jeudi 30 juillet 2009

Elixir n°1 : Ultragadol

Boire de l'Ultragadol, C'est boire du Soleil.
(Remplace l'huile de foie de morue).


mercredi 29 juillet 2009

A Trois Degrés de séparation de Michael Jackson

On connaît le principe des 6 Degrés de séparation : par le biais de relations individuelles, toute personne sur Terre est reliée à n'importe quelle autre par un maximum de cinq autres personnes. J'ai donc calculé mon degré de séparation avec Michael Jackson. Il était la plus intouchable et mystérieuse des stars mondiales, vivant comme coupé du reste des mortels. Malgré cette réclusion, je n'étais éloigné de lui que de trois degrés de séparation. Je me suis dit : bon score !
(Calculez-le le vôtre et laissez un commentaire si vous faîtes mieux.)

Seulement, ce beau score dissimule en fait un sacré bide...

La chaîne se présente comme suit :
Moi-même, aka Dr. Funkathus -> Till Mahou -> La Toya Jackson -> Michael

Hier, je profitais d'une visite à mon ami Till, pour lui demander quels souvenirs il gardait de La Toya. Je me rappelais qu'au début des années 90, il avait travaillé au Moulin Rouge, pour la mise en place des décors entre les numéros. Genre machiniste ou un truc dans le genre. A cette période, en 1992 pour être précis, La Toya Jackson venait de signer un contrat pour se produire un an sur la scène parisienne favorite des touristes de province, à l'occasion de la revue du centenaire de l'établissement. On peut considérer qu'elle était tombée bien bas pour être réduite à ce genre de tour de chant. A l'inverse, le Moulin Rouge, lui, devait avoir l'impression d'avoir frappé un grand coup pour le mercato de son centenaire : la sœur de Michael ! Et mon pote Till était bel et bien en contact direct avec une partie de cette légende familiale.

J'attendais donc quelques anecdotes qui incarneraient ce 2ème degré de séparation, voire quelques révélations sur les liens fraternels du premier degré qu'elle aurait pu lui confier, entre deux numéros, comme si la supposée promiscuité des lieux pouvait entraîner ce type de confidences. Las, patatras, Till n'en a plus le moindre souvenir.

Certes, La Toya n'a pas honoré la totalité de son contrat, abandonnant au bout de 4 mois, sur les 12 pour lesquels elle s'était engagée, ce qui lui valut d'être poursuivie par le Moulin Rouge. Ses fans du site The Universal Love of La Toya (de vrais fans donc) jugent cependant que 4 mois, c'est déjà énorme, pensez : elle chantait 5 jours par semaine, en français qui plus est, ce qui l'a proprement lessivé. Manqua-t-elle de sérieux ? Cela serait tout de même étonnant venant d'un membre de cette famille si professionnelle. Tout le contraire de sa sœur Janet, en somme : André Manoukian, qui lui servit de répétiteur pour enregistrer la version française de son titre "Again", témoigne, dans son livre La Mécanique des Fluides, du perfectionnisme de Janet à chanter phonétiquement juste la moindre parole du morceau.

La Toya, elle, n'a laissé aucune trace dans la mémoire de mon pote. Aussi sûrement que la mer efface sur le sable nos pas nonchalants, le temps a gommé son empreinte. Pourtant, moi, je me souviens bien qu'à l'époque, Till et un autre ami qui travaillait avec lui au Moulin Rouge, me parlaient de La Toya. Non qu'ils eussent grand chose à en dire, des banalités du genre : elle est gentille, discrète, mignonne. L'autre ami lui donnait même la main pour l'aider à monter sur scène, mais lui, je l'ai complètement perdu de vue. Et Till n'a aucun souvenir de Miss Jackson, ce qui, en creux, en dit probablement beaucoup sur la carrière de celle qui interprétait alors chaque soir, "A Paris, les Femmes ressemblent à des fleurs" (paroles de Pierre Porte sur une musique originale de Roland Léonar).

