Barretto ne souhaitait plus parler que de jazz. Il faisait du jazz, il aimait le jazz depuis tout bébé et, finalement, la salsa n'avait été qu'une parenthèse plus commerciale qu'artistique à ses yeux.

Pour se mettre l'eau à la bouche, ultime offense, un titre qu'a probablement renié Ray Barretto depuis mais qui est indéniablement funky !

Ray Barretto, "Numero Uno", Eye of the Beholder (1977)








Goutte de Funk @ Divergence-FM (93.9 sur Montpellier ou www.divergence-fm.org pour les autres), vendredi 7 mai à 21 heures