Ce qui m'étonne, c'est qu'au-delà de ses talents d'artiste, la croiser dans les coulisses du Moulin Rouge devait forcément faire penser à son frère (et donc laisser une marque indélébile). Car la ressemblance avec Michael est frappante. Ou plus exactement, la ressemblance est frappante en version post-chirurgicale. Comme en témoigne la photo ci-contre, before, il fallait chercher avec attention, scruter patiemment les visages pour trouver un air de famille. Ce qui nous permet de mesurer l'ampleur des chantiers entrepris par les scalpels et autres bistouris. Ce qui ajoute aussi un élément qui rend encore plus complexe l'étude de la psyché jacksonienne : un frère et une sœur qui ne se ressemblent guère, mais cherchent à s'éloigner des traits familiaux, en viennent à se ressembler artificiellement comme frère et sœur. On dit d'ailleurs à ce sujet que c'est justement La Toya, son aînée de deux ans, qui inspira à Michael ses premières interventions plastiques. Donc, non seulement ils ont les mêmes parents mais, à les voir, on dirait bien qu'ils ont eu le même chirurgien.

Jeter un œil à la carrière de La Toya a au moins ce mérite : nous rappeler combien la famille Jackson a su cultiver le mauvais goût et les kitscheries. Jermaine avait pourtant mis la barre assez haut grâce à son duo avec Pia Zadora mais La Toya enfonce haut la main toute la fratrie. Au point que ses fréquentes séances photos pour Playboy semblent presque de "bon ton" en comparaison d'autres épisodes :
- Une chanson anti-drogue, "Just Say No", composée pour la campagne de Ronald Reagan ;
- Une carrière de diva euro-dance ne connaissant de micro-succès qu'aux Pays-Bas, en Allemagne, en Italie, ou à la télé slovène ;
- Un album (Stop In The Name of Love) de reprises de la Motown enregistré en 2 heures à peine ! (2 heures !!!)

A quel rang classer le Moulin Rouge dans cette accumulation foireuse de plans Série B ? Le hasard a voulu que j'écrive ces lignes le jour où La Toya sort Home, son nouvel album. Je viens de m'en rendre compte en portant une rectification au texte et me réjouis qu'il prenne du même coup une actualité si brûlante.

Quant à Till, je lui fis quelques relances. Il fit donc quelque effort pour sortir des plis de sa mémoire le fait que, oui, au Moulin Rouge, à cette époque-là, il y avait une belle Noire, fine... Et grande... Vérification faite, La Toya plafonne à 1,55m. Encore raté.

Doit-on pour autant en conclure que la théorie des 6 degrés de séparation n'est bonne qu'à distraire de l'ennui les longues soirées d'hiver ? Avant d'écrire ce billet, je croyais que ce principe, qui préfigurait notre société contemporaine organisée autour de ses réseaux, avait été développé de façon très sérieuse par Stanley Milgram (oui, celui qui est célèbre pour ses expériences sur la soumission à l'autorité) sous le nom de Small World, avec moult expériences pour l'étayer. En fait, il ne fit que reprendre une idée développée en 1929 par l'écrivain satirique hongrois Frigyes Karinthy (à qui l'on doit aussi l'aphorisme "en humour, je ne plaisante jamais")...

PS : Pour information, Till Mahou est danseur. Il se produira la semaine prochaine à Tharaux (Gard) dans L'Empereur Chinois et le Rossignol, à l'occasion du VIe Festival Arts & Musique (3-7 août 2009).
Réservation : 04 66 60 26 48 / Renseignements : TharauxAM@yahoo.fr

4 août - 21 h. Concert avec duos et trios de Kodály, Prokofiev, Haydn, Janácek, Dvorák
6 août - 20 h. Improvisation de danse et de musique
3-7 août - 10 à 12 h. - Atelier des enfants
7 août - 19 h. spectacle de terrasses en terrasses

Précision sur le programme : 'Le Rossignol et l'Empereur Chinois', ce conte d'Andersen guidera les différentes activités : Chant en français, patois, allemand, espagnol et néerlandais - L'objectif de cette année est d'aller à la recherche de sons orientaux. Spectacle d'ombre chinoise (Didier Doulson), danse du dragon et jeu de cloches et d'échos.
Les artistes : Bettina K. - arts plastiques, Till Mahou - danse et Marja Bon - musique.

lundi 20 juillet 2009

Sem Nostalgia, le nouvel album de Lucas Santtana

Lucas Santtana est probablement un des secrets les mieux gardés de la musique brésilienne contemporaine. Espérons que Sem Nostalgia, son quatrième album sorti il y a quelques semaines, trouve enfin un public à la mesure du talent de son auteur. Lequel choisit ici de se confronter au format le plus exigeant de la musique brésilienne : voix et guitare, voz e violão.

Manifeste Afro-Tropicaliste du Troisième Millénaire
Quelqu'un qui explique qu'en tant que guitariste, James Brown et Jorge Ben ont eu la plus "grande importance dans la formation groovesque de ma main droite", a déjà tout compris. Bahianais devenu Carioca d'adoption, Lucas Santtana est un musicien complet, alliant formation classique et pratique pop. En 2000, Eletro Ben Dodô, son premier album, avait mis la barre très haut. Placé sur la liste des 10 meilleurs albums indépendants de l'année par le New York Times, les débuts de Lucas Santtana permettaient, selon l'anthropologue de la musique Hermano Vianna, de "repositionner la musique pop de Salvador dans la ronde océanique de l'Atlantique Noir, à laquelle tous les nouveaux batuques digitaux sont connectés" ("Eletro Ben Dodô reposiciona a música pop de Salvador na roda oceânica do Atlãntico Negro, à qual todos os novos batuques de computador estão conectados"). Vianna allait même plus loin dans le dithyrambe en écrivant que "Eletro Ben Dodô est le meilleur disque de pop africaine jamais enregistré au Brésil (le Africa-Brasil de Jorge Ben étant évidemment hors-concours) et pourrait devenir une référence par la pop contemporaine de nombreux pays d’Afrique" ("é o melhor disco de pop africano jamais gravado no Brasil (Africa Brasil, de Jorge Ben, o "Ben" de "Eletro Ben Dodô", é obviamente hors-concours) e poderia tornar-se referência para o pop contemporâneo de muitos países da Africa, começando pela versão iorubá de James Brown (que é digna de Fela Kuti ao vivo no Shrine)"). N'en jetez plus ! Mais Eletro Ben Dodô est bel et bien tout ça.

Un coup d'essai, coup de maître qui projetait les germes du Tropicalisme (à savoir la capacité à tout digérer pour produire une synthèse cohérente) en plein dans notre troisième Millénaire. Par son histoire familiale, Lucas Santtana est d'ailleurs intimement lié à ce mouvement artistique des années soixante. Lucas Santtana n'est pas un "fils de", comme peuvent l'être ses copains Moreno ou Davi Moraes, mais c'est tout de même son père, Roberto, qui présenta Gilberto Gil à Caetano Veloso dans les années soixante, rien moins que la recontre initiatrice du mouvement. Et s'il n'est pas "fils de", il est le neveu de Tom Zé, l'autre figure essentielle du Tropicalisme (un lien de parenté qu'il ne découvrit cependant que sur le tard).

Plus encore, dans la lignée de cet autre grand post-tropicaliste, Carlinhos Brown, Lucas Santtana avait choisi de mettre l'accent rythmique sur sa musique, s'appuyant sur la riche tradition percussive bahianaise. Eletro Ben Dodô reste encore aujourd'hui un véritable manifeste.

Exercice de style et subversion de la contrainte
Sem Nostalgia est un disque construit exclusivement autour de la voix et de la guitare-nylon. Le lexique de base de la musique brésilienne, un exercice qui aura laissé les plus grandes œuvres, de Dorival Caymmi à João Gilberto. S'attaquer à ce format, s'est se confronter directement à tout un pan du patrimoine, de la même façon qu'en jazz on impose son style personnel à l'épreuve des standards.

Mais quelqu'un d'aussi brillant que Lucas Santtana n'allait pas se contenter de sortir un banal disque acoustique. Son exercice de style a de plus hautes ambitions. Il lui faut subvertir la contrainte. Effectivement, outre le chant de Lucas, tous les sons sur ce disque ont bel et bien été joués sur une guitare : point de basse mais des lignes de basse jouées sur la 6 cordes, point de batterie ni tambours mais des percussions sur le corps de l'instrument. Mais pas seulement. La guitare, ce sont aussi des sons samplés et retriturés, à l'image de ce "Super Violão Mashup", en ouverture de l'album, qui malaxe des bribes instrumentales de Dorival Caymmi, Baden Powell, João Gilberto, Jorge Ben ou Gilberto Gil. Si les oreilles fines peuvent s'amuser à les essayer de les reconnaître dans ce jeu de collage, le sens d'une telle démonstration de mashup semble plutôt être de se placer sous les meilleurs auspices tout en brouillant les pistes, se les approprier pour mieux les détourner. Humble qui ne s'en laisse pas compter.

Sur l'album, les seules exceptions à la guitare sont quelques sons d'insectes, captés sur le terrain et, parfois, ré-arrangés par la suite. Sons de la nature, sons d'ambiance. A la façon du très serein "Natureza n°1 em Mi Maior" qui clôt le voyage. (Alors que j'écris ces lignes, comme en écho, un gecko sur le plafond de la terrasse, proche de la lumière, vient de croquer un énorme papillon de nuit. Les ailes battent, coincées dans la gueule du reptile, et produisent ce grésillement paniqué qui attira mon attention. Même ici, au cœur de la ville, la Nature aime parfois à nous rappeler combien la vie peut être un combat sans pitié. Mais, ouf, la prise était cette fois-ci trop grosse, l'énorme et magnifique papillon de nuit a réussi à s'arracher des machoires du gecko, pour s'envoler sauf dans la nuit.) L'ambition est de créer une texture sonore complexe, où l'on retrouvera quelques échos du dub qui avait donné sa direction à l'album précédent de Lucas Santtana, Three Sessions in a Greenhouse.

On retrouve également sur l'album le goût de Lucas Santtana pour l'univers des jeux vidéo. Cela pourrait sembler anecdotique si ce n'était au contraire significatif, ludique mais pas gratuit. De la même façon que sur Parada de Lucas, son deuxième album, on retrouvait un morceau intitulé "Teclado Casio Vulgar". Ici, il s'agit de "O Violão de Mario Bros", rappelant que la richesse de la musique brésilienne tient aussi dans son habilité à sophistiquer des éléments populaires et rendre populaire des complexités savantes.

Enfin, tout conceptuel qu'il soit, ce Sem Nostalgia n'oublie pas pour autant l'émotion en chemin, comme en témoigne par exemple le doux "Ripple of the Water", ou les 3 titres co-signés avec Arto Lindsay. Qu'il s'agisse de ses propres compositions, ou de la belle reprise du "Amor em Jacumã", de Dom Um Romão, par sa concentration sur l'essentiel, sa cohérence, Sem Nostalgia est l'œuvre de la maturité pour son auteur.

Artiste de son temps, adepte du Do It Yourself, Lucas Santtana a bien intégré les problématiques de la diffusion de la musique à l'époque du WWW. Aussi son précédent album était-il (et est toujours) disponible en libre téléchargement sur le propre site de l'artiste, Diginois. En outre, il s'y exprime en authentique blogueur, l'alimentant très régulièrement. De même, Sem Nostalgia sort sur la toile avant d'être en magasin. Son auteur semble avoir compris que l'essentiel est d'atteindre à la notoriété. Car, comme bien souvent quand un musicien reçoit les éloges de la critique et de ses pairs, cela est souvent synonyme d'un manque de reconnaissance publique. Lucas Santtana est ainsi un grand espoir confiné à une relative confidentialité. Dans cette perspective, suivez ce lien si vous souhaitez découvrir l'album et le faire connaître.


dimanche 12 juillet 2009

"I feel so alive. Can you feel it?"

Qui a dit : "Je me sens si vivant. Tu le sens ?" ?
Réponse : Michael Jackson, lors d'une répétition, quelques heures seulement avant sa mort .

Son ami de 20 ans et photographe Kevin Mazur rapportait ces propos en témoignant du bonheur de Michael : "Between songs, he burst into laughter and joked around with his dancers and the director. I have never seen him so happy"

Jorge Ben à la plage

Juillet. Si c'est pas encore les vacances, déjà on y pense. Vu d'ici, la plage n'est pourtant pas bien loin mais ayons une pensée pour ceux qui vivent loin de la mer. Voici donc quelques images pour patienter : une vidéo de Jorge Ben à la plage.
Une curiosité de 1979 où notre Jorge vante les joies du surf. Oh, lui, ne semble pas savoir en faire mais il est là, en maillot de bain, et en profite pour reluquer les filles.

lundi 6 juillet 2009

Michael Jackson: The Man in Our Mirror (Greg Tate)

Parmi les innombrables hommages à Michael Jackson parus depuis sa mort, signalons celui de Greg Tate dans le Village Voice. Que ces brèves citations vous donnent la curiosité d'aller lire la suite...

"The absolute irony of all the jokes and speculation about Michael trying to turn into a European woman is that after James Brown, his music (and his dancing) represent the epitome—one of the mightiest peaks—of what we call Black Music".
Pour l'illustrer, Greg Tate dit que sa vidéo préférée de Michael Jackson est celle où il se lance dans un a cappella, avec démonstration de beatboxing, lors d'une émission d'Oprah Winfrey...



Demeure l'énigme :
"At what point, we have to wonder, did the line blur for him between Dr. Jacko and Mr. Jackson, between Peter Pan fantasies and predatory behaviors? At what point did the Man in the Mirror turn into Dorian Gray? When did the Warholian creature that Michael created to deflect access to his inner life turn on him and virally rot him from the inside?"

Le Stradivarius de l'assiette

En bon toqué du berimbau, je ne voulais pas rater Diario de Naná, le documentaire de Paschoal Samora consacré au voyage de Naná Vasconcelos dans le Recôncavo bahianais, diffusé l'autre soir sur France Ô. Ayant raté le début, je ne vis pas de démonstration de berimbau par un des plus grands virtuoses de l'instrument mais, plus inattendu, j'ai pu assister à la visite de Naná chez Dona Edith do Prato, une figure culte de la culture bahianaise profonde, ayant la particularité d'accompagner son chant d'une assiette frottée d'un couteau.

Longtemps Brésilien de l'extérieur, Naná Vasconcelos, le natif de Récife, confessait qu'il n'était encore jamais venu dans cette région de l'état de Bahia, réputée pour avoir su préserver sa culture et ses traditions. Ainsi, c'est dans la ville de Cachoeira et ses alentours que se pratique encore le candomblé le plus authentique et proche de ses origines africaines. Aussi ce périple de Naná avait-il les allures d'un pèlerinage auprès des mémés de la tradition, qu'elles soient mères des saints ou sambistes. Rien de tel pour se ressourcer que d'échanger avec elles, gardiennes pétillantes des racines culturelles du pays.

Alors, avant chaque visite, Naná fait son marché. Pour l'une, il achète un paon qu'elle offrira à son orixa, me semble-t-il (c'est à partir de là que je pris le doc' en cours). Pour la visite suivante, on le voit dans un bazar tester, en percussionniste, la sonorité de diverses assiettes. Et là, sans même avoir vu le générique, j'ai deviné qui serait la prochaine mémé sur sa liste : Dona Edith do Prato.

Edith Oliviera Nogueira a vécu toute sa vie à Santo Amaro da Purificação, la petite ville d'où sont originaires les Velloso. Très liée à la famille, elle fut même la nourrice de Caetano. Encore toute jeune, cette passionnée de samba, commença à frotter une assiette avec un couteau pour en reproduire à sa façon unique les rythmes, d'où son surnom de Dona Edith do Prato (Dona Edith de l'Assiette, ndla). En 1972, elle participa au plus expérimental des albums de Caetano, Araça Azul, où elle interprétait dans son style inimitable "Viola Meu Bem" . Et à cette époque, elle avait déjà une voix de vieille. (Pour information, elle joue également sur "Boas Vindas", sur l'album Circuladô de 1993).

Pour en revenir au documentaire, Naná était tout fier de lui faire cadeau de sa paire d'assiette. Elle commença donc à sortir son couteau pour gratter celles-ci. mais, c'est le cas de le dire, on ne sentait pas Madame Edith trop... dans son assiette. Elle s'arrêta assez rapidement et demanda :
"Apportez-moi donc la mienne !"
Nana de s'exclamer : "ah, bien sûr, le Stradivarius de l'assiette".
Et cette fois-ci, elle sembla retrouver tout son allant à gratter son instrument. En guise de "Stradivarius", comme l'expliquait son petit-fils, une assiette à bon marché peut très bien faire l'affaire : "O prato tem que ser o mais vagabundo e barato, de louça. Não é qualquer louça ou faca que produz o melhor som. A faca tem que ser fina e sem cabo de madeira, toda de inox".

Dona Edith nous a quitté en janvier 2009, à l'âge de 94 ans. Outre les Caetano, Maria Bethânia, ou leur mère Dona Canô (allègre centenaire), de nombreux artistes bahianais ont tenu à lui rendre hommage, comme Carlinhos Brown qui déclarait : "Com um pirex, uma colher e aquele sorriso ela fazia uma festa. Seja feliz, ela dizia, e isso é que ela nos ensinou: a ser feliz". J'invite tous les amateurs de musique brésilienne authentique et roots à écouter son unique album, enregistré alors qu'elle avait déjà 86 ans, Vozes da Purificação, idéal pour se ressourcer dans la joie. En faire une cure, c'est le traitement de fond qui garantira le plein d'allégresse. Alors qu'il est de coutume de dire qu'aujourd'hui, à Bahia, où les percussions ont conquis leurs lettres de noblesse, elles sont "passées de la cuisine au salon", avec Dona Edith cette reconnaissance s'est faite avec ses ustensiles en guise d'instruments et avec lesquels elle posait son groove de base infaillible. Voyez-ça !